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Troisième Tome, Chapitre VII.

Le petit roman. — Premier billet de part. — La Novice. — Le quartier d'Antin. — L'étiquette pour les billets des princes. — La Chanoinesse. — Les quatre grands-chevaux de Lorraine. — Le Maréchal et la Maréchale de Beauvau. — Mme de Craon. — L'Archevêque de Paris. — La prise d'habit. — Le nonce du Pape et l'Abbé de Bernis. — Un couplet galant. — Mot du Maréchal de Tessé. — La Duchesse d'Orléans. — Sa conduite à l'église. — Mot du Dauphin à son sujet. — Le Maréchale de Brissac et son dialecte gaulois. — Un arrêt du grand-conseil. — Le Vicomte de Gondrecourt. — Second billet de part. — Annonce de la Gazette de France.


Quelques années avant l'époque où nous voici parvenus, il était arrivé dans la société de Paris une aventure dont le fonds n'avait rien d'extraordinaire, mais dont le dénouement nous parut agréablement romanesque ; et comme j'entretenais une correspondance intime et des mieux suivies avec la Marquise de Louvois, pendant qu'elle était dans sa vice-Royauté de Navarre, je lui en avais écrit le récit en forme de nouvelle, où j'avais laissé tous les noms des personnages en blanc, afin d'exercer son intelligence, et peut-être aussi pour essayer mon aptitude à faire des portraits. Mme de Louvois reconnut tout le monde, et nous répliqua par l'envoi d'une charmante comédie sur le même sujet, avec le nom de chaque personnage exactement indiqué, ce qui lui valut ainsi qu'à moi des félicitations à n'en pas finir. Comme dans cette petite composition littéraire il n'y a que la forme de romanesque, et que tous les détails de l'historiette y sont absolument vrais, je me décide à la faire inclure ici telle quelle et sans révision, pour m'épargner la fatigue et l'ennui d'en exprimer la substance. Ce qui m'encourage à vous la donner dans sa première forme de petits dialogues à la mode anglaise, c'est qu'on trouva que les personnages y parlaient conformément à leurs caractères et leurs habitudes. enfin, voici l'original de cette nouvelle, à qui j'avais donné le titre de la Prise d'habit, ou les Billets de part.

M.

Vous êtes prié d'assister à la prise d'habit, vêture et profession religieuse de très haute et très puissante Damoiselle, Mademoiselle Henriette-Jacqueline-Olympe-Anastasie de LENONCOUR de HEROUWAL de BAUDRICOURT, dont les cérémonies auront lieu le samedi 14 du présent mois de mars, en l'église de l'Abbaye Royale de Panthemont, rue de Grenelle, à Paris.

La profession sera reçue par illustrissime et Révérendissime Seigneur, Monseigneur Christophe-Henry de Beaumont du Repayre, Archevêque de Paris, Duc de Saint-Cloud, septième Pair ecclésiastique de France, Seigneur d'Ivry, Bercy, Conflans-Sainte-Honorine et autres lieux, Prélat-Commandeur de l'ordre royal du Saint-Esprit, Conseiller du Roi en tous ses conseils, Premier Conseiller d'honneur et Conseiller-né au Parlement de Paris, etc., etc., etc.

Monseigneur Pie-Sinibald-André Doria des Princes de Melphe et de Colombrano, Noble Génois, Archevêque d'Amathonte in partibus infidelium, et Nonce Apostolique en Cour de France, y donnera le Salut et Bénédiction Papale, avec application d'une indulgence plénière.

Le sermon sera prononcé par Messire François-Joachim-Gabriel-Archange de Pierre de Bernis, Chanoine et Comte de Lyon, Grand-Chambrier de la Basilique Archiprimatiale de Saint-Jean, et l'un des quarante de l'Académie française.

Veni, Creator optime!


« Voilà ce qui s'appelle un billet régulier !
L'endosseur est un juif à ne rien oublier,
Et les pauvres enfans auront bien de la peine
A pouvoir échapper de sa griffe inhumaine ! »

— Et certainement, qu'il ne manque rien à ce billet ! La comtesse est une personne des temps nobiliaires et de siècles passés ; les généalogies et l'héraldique sont les seules choses qui ne lui paraissent pas indignes de l'occuper, et l'on dirait que sa vie est la continuation de celle de ses ancêtres. Elle ne parle que de cimiers, de fourches, de patibulaires et de retrait féodal. Elle rêve de sinople et de menu-vair ; elle connaît l'importance de la brisure et la signification d'un pal brochant sur le tout ; c'est une habile femme.1

