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CHAPITRE X.

(1651-1652.)

Il arriva une bien plus grande affaire : M. le cardinal entra en France.1 Au même moment que Monsieur le sut, il envoya querir ses troupes qui étoient dans l'armée du roi, commandée par le maréchal d'Aumont,2 et qui consistoit en ses compagnies de gendarmes, chevau-légers, et celles de M. le duc de Valois, mon frère, et les régiments de cavalerie et d'infanterie de l'un et de l'autre, avec le régiment de Languedoc, dont Monsieur est gouverneur. Le comte de Maré, qui étoit à Monsieur, amena son régiment de cavalerie. Le comte de Hollac, Allemand, homme de grande qualité et de mérite, à qui Monsieur, à ma prière, avoit fait donner un régiment de cavalerie de sa nation, le vint trouver ; et, à son imitation, M. Sester, neveu du maréchal de Rantzau, y vint aussi avec son régiment. Monsieur envoya de ces troupes se poster sur tous les passages des rivières, pour empêcher le passage de M. le cardinal.

Le parlement députa des conseillers pour envoyer sur la route à la même intention. MM. du Coudray, Genier et Bitaut3 y furent pour cet effet, et se trouvèrent à Pont-sur-Yonne, lorsque M. le cardinal y arriva avec l'armée qui l'escortoit. Cette rencontre eut lieu le 9 janvier 1652. Comme il n'y avoit à ce pont que cent mousquetaires de Languedoc, commandés par un capitaine, nommé Morangé, qui résista fort longtemps avec son peu de troupes contre un nombre considérable, et fit en cette rencontre une très-belle action, MM. Bitaut et du Coudray furent obligés de se sauver ; le premier fut pris prisonnier, et l'autre, se défendant en très-brave gentilhomme comme il est, se sauva. M. le cardinal passa la rivière de Loire à Gien sans aucune résistance, les habitants ayant refusé de laisser entrer le régiment de Son Altesse royale, qui s'y vouloit jeter. Il passa partout sans nulle difficulté jusqu'à Poitiers,4 où il arriva heureusement et avec tous les témoignages possibles de joie de toute la cour.

M. le coadjuteur me vint voir ensuite de l'éclaircissement. Il me parla du dessein du roi d'Angleterre, et me dit qu'il [le roi d'Angleterre] l'avoit voulu engager d'en parler à Monsieur ; mais qu'il ne l'avoit pas voulu faire ; qu'il auroit toute la joie possible de me voir reine de France, et qu'il me supplioit de croire qu'il n'y avoit rien au monde qu'il ne fît pour cela. Mais sa conduite ne répondit pas à son discours ; car je le voyois peu.

Comme Monsieur fut déclaré, comme j'ai dit, contre M. le cardinal, madame de Choisy me vint voir un matin. Je lui dis que je la suppliois d'écrire à la palatine que je la remerciois des offres qu'elle m'avoit faites de me servir ; que, si elle croyoit avoir quelque engagement avec moi, je la priois de croire que je n'en voulois plus avoir avec elle, et que les trois cent mille écus que madame de Choisy m'avoit demandés pour elle seroient employés au service de Monsieur, pour faire la guerre à M. le cardinal, et que par cette voie je serois plus tôt reine de France. Madame de Choisy, qui va comme les girouettes à tous vents et de tous côtés, approuva fort mon dire, et me répondit : « Je venois vous dire justement ce que vous m'avez dit. » Je la priai que l'on ne parlât jamais de cette affaire, parce que, si cela se savoit dans le monde, l'on croiroit que j'aurois été leur dupe, et que je serois obligée de m'en défendre, en disant que, quand les gens ne donnent point leur argent à ceux qui les veulent attraper, l'on n'est pas dupe. Elle me promit que cela demeureroit enseveli dans l'oubli.

M. de Nemours arriva à Paris, qui revenoit de guienne d'auprès de M. le Prince, et s'en alloit en Flandre querir ses troupes avec celles que le roi d'Espagne lui donnoit. Lorsque M. le Prince partit pour aller en Guienne, ces troupes se rencontroient heureusement formant un corps séparé de l'armée du roi, et étoient à Marles,5 de sorte qu'elles purent sans peine s'aller joindre en Flandre. Il fut quelques jours à Paris ; il y avoit des bals à Luxembourg.6 Elle [madame de Châtillon]7 parut à un, ajustée au dernier point et belle comme un ange ; ce qui fut plus remarqué, parce que tout l'hiver elle ne sortit point et ne s'étoit point habillée.

M. le comte de Fiesque arriva après, de la part de M. le Prince, avec un plein pouvoir de signer un traité avec Monsieur. Madame fit tous ses efforts pour empêcher Monsieur de signer ; mais elle n'eut pas assez de crédit. M. de Nemours me témoigna en être fort mécontent, et qu'il le feroit savoir à M. le Prince, duquel il me fit force protestations de service ; à quoi je répondis assez froidement. Le comte de Fiesque, en qui j'avois une grande confiance de longtemps, me donna aussi force assurances de la part de M. le Prince du zèle qu'il avoit à me servir, et de sa joie, si je pouvois être persuadée qu'étant ce que nous étions, nos intérêts étoient communs ; qu'il désiroit fort que je fusse reine de France ; que c'étoit le plus grand avantage du monde pour lui, si j'avois la bonté d'avoir plus de confiance en lui que par le passé.

Je reçus fort bien ce compliment, et témoignai au comte de Fiesque, que j'aimerois mieux que M. le Prince se mêlât de mes intérêts que qui que ce fût ; que je lui donnerois des marques de cette vérité par ma conduite, et que je voulois être, avec sincérité, de ses amies à l'avenir ; de sorte que M. le comte de Fiesque, qui avoit une lettre de M. le Prince à me donner, en cas que je reçusse bien con compliment, me l'apporta le lendemain. J'ai jugé nécessaire de la mettre ici, aussi bien que quelques autres :

Du camp de Miradoux, ce 3 mars 1652.8

« Mademoiselle,

» J'apprends, avec la plus grande joie du monde, les bontés que vous avez pour moi ; je souhaiterois avec passion vous pouvoir donner des preuves de ma reconnoissance. J'ai prié M. le comte de Fiesque de vous témoigner l'envie que j'ai de mériter, par mes services, la continuation de vos bonnes grâces. Je vous supplie d'avoir créance aux choses qu'il vous dira de ma part, et d'être persuadée que personne du monde n'est avec plus de passion et de respect, Mademoiselle,

» Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

» LOUIS DE BOURBON. »

Cette lettre étoit assez obligeante pour des compliments que j'avois faits à ses amis, et marquoit bien l'envie qu'il avoit d'être des miens, comme il a témoigné depuis en toutes occasions ; aussi de mon côté n'en ai-je perdu aucune de prendre ses intérêts et de faire connoître combien ils m'étoient chers.

