courrier : William Thayer |
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Après avoir décrit, dans les livres précédents, les pays compris dans les deux premiers climats, nous avons jugé convenable d'observer dans celui‑ci la même méthode relativement à la description des villes et des provinces, des villages et des capitales, en indiquant leurs distances respectives en milles et en journées. Nous traiterons séparément de chaque pays, en ayant soin de faire connaître son état actuel, ses importations et ses exportations, les mers, les rivières, les étangs et les lacs qui s'y trouvent, les montagnes qu'on y remarque, avec l'indication deº leur étendue ; nous parlerons aussi des plants, des arbres, des mines, des animaux ; nous indiquerons les sources des fleuves, leurs cours et leurs embouchures, d'après les notions et les relations existantes : le tout en son lieu, d'une manière claire et concise, conformément au plan que nous nous sommes tracé, et avec le secours du Tout-Puissant.
La première section du troisième climat commence à l'océan qui baigne la partie occidentale du globe terrestre. Du nombre des îles de cet océan est celle de Sâra, située près de la mer Ténébreuse. On raconte que Dzou 'l‑Carnaïn y aborda avant que les ténèbres eussent couvert la surface de la mer, y passa une nuit, et que les habitants de cette île l'assaillirent, lui et ses compagnons de voyage, à coups de pierre et en blessèrent plusieurs. Une autre île du même océan se nome l'île des diablesses (Djazîrato 's‑S'âlî), 53 dont les habitants ressemblent p61 plutôt à des femmes qu'à des hommes ; les dents canines leur sortent de la bouche, leurs yeux étincellent comme des éclairs et leurs jambes ont l'apparence de bois brûlé ; ils parlent un langage inintelligible et font la guerre aux monstres marins. Sauf les parties de la génération, nulle différence ne caractérise les deux sexes, car les hommes n'ont pas de barbe ; leurs vêtements consistent en feuilles d'arbres. On remarque ensuite l'île de la déception (Djazîrat Khosrân), d'une étendue considérable, dominée par une montagne au flanc de laquelle vivent des hommes de couleur brune, d'une petite taille et portant une longue barbe qui leur descend jusqu'aux genoux ; ils ont la face large et les oreilles longues ; ils vivent des végétaux que la terre produit spontanément et qui ne diffèrent guère de ceux dont se nourrissent les animaux. Il y a dans cette île une petite rivière d'eau douce qui découle de la montagne. L'île d'al‑Ghaur (al‑Ghaur), également considérable, abonde en herbes et en plantes de toute espèce. Il y a des rivières, des étangs et des fourrés qui servent de retraite à des ânes (sauvages) et à des bœufs qui portent des cornes d'une longueur extraordinaire. Du nombre de ces îles est ensuite celle des suppliants (al‑Mostachkîn). On dit que cette île est peuplée, qu'il y a des montagnes, des rivières, beaucoup d'arbres, de fruits, de champs cultivés. La ville qui s'y trouve est dominée par une citadelle. On raconte qu'à une époque antérieure à Alexandre, il y avait dans cette île un énorme dragon qui dévorait tout ce qu'il rencontrait, hommes, bœufs, ânes et autres animaux. Lorsqu'Alexandre y aborda, les habitants se plaignirent des dommages que leur causait ce dragon et ils implorèrent le secours du héros. Le monstre avait fait de tels ravages dans leurs troupeaux, qu'ils avaient résolu de s'imposer plutôt une taxe quotidienne de deux taureaux qu'on plaçait auprès de sa tanière ; il sortait pour les dévorer, puis se retirait jusqu'au lendemain, en attendant un nouveau tribut. « Est‑il dans p62 l'usage de sortir par un seul endroit ou par plusieurs ? » demanda Alexandre. — « Par un seul. » — « Indiquez‑moi donc le lieu. » — Ils l'y conduisirent, en apportant en même temps les deux taureaux qu'ils placèrent au lieu ordinaire ; aussitôt le monstre s'avança semblable à un nuage noir ; ses yeux étaient étincelants comme des éclairs et sa gueule vomissait des flammes ; il dévora les taureaux et disparut. 54 Alexandre ayant fait placer, le lendemain et le jour suivant, pas autre chose que deux veaux auprès de sa caverne, pour lui causer une faim extraordinaire, ordonna aux insulaires de prendre deux taureaux, de les écorcher et de remplir leurs peaux d'un mélange de résine, de soufre, de chaux et d'arsénic, et de les exposer à l'endroit indiqué. Le dragon sortit de sa retraite, comme de coutume, et dévora cette nouvelle proie ; quelques instants après, se sentant empoisonné par cette composition, où l'on avait, d'ailleurs, eu soin de mettre aussi des crochets en fer, il faisait tous les efforts imaginables pour la vomir, mais les crochets s'étant embarrassés dans son gosier, il se renversa la gueule béante pour reprendre haleine. Alors, conformément aux dispositions faites par Alexandre, on fit rougir des morceaux de fer et, les ayant placés sur des plaques du même métal, on les lança dans la gueule du monstre ; la composition s'enflamma dans ses entrailles et il expira. C'est ainsi que Dieu fit cesser le fléau qui affligeait les habitants de cette île ; ils en remercièrent Alexandre, lui témoignèrent une grande affection et lui offrirent des présents consistant en diverses curiosités de leur île ; ils lui donnèrent, entre autres choses, un petit animal qui ressemblait à un lièvre, mais dont le poil était d'un jaune brillant comme de l'or ; cet animal, appelé bagrâdj, porte une corne noire et fait fuir par sa seule présence tous les animaux, même les lions et d'autres bêtes féroces,a et les oiseaux.
Dans la même mer se trouve l'île de Calhân, dont les habitants sont de forme humaine, mais portent des têtes d'animaux ; ils plongent dans la mer, en retirent les animaux dont ils ont pu se saisir et s'en nourrissent p63 ensuite. Une autre île de cette mer se nomme l'île des deux frères magiciens. On raconte que ces deux frères, dont l'un s'appelait Chirhâm et l'autre Chirâm, exerçaient la piraterie sur tous les vaisseaux qui venaient à passer auprès de l'île ; ils faisaient périr les navigateurs et s'emparaient de leurs biens ; mais Dieu, pour les punir, les métamorphosa en deux rochers que l'on voit s'élever sur les bords de la mer. Ce ne fut qu'après cet événement que l'île devint peuplée. Elle est située en face du port d'Asafî, 55 et à une distance telle que, lorsque l'atmosphère est tout à fait sans brouillard, on peut, dit‑on, apercevoir du continent la fumée qui s'élève de l'île. Cette particularité ayant été racontée à Ahmed ibn Omar surnommé Racamo 'l‑Iwaz, que le prince des Musulmans Alî ibn Yousof ibn Tâchifîn avait chargé du commandement de toute sa flotte, il voulait y aborder avec les navires qui l'accompagnaient ; mais la mort le surprit avant qu'il eût pu accomplir ce projet. On a recueilli des détails curieux, relativement à cette île et à la raison pourquoi le port d'Asafî reçut ce nom, de la bouche des aventuriers (al‑mogharriroun), voyageurs de la ville de Lisbonne en Espagne, qui y abordèrent. Le récit de cette aventure est assez long, et nous aurons l'occasion d'y revenir quand il sera question de Lisbonne.
Dans cette mer il existe également une île d'une vaste étendue et environnée d'épaisses ténèbres. On l'appelle l'île des moutons (Djazîrato 'l‑Ghanam), parce qu'il y en a des troupeaux énormes ; ces animaux sont petits et leur chair est amère, à tel point qu'il n'est pas possible d'en manger. Nous devons ce renseignement au récit des aventuriers. Près de cette île est celle de Râca, qui est l'île des oiseaux p64 (Djazîrato 't-Toyour). On dit qu'il s'y trouve une espèce d'oiseaux semblables à des aigles, rouges et armés de griffes ; ils font la chasse aux animaux marins dont ils se nourrissent, et ne s'éloignent jamais de ces parages. On dit aussi que l'île de Râcâ produit une espèce de fruits semblables aux figues de la grosse espèce, et dont on se sert comme d'un antidote contre les poisons. L'auteur du Livre des merveilles rapporte qu'un roi de France, informé de ce fait, équipa un navire qu'il envoya vers cette île pour obtenir de ces fruits et de ces oiseaux, parce qu'il avait été informé des propriétés médicales de leur sang et de leur foie ; mais le vaisseau se perdit et ne revint jamais.
Aux îles de cette mer appartient encore l'île d'as‑Sâciland (l'Islande ?), dont la longueur est de 15 journées, sur 10 de largeur. Il y avait autrefois trois villes grandes et bien peuplées ; des navires y abordaient et s'arrêtaient pour y acheter de l'ambre et des pierres de diverses couleurs ; mais, par suite des dissensions et des guerres civiles qui eurent lieu dans ce pays, la plupart de ses habitants périrent. Beaucoup d'entre eux franchirent la mer 56 pour se transporter sur le continent de l'Europe, où leur race subsiste encore très nombreuse, à l'époque où nous écrivons ; nous en reparlerons quand il sera question de l'île d'Irlande.
Lâca, autre île de cette mer, produit, dit‑on, beaucoup de bois d'aloës ; on prétend qu'il est sans odeur sur les lieux, mais qu'il acquiert du parfum aussitôt qu'il est exporté et qu'il a traversé la mer. Ce bois est noir et très lourd. Autrefois les marchands se rendaient à cette île pour se procurer du bois d'aloës qu'ils vendaient ensuite aux rois du Maghrib occidental. On raconte qu'elle était alors habitée et même bien peuplée ; mais elle a cessé de l'être, et les serpents ont envahi l'île entière, tellement qu'à présent on n'y saurait aborder sans danger. D'après ce que nous apprend Ptolémée le Claudien, cette mer p65 renferme 27,000 îles peuplées et non peuplées. Nous n'avons parlé ici que de quelques-unes d'entre elles qui sont situées dans le voisinage de la terre ferme et qui jouissent d'un certain degré de culture et de civilisation ; quant aux autres, il n'y a rien qui nous engage à les mentionner.
La présente section comprend les villes de Noul Lamta, Tazoccâght et Agharnou, qui appartiennent au territoire du Sahara ; Taroudant,º Tîouyouîn et Tânmalalt, qui font partie du Sous occidental (al‑Akçâ) ; puis elle comprend dans le pays des Berbers les villes de Sidjilmâsa, Dar'a, Dây, Tâdela, Cal'at Mahdî ibn Towâla, Fèz (Fâs), Mecnâsa, Salâ et autres ports de l'océan ; les villes de Tlemcen (Tilimsân), Tatan wa Corâ, Çofrouy, Maghîla, Aguersîf, Carânta, Wadjda, Malîla, Oran (Wahrân), Tâhart et Achîr ; dans le Maghrib central (al‑Gharbo 'l‑Ausat) Tenes,º Brechk, Alger (Djazâïr Banî Mazghannâ ou al‑Djazâïr), Tedles, Bougie (Bidjâya), Djîdjil, Milyâna, al‑Cal'a, al‑Masîla, al‑Ghadîr, Maggara, Nigâous, Tobna, 57 Constantine (al‑Cosantîna), Tîdjîs, Baghâya, Tifâch, Dour Madîn, Bilizma, Dâr Malloul et Mîla.
La plupart des villes que nous venons d'énumérer sont peuplées d'hommes d'origine berbère. Ces peuples habitaient anciennement la Palestine, à l'époque où régnait Djâlout (Goliath), fils de Dharîs, fils de Djâna, qui est le père des Zenâta du Maghrib et qui est lui-même fils de Loway ibn Ber ibn Cais ibn Elyâs ibn Modhar. David (sur qui soit la paix !) ayant tué Djâlout le Berber, les Berbers passèrent dans le Maghrib, parvinrent jusqu'aux extrémités les plus reculées de ce pays et s'y répandirent. Les tribus de Mezâta, de Maghîla et de Dharîsa s'établirent dans les montagnes ; celle de Lowâta dans la terre de Barca ; une portion de la tribu de Houwâra dans les montagnes de p66 Nafousa, les autres dans le Maghrib occidental (al‑Maghribo 'l‑Akçâ), où les tribus de Maçmouda se joignirent à elles et peuplèrent le pays. Voici les noms des principales tribus berbères : Zenâta, Dharîsa, Maghîla, Magdar, Banou Abd Rabbihi, Warfadjoum, Nafza, Nafzâwa, Matmâta, Lamta, Çanhâdha, Houwâra, Kitâma, Lowâta, Mezâta, Çadrâta, Içlâsin, Madiouna, Zabboudja, Medâsa, Câlama, Auraba, Hotîta, Walîta, Banou Manhous, Banou Samdjoun, Banou Wârgalân, Banou Isdarân, Banou Zîrdjî, Wardâsa, Zarhoun, et d'autres que nous aurons occasion de nommer ci-après, sil plaît à Dieu, lorsque nous traiterons des terres qu'elles occupent.
Quant aux pays du Noul occidental (al‑Akça) et de Tâzoccâght, ils appartiennent aux Lamtouna du Sahara, tribu de Çanhâdja. Çanhâdj (père des Çanhâdja) et Lamt (père des Lamta) étaient deux frères dont le père s'appelait Lamt ibn Za'zâ', descendant de Himyar, et la mère Tâzoggây (Tâçoggây) la boiteuse (al‑'ardjâ), issue de la tribu de Zenâta. Çanhâdj et Lamt avaient encore un frère utérin dont le père p67 se nommait al‑Miswar ibno 'l‑Motsannâ ibn Cola' ibn Aiman ibn Sa'id ibn Himyar, et qui reçut le surnom de Houwâr, à cause d'une expression (tirée de la langue arabe) dont (son père) fit usage dans une occasion. 58 Un long voisinage des tribus d'origine arabe avec les tribus berbères a fait adopter aux premières la langue berbère, de sorte que toute distinction de race a disparu.