Voici donc septante et quatre pour Versailles, disait un petit monsieur vêtu d'un habit de tricot noir à un grand homme de livrée galonnée à la Bourgogne. (On voit qu'il était premier laquais de la maison.) — En voici trois cent nonante pour notre quartier du faubourg Saint-Germain, ensuite une vingtaine environ pour le quartier des Capucines, à partir de la place Vendôme et jusqu'en dehors de la porte Saint-Honoré. En voilà cinq ou six pour le Marais. (Madame a dit qu'il ne fallait jamais faire semblant de mépriser les parlementaires.) — Vous enverrez tout exprès un homme à cheval afin de porter un billet pour M. le Comte de Mercy, l'Ambassadeur impérial ! — A-t-on jamais eu l'idée de s'aller établi sur le rempart des Poissonières ! Enfin tâchez d'envoyer quelqu'un d'intelligent qui puisse dénicher M. le Commandeur de Crussol, car il est nouvellement logé, comme un éperdu qu'il est, dans ce mauvais quartier de l'hôtel d'Antin, par-delà le rempart des Vinaigriers et la rue Basse. On a dit à la grand'poste que c'était au coin d'une rue qui doit porter le nom de M. de Caumartin, le Prévôt des Marchands. Informez-vous-en ; qui cherche trouve. — Envoyez-y Comtois, si vous voulez ; mais faites-lui mettre des guêtres en cuir, car on dit qu'il y a toujours dans ces rues de la Chaussée une boue ! comme aux bas-côtés d'un chemin de village. — Quel misérable quartier de petites gens, sans aucun vieil édifice et sans aucun lieu dont on ait mémoire !... Pas une église, et pas une rue qui n'ait un nom bourgeois ! Jamais le bon Dieu n'a passé par là, comme on dit....

Mais, monsieur Tiercelet, lui répliqua le Premier-Laquais, c'est Comtois qui doit faire la course du marais et qui doit s'en revenir par l'hôtel d'Uzès, qui est tout en haut de la rue Montmartre ; je crois bien qu'il ne pourra pas le même jour....

— Envoyez-y donc Lafrance ou Bourguignon, mais n'allez pas envoyer en commission, dans un quartier comme celui de l'hôtel d'Antin, ce nigaud de Champagne ou cet empêtre de Langevin, car ils ne s'en tireraient jamais !...

M. Tiercelet de La Barotte, secrétaire-intendant de Mme la Comtesse de Rupelmonde et Warangest, avait mis de côté huit invitations manuscrites et non pas moulées comme les autres. — Voilà nos billets pour les Princes et Princesses du sang, se dit-il en regardant sa belle écriture bâtarde avec un oeil de complaisance et de satisfaction. Il n'avait eu garde d'y mettre du sable non plus que de la poussière de bois rouge ou de verre de couleur, à cause du danger pour les yeux de LL. AA. SS., et surtout pour se conformer à l'étiquette établie par M. le Maréchal Duc de Villeroy, qui, pendant la minorité du Roi, craignait toujours qu'on n'empoisonnât sa Majesté dans un placet. M. Tiercelet prit ensuite un large cachet parti de trois et coupé d'un trait, ce qui compose un bel écartelé de huit alliances et huit blasons, sans compter l'écu de famille en abîme. C'était un fameux cachet de fille (en losange), avec une décoration chapitrale et la devise de Rupelmonde quy-qu'en-grogne ! Il en scella proprement les invitations princières avec de la cire noire, ainsi qu'il est prescrit dans tous les cas de cérémonies votives, en signifiance de ce que toutes les personnes dévouées à la profession religieuse ont toujours été vouées au noir, ipso facto. Ce fut une opération parfaitement satisfaisante pour M. Tiercelet, sinon pourtant que la croix de Chanoinesse était mal venue sur une des empreintes, et que le cry-de-guerre-en-provocation ne s'y trouvait pas marqué très distinctement. Heureusement que c'était sur le billet destiné pour S.A.S. Mademoiselle de Sens, à qui, suivant ses ordres, on ne remettait jamais de billets de part, dans la crainte qu'ils ne lui apprissent la mort de quelqu'un, n'importe qui.

— Allons donc, La Barotte ! allons donc ! de dépêchez-vous si vous pouviez ! s'écria virilement et brusquement la Comtesse de Rupelmonde en entrant dans son arrière-cabinet où travaillait l'intendant. — Qu'est-ce donc que vous avez fait là ? poursuivit-elle avec un accent d'amertume et d'irritation surprenant. D'où venez-vous ? D'où sortez-vous ? Tombez-vous des nues ? Comment, m'sieur d'La Barotte, depuis le temps que vous êtes à moi, vous n'en savez pas davantage, et vous me faites de pareilles ... de pareilles sottises ! permettez-moi de vous le dire. — Mais, Madame ... j'ignore absolument ce que Madame ... — Comment, monsieur, vous allez cacheter des lettres en noir en écrivant à des Princes du Sang, tandis que la cour n'est pas en deuil ! Vous voulez donc me faire passer pour une imbécile et me faire devenir la fable de la cour et de la ville ? Tenez, les voilà dans le feu, vos billets cachetés en noir ! ... En noir, à des Princes qui ne sont pas en deuil ! C'est-à-dire que j'en ai la fièvre ! et jugez ce qui serait arrivé si je n'avais pas eu la bonne inspiration de venir voir où vous en étiez !...