Quand la nouvelle vint que M. de Nemours étoit entré en France avec son armée, j'en fus fort aise. Comme il s'approcha, Monsieur s'inquiéta fort pour faire passer la rivière du Seine à ses troupes. Ce que l'on fit à Mantes,9 où M. le duc de Sully, qui en est gouverneur, servit parfaitement bien le parti. Il auroit été à souhaiter que Son Altesse royale y eût été ; car cela auroit pu obliger M. de Longueville à l'y venir recevoir, étant dans son gouvernement, et cette entrevue l'auroit pu engager à faire pour M. le Prince ce qu'il n'avoit pas fait. M. le coadjuteur l'empêcha de faire ce voyage ; il fut fait cardinal aux quatre-temps du carême.10 Ce qui donna une grande joie à Monsieur et à tous ses amis. Il m'en envoya donner part dès le matin, et ensuite me vint voir, revêtu de cette nouvelle dignité ; de sorte que nous l'appellerons à présent11 le cardinal de Retz.

Cette nouvelle dignité lui donna lieu de manifester davantage la haine qu'il avoit contre M. le Prince. Car il fit faire une assemblée de noblesse, fomentée par quelques-uns de ses amis dans le Vexin, pour empêcher de passer M. de Nemours et pour le charger ; mais cela fut fort inutile. Ces gens-là ne parurent pas seulement, et l'on fit croire à Monsieur que c'étoit une chose considérable ; ce qui causoit son inquiétude. Comme M. de Nemours se mit en marche après avoir passé la rivière, il vint ici voir Monsieur12 et amena avec lui M. le baron de Clinchamp,13 qui commandoit toutes les troupes que le roi d'Espagne avoit données à M. le Prince, et force de ses officiers étrangers, qui étoient bien aises de voir Paris.

Cependant l'armée de Monsieur, dont M. le duc de Beaufort étoit générale, étoit allée en toute diligence secourir Angers,14 où M. de Rohan avoit tenu bon pour M. le Prince, à ce qu'il disoit. La suite des choses le fera connoître. Il demandoit du secours à grand hâte ; car il étoit pressé par l'armée du roi, commandée par le maréchal d'Hocquincourt. En demandant du secours, il avoit marqué un jour jusqu'auquel il tiendroit ; mais il se rendit deux jours devant,15 quoiqu'il sût l'armée fort proche, et qui devoit arriver le jour qu'il l'avoit demandée. Beaucoup croient qu'il traita dès ce moment avec M. le cardinal et qu'il ne vint à Paris que pour lui servir. Il le servit assurément en ruinant les troupes ; car les grandes marches, qu'elles faisoient, les fatiguèrent beaucoup et assez inutilement.16

M. de Clinchamp, après avoir rendu ses devoirs à Son Altesse royale, me vint voir. Je fus fort contente de lui : c'étoit une honnête homme, de beaucoup d'esprit et de mérite. En sa considération et celle de tous ses officiers, Monsieur voulut que l'on fît une grande assemblée chez moi, le jour de la mi-carême ; à quoi j'obéis volontiers. Il y eut un ballet assez joli ;17 ce qu'il admira moins que la beauté des dames de France, aussi bien que tous les colonels. Car pour lui, quoiqu'il servît le roi d'Espagne, il étoit François de frontière de Lorraine ; il avoit été, de jeunesse, nourri en cette cour, et M. de Lorraine l'avoit engagé au service des Espagnols. Il me vint voir souvent, et me témoignoit qu'il n'eût rien souhaité avec plus de passion que de me voir maîtresse des Pays-Bas. Je tournois ce discours en raillerie, ne le connoissant pas assez pour pouvoir prendre cela autrement, comme j'ai fait depuis. Avant qu'il partît d'ici, M. de Nemours et lui me prièrent qu'ils pussent voir encore danser chez moi une fois avant de partir. Je lui donnai encore un bal ; mais il fut plus petit que l'autre. Ils ne furent que huit jours à Paris ; car il falloit qu'ils marchassent pour se joindre aux troupes de Son Altesse royale.

Angers pris, la cour revint du côté de Paris ; elle s'arrêta pour quelque temps à Blois, d'où l'on envoya à Orléans savoir si l'on y recevroit le roi avec le cardinal : ce qui n'étoit pas sans difficulté. Car l'armée de M. d'Hocquincourt avoit tellement ruiné toutes les terres de Son Altesse royale, et généralement tout le pays blaisois, que ceux d'Orléans craignoient un pareil traitement, et avoient assez de raison de craindre d'en être pillés ; car tous les blés de la province et tous les meubles de tout le pays, tant de la noblesse que des autres, étoient retirés dans leur ville. Sur cette première lettre du roi, les habitants d'Orléans envoyèrent à Son Altesse royale savoir ce qu'ils feroient.18 Elle y envoya M. le comte de Fiesque et M. de Gramont, qui est un de ses gentilshommes, lesquels apaisèrent tout le trouble que la crainte et l'effroi avoient fait naître ; et l'éloquence, avec laquelle le comte de Fiesque parla au peuple, le rangea à l'obéissance de Son Altesse royale, et unit tous les esprits d'une telle manière, que croyant que l'intendant étoit l'homme de M. le cardinal et non celui du roi, en passant par une place qui s'appelle le Martroy, ils le pensèrent assommer en criant : au Mazarin ! De sorte que, pour le sauver de cette furie du peuple, il fallut que le comte de Fiesque l'en allât tirer ; et on ne voulut jamais le lui rendre, qu'il n'eût crié : vive le roi et point de Mazarin ! ce qu'il fit ; car il monta sur les degrés qui sont au milieu de la place pour obéir à leurs ordres. Cela fut assez plaisant de voir ce pauvre M. Le Gras, qui est un vieux maître des requêtes, avec sa robe de satin, se soumettre aux lois d'une populace émue. Pour sauver sa vie, il n'y a rien de ridicule.19