Il arriva qu'un jour un émir arabe nommé al‑Miswar, qui habitait avec sa tribu dans le Hidjâz, ayant perdu quelques chameaux, sortit pour aller les chercher ; il passa le Nil, alla dans le Maghrib, et s'étant aventuré jusque dans les montagnes de Tripoli, il demanda à l'esclave qui l'accompagnait, dans quel pays ils se trouvaient, à quoi l'autre répondit qu'ils étaient en Afrique (Ifrikîya). En ce cas, nous sommes fous, répondit le maître, en employant le mot de tahauwarna ; or tahauwor est synonyme de homoc (être sot). Voilà d'où dérive ce nom de Houwâr. Al‑Miswar cependant, au lieu de retourner dans son pays, se fixa parmi une peuplade Zenâtienne avec laquelle il conclut une alliance. C'est là qu'il vit Tâzoggây, mère de Çanhâdj et de Lamt, dont il vient d'être fait mention ; il devint éperdument amoureux de cette dame, qui était jolie, d'un bel embonpoint, d'une taille élancée, bref d'une beauté extraordinaire ; il la demanda en mariage et l'obtint. A l'époque dont il est question, Tâzoggây était veuve de Lamt et avait auprès d'elle ses deux fils Çanhâdj et Lamt. Elle eut d'al‑Miswar un enfant mâle qui fut nommé al‑Motsannâ, et qui, après la mort de son père, resta, avec ses frères utérins Lamt et Çanhâdj, chez sa mère Tâzoggây et chez ses oncles de la tribu de Zenâta. Lamt et Çanhâdj eurent chacun beaucoup d'enfants, et leur famille parvint à soumettre de nombreuses peuplades ; ce fut alors que les tribus berbères s'étant réunies pour s'opposer à leur domination, les vainquirent et les refoulèrent jusque dans les déserts p68 voisins de la mer Ténébreuse. Ils se fixèrent dans ces contrées, et c'est là que leurs descendants mènent une vie nomade jusqu'à nos jours, divisés en plusieurs peuplades. Ils possèdent des troupeaux de chameaux et des dromadaires de race noble ; ils changent souvent de campement. Les deux sexes font usage de kisâ's de laine et portent des turbans de la même étoffe dits carâzî ; ils se nourrissent de lait de chameau et de la chair de ces animaux séchée au soleil et pilée. Les marchands étrangers leur apportent du blé et surtout du raisin sec 59 dont ils extraient une boisson très douce en broyant les raisins, les macérant dans l'eau, puis décantant la mixture. Leur pays produit beaucoup de miel, avec lequel ils préparent un mets qu'ils nomment asallou et dont ils sont très friands. Voici de quelle manière ils s'y prennent : ils font griller du blé à un degré modéré, le broient ensuite grossièrement, y ajoutent la même quantité de beurre et de miel, le pétrissent et le font cuire ; lorsque cette pâte est ainsi préparée, ils en remplissent leurs sacs à provisions. C'est un mets délicat et tellement nourrissant, qu'une personne qui n'en aurait mangé le matin qu'une poignée, en y joignant un peu de lait pour boisson, pourrait marcher jusqu'au soir sans éprouver la moindre faim.
Il n'existe dans le pays d'autre ville dans laquelle ces peuplades puissent se retirer, que celle de Noul Lamta et celle d'Azoggâ (Azoggî) qui appartient aussi aux Lamta. Noul est à la distance de 3 journées de la mer et de 13 journées de Sidjilmâsa.
Noul est une ville grande et ne peuplée, située sur une rivière qui vient du côté de l'orient, et dont les rivages sont habités par des tribus de Lamtouna et de Lamta. On y fabrique des boucliers connus sous le nom de boucliers Lamtiens, qui sont les plus parfaits qu'on puisse imaginer à cause de leur solidité et de leur élégance. Ces boucliers étant d'une très bonne défense et pourtant très légers à porter, les peuples du Maghrib s'en servent dans les combats. On fabrique aussi dans la même ville des selles, des mors de cheval, des bâts de chameau, des p69 vêtements (kisâ) appelés safsâria et des bornos' dont une paire se paye environ cinquante dénares. Les habitants possèdent beaucoup de vaches et de moutons, et ont, par conséquent, du laitage et du beurre en abondance. C'est dans cette ville que les peuplades de cette contrée viennent se pourvoir de ce dont ils ont besoin.
Parmi les tribus de Lamta, on compte celles de Massoufa, de Wachân, et de Tamâlta ; parmi celles de Çanhâdja,º les Banou Mançour, les Tamîya, les Goddâla, les Lamtouna, les Banou Ibrahîm, les Banou Tâchifin, les Banou Mohammed, etc.
La ville d'Azoggâ (Azoggî), qui appartient au pays des Massoufa et des Lamta, est la première station du Sahara ; 60 de là à Sidjilmâsa on compte 13 journées de marche, et à Noul 7. Cette ville n'est pas grande, mais elle est bien peuplée ; les habitants portent des mocandarât, vêtements de laine qu'ils nomment cadâwirº (gandour). Un voyageur qui a visité cette ville prétend que les femmes non mariées, lorsqu'elles ont atteint l'âge de quarante ans, se prostituent au premier venu. La ville s'appelle Azoggâ (Azoggî) en langue berbère, et Coucadam dans la langue de Guinée. Celui qui veut se rendre à Sillâ, à Tacrour ou à Ghâna du pays des nègres, doit nécessairement passer par ici.
Quant à Sidjilmâsa, c'est une ville grande et populeuse, fréquentée par des voyageurs, entourée de vergers et de jardins, belle au dedans et au dehors ; elle n'a point de citadelle, mais elle consiste d'une série de palais, de maisons et de champs cultivés le long des bords d'un fleuve venant du côté oriental du Sahara ; la crue de ce fleuve, pendant l'été, ressemble à celle du Nil, et ses eaux sont employées pour l'agriculture p70 de la même manière que le sont celles du Nil chez les Egyptiens. Les récoltes sont abondantes et certaines ; il arrive souvent qu'après quelques années consécutives d'inondation abondante, la terre produit spontanément du blé de la même espèce que celui qu'on a moissonné l'année précédente. Ordinairement cependant, après l'inondation annuelle, les habitants ensemencent les champs et, la récolte faite, ils laissent les éteules jusqu'à l'année suivante, lorsqu'elles poussent de nouveau et fournissent une seconde récolte. Ibn Haucal raconte qu'il suffit de semer une fois pour que l'on puisse moissonner ensuite pendant sept années consécutives, mais il ajoute que le froment ainsi produit finit par dégénérer en une espèce de grain qui tient le milieu entre le froment et l'orge, et qui s'appelle irdan tîzwâw. La ville possède beaucoup de dattiers et produit diverses sortes de dattes, entre autres l'espèce nommée al‑bornî, de couleur très verte, dont les noyaux sont très petits et qui surpasse en douceur tous les fruits. 61 Les habitants de Sidjilmâsa cultivent aussi le coton, le cumin, le carvi et le henna ; ils exportent ces divers articles dans le Maghrib et ailleurs. Les constructions de cette ville sont belles ; mais, durant les derniers troubles qui ont eu lieu de nos jours, une grande partie a été ruinée et brûlée. Les habitants mangent du chien et du lézard de l'espèce hirdzaun, appelé par eux âgzim. Les femmes supposent que c'est à cette nourriture qu'elles doivent l'embonpoint qui les caractérise. D'ailleurs, il y a dans ce pays peu d'habitants qui soient exempts d'ophthalmie ; la plupart ont la vue faible et les yeux leur pleurent sans cesse.
La distance qui sépare Sidjilmâsa d'Aghmât Warîca est d'environ 8 journées, et de Sidjilmâsa à Dar'a, on en compte 3 (fortes). Cette dernière n'est entourée ni de murs, ni de fossés ; c'est seulement une p71 réunion de villages rapprochés les uns des autres et de champs cultivés, appartenant à des familles berbères de race mélangée. Elle est située sur la rivière qui descend de Sidjilmâsa, et on y cultive le henna, le cumin, le carvi et l'indigo. Le henna y réussit surtout et parvient à la hauteur d'un arbre, de sorte que, pour en recueillir la graine, on est obligé de se servir d'échelles ; cette graine est ensuite exportée dans tous les pays. Ce climat (le troisième) est le seul où l'on recueille la graine du henna. Quant à l'indigo, celui que l'on cultive à Dar'a n'est pas très bon, mais on en fait usage dans le Maghrib parce qu'il y est à bas prix : il arrive souvent qu'on le mêle avec de l'indigo étranger de bonne qualité et qu'on le vend ainsi mélangé.
On compte 4 journées de Dar'a au Sous occidental (al‑Akça), pays dont la ville principale est Târoudant. Le pays du Sous contient un grand nombre de villages et est couvert de champs cultivés qui se succèdent sans interruption. Il produit d'excellents fruits de toute espèce, savoir : des noix, des figues, du raisin de l'espèce dite adzârâ, 62 des coings,º des grenades de l'espèce dite amlîsî, des citrons d'une grosseur extraordinaire et fort abondants, des pêches, des pommes rondes et gonflées (comme les mamelles d'une femme), et la canne à sucre d'une qualité tellement supérieure, soit sous le rapport de la hauteur et de l'épaisseur de la tige, soit sous celui de la douceur et l'abondance du suc. On fabrique dans le pays du Sous du sucre qui est connu dans presque tout l'univers et qui porte le nom de son pays ; il égale en qualité les sucres appelés solaimânî et tabarzad, et il surpasse toutes les autres espèces en saveur et en pureté. On fabrique dans le même pays des étoffes fines et des vêtements d'une valeur et d'une beauté incomparables. Les habitants sont de couleur brune ; les femmes sont, en général, d'une p72 beauté parfaite et très habiles dans les ouvrages manuels. Du reste, le Sous produit du blé, de l'orge et du riz qui se vendent à très bon marché. Le seul reproche qu'on puisse faire à ce pays, c'est le défaut d'urbanité, la grossièreté et l'insolence de ses habitants. Ils appartiennent à des races mélangées de Berbers Maçmoudis ; leur habillement consiste en un manteau (kisâ) de laine dans lequel ils s'enveloppent entièrement ; ils laissent croître leurs cheveux, dont ils ont un très grand soin ; ils les teignent chaque semaine avec du henna et les lavent deux fois par semaine avec du blanc d'œuf et de la terre d'Espagne ; ils s'entourent le milieu du corps de mizar's de laine qu'ils appellent âsfâkis. Les hommes sortent constamment armés de javelots dont le bois est court, la pointe longue et faite du meilleur acier. Ils mangent beaucoup de sauterelles frites et salées. Sous le rapport des opinions religieuses, les habitants du Sous se divisent en deux classes : ceux de Târoudant sont Mâlekî avec quelques modifications ; ceux de Tîouyouîn professent les dogmes de Mousa ibn Dja'far ; de là vient qu'ils vivent dans un état continuel de troubles, de combats, de meurtres et de représailles. Du reste ils sont très riches et jouissent d'un bien-être considérable. Ils font usage d'une boisson appelée ânzîz, agréable au goût et plus enivrante encore que le vin, parce qu'elle est plus forte et plus spiritueuse ; pour la préparer, ils prennent du moût de raisin doux 63 et le font bouillir jusqu'à ce qu'il n'en reste que les deux tiers dans le vase ; ils le retirent alors du feu, le mettent en cave et le boivent. Cette boisson est tellement forte qu'on ne saurait en faire usage impunément sans y ajouter la même quantité d'eau. Les p73 habitants du Sous en considèrent l'usage comme permis tant qu'elle ne cause pas une complète ivresse.
Entre les deux villes du Sous, c'est-à-dire Târoudant et Tîouyouîn, on compte une journée de voyage à travers des jardins, des vignes, des vergers plantés d'arbres à fruits de toute espèce. Les viandes y sont abondantes et à très bon marché ; les habitants (comme je l'ai dit) sont méchants et pétulants. De la capitale du Sous (c'est-à-dire de Taroudant)º à la ville d'Aghmât on compte 6 journées ; on passe par les campements des tribus berbères Maçmoudiennes dites : Antî Nitât, Banou Wâsanou, Ancatoutâwan, Ansatît, Ar'an, Aguenfîs et Antouzgît, qui appartiennent toutes à la tribu de Maçmouda par laquelle cette contrée a été occupée. A la même tribu appartiennent aussi les Berbers qui habitent Nafîs de la montagne et les alentours de cette ville, dont ils portent le nom. Nafîs est une petite ville entourée de champs cultivés ; on y trouve du blé, des fruits et de la viande en abondance. Il y a une mosquée djâmi' et un marché bien achalandé qui est fourni particulièrement en diverses espèces de raisins secs d'une saveur exquise et d'une beauté et d'une grosseur incomparables, qui sont très estimés dans le Maghrib occidental.