M. Tiercelet se remit à l'ouvrage avec un air de soumission contrite et résignée, parce que Madame la Comtesse Brigitte de Rupelmonde était une grande dame de quarante à soixante ans, passablement robuste, exigeante, altière, un peu violente et prodigieusement impatiente à l'égard de ses valets. Elle avait la voix masculine ; elle avait la peau couleur de bistre, avec des yeux verts ; elle était pourvue de sourcils volumineux ; et du reste, elle était Coadjutrice du Très noble et Insigne Chapitre de Sainte-Aldegonde de Maubeuge, en survivance de la Princesse Marie de Beauvau, qui passait avec raison pour être la plus jeune et la plus charmante Abbesse de l'univers canonical.

La Comtesse Brigitte était donc Chanoinesse de Maubeuge, et c'est à cause de cela qu'elle avait une bordure d'hermine à sa robe noire, un affiquet d'ivoire armorié sur le haut de la tête, un corset fermé comme celui des mignons d'Henri III, et, brochant sur le tout, un beau cordon ni plus ni moins, et ni plus ni moins bleu que celui d'un Chevalier du Saint-Esprit. Il est à considérer que les trente-deux quartiers de la Coadjutrice étaient fournis par les Lénoncour, les Ligneville, les du Châtelet et les d'Haraucourt, c'est-à-dire par les quatre grands chevaux de Lorraine (excusez du peu !). En outre, il est bon d'ajouter qu'elle était la tante et la tutrice de Mlle Henriette de Lénoncour, qui devait prononcer ses vœux d'obéissance absolue, de réclusion claustrale et de chasteté perpétuelle, à l'abbaye de Panthemont, le samedi 14 mars.

— On aurait cru que vous pouviez la faire recevoir et la garder avec vous dans votre chapitre, lui dit insidieusement et malicieusement la Présidente Hocquart. (Notez que c'était dans la soirée du 13 au 14 mars, à l'hôtel de Beauvau.) — Madame, elle a malheureusement deux quartiers de robe du côté de sa mère, lui repartit aigrement la Coadjutrice ; sa noblesse n'est plus chapitrale, et d'ailleurs elle est trop romanesque et trop inexpérimentée pour que je me charge de sa direction. (— C'est-à-dire qu'elle est trop jeune et trop jolie pour que vous souffriez qu'elle reste auprès de vous, pensa charitablement la Présidente.) La Marquise de Boufflers lui dit ensuite avec son air distrait et désintéressé que c'était véritablement un meurtre, et qu'elle aurait dû marier sa nièce avec son cousin, le petit de Gondrecourt. Mme de Rupelmonde ne répondit pas. On a prétendu qu'elle avait rougi, mais il était malaisé de s'en apercevoir. Autant vaudrait nous dire qu'on ait vu rougir une brique rouge, une figure en terre cuite, ou, si l'on veut, une roue de carrosse, à travers une couche du plus épais vermillon.

Tout de suite qu'elle fut partie, Mme de Craon se prit à dire à voix basse et d'un ton mortifié : — J'ai peur que la Coadjutrice ne soit une méchante femme. — Ma sœur ! elle a toujours passé pour un diable incarné, lui répondit le Maréchal de Beauvau ; d'où vint que la Princesse de Craon fut encouragée par cette réplique de son beau-frère, et qu'elle entreprit de justifier son observation par le récit qui va suivre.

Elle dit qu'elle avait été deux jours auparavant faire une visite à Mlle de Lénoncour à la grille de son parloir, et qu'après quelques momens de silence, occupés à se regarder tristement, cette jolie novice avait dit, avec un accent désespéré, qu'elle désirait que le Ciel lui fit la grâce de pouvoir un jour pardonner à son cousin tous les chagrins dont elle était accablée depuis six mois. — Eh ! comment donc cela ? quelle sorte de chagrins, mon enfant ? Je vous croyais, d'après ce que nous a dit Mme votre tante, une vocation toute naturelle et bien décidée ?... — Il est marié, répondit-elle en étouffant de sanglots. — Marié ?... je ne le savais pas, ma toute belle... En êtes-vous bien sûre ? — Hélas ! rien n'est si vrai, Madame ! et c'est ma tante de Rupelmonde qui me l'a dit.

— Lui, marié, le Vicomte ? ... s'écria subitement le Chevalier de Chastellux ; s'il est marié c'est avec la rage ou la mort ! Oh ! la méchante Rupelmonde ! Oh ! la furie jalouse et vindicative ! Elle aura beau faire, au surplus, il a pour elle une exécration dont elle ne triomphera jamais !