M. le marquis de Sourdis, gouverneur de la province et de la ville d'Orléans, y étoit peu accrédité, et sa conduite envers Son Altesse royale étoit telle que l'on étoit bien aise de le voir ainsi. M. le comte de Fiesque revint en grande diligence pour obliger Son Altesse royale d'aller à Orléans,20 sa présence y étant tout à fait nécessaire pour la conservation de cette grande ville, poste si considérable en temps de guerre civile, et en paix si renommé par son commerce : et ce commerce-là étoit d'autant plus utile en notre guerre, puisque l'on disoit ne la faire que pour le bien public. La communication de la Guienne étoit encore une action fort considérable pour le parti et pour les intérêts de M. le Prince, qui recommandoit toujours que l'on eût soin de ménager Orléans ; de sorte que tous ses amis pressoient fort Monsieur d'y aller : à quoi il se résolut le samedi de Pâques fleuries,21 au soir. Il m'avoit dit, quelques jours auparavant, que les bourgeois d'Orléans l'avoient envoyé prier, au cas qu'il n'y pût aller, de m'y envoyer. Je lui répondis à cela qu'il savoit bien que j'étois toujours prête à lui obéir. Comme l'on me dit le dimanche, au matin, que Monsieur partoit le lendemain pour Orléans, et que c'étoit une action résolue, et qu'il avoit envoyé à messieurs les ducs de Nemours et de Beaufort leur dire de lui envoyer une escorte au delà d'Étampes, je dis à Préfontaine : « Je gagerois que j'irai à Orléans. » Il me répliqua qu'il ne comprenoit pas sur quoi j'avois cette pensée. Je lui dis que Monsieur s'étant engagé à faire ce voyage, auquel le cardinal de Retz ne consentiroit jamais, il ne pouvoit s'en dégager qu'en m'y envoyant, et que je n'en étois pas trop fâchée, parce que c'étoit la chose du monde qui tenoit le plus au cœur de M. le Prince ; et qu'il étoit fort beau, en s'engageant à être ami des gens, de leur rendre un service si considérable ; que cela les rendoit redoutables pour jamais, et qu'en rendant en même temps un service au parti, tout ce qui en étoit me seroit obligé.

J'avois fait dessein d'aller coucher ce jour-là aux Carmélites de Saint-Denis pour y passer la semaine sainte, comme je faisois quasi toutes les grandes fêtes ; même je l'avois dit à Monsieur et j'avois pris congé de lui. Mais je remis mon voyage au lendemain, à cause de celui de Monsieur. M. de Beaufort, qui étoit venu depuis le comte de Fiesque, pour presser Monsieur d'aller à Orléans, me vint voir et me dit : « Si Monsieur n'y veut pas aller, il falloit que ce fût moi.22 » Je m'en allai aux Capucines de la rue Saint-Honoré, où prêchoit le père Georges,23 grand frondeur. Monsieur y étoit ; je lui dis que j'avois différé mon voyage sur ce que j'avois appris le sien. J'allai ensuite à Luxembourg, où je le trouvai fort inquiet ; il se plaignit à moi de la persécution, que les amis de M. le Prince lui faisoient d'aller à Orléans ; que, s'il abandonnoit Paris, tout étoit perdu, et qu'il n'iroit point. Toutes les conversations que l'on avoit avec lui, lorsqu'il n'étoit pas satisfait des gens, qui le vouloient faire agir, finissoient toujours par des souhaits d'être en repos à Blois, et par le bonheur des gens qui ne se mêlent de rien. A dire le vrai, cela ne me plaisoit point. Je jugeois par là qu'à la suite du temps cette affaire iroit à rien, et qu'on se verroit réduit, comme on a été, chacun chez soi. Ce qui ne convient guère aux gens de notre qualité, et convenoit encore moins à avancer ma fortune ; de manière que ces sortes de discours me faisoient toujours verser des larmes et me causoient beaucoup de chagrin. Je demeurai assez tard chez Monsieur ; tout le monde me venoit dire : « Vous irez assurément à Orléans. »

M. de Chavigny, qui étoit un homme de grand esprit et de grande capacité, qui avoit été élevé par le cardinal de Richelieu aux affaires, et qui étoit connu de lui pour tel que je viens de dire, étoit fort de mes amis et fort de ceux de M. le Prince ; il me dit : « Voici la plus belle action du monde à faire pour vous, et qui obligera sensiblement M. le Prince. » Monsieur entra sur cela, auquel je donnai le bonsoir et m'en allai à mon logis. Comme je soupois, le comte de Tavannes, lieutenant général de l'armée de M. le Prince, entra, et me dit tout bas : « Nous sommes trop heureux, c'est vous qui venez à Orléans ; n'en dites mot. Car M. de Rohan vous le va venir dire, de la part de Monsieur. »

M. de Rohan arriva, qui m'apporta cet ordre, que je reçus, comme j'ai toujours fait les commandements de Monsieur, avec beaucoup de joie de lui obéir ; mais j'en sentois une dans le cœur, qui me marquoit une fortune aussi extraordinaire, que la fut l'exécution de cette affaire. M. de Rohan me dit qu'il y viendroit avec moi ; je priai le comte et la comtesse de Fiesque de m'y accompagner, et madame de Frontenac ; ce qu'ils firent avec beaucoup de satisfaction. Je donnai ordre à mon équipage et à toutes les choses qui m'étoient nécessaires ; je me couchai à deux heures après minuit, et le lendemain, qui étoit le jour de la Notre-Dame de mars, j'allai à sept heures du matin faire mes dévotions, croyant devoir commencer mon voyage, en me mettant en état que Dieu y pût donner les bénédictions que je désirois. Puis je revins à mon logis y donner encore quelque ordre, et je m'en allai dîner à Luxembourg, où Monsieur me dit qu'il avoit envoyé le marquis de Flamarens à Orléans dire que j'y allois, et avoit écrit que l'on fît tout ce que j'ordonnerois, comme si c'étoit lui-même. Son Altesse royale dit à messieurs de Croissy et de Bermont, conseillers au parlement : « Il faut que vous alliez à Orléans avec ma fille. » Ils lui répondirent qu'ils obéiroient à ses ordres. Le premier étoit tout à fait attaché aux intérêts de M. le Prince. Je ne le connois pas par lui-même ; mais beaucoup pour en avoir ouï parler à de ses amis, qui étoient les miens. L'autre étoit fort de ma connoissance.

Après avoir été quelques heures à Luxembourg à entretenir tout le monde, je connus les sentiments de tous sur mon voyage : les amis du cardinal de Retz le trouvoient ridicule ; ceux de M. le Prince en étoient ravis. Comme je n'avois point encore la dernière confiance aux derniers, ce que m'avoient dit les autres me troubloit un peu. M. de Chavigny me dit qu'il témoigneroit à M. le Prince l'obligation qu'il m'avoit ; qu'il étoit assuré que dorénavant il prendroit mes intérêts comme les siens propres, c'est-à-dire avec le dernier emportement, et que, si pendant mon absence l'on faisoit quelque traité, je verrois comme les amis de M. le Prince me serviroient.