Pour se rendre de Târoudant du Sous à la ville d'Aghmât-Warîca, on passe au pied de la grande montagne de Daran, remarquable par sa hauteur, par la fertilité du terrain, par le grand nombre d'habitations dont elle est couverte et par son étendue ; elle se prolonge en ligne droite vers l'orient, depuis le Sous occidental, sur les bords de l'océan, jusqu'aux montagnes de Nafousa, où elle se nomme Djabal Nafousa ; elle se confond ensuite avec la chaîne des montagnes de Tripoli, au bout de p74 laquelle le terrain devient tout à fait plat. 64 Plusieurs personnes assurent cependant que cette montagne s'étend jusqu'à la Méditerranée et qu'elle se termine par le cap Autsân. Quoi qu'il en soit, elle produit toute sorte de fruits et est couverte toute espèce d'arbres rares. Des sources d'eau y jaillissent de toutes parts et ses flancs sont embellis par des plantes toujours vertes. Sur les points culminants, on trouve plus de soixante-dix citadelles ou châteaux, parmi lesquelles il en est une placée d'une manière tellement avantageuse et construite si solidement, qu'elle est, pour ainsi dire, inexpugnable. Située, en effet, sur le sommet de la montagne, quatre hommes suffisent pour en défendre l'entrée, chose facile à concevoir, car le seul sentier qui y conduit est étroit, escarpé et semblable à une échelle ; une bête de somme ne saurait y monter qu'avec beaucoup de peine. Cette citadelle se nomme Tânmallalt. C'était le quartier général du Maçmoudî Mohammed ibn Toumart, à l'époque où il parut dans le Maghrib ; il la fortifia et la choisit pour en faire le dépôt de ses trésors et même le lieu de sa sépulture. Lorsqu'il mourut à Djabalo 'l‑Cawâkib (mont des étoiles), les Maçmouda y transportèrent son corps et l'y enterrèrent. De nos jours, son tombeau est considéré par les Maçmouda comme un lieu saint, et il est pour eux l'objet d'un pèlerinage. Ce tombeau est surmonté d'un édifice élevé en forme de dôme, mais sans dorures ni ornements, conformément aux préceptes du nâmous (loi). Parmi les fruits que produit la montagne de Daran, on compte quantité de figues d'une douceur et d'une grosseur extraordinaires ; des raisins de forme oblongue, d'un goût sucré (mielleux) et presque toujours sans pépins ; séchés, ces raisins prennent place parmi les meilleures confitures sur la table des rois du Maghrib, parce que la peau en est tendre et que p75 leur usage est aussi salutaire qu'agréable. Il s'y trouve égalment des noix et des amandes. Quant aux coings et aux grenades, l'abondance en est telle que, pour un kirât, on peut s'en produrer une charge (d'homme). 65 Les prunes, les poires, les pêches, les citrons et la canne à sucre sont tellement abondants, que les habitants n'en font entre eux aucun commerce ; ils possèdent en outre l'olivier, leº caroubier, le mochtahâ, et diverses autres espèces d'arbres, parmi lesquelles on remarque celle qui s'appelle ârcân ; la tige, les branches et les feuilles de cet arbre ressemblent à celles du prunier ; le fruit, par sa forme, ressemble au fruit nommé 'oyoun (sorte de prune noire) ; lors de son premier développement, la peau en est mince et verte, mais elle devient jaune quand le fruit est mûr ; il est d'un goût âpre et acide et n'est point mangeable ; le noyau ressemble à celui des olives, car il est dur et pointu. On recueille ce fruit vers la fin de septembre et on le donne aux chèvres, qui l'avalent après avoir brouté l'enveloppe extérieure ; elles le rejettent quelque temps après ; on le ramasse, le lave, et après l'avoir cassé et broyé, on le presse et on en extrait beaucoup d'huile d'un très beau noir, mais désagréable au goût. Cette huile est d'un usage fréquent dans le Maghrib occidental, où elle sert même pour l'éclairage. Les marchands qui vendent des beignets (osfondj) dans les carrefours l'emploient pour la friture, et elle n'est pas désagréable dans cette patisserie, quoique, lorsqu'elle vient en contact avec le feu, elle exhale une odeur âpre et fétide. Les femmes Maçmoudiennes s'en servent à la toilette pour faire croître, tresser et teindre leurs cheveux ; par ce moyen, ils deviennent lustrés et d'un très beau noir.
p76 La ville d'Aghmât-Warîca est bâtie, du côté du nord, au pied de cette montagne, dans une vaste plaine, sur un sol excellent, couvert de végétation, et sillonné par des eaux qui coulent dans toutes les directions. Autour de la ville, sont des jardins entourés de murs, et des vergers remplis d'arbres touffus. Le site de cette ville est admirable : ses environs sont gais, le sol est excellent, les eaux douces, le climat très sain. Une rivière peu considérable, qui traverse la ville, y apporte ses eaux du côté du midi et en sort au nord. Il existe des moulins à farine sur cette rivière 66 dont on introduit les eaux dans la ville, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche ; les autres jours de la semaine, on les détourne pour l'arrosement des champs et des jardins.
La ville d'Aghmât est située, ainsi que nous venons de le dire, au pied (sous l'aile) de la montagne de Daran. Lorsqu'au temps de l'hiver, les neiges accumulées sur le Daran se fondent, et que les eaux glacées en découlent vers la ville d'Aghmât, il arrive souvent que la rivière se couvre, dans l'intérieur de la ville, d'une glace tellement épaisse qu'elle ne se rompt pas, quoique les enfants s'amusent à glisser sur elle. C'est un fait dont nousº avons été plusieurs fois témoin. Les habitants d'Aghmât sont des Houwâra, tribu berbère d'origine arabe, naturalisée par suite de leur voisinage et de leurs rapports avec les indigènes. Ils sont riches et commerçants ; ils se rendent dans le pays des nègres avec un grand nombre de chameaux chargés de cuivre rouge et colorié, de kisâ's, de vêtements (tob) de laine, de turbans, de mizar's, de toute sorte de colliers et de chapelets en verre, en coquilles et en pierres, de différentes drogues et parfums, et d'ustensiles en fer. Celui qui confie de telles commissions à ses serviteurs ou à ses esclaves possède, dans la caravane, cent, quatre-vingts ou au moins soixante-dix chameaux chargés. Durant la domination des Almoravides (al‑Molattsim), il n'était pas de gens plus riches que les habitants d'Aghmât. Ils avaient p77 coutume de placer, aux portes de leurs maisons, des signaux destinés à indiquer l'importanceº de leurs richesses. Ainsi, par exemple, si quelqu'un d'entre eux possédait 8000 dénares, 4000 en caisse et 4000 employés dans son commerce, il érigeait à droite et à gauche de la porte de sa maison deux soliveaux, qui s'élevaient jusqu'au toit. En passant devant la maison on comptait les soliveaux ainsi plantés, 67 et, par leur nombre, on savait quelle était la somme d'argent que possédait le propriétaire. Il y avait des maisons ornées de quatre ou de six de ces soliveaux, deux ou trois à chacune des deux postes de la porte. Leurs maisons sont pour la plupart en terre et en briques crues (toub), mais on en a construit aussi en briques cuites (adjorr). A l'époque actuelle, la conquête du pays par les Maçmouda a fait éprouver aux habitants d'Aghmât des pertes considérables ; cependant, on peut encore les appeler riches, opulents même, et ils ont conservé leur ancienne fierté et leur mine altière. On est fort incommodé, dans cette ville, par les scorpions, et la piqûre de cet insecte est souvent mortelle. Aghmât produit des fruits et toute sorte de bonnes choses ; tous les vivres y sont à très bas prix.
Au nord d'Aghmât, à la distance de 12 milles, est Maroc (Marrâkich), fondée, au commencement de l'an 470 (1077 de J. C.), par Yousof ibn Tâchifin, sur un emplacement qu'il avait acheté fort cher des habitants d'Aghmât, et qu'il choisit pour sa résidence et celle de sa famille. Cette ville est située dans un bas-fond, où l'on ne voit qu'un petit monticule appelé Idjlîz, dont le prince des Musulmans, Alî ibn Yousof ibn Tâchifin, fit extraire les pierres nécessaires pour bâtir son palais dit Dâro 'l‑hadjar. Comme le terrain sur lequel est construite la ville ne renferme pas d'autres pierres, les maisons sont bâties en terre, en briques crues, et en tapia. L'eau dont les p78 habitants ont besoin pour arroser leurs jardins est amenée au moyen d'un procédé mécanique ingénieux dont l'invention est due à Obaidolla ibn Younos. Il faut savoir qu'il n'est pas nécessaire, pour trouver de l'eau, d'y creuser le sol à une grande profondeur. Or, lorsqu'Obaidolla vint à Maroc, peu de temps après la fondation de cette ville, il n'y existait qu'un seul jardin appartenant à Abou 'l‑Fadhl, 68 client (maulâ) du prince des Musulmans, dont il vient d'être fait mention. Le mécanicien se dirigea vers la partie supérieure du terrain attenant à ce jardin ; il y creusa un puits carré de larges dimensions, d'où il fit partir une tranchée dirigée immédiatement vers la surface du sol ; il continua son creusement par degrés, du haut en bas, en ménageant la pente, de telle sorte, que, parvenue au jardin, l'eau coulât sur une surface plane et se répandîtº sur le sol, ce qui n'a pas discontinué depuis. Au premier abord, on n'observe pas une différence de hauteur suffisante pour motiver l'émanation de l'eau du fonds à la superficie, et on n'en comprend pas la cause ; il n'y a que celui qui sait que ce phénomène tient au juste nivellement de la terre, qui puisse s'en rendre compte.
Le prince des Musulmans approuva beaucoup cette invention, et il combla son auteur de présents et de marques de considération durant son séjour auprès de lui. Les habitants de la ville, voyant le procédé réussir, s'empressèrent de creuser la terre et d'amener les eaux dans les jardins ; dès lors, les habitations et les jardins commencèrent à se multiplier, et la ville de Maroc prit un aspect brillant. A l'époque où nous écrivons, cette ville est une des plus grandes du Maghrib occidental, car elle a été la capitale des Lamtouna, le centre de leur domination et le fil qui les tenait unis ; on y compte un grand nombre de palais construits pour les émirs, les généraux et les ministres de cette dynastie ; les rues sont larges, les places publiques vastes, les édifices hauts, les marchés bien fournis de diverses marchandises et bien achalandés. Il y existait une grande mosquée djâmi' construite par le prince p79 Yousof ibn Tâchifîn ; mais, lorsque de nos jours les Maçmouda se rendirent maîtres de la ville, ils firent fermer la porte de cette mosquée et ne permirent plus d'en faire usage pour la prière ; en même temps ils en firent construire une autre pour leur propre culte. Ces changements furent accompagnés de scènes de pillage, de meurtre et de trafic de choses illicites, car, d'après la doctrine qu'ils professent, tout cela leur est permis. Les habitants de Maroc boivent de l'eau des puits, qu'ils n'ont pas besoin de creuser à une grande profondeur. Il n'y a que de l'eau douce. Alî ibn Yousof ibn Tâchifîn avait entrepris de faire amener à Maroc les eaux d'une source distante de quelques milles de la ville, mais il ne termina pas cet ouvrage. 69 Ce furent les Maçmouda qui, après la conquête du pays, achevèrent les travaux commencés, amenèrent les eaux dans la ville et établirent des réservoirs pour du Dâro 'l‑hadjar, enceinte isolée au milieu de la ville, où se trouve le palais royal.
Maroc a plus d'un mille de long sur à peu pour autant de large. A 5 milles de distance, coule une petite rivière appelée Tânsîft (Tensift), qui ne tarit jamais. Durant l'hiver, c'est un torrent qui emporte tout dans sa fougue. Le prince des Musulmans Alî ibn Yousof avait fait élever, sur cette rivière, un pont d'une construction solide et ingénieuse ; il avait fait venir, à cet effet, des architectes espagnols et d'autres personnes habiles ; l'ouvrage fut construit et avec toute la solidité possible ; mais, au bout de quelques années, les eaux venant avec une force irrésistible, elles emportèrent la majeure partie des piles, disloquèrent les arches, détruisisrent le pont de fond en comble et entrainèrent les matériaux jusque dans la mer. Cette rivière est alimentée par des sources qui jaillissent de la montagne de Daran, du côté d'Aghmât-Ailân.
Aghmât-Ailân est une petite ville, au pied de la montagne de Daran et à l'orient d'Aghmât-Warîca dont nous venons de parler. Aghmât-Ailân est belle, riche et habitée exclusivement par des juifs. Alî ibn Yousof p80 leur avait défendu de s'établir à Maroc et même d'y passer la nuit, sous peine des châtiments les plus sévères. Il leur est permis d'y entrer le jour, mais seulement pour les affaires et les services dont leur nation s'occupe spécialement ; quant à ceux qu'on y trouve après le coucher du soleil, leur vie et leurs biens sont à la merci de tout le monde. Par conséquent les juifs se gardent bien de contrevenir à ce règlement.
Les habitants de Maroc mangent des sauterelles ; on en vend journellement trente charges, plus ou moins, 70 et cette vente était assujetti autrefois à la taxe dite cabâla, qui se percevait sur la vente de la plupart des objets fabriqués et de diverses marchandises, telles que les parfums, le savon, le cuivre jaune, les fuseaux à filer, en proportion de la quantité. Lorsque les Maçmoud s'emparèrent du pays, ils supprimèrent entièrement ces sortes de taxes, en exemptèrent le commerce et condamnèrent à mort quiconque les exigerait ; c'est pourquoi, de nos jours, on n'entend plus parler de cabâla dans les provinces soumises aux Maçmouda.
Au midi de Maroc habite la tribu Maçmoudienne d'Ailân, et autour d'elle les Nafîs, les Banou Idfar, les Doggâla, les Radjrâdja, les Zauda, les Hascoura, les Hazradja, toutes tribus berbères ; la tribu Maçmoudienne de Warîca habite à l'orient et à l'occident d'Aghmât.
De Maroc à Salâ, ville sur la littoral de la mer, on compte 9 journées ; la première station, appelée Tounîn, est un village situé à l'entré d'une vaste plaine, qui s'étend en ligne droite sur un espace de 2 journées et qui est habitée par les tribus berbères de Gazoula, Lamta et Çadrâta (Çaddarâta). De Tounîn à Tîcatîn 1 journée. De là au village de Ghafsîc, situé à l'autre extrémité de la plaine, 1 journée. Le sol de cette plaine est couvert entièrement par l'espèce de plante épineuse dite sidr (lotus), dont le fruit porte le nom de nabic. On y trouve des tortues de terre d'un volume plus considérable que celui des tortues p81 de mer, et dont les écailles sont employées par les habitants de ces contrées comme cuvettes et comme vases à pétrir la farine. De Ghafsîc à Om Rabi', bourg considérable, habité par les Berbers de diverses tribus, telles que les Rahouna, une partie de Zenâta et des tribus du Têmsna (Tâmasna), 1 journée. Les tribus du Têmsna sont nombreuses et de diverse origine : on remarque parmi elles des Baraghwâta, des Matmâta (Mitmâta), les Banou Taslat, les Banou Wîgmorân, les Zaccâra, et une branche des Zenâta, notamment les Banou Idjfach de Zenâta. Toutes ces peuplades sont adonnées à l'agriculture, 71 élèvent du bétail et des chameaux, et fournissent d'excellents cavaliers. L'extrême limite du pays qu'elles occupent (du Têmsna) est Marsâ (le port de) Fadhâla, sur l'océan ; la distance entre ce port et le fleuve d'Om Rabî' est de 3 journées.