— Eh ! mon bon Dieu, dit la Maréchale de Mirepoix, est-il à supposer qu'on puisse être d'une folie pareille, à l'âge de la Comtesse ? et encore pour le vicomte, qui serait son petit-fils !... Je croirais plutôt qu'elle a noué cette vilaine intrigue à dessein d'hériter de cette pauvre Henriette, qui est sa pupille et sa nièce, et qui n'a pas moins de vingt mille écus de rente, à ce qu'on dit.

Quelle horreur et quelle infamie ! s'écria-t-on de partout. Quelle abjection dans une personne de qualité ! quel abominable procédé pour une parente ! mais surtout quelle indignité de la part d'une Chanoinesse, d'une religieuse ! — Laissez-nous donc tranquilles, avait dit Mme de Coislin ; rien n'est plus insolent que les bourgeoises que jouent à la Madame, et il n'y a pas de pires diablesses que celles qui jouent à la dévote !... — Mais, Prince, interrompit la maîtresse de la maison en s'adressant à son mari, n'approuveriez-vous point que j'allasse en parler à M. l'Archevêque ? ... Je n'aurais pas un moment à perdre, ajouta-t-elle avec un air de résignation digne et calme ; vous savez que cette profession doit avoir lieu ce matin ? les vœux doivent être prononcés dans quelques heures !...

Le Maréchal inclina sa tête avec un air d'assentiment respectueux, et vingt minutes après la Maréchale-Princesse de Beauvau se trouvait à la grille de l'Archevêché, dont elle eut assez de peine à faire éveiller les suisses, attendu qu'il était deux heures et demie du matin.2

Trois heures sonnaient à l'horloge de Notre-Dame lorsque les deux suisses qu'elle avait fait réveiller en sursaut (c'est la Maréchale et non pas la sonnerie) arrivèrent méthodiquement à la portière de son carrosse, avec leur hallebarde à la main. Ils avaient eu l'attention de s'habiller en grande livrée couleur de buffle, à galons amaranthe nattés d'argent ; ils n'avaient eu garde de manquer à passer leurs baudriers à franges, où l'on voyait attachées de longues rapières ; ils étaient coiffés d'un tricorne exigu surmonté d'un plumet aux couleurs de Beaumont-des-Adrets. C'est pour tout cela qu'ils avaient fait attendre Mme la Maréchale pendant une demie-heure, et quand elle eut déclaré qu'elle voulait parler à M. l'Archevêque, on lui répondit que sa Grandeur était ou devait être en retraite au séminaire de Saint-Magloire, à moins qu'elle ne fût allée passer la fête de Saint-Bruno avec les Révérends Pères Chartreux de la rue d'Enfer, ou bien qu'elle ne fût allée se reposer en son château de Conflans-Sainte-Honorine. On supposait aussi que Monseigneur était peut-être allé coucher à Saint-Cyr, où M. l'Évêque de Chartres ne manquait jamais à l'inviter pour le service anniversaire de Mme de Maintenon. Il était donc impossible de savoir où trouver Mgr de Beaumont avant le moment de son entrée dans l'église de Panthemont, pour le cérémonie du matin ; le jour commençait à poindre, et Mme de Beauvau s'en retourna bien affligée.

La Maréchale revint au monastère de Panthemont dès sept heures du matin, et fit dire à l'Abbesse qu'elle serait bien aise de lui parler le plus tôt possible. Mme de Richelieu fit répondre qu'elle ne pouvait aller au parloir parce qu'elle était obligée de se rendre au chœur, à l'office des heures canoniales, Mme de Beauvau lui fit demander s'il ne serait pas possible qu'elle pût entrer dans le couvent pour lui faire en deux mots une révélation des plus importantes ; et Mme de Panthemont fit répliquer que la chose était impossible, à moins d'en avoir obtenu la permission de l'Archevêque de Paris. Mme de Beavau remonta dans sa voiture, et s'établit stationnaire à la porte de l'église, afin d'y guetter l'arrivée du Prélat.

Cependant les carrosses dorés, les vis-à-vis à sept glaces, et les voitures princières et ducales avec leurs impériales en velours cramoisi, les magnifiques attelages à six chevaux, empanachés et harnachés de riches galons de livrée, enfin la foule bruyante et bariolée des laquais, remplissaient la belle rue de Grenelle, en obstruant tous les abords de Panthemont. Il était onze heures sonnées, lorsqu'un valet en habit de drap d'argent galonné de velours cramoisi s'approcha précipitamment du carrosse de sa maîtresse. — Madame la Maréchale, M. l'Archevêque est arrivé par l'intérieur : il est entré par la porte du cloître ; il est déjà dans le sanctuaire et la cérémonie va commencer. Mme de Beauvau s'empressa d'écrire quelques lignes sur ses tablettes, en ordonnant à son grand laquais de fendre la presse et de la conduire à la sacristie sans perdre un moment.