Pour montrer comme tous les amis de M. le Prince étoient bien intentionnés pour moi, je vous dirai que madame de Châtillon, pendant que M. de Nemours étoit ici, me dit : « Vous savez les obligations que j'ai à être attachée aux intérêts de M. le Prince, et l'inclination que j'ai pour vous, qui m'a toujours fait souhaiter de vous voir bien ensemble. Vous y voilà ; mais je souhaite que vous soyez encore mieux, si que24 M. de Nemours, qui a la dernière passion pour votre service, et moi aussi, comme vous savez, parlâmes hier deux heures de vous faire reine de France. Ne doutez point que M. le Prince n'y travaille de tout son cœur ; et, comme la paix ne se négociera jamais que par M. de Chavigny, Monsieur l'ayant promis à M. le Prince, nous lui en avons parlé. Il trouve que rien n'est si à propos, si utile pour la France, pour le bien public, comme pour votre famille et pour vous ; que cela est tout à fait avantageux à M. le Prince. C'est pourquoi, quand le comte de Fiesque partira (qui sera bientôt), faites-lui en dire deux mots. » Je n'avois garde de lui dire que le comte de Fiesque m'en avoit parlé, ni que j'avois fait réponse à M le prince là-dessus. Elle appela M. de Nemours, qui m'entretint fort longtemps sur ce chapitre, et me fit mille protestations de service, et continua depuis à m'en parler, aussi bien que madame de Châtillon et M. de Chavigny. Je n'eus que faire de charger de rien [le comte de Fiesque] ; car il ne partit point, et vint avec moi à Orléans. Madame de Châtillon vint me dire adieu à Luxembourg, fort dolente. Elle avoit bien envie de venir avec moi ; je ne l'en pressai pas, jugeant que cela feroit parler le monde, à cause de M. de Nemours. Madame de Nemours y vouloit fort venir, et pour cela je ne savois comment m'en débarrasser, et je savois que son mari auroit été au désespoir, si elle y fût venue. Enfin quelque personne de ses amis l'en détourna.

Après avoir dit tous mes adieux, je pris congé de Son Altesse royale [qui me dit] : « M. l'évêque d'Orléans, qui est de la maison d'Elbène,25 vous instruira de l'état de la ville ; prenez aussi avis des comtes de Fiesque et de Gramont ; ils y ont été assez longtemps pour connoître ce qu'il y a à faire ; qu'absolument j'empêchasse que l'armée ne passât la rivière de la Loire sous quelque prétexte que ce fût, et qu'il n'avoit que cela à m'ordonner.26 »

Je montai en carrosse avec madame la marquise de Bréauté, fille de madame la comtesse de Fiesque, et mesdames les comtesses de Fiesque et de Frontenac.27 Son Altesse royale fut toujours à la fenêtre jusqu'à ce qu'elle m'eût vu partir ; un nombre infini de peuple qui étoit dans la cour me souhaitoit des bénédictions, comme par toutes les rues où je passai. Son Altesse royale me donna un lieutenant de ses gardes, nommé Pradine, deux exempts, et six gardes et six Suisses. En partant de Paris je ne pus aller coucher qu'à Chastres,28 à cause que j'étois partie tard. Le soir M. de Rohan me vint voir et me fit mille compliments sur la joie qu'il avoit eue d'être choisi pour m'accompagner. Je les reçus fort bien. Croissy m'en fit aussi, et me dit : « Je sais que, parce que je n'ai pas l'honneur d'être connu de Votre Altesse royale, elle croiroit que je sois un bourru, qui fasse le capable et qui n'obéisse pas aveuglément à ses ordres ; je la puis assurer que ma conduite prouvera le contraire. » Il me dit vrai ; car je me suis fort louée de lui. Je partis de Chastres fort matin. Avant que de partir, M. de Rohan proposa à Pradine que, comme j'avois peu de gardes avec moi, il en envoya querir cinquante à lui qui étoient à l'armée pour me suivre. Pradine lui répondit que, si j'en avois voulu davantage, l'on m'en auroit donné ; mais que je n'en avois pas voulu, et que les gardes des particuliers ne se mêloient point avec ceux de Monsieur. Il me le vint dire aussitôt. Je lui dis qu'il avoit fort bien répondu, et que je ne le voulois pas : je le mandai à Monsieur, qui ne le trouva pas bon.

Comme je sortois de Chastres, M. de Beaufort arriva, qui m'accompagna toujours, à cheval à la portière de mon carrosse. Nous dînâmes à Étampes,29 et M. de Beaufort avec moi. A deux lieues de là, je trouvai l'escorte, qui étoit de cinq cents chevaux, commandée par M. de Valon, maréchal de camp dans l'armée de Monsieur. L'escorte étoit composé de gens d'armes, chevau-légers de Monsieur et de mon frère, et des gens détachés, de tous les corps, tant françois qu'étrangers. Ils étoient en bataille et me saluèrent ; puis les chevau-légers allèrent devant mon carrosse et les gens d'armes après ; les gardes et le reste par escadrons, devant, derrière et à côté.

Comme je fus dans les plaines de Beauce, je montai à cheval, parce qu'il faisoit fort beau temps, et qu'il y avoit quelque chose de rompu à mon carrosse ; ce qui donna à ces troupes bien de la joie de me voir. Je commençai, dès là, à donner mes ordres ; car je fis arrêter deux ou trois courriers, dont l'un étoit un homme d'Orléans, qui alloit trouver Son Altesse royale pour lui dire que le roi leur avoit mandé qu'il couchoit cette nuit-là à Cléry, et que de là il passoit outre sans aller à Orléans, mais qu'il y envoyoit le conseil. Je menai ce courrier avec moi jusqu'à Toury, afin de le dépêcher là dessus à Son Altesse royale.

En arrivant à Toury, j'y trouvai MM. de Nemours, Clinchamp et quantité d'autres officiers, qui me témoignèrent avoir grande joie de me voir, et même plus que si c'eût été Monsieur. Ils me dirent qu'il falloit tenir conseil de guerre devant moi. Je trouvai cela assez nouveau pour moi ; je me mis à rire. M. de Nemours me dit qu'il falloit bien que je m'accoutumasse à entendre parler d'affaires et de guerre ; que l'on ne feroit plus rien sans mes ordres. Nous nous mîmes donc à parler pour voir ce qu'il y avoit à faire. M. de Rohan me tira à part et me dit : « Vous savez bien que l'intention de Monsieur est que l'armée ne passe point la rivière ; qu'il craint que l'on ne l'abandonne dans Paris. Ainsi parlez à ces messieurs. » Et ensuite il me dit qu'il souhaitoit avec la dernière passion que ce voyage réussît au contentement de Monsieur, afin que cela l'obligeât à porter mes intérêts dans les choses essentielles ; et que, comme il étoit mieux informé des intentions de Monsieur que moi, il me diroit les choses, à mesure qu'elles arriveroient, afin que je les fisse.