Le bourg d'Om Rabî' est situé sur un grand fleuve qu'on ne peut traverser qu'à l'aide de bâteaux ; le cours en est rapide et bruyant à cause de la pente du terrain, et il forme de fréquentes cataractes, son lit étant plein de rochers. Le bourg produit beaucoup de laitage et de beurre et jouit d'une grande prospérité ; on y cultive avec succès la blé, qui y est à très bas prix, ainsi que diversº légumes, des farineux, du coton et du cumin. Vis-à-vis d'Om Rabî', qui est situé au midi de la rivière, il y a un grand bois marécageux où les tamaris (tarfâ) et les ormes, entrelacés par leº lierre (ollaic) qui y croît en abondance, forment un touffu impénétrable, servant de repaire à des lions qui parfois attaquent les passants ; cependant, les gens du pays n'en ont aucune frayeur ; ils les combattent avec beaucoup d'adresse et corps à corps ; ils les abordent presque nus, le bras enveloppé du manteau, sans autres armes que des bâtons (?) de la plante épineuse appelée sidra (lotus) et des couteaux. Comme il arrive rarement qu'un lion a le dessus dans un tel combat, on ne les craint plus ; au contraire, p82 ces animaux ont peur des hommes et évitent leur rencontre, se bornant à attaquer les personnes qui ne sont guère en état de se défendre, comme les muletiers etc.
D'Om Rabî' on se rend à Igîsal (Algîsal), joli village pourvu de sources dont l'eau jaillit du milieu des rochers et est employée à l'arrosage des champs, 1 journée.
De là à Anaccâl, village connu aussi sous le nom de Dâr 'l‑Morâbitîn (maison des Almoravides), 1 journée. Il y a une source d'eau limpide qui est surmontée d'une voûte. Le site d'Anaccâl est agréable ; il est entouré de champs cultivés ; les habitants élèvent beaucoup de chameaux et de bétail. Auprès de là s'étend une longue plaine où les autruches se réunissent en troupes, paissent librement par centaines et se répandent sur les collines environnantes ; on les chasse à cheval et on en prend une quantité considérable, grands et petits ; quant aux œufs, le nombre de ceux qu'on trouve dans cette plaine est vraiment incroyable. 72 On en exporte au dehors, mais c'est une nourriture peu saine et qui gâte l'estomac. La chair de l'autruche est froide et sèche ; on emploie la graisse avec succès contre la surdité en l'instillant dans l'oreille et contre d'autres maux extérieurs.b
D'Anaccâl à Mocoul, 1 journée. Mocoul est situé sur le lit d'un torrent à sec, auprès de la plaine de Kharrâz, longue de 12 milles et sans eau. C'est un bourg bien fortifié, peuplé de Berbers, où il y a un marché bien achalandé et pourvu de tout ce dont les habitants ont besoin. Ils possèdent beaucoup de champs cultivés et de bétail.
De Mocoul à Icsîs, 1 faible journée à travers la plaine de Kharrâz. A l'extrémité de cette plaine, coule une rivière qui ne tarit jamais ; elle est entourée de forêts peuplées de lions qui osent attaquer les hommes nuit et jour ; il existe à Icsîs un bâtiment destiné à prendre ces animaux, où l'on en tue parfois trois ou quatre dans une semaine. Les lions craignent beaucoup la clarté du feu et ils n'osent jamais attaquer les personnes munies de flambeaux.
p83 D'Icsîs à la ville de Salâ, 1 journée. Salâ, dite la neuve, est située sur le bord de la mer. La ville ancienne, qu'on nommait Châla, était à 2 milles de la mer, sur les bords de la rivière d'Asmîr, qui baigne aussi les murs de Salâ et se jette dans la mer auprès de cette ville ; Châla, la ville ancienne, est maintenant inhabitée ; on y voit seulement quelques restes d'édifices et de champs qui appartiennent aux habitants de la nouvelle ville. Cette dernière est située (comme nous venons de le dire) sur le bord de la mer, et inapprochable de ce côté ; elle est belle et forte, 73 bien que bâtie sur un terrain sablonneux, et possède de riches bazars. Le commerce d'exportation et d'importation y est florissant, les habitants sont riches, les vivres à bas prix et en abondance ; on y voit des vignes, des vergers, des jardins, des champs cultivés. Le port est fréquenté par des navires qui viennent de Séville et d'autres lieux de l'Espagne ; le principal objet d'importation est l'huile ; on prend, en échange, toute sorte de comestibles destinés pour le littoral de l'Espagne. Les navires qui abordent à Salâ ne jettent point l'ancre dans la rade, parce qu'elle est trop découverte ; ils pénètrent dans la rivière dont il vient d'être question, mais jamais sans pilote, à cause des écueils qui obstruent son embouchure, et des détours qu'elle forme. La marée y monte deux fois par jour ; les vaisseaux entrent au moment de la haute mer et ils en sortent avec le reflux. La pêche dans cette rivière est tellement abondante que le poisson ne trouve quelquefois pas d'acheteurs.
De Salâ aux îles des oiseaux (Djazâiro-'t-Tair), on compte 12 milles, par mer, et de Salâ à Marsâ Fadhâla, en se dirigeant vers le sud, également 12 milles. Les vaisseaux d'Espagne et du littoral de la mer méridionale abordent au port de Fadhâla et y chargent du blé, de l'orge, des fèves et des pois, ainsi que des brebis, des chèvres et des bœufs.
p84 De Fadhâla à Marsâ Anfâ, 40 milles. Anfâ est un port également visité par les vaisseaux marchands, qui viennent y chercher de l'orge et du blé. Le pays environnant est habité par des Berbers appartenant aux tribus des Banou Idfar, de Doggâl et autres.
D'Anfâ à Marsâ Mâzîghan 65 milles en ligne directe (d'un promontoire à l'autre).
Entre Mâzîghan et al‑Baidhâ est un golfe, 30 milles. Un second golfe se trouve entre al‑Baidhâ et Marsâ al‑Ghait, 50 milles.
D'al‑Ghait à Asafî (Asfî, Safî), 50 milles.
74 D'Asafî au cap formé par la montagne de fer (Djabalo 'l‑Hadîd), 60 milles. De ce cap à al‑Ghait, dans le golfe, 50 milles.
Du cap Mâzîghan à Asafî, en ligne directe, 85 milles ; en ligne oblique (en suivant le golfe) 130 milles.
Asafî était anciennement la dernière station des navires ; de nos jours, on la dépasse de plus de 4 journées maritimes (c'est-à-dire de 400 milles). Le pays adjacent est cultivé et peuplé de Berbers Radjrâdja, Zauda et autres. Les vaisseaux, après avoir opéré leur chargement, ne remettent à la voile que dans la saison favorable, aussitôt que le temps est calme et la mer Ténébreuse tranquille. Le nom d'Asafî fut donné à ce port, à cause d'un événement que nous raconterons quand nous aurons à parler de la ville de Lisbonne, située dans la partie occidentale de l'Espagne, persuadés que nous sommes que le mieux est de traiter chaque chose en son lieu. Dieu soit loué !
Du port d'Asafî à Marsâ Mâssat, à l'extrémité du golfe, on compte 150 milles.
Marsâ al‑Ghait est un excellent port, abrité contre la plupart des p85 vents. Les vaisseaux y viennent chercher du blé et de l'orge. Elle est habitée par des familles Maçmoudiennes qui s'adonnent à l'agriculture et qui élèvent des bestiaux. Aux environs demeurent des Berbers Doggâla, tribu dont le territoire s'étend jusqu'à Marsâ Mâssat et à Taroudantº du Sous ; il contient beaucoup de stations, de villages et d'aiguades, mais possède peu d'eau.
D'Aghmât on se rend, en suivant la direction du nord-est, aux deux villes de Dây et de Tâdela, en 4 journées ; ces deux villes sont à la distance de 1 journée l'une de l'autre. Dây est située au pied d'une montagne qui fait partie de la chaîne du Daran. On y exploite des mines de cuivre ; le métal est en général très pur, de qualité supérieure et de couleur blanchâtre ; il s'allie facilement avec d'autres métaux et on l'emploie dans la fabrication des mors d'argent. Lorsqu'on le bat, sa qualité s'améliore et il n'est pas sujet à se fendre comme les autres cuivres. Plusieurs personnes supposent que les mines de cuivre dont il est ici question dépendent du Sous ; c'est une erreur, car la ville de Dây ne fait aucunement partie de ce pays, dont elle est éloignée de plusieurs journées de chemin. 75 Le métal qu'on extrait de ces mines n'est pas seulement employé sur les lieux à divers usages, on l'exporte aussi au loin.
La ville de Dây est petite, mais bien peuplée et fréquemment traversée par des caravanes. On y cultive beaucoup de coton, moins cependant qu'à Tâdela qui en produit une quantité considérable ; presque tous les tissus de coton dont on fait usage dans le Maghrib occidental se font avec le coton venu de ces pays. Les villes de Dây et de Tâdela possèdent abondamment tout ce qui est nécessaire à la vie ; elles sont habitées par des Berbers de différentes tribus. A l'est de ces villes habitent les tribus berbères des Banou Walîm (Walîhim), des Banou Wîzgoun et de Mindâsa. Sur le penchant de la montagne qui p86 touche à la ville de Dây, vit une peuplade de Çanhâdja appelée Amlou.
De Tâdala à Tatan-wa-Corâ, petite ville bien peuplée, habitée par des Berbers de tribus mélangées, où l'on cultive beaucoup de blé et où l'on élève des troupeaux, 4 journées.
De Tatan-wa-Corâ à Salâ, la ville sur le bord de la mer dont il a été fait mention ci-dessus, 2 journées.
De Salâ à Fèz (Fâs), 4 journées. La ville de Fèz consiste proprement de deux villes séparées par une rivière considérable, dont les sources sont connues sous le nom de sources de Çanhâdja (Oyoun Çanhâdja), et dont les eaux font tourner un grand nombre de moulins, où la réduction du blé en farine s'obtient à un très bas prix. La ville septentrionale se nomme al‑Carawîin (ville des habitants du Cairawân), la ville méridionale al‑Andalos. L'eau est rare dans cette dernière ; il n'y a qu'un seul canal qui ne fournit qu'aux besoins de la partie supérieure de la ville. Quant à celle d'al‑Carawîin, l'eau circule abondamment dans les rues, et les habitants s'en servent pour nettoyer leur ville durant la nuit, de sorte que, tous les matins, les rues et les places publiques sont parfaitement propres ; on trouve, d'ailleurs, des fontaines, dont l'eau est plus ou moins pure, dans toutes les maisons. Chacune des deux villes a sa mosquée djâmi' et son imâm particuliers ; 76 les habitants des deux quartiers sont en rixes continuelles les uns avec les autres et se livrent souvent des combats sanglants.
La ville de Fèz renferme beaucoup de maisons, de palais, de métiers ; ses habitants sont industrieux, et leur architecture, ainsi que leur industrie, a un air de noblesse ; il y règne une grande abondance de toute sorte de vivres ; le blé surtout y est à meilleur marché qu'en aucun des pays voisins. La production de fruits est considérable. On y voit p87 de toutes parts des fontaines surmontées de coupoles et des réservoirs d'eau voûtés et ornés de sculptures ou d'autres belles choses ; les alentours sont bien arrosés, l'eau y jaillit abondamment de plusieurs sources, tout y a un air vert et frais ; les jardins et les vergers sont bien cultivés, les habitants fiers et indépendants.
De Fèz à Sidjilmâsa, 13 journées. On passe par Çofrouî, on se rend ensuite à Cal'at Mahdî, à Tâdala, à Dây, à Chi'bo 'ç-Çafâ, et l'on traverse la grande montagne (le Daran), puis on va du côté méridional de la montagne à Sidjilmâsa.
Çofrouî est à 1 journée de Fèz et à 2 de Cal'at Mahdî ; c'est une petite ville bien peuplée, mais où il n'y a que peu de bazars. La plupart des habitants sont laboureurs et élèvent du bétail ; les eaux y sont douces et abondantes.
Cal'at Mahdî est une place très forte, située au sommet d'une montagne élevée ; il y a des bazars et diverses sources de prospérité ; on s'y livre à l'agriculture et à l'education des troupeaux.
De Cal'at Mahdî à Tâdala 2 journées. Au sud de Cal'at Mahdî habitent diverses tribus de Zenâta, savoir les Banou Samdjoun, les Banou 'Idjlân, les Banou Tasegdalt, les Banou Abdolla, les Banou Mousa, les Banou Mârouî (Mârounî), les Tacalammân, les Arîlouchan, les Antacfâcan et les Banou Sâmirî.
De Fèz à Mecnâsa (Méquinèz), on compte 40 milles, en se dirigeant vers l'occident. Mecnâsa (est la capitale du pays des Mecnâsa qui) contient plusieurs bourgs, et est située sur la route de Salâ. L'itinéraire de Fèz à Mecnâsa est comme il suit :
De Fèz on se rend à Maghîla, ville autrefois populeuse, commerçante, possédant beaucoup de champs cultivés, 77 située dans une vaste plaine parfaitement arrosée, couverte de verdure et de fleurs, d'herbes et d'arbres fruitiers, mais aujourd'hui ruinée. Le site de ce lieu est agréable et la température moderée.
p88 De Maghîla à la rivière de Sanât, puis à la plaine du palmier (Fahço'n-Nakhla), puis à Mecnâsa.