L'église était décorée de superbes tapisseries, au-dessus desquelles on voyait régner une litre de damas blanc frangée d'or et couverte d'écussons armoriés ; on avait suspendu, suivant l'usage, un large pennon blasonné des armes et des alliances de cette noble fille à la place de la lampe du sanctuaire, « luminaire éteint pour les mystiques joies de l'époux céleste, » ainsi que M. l'Abbé de Bernis avait médité de le dire en son sermon. Les Menus-Plaisirs avaient fourni les riches tapis qui recouvraient la mosaïque et les admirables pavés de cette charmante église. Les lustres, les torchères et les girandoles du Roi s'y voyaient à profusion ; mais comme il ne s'y trouvait pas exactement autant de fauteuils que de dames invitées, celles qui furent obligées de se contenter d'une chaise de velours à dossier se plaignirent infiniment de l'intendant des Menus, le sieur Papillon, à qui l'on reprocha généralement d'avoir ajouté à son nom celui de la Ferté. Madame la Duchesse de La Ferté, qui vivait encore, et à qui l'on disait souvent : — Comment souffrez-vous cela ? répondait judicieusement : — Il faudra toujours bien qu'ils ajoutent Papillon au nom qu'ils viennent de prendre ; ils n'oseront jamais se faire appeler messieurs de la ferté tout court ; ainsi qu'est-ce que cela nous fait ?

Le sanctuaire était rempli de nobles Évêques en soutane violette, de Chanoines en grand habit de chœur avec l'aumusse de petit-gris sur le bras, de vénérables Bénédictins, Bernardins, Feuillans, Récollets, Minimes et Capucins avec leurs différens costumes si variés et si pittoresques.

On voyait au milieu de ce concile œcuménique la grande figure historique de Monseigneur Christophe de Beaumont, entouré de ses quatre Archiprêtres et de ses Vicaires-Généraux. Il était assis au juste milieu de l'assistance et le dos tourné contre l'autel. Quand il avait les yeux baissés, sa figure pâle et sévère avait quelque chose d'inanimé, de sépulcral et de mortuaire, on pourrait dire ; mais aussitôt qu'il avait fait étinceler sur vous ses grands yeux noirs, dont le regard ouvert était si profondément animé, si pénétrant et si ferme, on était comme ébloui de son ardeur pour le triomphe de sa foi : on en restait subjugué par la vénération.

A droite et à quelque distance de M> de Paris on voyait une petite figure prélative, adossée contre le siége d'un grand fauteuil (et non pas assise, à raison sans doute de la difficulté qu'elle aurait éprouvée pour y monter et pour en descendre à propos). C'était une figure de nain si régulière et si modeste, si spirituelle et si convenablement digne, que le ridicule ne s'y pouvait appliquer. C'était Monsignor Doria, le Nonce Apostolique, habile et fin diplomate, à qui l'exiguïté de sa taille et la prudente concision de toutes ses réponses avaient fait donner par Mme de Créquy un surnom doublement juste ; elle le nommait le bref du Pape.

Non loin de M. le Nonce, on remarquait un jeune Abbé bien poudré, bien mis, en belle soutane de moire avec un charmant surplis en dentelle d'Alençon. Il portait la grande et noble croix fleurdelisée du chapitre de Lyon, qui lui tombait sur la poitrine au moyen d'un large ruban couleur de feu. Il lisait fort assidûment dans son bréviaire, en ayant soin d'observer si l'Envoyé de Rome avait l'air édifié de sa régularité.... Il avait le teint d'une jeune fille, et c'était la fleur des abbés de Versailles, où Mme de Pompadour l'avait surnommé familièrement Suzon la Bouquetière. Enfin c'était M. l'Abbé Comte de Bernis, qui se disposait à prêcher un sermon des plus édifians.

Malheureusement pour l'édification de son auditoire, il avait laissé tomber de son livre de prières, en entrant dans l'église, un petit papier à vignettes, qui fut ramassé par le Marquis de Valbelle, et qui circula de mains en mains parmi les jeunes Seigneurs. MM. de Talaru, de Vérac et de Flamarens protestèrent que l'écriture de ce papier était celle de l'Abbé de Bernis. M. l'Abbé de Talleyrand-Périgord (qui se tenait déjà parmi les laïcs) affirma que ces jolis vers étaient destinés pour la Coadjutrice de Maubeuge, et du reste voici le couplet en question :

A MADAME LA C. B. DE R.

C. DU CHAP. DE M.

(Sur l'air: Du serin qui te fait envie.)

Heureux celui dont la tendresse
Des mains de l'hymen l'obtiendra,
Et qui, conservant la Comtesse,
Nous la déchanoinisera !
Heureux qui fera ses délices
De prouver à ce cœur chéri
Que le meilleur des bénéfices
Est bien moins bon qu'un bon mari !