Ce discours ne me plut point : voyant comme M. de Rohan faisoit le capable, je jugeai bien qu'il croyoit que je ne l'étois guère et peu propre à agir dans les affaires. Je ne lui en témoignai rien ; je le laissai, et m'en retournai avec toute la compagnie, et je dis à M. de Nemours et à tous ces messieurs, qui commandoient les troupes, que j'étois fort persuadée qu'ils agiroient en tout de concert avec moi, et que je ne craignois point qu'ils voulussent passer la rivière de Loire pour secourir Montrond, et abandonner Monsieur à Paris sans aucunes troupes ; mais que les amis du cardinal de Retz, et lui, ne souhaitoient que la division de Monsieur et de M. le Prince, qui étoit la chose du monde que je craignois le plus, et les priois, pour prévenir les gens mal intentionnés, de me donner leur parole qu'ils ne passeroient point la rivière, sans ordre de Monsieur. Ils me la donnèrent et me le voulurent signer ; ce que je ne crus pas nécessaires.

J'écrivis à l'instant à Monsieur en leur présence ce qu'ils m'avoient dit ; ensuite ils me protestèrent de ne plus rien faire désormais sans mes ordres, et qu'ils croyoient en cela se conformer à l'intention de M. le Prince. Ensuite on résolut que notre armée marcheroit à Gergeau30 et se logeroit dans le faubourg de Saint-Denis, qui est au bout du pont de deçà ;31 que, si la ville étoit en état que l'on la pût prendre d'emblée, que l'on attaqueroit, étant très-nécessaire d'être maître d'un poste sur la rivière de Loire ; que l'on couperoit la cour, qui apparemment n'entreroit point à Orléans, [et] prendroit le chemin de Gien ; que, s'ils combattoient, nous étions les plus forts, le maréchal de La Ferté32 n'ayant point encore joint avec son armée, ni Vaubecour avec un petit corps qu'il commandoit ; que si, connoissant leur foiblesse, ils s'en retournoient sur leurs pas, le pays, où ils avoient passé, étant tout ruiné, ils ne trouveroient aucune subsistance ni pour l'armée ni même pour la cour ; que cela perdroit leurs troupes ; que, si La Ferté et Vaubecour vouloient les aller joindre, l'on les attaqueroit ; que, par mille bonnes raisons aussi fortes que celles-ci, Gergeau étoit de la dernière utilité au parti ; [que] s'il y avoit beaucoup de gens dedans, l'on ne l'attaqueroit pas, ne voulant pas, au commencement d'une campagne, se mettre au hasard de perdre beaucoup d'infanterie aussi belle qu'étoit la nôtre, et que ce n'étoit pas le compte des guerres civiles que les siéges, et surtout en France ; car, qui est le maître de la campagne est maître du pays où l'on est, les petites villes n'étant bonnes que pour contribuer à la subsistance des armées.

M. de Nemours dit qu'il marcheroit le lendemain, dès la pointe du jour, et qu'il se rendroit le soir à Orléans, pour me rendre compte de l'état où l'on trouveroit Gergeau, pour recevoir mes ordres encore là-dessus premier que de rien exécuter. Je dis à M. de Beaufort d'en faire de même ; il répondit : « J'ai les ordres de Monsieur dans ma poche, et je sais ce que j'ai à faire. » M. de Nemours le pressa de les montrer, et lui dit qu'il lui sembloit qu'il me les devoit communiquer. Ce procédé de M. de Beaufort me lassant, je lui dis que je ne croyois pas que Monsieur eût changé d'intention quatre heures après mon départ, puisqu'il n'étoit parti que ce temps-là après moi ; que je ne croyois pas que Monsieur m'eût envoyée pour donner des ordres, dont je n'avois nulle connoissance, et qu'ainsi il les pouvoit jeter dans le feu, étant inutiles. Il n'en parla plus et dit qu'il m'obéiroit. Je lui donnai l'ordre et à M. de Nemours, qui s'en alloit coucher en son quartier, de faire marcher les armées, dès la petite pointe du jour. Je m'occupai le soir à visiter les lettres du courrier d'Orléans à Paris, afin de voir ce qui s'y passoit. Je n'y trouvai rien qui me pût servir ; j'appris seulement le peu de considération où étoit le marquis de Sourdis,33 leur gouverneur qu'ils avoient arrêté deux jours auparavant, en faisant la ronde ; et, quand il s'étoit nommé, ils ne l'avoient pas laissé passer, sans le demander au corps de garde ; qu'une nuit ils avoient barricadé sa porte, et que le matin il n'avoit pu sortir. Je ne savois si je m'en devois réjouir ou fâcher, parce que Monsieur, à qui j'avois demandé comme il étoit pour lui, ne me l'avoit su dire.

Le lendemain je partis de fort grand matin ; mais cela ne servit de rien. Car M. de Beaufort avoit oublié de donner l'ordre pour l'escorte dès le soir ; il ne s'en souvint que le matin assez tard, de sorte que je fus trois ou quatre lieues au pas pour l'attendre. Comme je fus à Artenay, le marquis de Flamarens s'y trouva, qui venoit au-devant de moi, et me dit qu'il avoit beaucoup de choses à me dire ; sur quoi il falloit voir ce que l'on auroit à faire. Je mis pied à terre dans une hôtellerie pour l'entendre ; il me dit que messieurs de la ville d'Orléans ne me vouloient point recevoir, et qu'ils lui avoient dit que, le roi étant d'un côté et moi de l'autre, ils étoient bien embarrassés à qui ils ouvriroient ; que, pour éviter cela, ils avoient jugé à propos de me supplier de m'en aller en quelque maison proche et d'y faire la malade, et qu'ils me promettoient de n'y point laisser entrer le roi, et que dès qu'il seroit passé, j'y serois la bienvenue ; qu'ils me supplioient de n'y point mener M. de Rohan ; qu'ils étoient fort en peine de ce que des conseillers du parlement y alloient faire. Je dis à M. de Rohan : « Pour vous, Monsieur, vous êtes trop considérable pour vous y mener malgré eux ; mais, pour messieurs de Bermont et de Croissy, l'on ne les connoît point ; quand ils seront dans les carrosses de mes écuyers, l'on les prendra pour être de mes gens. Quant à moi, il n'y a rien à délibérer, je m'en vais droit à Orléans. S'ils me refusent la porte d'abord, je ne me rebuterai point : peut-être que la persévérance l'emportera. Si j'entre dans la ville, ma présence fortifiera les esprits de ceux qui sont bien intentionnés pour le service de Son Altesse royale ; elle fera revenir ceux qui ne le sont pas. Car, quand l'on voit les personnes de ma qualité s'exposer, cela anime terriblement les peuples, et il est quasi impossible qu'ils ne se soumettent de gré ou de force à des gens qui ont un peu de résolution. Si la cabale des mazarins est la plus forte, je tiendrai tant que je pourrai contre ; si, à la fin, il me faut sortir, je m'en irai à l'armée, n'y ayant point de sûreté pour moi ailleurs. A porter les choses tout au pis, ils m'arrêteront. Si cela arrive, je tomberai entre les mains de gens qui parlent même langue que moi, qui me connoissent et qui me rendront dans ma captivité tout le respect qui est dû à ma naissance, et même j'ose dire que l'occasion leur donnera de la vénération pour moi ; car assurément il ne me seroit pas honteux de m'être ainsi exposée pour le service de Monsieur. »