Cette dernière ville porte aussi le nom de Tâcarart ; située sur un terrain élevé, elle n'a éprouvé aucun notable changement. C'est une belle ville, à l'est de laquelle coule une petite rivière qui fait tourner les moulins des habitants ; tout autour on voit des jardins et des champs cultivés ; le sol y est très fertile ; les sources de bien-être diverses. Mecnâsa a été appelée ainsi d'après le nom de Mecnâs le Berber, personnage qui vint s'établir dans le Maghrib avec sa famille et qui mit en état de culture divers terrains contigus, qu'il distribua parmi ses fils. Du pays de Mecnâsa dépend la ville de Banî Ziyâd, ville peuplée, renfermant des bazars, des bains et quelques édifices remarquables ; les rues sont arrosées par des ruisseaux d'eau courante. A l'époque des Almoravides (al‑Molattsim), Banî Ziyâd était, après Tâcarart, la ville la plus florissante de cette contrée : ces deux villes sont distantes l'une de l'autre et de Banî Tâwra, d'un quart de mille. (Banî) Tâwra était autrefois une ville populeuse et riche, possédant plus bazars et de bonnes fabriques ; le pays produit une quantité de fruits qui excède les besoins de ses habitants ; une grande rivière qui vient du côté du midi se divise, au-dessus de la ville, en deux branches, dont l'une fournit de l'eau dans toutes les rues et dans la plupart des maisons. Entre (Banî) Tâwra et Banî Ziyâdº se trouvent deux petites villes : l'une d'elles s'appelle al‑Caçr (le château) ; elle est sur la route de Tâcarart à as‑Souco 'l‑Cadîma (l'ancien marché), à la distance de 2 jets de flèche. Elle fut fondée, entourée de murs et munie d'un château par l'un des émirs Almoravides ; il n'y avait que quelques bazars et l'on y faisait peu de commerce, 78 sa seule destination étant de servir de résidence à cet émir et à sa suite. L'autre de ces deux petites villes, située à l'est de celle‑ci, porte le nom de Banî Atouch ; les palais y sont nombreux et entourés de jardins. Le pays produit des olives, des figues, du raisin et d'autres fruits en abondance, tout à très bon marché. p89 Là où les demeures de Banî Atouch finissent, commencent les campements et les maisons d'une peuplade de Mecnâsa, appelée Banou Bornous, sur les bords du cours d'eau qui arrose Banî Atouch ; les habitants y cultivent du blé, de la vigne, beaucoup d'oliviers et d'arbres à fruit. Les fruits y sont à très bas prix.
Au nord de Caçr Abî Mousâ (le château d'Abou Mousâ, c'est-à-dire al‑Caçr) se trouve as‑Souco 'l‑Cadîma, marché florissant où l'on se rend de près et de loin tous les jeudis, et où se rassemblent toutes les tribus des Banou Mecnâs. Celles qui habitent cette contrée sont les Banou Sa'îd et les Banou Mousâ. Il y a encore d'autres tribus berbères qui habitent la même contrée, mais qui ne font point partie des Mecnâsa, savoir : les Banou Basîl, les Maghîla, les Banou Maç'oud (Mas'oud), les Banou Alî, les Waryâgal, les Demmer, les Wârba et les Çabghâwa. Le territoire qu'elles occupent est remarquable par la fertilité du sol et la richesse de la végétation ; l'élève du bétail y réussit à merveille. Les vêtements de tous ces Berbers consistent en des kisâ's (manteaux) et des carâzî (chapeaux). A l'ouest du pays de Mecnâsa et à 3 journées de distance est Caçr Abdi 'l‑Carîm (le château d'Abdo 'l‑Carîm), petite ville habitée par des Berbers de diverses familles de la tribu de Danhâdja, et située sur la rivière d'Aulcos (Luccus), qui, après l'avoir traversée, coule dans la direction du sud. La ville est éloignée de la mer d'environ 8 (3) milles ; elle en est séparée par un terrain pour la majeure partie sablonneux. Elle possède des champs cultivés et des pâturages ; on y trouve du gibier et du poisson. Il s'y tient un marché fréquenté ; les habitants se livrent à l'exercice de divers métiers.
De Caçr Abdi 'l‑Carîm à Salâ, on compte 2 journées, savoir : d'al‑Caçr (Caçr Abdi 'l‑Carîm) à al‑Ma'moura, une, et une d'al‑Ma'moura p90 à Salâ. La rivière d'Aulcos (Luccus) est une des plus considérables du Maghrib ; 79 elle reçoit les eaux d'un grand nombre d'affluents ; ses rivages sont couverts de champs cultivés, de bourgs et de campements.
Fèz est le point central du Maghrib occidental ; ses environs sont habités par des tribus berbères qui parlent l'arabe ; ce sont : les Banou Yousof, les Fandalâwa, les Bahloul, les Zowâwa, les Madjâça, les Ghiyâta et les Salâldjoun. Cette ville est la grande capitale de l'empire, fréquentée par des voyageurs de tous pays ; c'est le but auquel tendent les caravanes pour y apporter tout ce qu'il y a de beau et d'excellent en étoffes et en marchandises de toute espèce. Les habitants sont riches et jouissent de toutes les recherches du luxe et de toutes les commodités de la vie.
De Fèz à la ville de Ceuta (Sabta), sur le détroit de Gibraltar (Bahro'z-Zocâc), en se dirigeant vers le nord, 7 journées.
De Fèz à Tlemcen (Tilimsân) 9 journées ; voici l'itinéraire qu'on suit :
De Fèz on se rend vers la grande rivière de Sabou, qui vient des environs de Cal'at Ibn Towâla (le château d'Ibn Towâla, c'est-à-dire Cal'at Mahdî), et qui, en poursuivant son cours, passe à 6 milles à l'orient de Fèz, où il reçoit les eaux de la rivière de Fèz (Fâs) avec ses affluents. Ses bords sont couverts de villages et de champs cultivés.
De là à Nomâlta, 1 journée. Nomâlta est un village entouré de p91 terres labourées et situé sur une rivière qui vient du côté du midi et qui s'appelle Wâdîº Inâwan.
Puis à Carânta, ville ruinée, dont le territoire produit beaucoup de raisin et d'autres fruits ; elle possède des champs cultivés arrosés artificiellement.
De là à Bâb Zenâta, rivière voisine de celle d'Inâwan, dont les bords sont parfaitement cultivés et offrent d'excellents pâturages pour les troupeaux qu'on y élève, 10 milles.
De là à Cal'at Gormata, fort qui domine la rivière d'Inâwan, avec un marché, des champs cultivés et des pâturages, 1 journée.
80 De Gormata, en passant au bas de la montagne, à Mazâwir, fort de peu d'importance et presque abandonné, mais dont le territoire produit beaucoup d'orge et de froment, 1 journée.
De là à la rivière de Masoun, 1 journée ; on passe par Tâbrîdâ, place forte, bâtie sur une colline qui domine les bords du fleuve de Molouya, lequel, après s'être uni avec celui de Çâ', se décharge dans la mer entre Djorâwa Ibn abi 'l‑Aich et Malîla.
p92 De là à Çâ', petite ville ruinée par les Maçmouda, située au pied d'une colline, sur une grande rivière qui la traverse, 1 journée.
De là à Tornâna (Barcâna), place forte avec un marché florissant, des vignes et des jardins bien arrosés, 1 journée.
De là à al‑Alawîin, gros bourg situé sur une grande rivière qui vient du midi, où les fruits sont excellents et abondants, 1 journée.
De là à Tlemcen (Tilimsân), 1 faible journée. Tlemcen est une ville très ancienne, entourée d'une forte muraille et divisée en deux quartiers, séparés l'un de l'autre par un mur. Son territoire est arrosé par une rivière qui vient d'aç-Çakhratain (les deux rochers), montagne où s'élève un fort qu'avait fait construire le Maçmoudî (Abdo 'l‑Moumin), antérieurement à la prise de Tlemcen, pour y résider pendant le siége. Cette rivière passe à l'est de la ville, fait tourner plusieurs moulins et arrose les champs situés sur les bords. On trouve à Tlemcen toutes choses en abondance et à bon marché, beaucoup de fruits et surtout de la viande excellente ; on y fabrique des objets d'un débit facile, et on s'y livre avec succès au commerce ; ses habitants sont les plus riches du Maghrib, en exceptant ceux d'Aghmât et ceux de Fèz. En effet, la ville p93 de Fèz possède un territoire plus vaste, des ressources plus étendues et des édifices plus importants.
De Fèz à Banî Tâwadâ, on compte 2 journées. Cette ville fut fondée par un émir sur l'ordre du prince Almoravide (al‑Molattsim) et était autrefois florissante, son territoire produisant tout ce dont les habitants avaient besoin en fait de céréales, de laitage, de beurre et de miel, tandis que les bazars étaient bien fournis. Par sa situation dans le voisinage de la montagne de Ghomâra, ce lieu était comme une place frontière, formant une barrière contre les incursions des brigands de Ghomâra qui infestaient ces contrées. Entre elle et l'extrémité (méridionale) de la montagne de Ghomâra, il y a une distance de 3 milles. Entre Banî Tâwadâ et Fèz s'étend une plaine traversée par la rivière de Sabou. Du lieu où la rivière coupe la route de Banî Tâwadâ, à Fèz, on compte 20 milles. La plaine est habitée par des tribus berbères connues sous le nom de Lamta. Leur territoire s'étend depuis Banî Tâwadâ jusqu'à la rivière de Sabou et jusqu'au village d'Ocâcha. Entre ce village et Banî Tâwadâ, on compte 1 journée ; entre ce même bourg et la ville de Fèz, 2 journées. La ville de Banî Tâwadâ fut entre celles du Maghrib la première victime des désastres qu'a causés la conquête des Maçmouda. Ils la ruinèrent de fond en comble, renversèrent ses murs et rasèrent ses édifices, de sorte qu'il n'en reste que l'emplacement. Cependant, à l'époque où nous écrivons, une centaine d'individus s'y sont fixés pour y cultiver les champs à cause de la bonté du sol, de la richesse de la végétation et de l'excellence du blé que ce pays produit.
Les caravanes qui partent de Tlemcen pour Sidjilmâsa vont d'abord à Fèz, puis à Çofrouî, de là à Tâdala, ensuite à Aghmât, de là à Banî Dar'a, et enfin à Sidjilmâsa. Il existe une seconde route par p94 le désert ; bien qu'elle soit peu fréquentée, nous l'indiquerons ici :
82 º De Tlemcen au village de Târou, 1 journée.
A la montagne de Tâmadit, 1 journée.
A Ghâyât, village ruiné, avec un puits dont l'eau est limpide et froide, 1 journée.
A Çadrât appartenant à une tribu berbère, 1 journée.
A Djabal Tîwî, ville ruinée, au pied d'une montagne, où est une source d'eau jaillissante, 1 journée.
A Fatât, nom d'un puits au milieu d'une plaine, 1 journée.
A Chi'bo 'ç-Çafâ, lieu situé entre la montagne de Daran et le cours d'une rivière qui vient de là et qui en est séparé par une distance d'une journée, 2 journées.
A Tendalî, village habité, 1 journée.
Au village de Temesnân, 1 journée.
A Tacrabt, 1 journée.
A Sidjilmâsa, 3 journées.
La ville de Tlemcen peut être considérée comme la clé du Maghrib, car elle se trouve sur la grande route et on ne peut ni entrer dans le Maghrib occidental ni en sortir sans la traverser.
La distance de Tlemcen à Tenès est de 7 journées. On se rend de Tlemcen à al‑Alawîin, gros bourg bien peuplé et bâti sur les bords d'une rivière, avec des jardins et des sources d'eau.
De là à Bâbalout, village considérable et fort peuplé, situé sur les bords d'une rivière où il n'y a pas de moulins, mais qui sert à l'arrosage des champs, 1 journée.
p95 De Bâbalout au village de Sî, situé sur les bords du Marghît qui est une petite rivière, 1 journée. Le territoire de ce village est coupé dans tes les directions par des canaux d'irrigation.
De là à Rahlo 'ç-Çafâcif, station très peuplée sur les bords d'une rivière qui vient de l'est, c'est-à-dire du côté d'Afeccân. De cette station à la ville d'Afeccân 1 journée.
Il y avait autrefois à Afeccân (Feccân) des moulins, des bains, des palais et beaucoup de vergers, 83 le tout entouré d'une muraille de terre qui a été détruite et dont on ne voit actuellement que quelques restes. La rivière, qui divise la ville en deux parties égales, coule, après l'avoir quittée, vers Tâhart.
D'Afeccân à al‑M'ascar (Mascara), gros bourg bien arrosé et riche en fruits, 1 journée.
De là, en passant au bas de la montagne de Farhân, au village d'Aino-'ç-Çafâcif, qui produit beaucoup de fruits et de céréales, 1 journée.
De là à la ville d'Ilal (Jalal), où l'on trouve de l'eau en abondance, servant à l'arrosage des vergers et des champs, et dont le sol est très favorable à l'agriculture et la végétation riche, 1 journée.
De là à Ghozza, ville de peu d'étendue, mais remarquable par une foire où l'on se réunit à jour fixe, 1 journée. Il y a dans cette ville un bain, de beaux édifices, et autour, des champs cultivés.
De là à Souc Ibrahîm, ville de la même étendue que la précédente, située sur les bords du Chelif.
p96 De Souc Ibrahîm à Bâdja 1 journée. Bâdja est une jolie petite ville dont les environs sont plantés de figuiers. On fait, avec les fruits de cet arbre, une espèce de pâte en forme de brique et portant le nom de brique (toub), dont on remplit des cabas qui s'exportent dans les pays environnants.
De là à Tenès 1 journée. Tenès est à 2 milles de la mer ; construite en partie sur une colline qui se trouve dans l'enceinte du mur, en partie sur un terrain égal, c'est une ville très ancienne, entourée d'une forte muraille. Les habitants boivent de l'eau de source. A l'est, coule une rivière dont l'eau est abondante et qui sert, durant l'hiver et durant le printemps, aux besoins publics. Le territoire de cette ville est fertile ; il produit du blé en abondance et assez d'autres céréales pour en exporter au dehors ; le port est fréquenté par des navires ; on y trouve des fruits excellents et de toute espèce, et surtout des coings d'une grosseur et d'une beauté admirables.
84 De Tlemcen à Oran (Wahrân) sur le rivage de la mer, on compte deux fortes journées, ou selon d'autres 3 journées. Voici comment : En quittant Tlemcen, on se dirige à Wâdîº Wârau, où l'on stationne, 1 journée. De là au village de Tânît, une autre journée. De cette station on se rend à Oran.