L'assemblée n'était pas des moins illustres, et, hormis la famille royale, toute la haute aristocratie s'y trouvait au grand complet. Mlle de Sens attirait tous les yeux, parce qu'elle était coiffée d'une barrière à l'Amphytrite, avec du corail en branches et des coquillages de toutes couleurs, en porcelaine de Saxe, ce qui n'était plus à la mode il y avait déjà de quarante à cinquante ans. Mme la Duchesse d'Orléans était coiffée à la débâcle, ce qui lui allait à merveille ; mais comme cette Princesse était aussi malfaisante que maldisante, elle avait fait ouvrir une fenêtre à sa portée, prétendant qu'elle avait trop chaud, ce dont il résultait du courant d'air et de la contrariété pour tout son voisinage. Mlle de La Force en eut une fluxion sur les yeux, et Mme la Duchesse de Saint-Pierre en prit un rhume qui lui dura jusqu'au mois de juillet suivant.3

Mme la Duchesse d'Orléans s'étant aperçue d'un léger accident qui venait de survenir à la Princesse de Carignan, laquelle se trouvait assise auprès d'elle, eut la malicieuse attention de la prévenir qu'un de ses sourcils de peau de taupe était tombé sur ses genoux. La Princesse savoyarde, qui n'était pas moins apprêtée que négligente, le mouilla furtivement avec le bout de sa langue afin de le recoller ; mais elle remit les points en haut, ce qui lui donna la plus étrange physionomie... Les jeunes femmes n'osaient regarder de ce côté-là de peur du fou-rire ; les personnes régulières avaient redoublé d'attention religieuse et de physionomie dévote, afin de ne participer en aucune manière, et de protester autant que possible contre les facéties de la Duchesse d'Orléans, qu'on n'estimait guère et qu'on ne pouvait aimer. — Mme la Duchesse d'Orléans est comme cela ! ... disait son mari, le plus résigné des Princes. M. le Dauphin lui dit un jour qu'il devrait s'arranger de manière à ce qu'elle fût autrement, mais on n'a pas vu que le conseil ait été suivi.

On entendit crier sur ses gonds et l'on vit s'ouvrir la grille du chœur, où Mme de Richelieu, l'Abbesse de Panthemont, vint remettre la novice entre les mains de sa tante, Mme de Rupelmonde, qui conduisit Henriette à son prie-Dieu, où s'agenouillant elle tomba comme affaissée. Sa brillante parure ne s'accordait guère avec la pâleur de son visage et la langueur de sa physionomie, et l'on entendit alors une sorte de rumeur qui partait du bas côté de l'église où se tenaient les gens de livrée. Mme la Duchesse d'Orléans se mit à observer tous ces laquais avec une lunette d'opéra et avec une attention soutenue, ce qui parut faire déplaisir au Marquis de Polignac, et surtout à M. le Comte de Melfort ; enfin, comme cette rumeur ne s'apaisait un moment que pour recommencer la minute d'après, M. le Maréchal de Brissac se leva tout en pied (vous savez qu'il a six pieds de haut et qu'il porte deux queues blanches) : — Faites sortir les estafiers, s'écria-t-il d'une voix à faire trembler les vitres et les laquais. Les estafiers procédèrent tout de suite et d'eux-mêmes à leur sortie, en emportant avec eux un jeune homme évanoui qui se débattait et se tordait en convulsions ; il portait l'uniforme d'officier des gardes du Roi Stanislas, Duc de Lorraine et de Bar ; on dit que c'était le Vicomte de Gondrecourt, et presque tous les jeunes seigneurs s'empressèrent de sortir pour lui porter assistance.

L'Archevêque de Paris avait tenu les yeux baissés jusqu'au moment où la Coadjutrice amena Henriette pour s'agenouiller à ses pieds ; il serrait fortement, dans une de ses mains couverte d'un gant violet, une paire de tablettes en or émaillé. — Ma sœur, quel âge avez-vous ? dit-il à la novice avec un ton bienveillant et doux. — Dix-neuf ans, Monseigneur, répondit la Comtesse de Rupelmonde. — Vous allez me répondre plus tard, Madame !... et l'Archevêque adressa de nouveau la même question à la novice, qui répondit d'une voix tremblante qu'elle avait dix-sept ans. — Dans quel diocèse avez-vous reçu le voile blanc ? — Dans le diocèse de Toul. — Comment, dans le diocèse de Toul ! s'écria fortement M. de Paris ; le siége de Toul est vacant ! l'Évêque de Toul était mort il y a quinze mois, et les gérans capitulaires ne sauraient être autorisés à recevoir des novices. Votre noviciat est nul, Mademoiselle, et nous nous refusons à recevoir votre profession.