Ils furent tous étonnés de ma résolution, et ne me parurent pas en avoir tant que moi ; car ils craignoient tout ce qui pouvoit arriver, et me le disoient pour m'arrêter. Mais, sans rien écouter, je montai en carrosse, laissant mon escorte pour aller plus vite, et je ne menai avec moi que les compagnies de Monsieur et de mon frère, parce que ce peu de troupes pouvoit aller aussi vite que moi.

Je trouvai quantité de gens de la cour qui s'en alloient à Paris avec des passe-ports de Monsieur ; car sans cela je les aurois fait arrêter. Ils me dirent que c'étoit en vain que me hâtois tant ; que le roi étoit dans Orléans,34 et que je n'aurois pas le succès que je prétendois de mon entreprise. Cela ne m'effraya point, étant assez résolue de mon naturel ; ce qui paroîtra assez, p358 dans ces Mémoires, aux actions les plus considérables de ma vie. Je trouvai Pradine, que j'avois envoyé le matin à Orléans pour leur faire savoir [aux habitants] l'heure que j'arriverois, qui m'apporta une lettre assez soumise ; mais, depuis l'avoir écrite, ils avoient changé d'avis et redemandèrent la lettre à Pradine, qui ne leur voulut pas rendre. Ils lui dirent qu'ils me supplioient de ne point aller à Orléans, parce qu'ils seroient obligés et avec douleur de me refuser la porte. Il les laissa assemblés, parce que M. le garde des sceaux35 et le conseil du roi étoient à la porte, qui demandoient à entrer. J'arrivai sur les onze heures du matin à la porte Bannière,36 qui étoit fermée et barricadée. Après que l'on eut fait dire que c'étoit moi, ils n'ouvrirent point ; j'y fus trois heures. Après m'être ennuyée pendant ce temps-là dans mon carrosse, je montai dans une chambre de l'hôtellerie, proche de la porte, qui se nomme le Port-de-Salut. Je le fus bien de cette pauvre ville ; car ils étoient perdus sans moi.

Comme il faisoit très-beau, après m'être divertie à faire ouvrir les lettres du courrier de Bordeaux, qui n'en avoit point de plaisantes, je m'en allai promener. M. le gouverneur m'envoya des confitures ; ce qui me parut assez plaisant, de me faire connoître qu'il n'avoit aucun crédit, ne me mandant rien, en me les envoyant. Le marquis d'Alluye37 étoit à la fenêtre de la guérite p359 de la porte, qui me regardoit promener dans le fossé. Cette promenade fut contre l'avis de tous ces messieurs, qui étoient avec moi, et que j'appelois mes ministres, ils disoient que la joie, qu'auroit le menu peuple de me voir, étonneroit le gros bourgeois ; de sorte que l'envie d'aller fit que je ne pris conseil que de ma tête. Le rempart étoit bordé de peuple, qui, en me voyant, crioit sans cesse : Vive le roi, les princes, et point de Mazarin ! je ne pus m'empêcher de leur crier : « Aller à l'Hôtel-de-Ville me faire ouvrir la porte, » quoique mes ministres m'eussent dit que cela n'étoit pas à propos.

En allant toujours, je me trouvai à une porte : la garde prit les armes et se mit en haie sur le rempart pour me faire honneur ; mais quel honneur ! Je criai au capitaine de m'ouvrir la porte. Il me faisoit signe qu'il n'avoit point les clefs ; je lui disois : « Il faut la rompre, et qu'il me devoit plus d'obéissance qu'à messieurs de la ville, puisque j'étois la fille de leur maître. » Enfin je m'échauffai jusqu'à le menacer : à quoi il ne répondit qu'en révérences. Tout ce qui étoit avec moi me disoit : « Vous vous moquez de menacer des gens, de qui vous avez affaire. » Je leur dis : « Il faut voir s'ils feront plus par menaces que par amitié. »

Le jour que je partis de Paris, le marquis de Vilaine, homme d'esprit et de savoir, qui passe pour un des habiles astrologues de ce temps, me tira à part dans le cabinet de Madame, et me dit : « Tout ce que vous entreprendrez, le mercredi 27 de mars, depuis midi, jusqu'au vendredi, réussira ; et même, dans ce temps, vous ferez des choses extraordinaires. » J'avois écrit cette prédiction sur mon agenda, pour observer ce qui p360 en arriveroit, quoique j'y ajoutasse peu de foi ; je m'en souvins, et je me tournai vers mesdames de Fiesque et de Frontenac sur le fossé, pour leur dire : « Il m'arrivera aujourd'hui quelque chose d'extraordinaire : j'ai la prédiction dans ma poche ; je ferai rompre des portes, ou j'escaladerai la ville. » Elles se moquèrent de moi, comme je faisois d'elles en leur tenant tels propos ; car, lorsque je le leur disois, il n'y avoit aucune apparence. Pourtant à force d'aller, je me trouvai au bord de l'eau, où tous les bateliers, qui sont en grand nombre à Orléans, me vinrent offrir leur service. Je l'acceptai volontiers, et je leur dis mille belles choses, et telles qu'il en faut dire à ces sortes de gens, pour les animer à faire ce que l'on désire d'eux.

Les voyant bien disposés, je leur demandai s'ils me pouvoient mener en bateau jusqu'à la porte de la Faux, parce qu'elle donnoit sur l'eau ; ils me dirent qu'il étoit bien plus aisé d'en rompre une qui étoit sur le quai, plus proche du lieu où j'étois, et que, si je voulois, ils [y] alloient travailler. Je leur dis que oui, et je leur donnai de l'argent, et, pour les voir travailler et les animer par ma présence, je montai sur une butte de terre assez haute qui regardoit cette porte. Véritablement je songeai peu à prendre le chemin ; car, sans y songer, je grimpai comme auroit fait un chat, me prenant à toutes les ronces et les épines, et sautant toutes les haies sans me faire aucun mal. Comme je fus là, beaucoup de ceux qui étoient avec moi, craignant que je ne m'exposasse trop, faisoient tout leur possible pour m'obliger à m'en retourner ; mais leurs prières m'importunant, je leur imposai silence. Madame de Bréauté, qui est la plus poltronne créature du monde, se mit à crier contre p361 moi et contre tout ce qui me suivoit ; même je ne sais si le transport où elle étoit ne la fit point jurer. Ce me fut un grand divertissement.