La ville d'Oran, située dans le voisinage de la mer, est entourée d'un mur de terre construit avec art. On y trouve de grands bazars, beaucoup de fabriques ; le commerce y est florissant. Elle est située vis-à-vis d'Almeria, sur la côte d'Espagne, dont un intervalle de 2 journées de navigation la sépare. C'est d'Oran qu'on tire en grande partie les approvisionnements du littoral de l'Espagne. Aux portes de la ville est un port trop peu considérable pour offrir quelque sécurité aux navires ; mais à 2 milles de là, il en existe un plus grand, al‑Marsâ al‑Kabîr, p97 où même les plus grands vaisseaux peuvent mouiller en toute sûreté, protégés contre tous les vents ; il n'en est pas de meilleur ni de plus vaste sur toute la côte du pays des Berbers. Quant à la ville d'Oran, ses habitants boivent de l'eau d'une rivière qui y vient de l'intérieur du pays, et dont les rives sont couvertes de jardins et de vergers. On y trouve des fruits en abondance, du miel, du beurre, de la crême et du bétail, tout à très bon marché : les navires espagnols se succèdent sans interruption dans ses ports. Les habitants de cette ville se distinguent par leur activité et par leur fierté.
Voici l'itinéraire de Tenès à al‑Masîla, ville qui appartient aux états des Banî Hammâd dans le Maghrib central :
De Tenès à Banou Wârîfan, 1 faible journée par des montagnes escarpées. Banou Wârîfan est un gros village entouré de vignes et de jardins arrosés artificiellement au moyen de roues hydrauliques (sânia), où l'on cultive l'oignon, le chenevis, le henna et le cumin. Les meilleurs vignobles trouvent sur le bord de la rivière de Chelif, qui est à 2 journées de distance de Tenès.
De Banou Wârîfan à al‑Khadhrâ, 1 journée. Al‑Khadrâ est une petite ville fortifiée, sur le bord d'un ruisseau qui coule au travers de champs cultivés et des vignes. Parmi les fruits que le pays environnant produit, les coings sont surtout remarquables. On y trouve un bain et un marché très fréquenté par les habitants de ces contrées.
D'al‑Khadhrâ à Milyâna, 1 journée. Milyâna est une ville très ancienne, située agréablement dans un pays fertile et bien cultivé ; il y coule une rivière qui arrose ses champs, ses jardins, ses vergers, 85 et qui fait tourner des moulins ; ses environs sont baignés en partie par les eaux de la rivière de Chelif.
p98 A 3 jours de chemin de cette ville, vers le sud, s'étendent les montagnes de Wâncherîs, habitées par les tribus berbères dont les noms suivent : Mecnâsa, Harsoun, Auraba, Banou abî Khalîl, Ketâma, Matmâta, Banou Malîlt, Banou Wârtogân, Banou abî Khalîfa, Islâtan, Zoulât, Banou Wâtamchous, Zowâwa, Nizâr, Matgara, Wâratrîn, Banou abî Bilâl, Izgarou, Banou abî Hakîm et Houwâra. Ces montagnes occupent un espace de 4 journées et se prolongent jusqu'au voisinage de Tâhart.
De Milyâna à Cazennâya, 1 journée. Cazennâya est une place forte très ancienne, entourée de champs cultivés ; elle est située sur la rivière de Chelif ; il s'y tient un marché où l'on se réunit tous les vendredis.
De Souc-Cazennâya (marché des Cazennâya) on se rend au village de Rîgha, 1 journée. Le territoire de Rîgha est vaste, bien arrosé et bien cultivé. On y trouve des jardins et des vergers et il s'y tient un marché à jour fixe chaque semaine.
De là à Mâwargha, joli petit village, bien pourvu d'eau et entouré de champs cultivés, 1 journée.
p99 De là à Achîr Zîrî, place forte, agréablement située dans un pays fertile, avec un marché bien fourni à jour fixe, 2 journées.
De là à Tâmazkîda, 1 journée.
De là à al‑Masîla, 2 journées.
La ville d'al‑Masîla est de nouvelle date. Elle fut fondée par Alî ibno 'l‑Andalosî, sous le règne d'Idrîs ibn Abdollah ibno 'l‑Hasan ibno 'l‑Hasanº ibn Alî ibn abî Tâlib. Elle est située dans une plaine, au milieu de champs cultivés 86 dont les productions excèdent les besoins des habitants. Il y a des pâturages pour les chevaux et le bétail qu'ils élèvent, des jardins qui produisent des fruits et des légumes, des champs destinés à la culture du coton, du froment et de l'orge. Les Berbers qui habitent la ville et ses environs sont : les Banou Berzâl, les Zandâg, les Houwâra, les Çadrâta et les Mezâta. Al‑Masîla est commerçante, bien peuplée, et bâtie sur les bords d'une rivière peu profonde, mais dont les eaux, qui sont douces, ne font jamais défaut. Il s'y pêche une sorte de petit poisson couvert de raies rouges, d'une espèce particulière à cette contrée, circonstance dont les Masîliens se vantent ; ce poisson est beau et long d'un empan ou moins ; on en prend une grande quantité qu'on vend à Cal'at Banî Hammâd (al‑Cal'a), la distance entre cette ville et al‑Masîla n'étant que de 12 milles.
Al‑Cal'a (le château des Banou Hammâd) est une des villes les plus considérables de la contrée ; elle est riche, populeuse, remplie de beaux édifices et d'habitations de toute espèce ; on y trouve de tout en abondance et à bas prix. Elle est située sur le penchant d'une montagne escarpée qui est d'un accès difficile et entourée par les murailles de la ville. Cette montagne s'appelle Tâcarbast et est contiguë par l'un de ses côtés à une vaste plaine. C'est de ce côté p100 que la ville fut attaquée (par les Maçmouda) et prise d'assaut.
Le pays est infesté par une multitude de scorpions noirs dont la morsure est mortelle. Les habitants font usage, pour se préserver de leur venin, d'une infusion de la plante dite le folion harrânî : il suffit, à ce qu'on dit, d'en prendre deux drachmes pour se garantir durant une année de toute douleur causée par la piqûre de ces insectes. La personne qui m'a raconté cette particularité avait été dans le cas de faire elle-même l'épreuve du remède. Elle me dit qu'ayant été piquée par un scorpion, elle but une infusion de cette plante et ne ressentit qu'une douleur passagère ; et que, le même accident lui étant arrivé trois fois dans le cours de l'année, elle n'en fut nullement incommodée. L'alfolion croît abondamment dans les environs d'al‑Cal'a.
L'itinéraire de Tlemcen à al‑Masîla est comme il suit ;
De Tlemcen à Tâhart, 4 journées, savoir :
De Tlemcen à Tâdara, village situé au bas d'une montagne où se trouve une source d'eau jaillissante, 1 journée.
87 De là à Naddây, petit village situé dans une vaste plaine où sont deux puits dont l'eau est limpide et froide, 1 journée.
De là à la ville de Tâhart, 2 journées.
Tâhart est à 4 journées de la mer. Il y avait autrefois deux grandes villes de ce nom, l'une ancienne (al‑cadîma), l'autre moderne (al‑hadîtsa) ; la première était entourée de murs et située sur un monticule peu élevé. Tâhart est habitée par des Berbers qui s'adonnent avec succès au commerce et à l'agriculture ; il y a d'excellents haras p101 qui fournissent des bêtes de somme et des coursiers ; on y élève beaucoup de bœufs et de brebis ; le beurre, le miel et toutes sortes de vivres y sont en abondance. La ville est bien pourvue d'eau, que l'on conduit dans la plupart des maisons pour l'usage des habitants ; elle est entourée de jardins et de vergers parfaitement arrosés et produisant beaucoup de fruits. C'est un très beau pays.
De Tâhart à A'bar, petit village situé sur les bords d'un ruisseau, 1 journée.
De là à Dârassat, village petit, mais environné de champs cultivés et de pâturages, 1 journée.
De là à Mâmâ, petite ville entourée d'une muraille en briques et en terre et d'un fossé. Il y a une rivière d'eau douce dont les bords sont couverts de champs cultivés, qui produisent beaucoup de blé, 1 journée.
De Mâmâ au village d'Ibn Modjabbir, gros bourg où il y a des champs cultivés et de l'eau de source douce et qui est habité par des Zenâta, 1 journée.
De là à Achîr Zîrî, dont nous avons parlé ci-dessus, 1 journée.
D'Achîr Zîrî à Satîyat, village pourvu d'une source d'eau, 1 journée.
De là au bourg ruiné de Hâz, situé dans une plaine sablonneuse, mais possédant des sources, 1 journée.
88 De là à al‑Masîla, on compte 1 journée.
Voici les tribus qui habitent entre Tlemcen et Tâhart : ce sont les Banou Marîn, les Ourtatgîr, les Zîr, les Ourtîd, les Mânî, les p102 Oumânnou, les Sindjâsa, les Ghomert, les Iloumân, les Ourmâkisîn, les Todjîn, les Ourchiffân, les Maghrâwa, les Banou Râchid, les Timtilâs, les Manân, les Zaccâra et les Tîmannî. Toutes ces tribus sont issues des Zenâta. Maîtres de ces plaines, ces peuples changent souvent leursº campements pour aller à la recherche de pâturages ; cependant ils possèdent des demeures fixes ; ce sont d'ailleurs des cavaliers dangereux pour la sûreté des voyageurs ; ils sont remarquables par leur sagacité, par leur esprit et surtout par leur habileté dans l'art de lire dans l'avenir au moyen de pronostics tirés de l'omoplate des moutons. Voici la généalogie des Zenâta : Djâna, le père de tous les Zenâta, était fils de Dharîs ou Djâlout (Goliath) qui fut tué par David, sur qui soit la paix ! Dharîs était fils de Lowâ, fils de Nefdjâw qui est la père de tous les Nefzâwa. Nefdjâw était fils de Lowâ aîné, fils de Ber, fils de Cais, fils d'Elyâs, fils de Modhar ; par conséquent les Zenâta étaient originairement des Arabes de race pure, mais, par suite des alliances qu'ils ont contractées avant les Maçmouda leurs voisins, ils sont devenus eux-mêmes Berbers.
Revenons maintenant à Oran (Wahrân) : nous disons que cette ville est distante de Tenès de 2 journées de navigation, c'est-à-dire, de 204 milles.
De Tenès à Brechk, on compte, en suivant la côte, 36 (66) milles.
De Tenès à Milyâna, par terre, 2 journées.
p103 De Milyâna à Tâhart, 3 journées.
Brechk est une petite ville bâtie sur une colline et entourée d'une muraille de terre ; elle est voisine de la mer. Ses habitants boivent de l'eau de source qui y est douce. Elle fut prise par le grand roi Roger l'an 5… Son territoire produit des fruits, beaucoup de blé et de l'orge.
89 De là à Cherchâl, 20 milles. Entre ces deux dernières villes est une montagne d'un difficile accès, habitée par une tribu berbère appelée Rabî'a.
Cherchâl est une ville de peu d'étendue, mais bien peuplée ; on y trouve des eaux courantes et des puits d'eau douce et limpide, beaucoup de fruits et notamment des coings d'une grosseur énorme, comme si c'étaient de petites courges ; ce sont vraiment des merveilles dans leur espèce. On y cultive aussi des vignes et quelques figuiers ; du reste, la ville est entourée de familles bédouines qui élèvent des bestiaux et recueillent du miel en abondance ; le gros bétail forme leur principale ressource ; ils sèment de l'orge et du blé, et ils en récoltent plus qu'ils ne peuvent en consommer.
De Cherchâl à Alger (al‑Djazâir des Banî Mazghannâ) on compte 70 milles.
Alger est située sur le bord de la mer ; ses habitants boivent de l'eau douce provenant de sources près de la mer et de puits. C'est une ville très peuplée, dont le commerce est florissant, les bazars très fréquentés, les fabriques bien achalandées. Autour de la ville s'etend une plaine entourée de montagnes habitées par des tribus berbères qui cultivent du blé et de l'orge, mais qui s'occupent principalement de l'élève des bestiaux et des abeilles. C'est à cause de cela que le beurre et le miel sont tellement abondants dans ce pays qu'on en exporte souvent au loin. Les tribus qui occupent cette contrée sont puissantes et belliqueuses.
D'Alger à Tâmadfous (Matifou), en se dirigeant vers l'est, 18 milles.
p104 Tâmadfous est un beau port auprés d'une ville petite et ruinée. Les murs d'enceinte sont presque entièrement renversés, la population peu nombreuse ; on dit que c'était autrefois une très grande ville et on y voit encore les restes d'anciennes constructions, de temples et de colonnes en pierre.
De Tâmadfous à Marsâ 'd-Daddjâdj (Port aux poules), 20 milles.
Cette ville est d'une étendue considérable et entourée de fortifications ; la population y est peu nombreuse ; souvent même, pendant l'été, la plupart des habitants prennent la fuite et se retirent dans l'intérieur des terres, afin d'éviter les attaques des troupes ennemies qui débarquent sur la côte. Il y a un bon port. Le froment réussit à merveille dans ses environs ; les viandes et les fruits y sont excellents et à bon marché ; le pays produit surtout beaucoup de figues et l'on exporte au loin des cabas remplis de ces fruits, soit secs, soit en pâtes (toub). 90 La ville est célèbre pour cette raison.
De Marsâ'd-Daddjâdj à la ville de Tadallis (Dellis), 24 milles.
Tadallis, située sur une hauteur, est entourée d'une forte muraille. Le pays environnant est fertile et présente un aspect riant par les maisons de plaisance des habitants. Tous les objets de consommation y sont abondants et à bas prix ; le nombre des bœufs et de brebis qu'on y élève est tellement grand, qu'on les vend à très bon marché et qu'on en exporte une quantité considérable dans les pays voisins.
De Tadallis à la ville de Bougie (Bidjâya), on compte, par terre, 70 milles, et par mer 90.
Bougie, située près de la mer, sur des rochers escarpés, est abritée, au nord, par une montagne dite Masioun, très élevée, d'un difficile accès et dont les flancs sont couverts de plantes utiles en médecine, telles que l'arbre du hodhad (suc du lycium), le scolopendre, le berberis, la grande centaurée, l'aristolochia, le costus (?), l'absinthe et p105 autres semblables. On trouve sur cette montagne beaucoup de scorpions de couleur jaune, peu dangereux.