L'Archevêque de Paris se leva de son siége, se fit coiffer de la mitre t prit sa crosse des mains d'un acolyte. — Nos très chers frères, ajouta-t-il en s'adressant à l'assemblée, nous n'avons pas besoin d'examiner et d'interroger Mlle de Lénoncour sur la sincérité de sa vocation religieuse ; il se trouve un empêchement canonique à sa profession pour le moment ; et quant à l'avenir, nous nous réservons expressément d'en connaître, en interdisant à toute autre personne ecclésiastique le pouvoir d'accepter ses vœux, sous peine d'interdiction, de suspension et de nullité, le tout en vertu de nos droits métropolitains, aux termes de la bulle cum proximis.

Adjutorium nostrum in nomine Domini ! poursuivit-il en chantant d'une voix grave et solennelle et en se retournant du côté de l'autel afin d'y donner la bénédiction du Saint-Sacrement.

Comme tous les jeunes seigneurs se trouvaient en dehors de l'église, le reste du noble auditoire avait une telle habitude de réserve, d'empire, et l'on pourrait dire de tyrannie sur la manifestation de ses impressions intérieures, que cette déclaration de M. l'Archevêque y fut reçue comme la chose du monde la plus naturelle et la plus ordinaire. On sait que le Maréchal de Tessé disait à son fils, « Soyez toujours en garde contre l'étonnement : la surprise fait toujours commettre des maladresses ; n'ayez jamais l'air étonné de rien, sinon du mal qu'on vous dirait du Roi, de la Reine ou des Ministres de vos amis. »

On s'agenouilla pour recevoir la bénédiction pontificale ; la Duchesse d'Orléans braqua sa lunette sur Mademoiselle de Lénoncour, qui rougissait et pâlissait alternativement, si bien qu'on fut obligé de la faire asseoir sur le fauteuil de M. le Nonce, à qui l'Abbé de Bernis avait commencé par remettre le manuscrit de son beau sermon. Le Maréchal de Brissac se récria sur la manigancieuse perruchonnerie de la tantâtre à l'endroit de sa tourterelle et colombine de nièce qu'elle avait entrepris d'encager, inhumainement et déloyaument, paraissait-il ! mais on sait que le vieux seigneur a son franc-parler en vieux style ; et dans les récits du soir, on se félicita réciproquement, on se congratula noblement, de ce qu'à l'exception des gauloiseries du Maréchal et de la lunette d'opéra de la Duchesse d'Orléans, il ne s'était rien fait et rien dit qui fût hors de mesure et de convenance parfaite.

En vertu du monitoire de son supérieur ecclésiastique, Mme de Panthemont s'opposa formellement à ce que Mlle de Lénoncour reprit le voile blanc avec les habits religieux ; elle établit Henriette dans un bel appartement de pensionnaire, au lieu d'une cellule de novice, et lorsque le Coadjutrice arriva le lendemain matin pour enlever sa nièce, Mme de Richelieu lui fit exhiber une lettre de cachet qu'elle venait de recevoir, et qui s'opposait à la sortie de Mlle de Lénoncour avec toute autre personne que le Maréchal de Beauvau....

La bonne compagnie s'est dédommagée très amplement de la réserve qu'elle avait montrée dans la chapelle ; on n'a parlé dans tout Paris, pendant plus d'un mois, que des amours du joli Vicomte et de la charmante Henriette, que de la noirceur de cette Chanoinesse, que de la bienfaisance et du savoir-faire de la Maréchale, enfin que de la haute sagesse de M. l'Archevêque, à qui l'on sait très bon gré d'avoir déjoué cette manœuvre, sans aucun scandale, en évitant de compromettre le beau nom de Rupelmonde, et sans être sorti de la mansuétude pastorale, au moyen de ce manque de forme qu'il avait habilement saisi, et dont il avait appliqué le bienfait avec autant d'autorité que de circonspection charitable.

Deux mois plus tard, M. Tiercelet de la Barotte a été introduit dans le cabinet de M. le Maréchal de Beauvau, entre les mains duquel il a déposé la somme de trois cent quarante mille livres, montant des revenus de Mlle de Lénoncour échus pendant sa minorité. La somme était en obligation de rente sur les Aides et Gabelles, et c'était en vertu d'un arrêt du Grand Conseil qui déboutait la Comtesse de Rupelmonde de la tutelle de sa nièce.

Le surplus de la fortune d'Henriette est composé de ses terres de Hérouwal et de Baudricourt qui rapportent cinquante-huit mille livres de produit net, en dehors de leurs droits féodaux, toujours éventuels en Lorraine, à raison des lods et ventes, et du droit de mutation que les vendeurs lorrains et les acquéreurs de ce pays-là trouvent presque toujours moyen de frauder. Le Maréchal a fait appeler son intendant pour en vérifier les comptes et pour en donner quittance à Mme de Rupelmonde, ainsi qu'il s'y trouvait autorisé par la sentence du Grand Conseil qui venait de retirer la tutelle d'Henriette à cette indigne parente.