Avec ces bateliers je n'avois pas voulu d'abord envoyer personne à moi, afin de pouvoir désavouer que ce fût par mon ordre, si la chose ne réussissoit pas. Il n'y avoit qu'un des chevau-légers de Son Altesse royale, qui reçut un coup de pierre à la tête, dont il fut légèrement blessé. C'étoit un garçon, qui étoit de la ville, et qui m'avoit demandé en grâce de me suivre ; car j'avois laissé les compagnies, qui m'avoient escortée, à un quart de lieue de la ville, de peur de les effrayer [les habitants], en voyant des troupes.

L'on me vint dire que l'affaire avançoit ; j'y envoyai un des exempts de Monsieur, qui étoit avec moi, nommé de Visé, et un de mes écuyers, qui s'appelle Vantelet. Ils firent fort bien, et je descendis du lien, où j'étois peu après, pour aller voir comme tout se passoit. Mais comme le quai à cet endroit étoit revêtu, et qu'il y avoit un fort, où la rivière entroit et battoit la muraille, quoique l'eau y fût basse, l'on mit deux bateaux pour me servir de pont, dans le dernier desquels l'on me mit une échelle, par laquelle je montai. Elle étoit assez haute ; je ne remarquai pas le nombre des échelons. Je me souviens seulement qu'il y en avoit un de rompu et qui m'incommoda à monter. Mais rien ne [me] coûtoit pour l'exécution d'une chose si avantageuse à mon parti, et qui me paroissoit l'être fort pour moi.

Étant donc montée, je laissai mes gardes aux bateaux, leur ordonnant de s'en retourner où étoient mes p362 carrosses, pour montrer à messieurs d'Orléans que j'entrois dans leur ville avec toute sorte de confiance, n'ayant point de gens d'armes avec moi ; quoique le nombre des gardes fût petit, cela ne laissoit pas de me paroître faire un meilleur effet de ne les pas mener. Ma présence animoit les bateliers ; ils travailloient avec plus de vigueur à rompre la porte. Le bourgeois en faisoit de même dans la ville : Gramont les faisoit agir, et la garde de cette porte étoit sous les armes, spectateurs de cette rupture, sans l'empêcher. L'hôtel-de-ville étoit toujours assemblé, et tous les officiers de nos troupes, qui se trouvèrent lors à Orléans, avoient fait faire une sédition, qui auroit sans doute fait résoudre à me venir ouvrir la porte Bannière, s'ils ne m'eussent su entrée dans la ville par la porte Brûlée ; car cette illustre porte, et qui sera tant renommée par mon entrée, s'appelle ainsi. Quand je la vis rompue, et que l'on en eut ôté deux planches du milieu (car l'on n'auroit pu l'ouvrir autrement, y ayant deux barres de fer au travers, d'une grosseur excessive), Gramont me fit signe d'avancer. Comme il y avoit beaucoup de crotte, un valet de pied me prit, et me porta et me fourra par ce trou, où je n'eus pas sitôt la tête passée que l'on battit le tambour. Je donnai la main au capitaine, et je lui dis : « Vous serez bien aise de vous pouvoir vanter que vous m'avez fait entrer.38 » Les cris de Vive le roi, les princes ! p363 et point de Mazarin ! redoublèrent. Deux hommes me prirent et me mirent sur une chaise de bois. Je ne sais si je fus assise dedans ou sur le bras, tant la joie où j'étois m'avoit mise hors de moi-même : tout le monde me baisoit les mains, et je me pâmois de rire de me voir en un si plaisant état.

Après avoir fait quelques rues, portée dans ce triomphe, je leur dis que je savois marcher et que je les priois de me mettre à terre ; ce qu'ils firent. Je m'arrêtai pour attendre les dames, qui arrivèrent un moment après fort crottées aussi bien que moi, et fort aises aussi. Il marchoit devant moi une compagnie de la ville, tambour battant, qui me faisoit faire place. Je trouvai à moitié chemin de la porte à mon logis M. le gouverneur, qui étoit assez embarrassé (et l'on l'est bien à moins), avec messieurs de la ville, qui me saluèrent. Je leur parlai la première : je leur dis que je croyois qu'ils étoient surpris de me voir entrer de cette manière ; mais que, fort impatiente de mon naturel, je m'étois ennuyée d'attendre à la porte Bannière, et qu'ayant trouvé la [porte] Brûlée ouverte, j'étois entrée ; qu'ils en devoient être bien aises, afin que la cour, qui étoit à Cléry, ne leur sût point mauvais gré de m'avoir fait entrer ; qu'étant entrée sans eux, cela les disculpoit, et que, pour l'avenir, ils ne seroient plus garants de rien, puisque l'on se prendroit à moi de tout, sachant bien que, lorsque les personnes de ma qualité sont en un lieu, elles y sont les maîtresses, et avec assez de justice. « Je la dois être ici, [ajoutai-je], puisqu'il est à Monsieur. »

Ils me firent leur compliments, assez effrayés ; je leur répondis que j'étois fort persuadée de ce qu'ils me p364 disoient qu'ils m'alloient ouvrir la porte ; mais que les raisons que je leur avois dites étoient cause que je ne les avois pas attendus. Je causai avec eux tout du long du chemin, comme si de rien n'eût été ; je leur dis que je voulois aller à l'Hôtel-de-Ville, pour assister à la délibération, qui s'y devoit faire sur l'entrée du conseil dans la ville ; car ils m'avoient mandé, par la lettre que Pradine m'avoit apportée, qu'ils m'attendoient pour cela. Ils me dirent qu'elle étoit prise, et qu'ils l'avoient refusée ; de quoi je leur témoignai être satisfaite, étant ce que je désirois. J'envoyai un de mes exempts querir mon équipage, et depuis ce moment, je commandai dans la ville, comme s'ils m'en avoient suppliée. Étant arrivée à mon logis, je reçus les harangues de tous les corps et les honneurs qui m'étoient dus, comme en un autre temps.