De nos jours, Bougie est la capitale du Maghrib central et la ville la plus importante (litt. : l'œil) des états des Hammâdites. Les vaisseaux y abordent, les caravanes y viennent, et c'est un entrepôt de marchandises. Ses habitants sont riches par le commerce et plus habiles dans divers arts et métiers qu'on ne l'est généralement ailleurs. Les marchands de cette ville sont en relation avec ceux du Maghrib occidental, du Sahara et de l'orient ; on y entrepose beaucoup de marchandises de toute espèce. Autour de la ville sont des plaines cultivées où l'on recueille du blé, de l'orge, des figues et d'autres fruits en abondance. Il y a un chantier, où l'on construit de gros bâtiments, des navires et des galères, car les montagnes et les vallées environnantes sont très boisées et produisent de la résine et du goudron d'excellente qualité. 91 On s'y livre à l'exploitation des mines de fer qui donnent à bas prix de très bon minerai ; en un mot, c'est une ville très industrieuse. A la distance d'un mille de Bougie coule une grande rivière qui vient du côté de l'ouest, des environs des montagnes de Djordjora, et qui, près de son embouchure, ne peut être traversée qu'en bateau ; plus haut, dans l'intérieur des terres, les eaux de cette rivière sont moins profondes et on peut la passer à gué.
La ville de Bougie est un centre de communications. Voici les distances qui en séparent les villes principales du Maghrib central :
Bougie est éloignée d'Icdjân d'une journée et demie.
p106 De Bilizma, d'un peu plus de 2 journées.
De Satîf, de 2 journées.
De Baghâya, de 8 journées.
De Cal'at Bichr, de 5 journées. Cette dernière place dépend de Biscara.
De Tîfâch, de 6 journées.
De Câlama, de 8 journées.
De Tebessa, de 6 journées.
De Dour Madîn, de 11 journées.
D'al‑Caçrain, de 6 journées.
De Tobna, de 7 journées.
C'est à la ruine d'al‑Cal'a que Bougie doit sa prospérité. La ville d'al‑Cal'a fondée par Hammâd ibn Bologgîn a donné son nom à la dynastie des Hammâdites. Elle était dans son temps, avant la fondation de Bougie, la capitale de leur empire, l'entrepôt de leurs trésors, de leurs biens, de leurs munitions de guerre et de leurs blés. Il y avait pour ces derniers des magasins tellement excellents qu'on pouvait les garder une et même deux années, sans avoir à craindre la moindre altération. On y trouvait des fruits, d'excellents comestibles à prix modique, et une grande variété de viandes. Dans ce pays, ainsi que dans ceux qui en dépendent, le bétail et les troupeaux réussissent à merveille, à cause de l'excellence des pâturages, et les récoltes y sont tellement abondantes, qu'en temps ordinaire, elles excèdent les besoins des consommateurs, et qu'elles suffisent dans les années de stérilité : en un p107 mot, on n'y éprouve jamais de disette. Nous avons parlé plus haut de la ville en elle-même et de la nature de ses constructions ; il nous reste à dire qu'elle est adossée à une grande montagne qui la domine et qui est entourée de tous côtés par les murailles de la ville. Du côté du midi s'étend une vaste plaine où l'on ne voit ni montagne, ni colline quelconque. 92 Ce n'est qu'à une certaine distance, et même après avoir parcouru quatre journées de chemin, que l'on commence à en apercevoir confusément.
A 12 milles à l'ouest d'al‑Cal'a, et dans la province de Tobna, est la ville d'al‑Masîla dont nous avons parlé plus haut. A l'est d'al‑Cal'a et à la distance de 8 milles est située al‑Ghadîr, belle ville non ancienne dont les habitants sont des Bédouins qui se livrent avec succès aux travaux de l'agriculture, car le terrain fertile et partout cultivé produit d'abondantes récoltes. Al‑Masîla est distante de 8 milles d'al‑Ghadîr.
Voici l'itinéraire de Bougie à al‑Cal'a :
De Bougie à al‑Mahdîc ; puis à Souco 'l‑Ahad (le marché du dimanche) ; à Wâdîº Waht ; à Hiçn Tâcolât, où l'on fait halte.
Hiçn Tâcolât est une place forte située sur une hauteur qui domine les bords de la rivière de Bougie ; c'est un lieu de marché. On y trouve des fruits ainsi que de la viande en abondance. Hiçn Tâcolât renferme plusieurs beaux édifices, des jardins et des vergers appartenant au prince Yahya ibno 'l‑'Azîz.
De là on se rend à Tâdaract (Tâdaraft) ; ensuite à Souco 'l‑Khamîs (le marché du jeudi) ; puis à Hiçn Becr, où l'on fait halte.
Hiçn Becr est un château fort au milieu de vastes pâturages et sur les bords du grand fleuve qui en baigne le côté méridional. Il s'y tient un marché bien fréquenté.
p108 De Hiçn Becr on se dirige vers Hiçn Wârfou, que l'on appelle aussi Wâfou (Râfou) puis vers le village d'al‑Caçr, où l'on laisse la rivière de Bougie à l'ouest, pour se tourner vers le midi, du côté de Hiçno 'l‑Hadîd, 1 journée.
On se rend ensuite à as‑Cha'râ ; puis à Caçr (Coçour) Banî Tarâkich ; puis à Tâwart, gros village peuplé, situé sur une rivière d'eau salée, et où l'on fait halte. Les habitants de ce lieu boivent de l'eau de puits creusés dans le lit sec d'un torrent qui vient de l'est.
De Tâwart on se rend aux montagnes d'al‑Bâb, à travers lesquelles coule la rivière salée ; 93 c'est un défilé dangereux pour les voyageurs, car les déprédations des Arabes s'étendent jusque là ; puis au château d'as‑Sacâif ; de là à Hiçno 'n-Nâthour ; ensuite à Souco 'l‑Khamîs (le marché du jeudi), où l'on fait halte ; tout le pays est infesté par les brigands arabes.
Souco 'l‑Khamîs est une place forte située sur le sommet d'une montagne où l'on trouve de l'eau de source. Cette place est suffisamment forte pour rendre vains les efforts des Arabes qui voudraient s'en emparer ; du reste, il y a peu de champs cultivés et de ressources.
De là on se rend à al‑Tamâta, qui est un plateau sur le haut d'une montagne ; puis à Souco 'l‑Itsnain (le marché du lundi), où l'on fait halte. C'est un château fort, autour duquel rôdent continuellement les Arabes, et défendu par une garnison.
De là à Hiçn Tâfacânat, place forte ; puis à Tâzcâ (Tâzoggâ), petite forteresse ; puis à 'Atîya, fort situé sur le sommet d'une montagne. On passe ensuite par trois lieux fortifiés et l'on parvient au fort d'al‑Cal'a, 1 journée.
p109 Les habitants de tous ces lieux vivent avec les Arabes dans un état de trève qui n'empêche pas qu'il ne s'élève entre eux des rixes individuelles dans lesquelles l'avantage reste ordinairement aux Arabes. En effet, les troupes locales ont les mains liées, tandis que leurs adversaires peuvent impunément leur causer du dommage, car les Arabes exigent continuellement le prix du sang, tandis qu'eux-mêmes ne le payent jamais.
D'al‑Masîla on se rend à Tobna en 2 journées.
Tobna est la capitale du Zâb ; elle est jolie, bien pourvue d'eau, située au milieu de jardins, de plantations de coton, de champs ensemencés de blé et d'orge, et entourée d'une muraille de terre. Ses habitants, qui sont un mélange de diverses peuplades, se livrent avec succès à l'industrie et au négoce. On y trouve des dattes en abondance, ainsi que d'autres fruits.
D'al‑Masîla on se rend à Maggara, petite ville, où l'on cultive des céréales et beaucoup de lin, 1 journée.
De Maggara à Tobna, 1 journée.
De Tobna à Bougie, on compte 6 journées.
De Tobna à Bâghây (Bâghâya), 4 journées.
De Tobna, en se dirigeant vers l'est à Dâr Malloul, 1 forte journée.
Cette ville était autrefois très peuplée et très commerçante ; ses champs sont cultivés, et du haut de la citadelle on peut apercevoir une étendue de pays considérable, et observer les mouvements des Arabes qui rôdent dans cette contrée. Les habitants de Dâr Malloul boivent de l'eau de source.
94 Entre cette ville et Nigâous, 3 journées. A une forte journée de Dâr Malloul s'élève la montagne d'Aurâs. La distance de Dâr Malloul à al‑Cal'a est de 3 journées.
Quant à l'Aurâs, on considère cette chaîne de montagnes comme faisant partie de celles de Duran (l'Atlas) du Maghrib occidental. Sa configuration p110 est celle d'un (lam) recourbé vers ses extrémités ; elle s'étend sur 12 journées de long. On y trouve beaucoup d'eau, des habitations et des cultures nombreuses, des peuples fiers, belliqueux et redoutables à leurs voisins.
De Tobna à Nigâous, 2 journées. Nigâous est une petite ville dont les environs sont plantés de divers arbres à fruit et surtout de noyers sont les fruits s'exportent au dehors. Il y a un marché bien fourni et plusieurs sources de bien-être :
De Nigâous à al‑Masîla, 3 ou 4 journées.
De Nigâous à Biscara, place bien fortifiee, situés sur un tertre élevé, avec un marché et des champs cultivés, et produisant des dattes de qualité supérieure, 2 journées.
De là au fort de Bâdis, situé au pied de la montagne d'Aurâs, 3 journées. Bâdis est une belle place très peuplé, mais les Arabes sont maîtres de la campagne et ne laissent sortir personne qui ne se soit placé sous la protection d'un homme de leur tribu.
De là à al‑Masîla, on compte 4 milles.
A 4 journées à l'est de Cal'at Banî Hammâd (al‑Cal'a) est située Mîla, belle ville, bien arrosée, dont les environs sont plantés d'arbres et produisent beaucoup de fruit. Elle est peuplée de Berbers de différentes tribus, mais les Arabes sont maîtres de la campagne. Elle était soumise (il y a quelques années) à Yahya ibno 'l‑Azîz, le prince de Bougie.
De Mîla à Constantine (Cosantinato 'l‑Hawâ), on compte 18 milles, en se dirigeant vers l'est à traverse un pays de montagnes.
95 La ville de Constantine est peuplée, commerçante ; ses habitants sont riches ; ils ont des traités avantageux avec les Arabes et s'associent avec eux pour la culture des terres et pour la conservation des récoltes. p111 Leurs magasins souterrains sont tellement excellents qu'ils y peuvent conserver le blé durant un siècle sans qu'il éprouve aucune altération. Ils recueillent beaucoup de miel et de beurre qu'ils exportent à l'étranger. Cette ville est bâtie sur une espèce de promontoire isolé, de forme carrée un peu arrondie ; on n'y peut entrer que du côté de l'ouest, où il y a une porte assez petite. C'est près de là que se trouve le lieu où les habitants enterrent leurs morts, et, de plus, un édifice très ancien, de construction romaine, conservé intact jusqu'à présent. De l'ancienne citadelle de la ville il ne reste plus que des ruines, mais le théâtre construit par les Romains, et dont l'architecture ressemble à celle du théâtre de Tsirma (Tauromenium)º en Sicile, subsiste encore.
Constantine est entourée de tous les côtés par une rivière ; ses murs d'enceinte, mesurés du côté intérieur, n'ont partout que trois pieds (la moitié de la taille parfaite d'un homme debout) de haut, si ce n'est du côté de Bâb Mîla (la porte de Mîla). La ville a deux portes : l'une, celle de Mîla, du côté de l'ouest ; l'autre, la porte du pont (Bâbo 'l‑Cantara), du côté de l'est. Ce pont construit par les Romains est d'une structure admirable. Sa hauteur (au-dessus du niveau des eaux) est de plus de cent coudées rachâchî. Il se compose d'arches supérieures et d'arches inférieures au nombre de cinq, qui embrassent la largeur de la vallée. Trois de ces arches, celles qui sont situées du côté de l'ouest, à deux étages, ainsi que nous venons de le dire, sont destinées au passage des eaux, tandis que leur partie supérieure (litt. leur dos) sert à la communication entre les deux rives. Quant aux deux autres, qui sont du côté de la ville, elles sont adossées isolément contre la montagne.
p112 Ces arches sont supportées par des piles qui brisent la violence du courant et qui sont percées, à leur sommet, de petites ouvertures (litt. qui sont munies, à leur sommet, d'arches petites, comme si c'étaient les filles des autres) ordinairement inutiles. Lors des crues extraordinaires qui ont lieu de temps à autre, les eaux qui s'élèvent au-dessus du niveau des piles, s'écoulent par ces ouvertures. C'est, nous le répétons, l'une des constructions les plus curieuses que nous ayons jamais vues.
96 Dans toute la ville, il n'est pas de porte de maison, grande ou petite, dont le seuil ne soit formé d'une seule pierre ; en général aussi les piliers des portes se composent soit d'une, soit de deux, soit de quatre pierres. Ces maisons sont construites en terre et le rez-de-chaussée est toujours dallé. Il existe dans toutes les maisons, deux, trois ou qutre souterrains creusés dans le roc ; la température constamment fraîche et modérée qui y règne, contribue à la conservation des grains. Quant à la rivière, elle vient du côté du midi, entoure la ville du côté de l'ouest, poursuit son cours autour de la ville vers l'orient, puis tourne vers le nord, baigne le pied de la montagne à l'occident et retourne de nouveau vers le nord, pour aller se jeter enfin dans la mer, à l'ouest de la rivière de Sahar.
Constantine est l'une des places les plus fortes du monde ; elle domine des plaines étendues et de vastes campagnes ensemencées de blé p113 et d'orge. Dans l'intérieur de la ville à côté du mur d'enceinte, il existe un abreuvoir dont on peut tirer parti en temps de siége.
De Constantine à Bâghây (Bâghâya), on compte 3 journées.
De Constantine à Bougie, 6 journées, savoir :
De Constantine à Djîdjil 4 journées, de Djîdjil à Bougie 50 milles.
De Constantine à Abras, 5 journées.
D'Abras à Bougie, 4 journées.
De Constantine à Cal'at Bichr, 2 journées.
A Tîfâch, 2 fortes journées.
A Câlama, même distance.
A al‑Caçrain 3 journées.
A Dour Madîn 6 journées.
Au port d'al‑Coll, 2 journées, en traversant une contrée fréquentée par les Arabes.