Le Vicomte de Gondrecourt est un aimable officier des gardes polonaises ; il est l'intime ami du Chevalier de Boufflers, c'est dire assez qu'il n'est pas sans esprit, et du reste il est joueur de paume infatigable, bon cavalier, hardi chasseur, et d'une assez jolie force au jeu d'échecs. Il a fini par apprendre à parfiler assez proprement ; mais quant à son talent pour les broderies au passé, on est obligé de convenir qu'il est à cent piques au-dessous du colonel, son frère. Il idolâtrait sa cousine Henriette, mais il n'avait que mille écus de rente, attendu qu'il avait un frère aîné ; ce qui n'avait pas empêché la Novice et la Coadjutrice d'éprouver le plus tendre penchant pour lui. .Tout cela n'a pas empêché Non plus que les personnes que Mme de Rupelmonde avait invitées pour la cérémonie de Panthemont n'aient reçu bientôt après cet autre billet de part :

M.

Vous êtes prié d'assister à la célébration du mariage entre HH. et PP. Seigneur et Damoiselle, Messire Adrien de Gondrecourt, Vicomte de Saint-Jean-sur-Moselle, et Damoiselle Henriette de Lénoncour, Comtesse de Hérouwal et autres lieux, lequel aura lieu le 14 du présent mois de juin, dans la chapelle de l'archevêché de Paris, à minuit précis.

De la part de Madame la Comtesse-Douairière de Gondrecourt, mère du futur, et de M. le Maréchal-Prince de Beauvau, curateur de la future.

La Gazette de Paris du 25 août rapporte ce qui suit : « Madame la Vicomtesse de Gondrecourt vient d'avoir l'honneur d'être présentée à LEURS MAJESTÉS, en leur château royal de Versailles, par Mme la Maréchale de Beauvau, accompagnée de Mme la Marquise de Beaumont du Repayre et de Mme la Princesse de Craon. »


FIN DU TROISIÈME VOLUME


Notes

1. Christine-Alberte de Récourt de Lens de Rupelmonde, née Comtesse de Warangest et de l'Empire, morte Princesse Abbesse du Chapitre impérial de Thorn, en 1798, âgée de 71 ans. (Note de l'Auteur)

2. Marie-Charlotte-Sylvie de Rohan-Chabot, mariée en premières noces à Jean-Baptiste-Henry de Clermont d'Amboise, Marquis de Resnel, remariée en 1764 à Charles-Just de Beauvau, prince du Saint-Empire et Maréchal de France ; morte à Paris en 1807, âgée de 78 ans.

3. Marguerite Colbert de Croissy, veuve de François Spinola, Noble Génois, Duc de Saint-Pierre et Grand d'Espagne de la seconde classe. Elle est morte à Paris en 1788, âgée de 102 ans. (Note de l'Auteur)

Vous savez bien qu'elle a si grand'peur des vents-coulis qu'elle reçoit toutes les visites qu'on va lui faire étant renfermée dans une sorte de chaise à porteurs, et bien garantie du vent des portes de sa chambre au moyen d'un paravent de quarante feuilles en verres de Bohême. Il a fallu que je fusse lui présenter ma petite bru, parce que MM du Muy sont parens des Colbert, à ce qu'on dit, et vous comprendrez que c'est une alliance où je ne conçois rien. Pour arriver jusqu'auprès d'elle, il nous a fallu passer au milieu de toutes ces cloisons transparentes ; alors elle a baissé la glace de sa chaise pour nous souhaiter la bienvenue, mais tout de suite après elle a relevé sa glace en nous faisant des excuses, et nous avons eu la liberté de circuler dans son labyrinthe de vitres ou bien d'aller converser tout à notre aise avec les assistans. Ceux-ci ne consistaient que dans ses nièces et ses neveux Colbert de Seignelay, de Torcy, de Saint-Pouange et de Villacerf ; et vous avez outre raison de penser que lorsqu'on n'est pas des parens de cette maniaque, on ne va pas d'assujettir à son étrange lubie. Ma belle-fille a dit à son mari, qu'en apercevant cette belle Maguelonne au travers de toutes ces glaces, au reflet doré de sa grande chambre, et toute couverte de brocard émaillé de fleurs avec des perles et des diamans qui scintillaient à la lueur de mille bougies, elle avait cru voir une châsse de reliques et qu'elle avait eu l'idée de se mettre à genoux. Sa demoiselle de compagnie nous a reconduites avec force révérences jusqu'au pied du grand escalier. Comment trouvez-vous cette étiquette à la Spinola di San-Pietro ?
(Extrait d'un lettre de Mme de Créquy à Mgr le Duc de Penthièvre.)


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