Voici l'itinéraire qu'on suit en se rendant de Constantine à Bougie :
De Constantine on passe à an-Nahr ; de là à Fahç Fâra ; de là au village des Banou Khalaf ; de là à Hiçn Caldîs, place forte sur un rocher qui domine les bords de la rivière de Constantine, ensemble 20 milles. Il n'y a, entre Constantine et Hiçn Caldîs, ni montagne, ni ravin.
97 De Hiçn Caldîs à la montagne de Sahâw, 8 milles. Au haut de cette montagne escarpée et remarquable par sa hauteur, une citadelle qui porte le nom de… ; on monte durant 5 milles environ, avant d'en atteindre le sommet qui forme un plateau dont l'étendue est p114 d'environ 3 (4) milles. Les Arabes ne passent jamais cette montagne qui est comme une limite de leur territoire. En descendant, on arrive au pied de la montagne à une rivière appelée Wâdîº Châl, dont on suit les bords à Souc Yousof, bourg situé sur le flanc d'un montagne escarpée d'où jaillissent diverses sources d'eau douce, 12 milles.
De là on se rend à Souc Banî Zandoui (le marché des Banou Zandoui), château peu muni, situé dans une plaine, ou se tient un marché à jour fixe fréquenté par les habitants des environs. Les Banou Zandoui, tribu qui habite cette contrée, sont des Berbers très farouches, qui sont toujours en guerre entre eux, et qui ne payent d'impôts que lorsqu'ils y sont forcés par des envois de troupes ; ils marchent toujours armés de pied en cap, munis d'une épée, d'une lance et d'un bouclier Lamtien. De là on se rend à Tâla, place forte, actuellement en ruines, où l'on fait halte. De là à al‑Maghâra, sur le rivage de la mer, à Masdjid Bahloul (la mosquée de Bahloul), à al‑Mazâri', puis à Djîdjil.
Djîdjil est une petite ville avec un faubourg, située sur les bords de la mer, dans une presqu'île. La flotte du grand roi Roger s'en étant emparée, les habitants se retirèrent à un mille de distance, dans les montagnes, et y construisirent un fort ; durant l'hiver ils revenaient habiter le port ; mais dans l'été, à l'époque de l'arrivée de la flotte, ils se réfugiaient dans les montagnes, transportant toutes leurs possessions au fort, à quelque distance du rivage, et ne laissant dans la ville que les hommes et quelques marchandises. 98 Depuis cette époque, Djîdjil est devenue déserte et ruinée, les maisons sont à demi détruites, les murs renversés. Cependant le pays est très fertile et la côte très poissonneuse ; il y a abondance de laitage, de beurre, de miel, de céréales, et les poissons qui s'y pêchent sont grands et excellents.
De Djîdjil on se rend au cap de Mazghîtan, à Djazâiro 'l‑Afia, à p115 Faddjo 'z-Zorzour, au fort d'al‑Mançourîya, sur le bord de la mer, puis à Matousa. Matousa est un village bien peuplé, où il y a une mine de gypse dont les produits sont transportés à Bougie. De Matousa à Bougie, on compte 12 milles. En tout, de Djîdjil à Bougie (Bidjâya an-Nâcirîya, ville d'an-Nâcir), 50 milles.
Pour revenir à Djîdjil, cette ville a deux ports : l'un, du côté du midi, d'un abord difficile et où l'on n'entre jamais sans pilote ; l'autre, du côté du nord, appelé Marsâ 's-Cha'râ, parfaitement sûr, calme comme un étang, et d'un fond de sable, mais où il ne peut entrer que peu de navires.
De Djîdjil à al‑Coll, située à l'extrémité du pays compris dans la présente section, 70 milles. Al‑Coll, autrefois une ville petite, mais florissante, n'est actuellement qu'un port avec quelques habitations et champs cultivés. Du côté de la terre elle est fermée par des montagnes.
D'al‑Coll à Constantine, on compte 2 journées, en se dirigeant vers le sud et en traversant un pays occupé par les Arabes.
Non loin de Bougie, du côtéº du midi, est le fort de Satîf ; la distance qui sépare ces deux points est de 2 journées.
Hiçn Satîf est une place grande comme une ville et fort peuplée, bien pourvue d'eau et entourée de vergers ; parmi les fruits que les environs produisent, on remarque surtout des noix d'une excellente qualité ; elles y sont tellement abondantes qu'on les vend à très bon marché et qu'on en exporte quantité au dehors.
De Satîf à Constantine, on compte 4 journées.
Près de Satîf est une montagne appelée Icdjân, habitée par des tribus Kitâmiennes. On y voit une citadelle bien munie qui appartenait autrefois aux Banou Hammâd. La montagne, qui est à la distance d'une journée et demie de Bougie, 99 touche, du côté de l'ouest, à celle de Djalâwa.
Les possessions de la tribu de Kitâma s'étendent au-delà des pays d'al‑Coll p116 et de Bone (Bouna). Cette tribu est renommée par sa générosité et par l'accueil qu'elle fait aux étrangers. Ce sont certainement les gens du monde les plus hospitaliers, car ils n'ont pas honte de prostituer leurs enfins mâles aux hôtes qui viennent les visiter, et, loin de rougir de cette coutume, ils croiraient manquer à leur devoir s'ils négligeaient de s'y conformer ; divers princes ont cherché à les y faire renoncer, même par des punitions très sévères, mais toutes les tentatives qu'on a pu faire ont été vaines. A l'époque où nous écrivons, il ne reste plus, de la tribu de Kitâma, jadis très nombreuse, qu'environ quatre mille individus. Ce détestable usage ne se pratique pas parmi les Kitâma des environs de Satîf, qui ont toujours désapprouvé et considéré comme abominables les mœurs des Kitâma habitant les environs d'al‑Coll et les montagnes qui touchent à la province de Constantine (Cosantînat 'l‑Hawâ).
A 2 journées de cette dernière ville on trouve Bilizma, petite forteresse avec un faubourg et un marché ; on y trouve des puits abondants. Bilizma est située dans une vaste plaine et bâtie en grandes pierres, comme on en employait aux anciens temps. Les gens du pays disent que sa construction date du temps de Messie. Vu du dehors, le mur de cette ville paraît très élevé ; mais, comme le sol intérieur est encombré de terre et de pierres jusqu'au niveau des créneaux, dès qu'on est entré dans la place, on n'aperçoit plus aucun mur, ce qui est très remarquable.
Hiçn Bichr est un château peuplé dépendant de Biscara ; c'est une place très forte, 100 environnée de champs cultivés, mais elle se trouve actuellement au pouvoir des Arabes.
On compte de Hiçn Bichr à Bougie 4 jours de chemin, et 2 de Hiçn Bichr à Constantine.
Nous venons d'énumérer les villes et les pays compris dans la présente section, et nous avons décrit avec les détails convenables ce qui nous a paru digne d'être remarqué. Il nous reste à parler du littoral de la p117 mer, des golfes, des caps, et à indiquer les distances en milles, soit en ligne directe (d'un promontoire à l'autre), soit en ligne oblique (en suivant le golfe). Comme nous ne pouvons donner ici une description complète de la côte, une partie appartenant au quatrième climat, nous avons jugé convenable de mentionner dans chaque section la partie du littoral qui y est comprise.
Celle de la présente section commence à Oran, qui est située sur le bord de la mer, comme nous l'avons dit plus haut.
De là au cap de Maschâna, enligne droite, on compte 25 milles, et 32 en ligne oblique.
Du cap de Maschâna au port d'Arzâw (Arzeu), 18 milles. Arzâw est un bourg considérable, où l'on apporte du blé que les marchands viennent chercher pour l'exportation.
De là à Mostaghânim, petite ville, située dans le fond d'un golfe, avec des bazars, des bains, des jardins, des vergers, beaucoup d'eau et une muraille bâtie sur une montagne qui s'étend vers l'ouest. La largeur du golfe entre Arzâw et Mostaghânim est de 34 milles en ligne oblique, et de 24 en ligne directe.
De Mostaghânim à Haudh Farroudj, 24 milles en ligne oblique, et 15 en ligne directe. C'est une belle rade, près de laquelle est un village peuplé.
La ville la plus voisine de Haudh Farroudj, du côté de la terre et dans la direction de l'orient, est Mâzouna, située à 6 milles de la mer, et au milieu de montagnes, au pied d'une colline. Elle est bien arrosée ; il y a des champs cultivés et des jardins ; les bazars sont très fréquentés et les maisons jolies ; il s'y tient aussi une foire à jour fixe, où p118 les Berbers des environs viennent apporter les productions du pays, divers fruits, du laitage, du beurre et du miel. 101 C'est un beau pays et très fertile.
De Haudh Farroudj au cap de Djoudj, 24 milles, par mer en ligne oblique, et 12 milles, par terre. A partir de ce cap, le golfe s'étend en forme d'arc, vers le midi.
Du cap de Djoudj à Djazâiro 'l‑Hamâm (Il. de Colombi), 24 milles en ligne oblique, et 18 en ligne droite.
De Djazâiro 'l‑Hamâm jusqu'à l'embouchure de la rivière de Chelif, 22 milles.
De là à Colou'o 'l‑Forâtain, au fond du golfe, 12 milles. (Le mot colou' signifie collines blanches).
D'al‑Colou' à Tenès, 12 milles, en suivant les bords du golfe.
De là à l'extrémité du golfe, 6 milles. Ainsi, depuis le cap de Djoudj jusqu'à l'extrémité du golfe, on compte 76 milles en ligne oblique, et 40 en ligne droite.
De l'extrémité du golfe au port d'Amtacou, 10 milles.
D'Amtacou, en remontant le golfe, à Wocour, port étroit, situé à l'extrémité du golfe, et qui n'est abrité que contre les vents d'est, on compte, en ligne oblique, 40 milles, en ligne directe, 30.
De Wocour à Brechk, 20 milles. Nous avons déjà parlé de Brechk et de Cherchâl : dans l'intervalle de 20 milles, compris entre ces deux villes, en suivant le bord de la mer, est une montagne d'un accès difficile, habitée par une peuplade berbère dite Rabî'a.
De Cherchâl au cela d'al‑Battâl, vis-à-vis duquel est une petite île, 12 milles. C'est à ce cap que commence le golfe de Hour, dont l'étendue est de 40 milles en ligne directe, et de 60 en ligne oblique.
p119 Hour est le nom d'un petit village situé dans le fond du golfe, à quelque distance de la mer, et habité par des pêcheurs. Cette partie du golfe et très dangereuse ; une fois tombé, on y périt sans ressource.
De l'extrémité du golfe de Hour à Alger (Djazâir Banî Mazgannâ), dont nous avons parlé plus haut, 18 milles.
102 De là à Tâmadfous (Matifou), port avec quelques habitants auquel touchent des champs cultivés, 18 milles.
De là à Marsâ 'd-Daddjâdj, dont nous avons également parlé, 20 milles.
De là au cap des Banou Djannâd, 12 milles.
Du cap des Banou Djannâd à la ville de Tadallis (Dellis), dont il a été fait mention ci-dessus, 12 milles.
De Tadallis au cap des Banou Abdollah, 24 milles en ligne oblique, et 20 en ligne droite.
De ce cap au golfe de Zaffoun (Azaffoun), 20 milles en ligne directe, et 30 en ligne oblique.
De Zaffoun à ad‑Dahso 'l‑Cabîr, 30 milles en ligne oblique, et 25 en ligne droite.
De là à ad‑Dahso 'l‑Çaghîr, 8 milles.
De là au cap de Djarba, 5 milles. Le pays qui touche à ce cap est très bien cultivé.
De là à Bougie, par terre 8 milles, et 12 par mer. La ville de Bougie est située dans un golfe qui s'étend vers l'orient.
De Bougie à Matousa, 12 milles en ligne oblique, et 8 en ligne directe.
De Matousa à al‑Mançourîya, située au fond du golfe, 10 milles en ligne oblique.
p120 D'al‑Mançourîya à Faddjo 'z-Zorzour, 12 milles.
De là au cap de Mazghîtan, 11 milles. En tout, de Bougie au cap de Mazghîtan, 45 milles.
De Mazghîtan à Djîdjil, 5 milles.
De Matousa à Faddjo 'z-Zorzour, en ligne directe, 25 milles.
De Faddjo 'z-Zorzour à Djîdjil, en ligne oblique, 20 milles.
De Djîdjil à l'embouchure de la rivière dite Wâdîº 'l‑Caçab (al‑Wâdîº 'l‑Cabîr), qui vient de derrière Mîla, en suivant la direction du midi, 20 milles.
De Wâdîº 'l‑Caçab à Marsâ 'z-Zaitouna, 30 milles en ligne oblique, et 20 en ligne droite. C'est ici que commencent les montagnes d'ar‑Rahmân, montagnes et collines élevéesº sur les bords de la mer.
De là à al‑Coll, lieu habité, mais seulement en hiver. Durant l'été, à l'époque de l'arrivée de la flotte, les habitants vivent dans les montagnes, 103 ne laissant sur la côte que les hommes seuls.
D'al‑Coll au port d'Astour (Stora), 20 milles.
De là à Marsâ 'r-Roum, on compte 30 milles en ligne oblique, et 18 en ligne droite.
De là à Tocouch (Tacatua), ribât peuplé, 18 milles.
De là à Râso 'l‑Hamrâ (Cap de Garde), 18 milles.
De Râso 'l‑Hamrâ à Bone (Bouna), située au fond d'un golfe, et dont nous donnerons ailleurs la description, s'il plaît à Dieu, 6 milles.
Laº distance totale de Bougie à Bone est, en ligne directe, de 200 milles.
le bagrâdj fait fuir tous les animaux, même les bêtes féroces : sauf, comme nous venons de voir, les dragons…
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on emploie la graisse… : Pline (H. N. 30.xxx.96) dit simplement que la graisse d'autruche se vend très cher parce qu'elle est meilleure aux mêmes usages que la graisse d'oie. Or dans H. N. 20.xx.40 il fait de cette dernière une panacée contre les maux des yeux et des oreilles, ainsi que contre la mutité ; l'Histoire Naturelle la mentionne souvent comme ingrédient pharmaceutique.
Les images comportant des bordures conduisent à des informations supplémentaires.
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