Ces messieurs, qui étoient demeurés à l'hôtellerie, arrivèrent : ils me témoignèrent des joies non pareilles de ce que j'avois fait ; mais ils ne laissèrent pas de me faire paraître, parmi cette allégresse, leurs regrets de ne m'avoir pas accompagnée en cette occasion. Je ne fus pas peu fatiguée cette journée-là ; je ne mangeai point de tout le jour, quoique je me fusse levée dès cinq heures du matin ; et, au lieu de me reposer après cette arrivée, il fallut dépêcher un courrier à Son Altesse royale et un à l'armée, de sort que j'écrivis jusqu'à trois heures. Mais ma joie étoit telle, que je ne sentois rien ; et même, après avoir fait mes dépêches, je m'amusai à rire, avec les comtesses et Préfontaine, de toutes les aventures qui nous étoient arrivées. M. le gouverneur me donna à souper, mes gens étant arrivés trop tard pour m'en apprêter ; mais, pour ne me p365 pas donner la peine d'aller à son logis, il le fit apporter au mien. Sa femme me vint voir, qui étoit fort laide, mais avoit bien de l'esprit ; elle étoit fille du comte de Cramail.39 Je m'informai si M. l'intendant étoit dans la ville, pour lui donner toute sûreté pour en sortir ; mais l'on me dit qu'il en étoit sort le matin. J'appris, par M. l'évêque, que madame Le Tellier40 y étoit et qu'elle s'étoit mise dans un couvent. M. le Tellier étoit pour lors retourné à la cour ; et, comme c'est un homme de mérite, et sa femme aussi, et que je connois, je leur aurois de mon chef fait force civilités ; mais je savois de plus qu'il est particulier serviteur de Monsieur. M. d'Orléans me manda si je trouvois bon qu'elle demeurât dans la ville ; je lui dis que oui ; de sorte que j'envoyai Préfontaine à l'instant lui faire compliment de ma part, qui me l'amena, et je crois qu'elle fut fort satisfaite de moi. Je la vis souvent tant chez moi que dans le couvent, où elle demeuroit. Elle eut nouvelle que l'un de ses fils étoit malade ; elle envoya querir Préfontaine pour savoir, si je trouvois bon qu'elle s'en allât, et pour me demander un passe-port : ce que je lui accordai. Elle vint prendre congé de moi ; je mandai à l'armée que l'on l'escortât et que l'on lui fît toutes les civilités possibles.

 

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NOTES

1. Le cardinal Mazarin entra à Sedan le 24 décembre 1651.

2. Antoine d'Aumont, marquis de Villequier, avait été nommé maréchal de France le 5 janvier 1651.

3. Bitaut était un conseiller de la troisième chambre des enquêtes du parlement.

4. Ce fut le 30 janvier 1652 que le cardinal Mazarin arriva à Poitiers. Le roi alla une lieue à sa rencontre.

5. Marles ou Marle est une petite ville sur la Serre, dans le département de l'Aisne.

6. Un des agents de Mazarin lui parlait de ces fêtes du carnaval dans les termes suivants (lettre du 17 février 1652). Les mots chiffrés dans cette lettre sont entre [ ]. « Il seroit inutile d'entretenir V. Ém. des folies du carnaval. Elles ont toutes pour fondement l'inconstance et la légèreté de [Mademoiselle], laquelle parle tantôt avec grande modération et témoigne qu'elle est dans les intérêts de V. Ém., et après elle s'échappe extraordinairement. Ces jours passés, Mademoiselle fit jouer V. Ém. par les marionnettes, et le jour du carnaval elle traita Monsieur ; et, selon le bruit commun, les femmes s'enivrèrent comme les hommes, et s'y passa des discours tant contre V. Ém. que contre [la reine], qui n'étoient pas dans la bienséance d'un prince ni du sexe. »

7. Mademoiselle a dit plus haut que M. de Nemours était le plus considérable des adorateurs de madame de Châtillon.

8. L'indication du lieu et de la date est omise dans les anciennes éditions.

9. Le passage de la Seine par l'armée du duc de Nemours eut lieu le 3 mars 1652. Le chancelier, auquel on reprochait d'avoir facilité le passage de la Seine au duc de Nemours, écrivit à la reine pour se justifier. Voy. Appendice : Lettre du chancelier Séguier à la reine.

10. Paul Gondi fut promu au cardinalat le 19 février ; la nouvelle en arriva à Paris le 29 du même mois. On lit dans une lettre du 1er mars 1652 : « Le coadjuteur ne sera plus enrhumé du cerveau, puisque la nouvelle du chapeau est arrivée cette nuit et reçue avec une joie qui ne peut être plus grande ; ce qui a surpris beaucoup de personnes. Dieu veuille qu'il n'en abuse pas et qu'il en soit meilleur serviteur du roi ; dont je doute ; »

Ces lettres, et celles dont j'ai déjà cité des extraits, font partie de la correspondance du cardinal Mazarin, conservée aux archives des affaires étrangères.

11. Les précédents éditeurs ont imprimé : « nous l'appelâmes à Paris le cardinal de Retz. »

12. Une lettre du 5 mars 1652 parle ainsi de l'arrivée du duc de Nemours à Paris : « M. le duc de Nemours est arrivé ici cette après-dînée, accompagné de quatre cents chevaux y compris ce qui l'on avoit envoyé au-devant de lui ; il a traversé toute la ville en cet équipage, et est allé descendre du palais d'Orléans (au Luxembourg). »

13. Bernardin de Bourqueville, baron de Clinchamp.

14. On prétendait au contraire que l'armée du duc de Beaufort n'avait pas secouru Angers et qu'il fallait en accuser Monsieur. Voy. Appendice, Lettres relatives à la guerre civile de 1652.

15. La ville d'Angers ouvrit ses portes le 7 mars.

16. Une lettre datée de Paris, du 6 mars 1652, prête à Mademoiselle et à son père la plaisanterie suivante : « M. d'Orléans, ayant appris la nouvelle de la réduction d'Angers, dit, après Mademoiselle, que Rohan avoit commencé en Rohan et finit en Chabot. » L'auteur de cette lettre est tout dévoué à Mazarin, comme on peut le voir à l'Appendice.

17. Il est question de ce ballet dans une lettre du 10 mars 1652, écrite de Paris : « Il a été fait ici grand régal à M. et à madame de Nemours, le jour de la mi-carême. Clinchamp et les principaux officiers de l'armée y parurent en habit de guerre. Séguier, neveu de M. le chancelier, y donna le ballet. »

18. Les frondeurs cherchaient depuis longtemps à engager Gaston d'Orléans à se rendre dans la capitale de son apanage. Voy. l'Appendice, Lettres relatives a la guerre civile.

19. Les anciens éditeurs ont fait dire à Mademoiselle tout l'opposé de sa pensée. Voici leur leçon : « Cela fut assez plaisant de voir ce pauvre M. le Gras, qui est un ancien maître des requêtes, avec sa robe de satin, se soumettre aux lois d'une populace émue pour sauver sa vie : Il n'y a rien de si ridicule.

20. Fiesque vint rendre compte de sa mission au parlement dans l'assemblée du 23 mars 1652, comme le prouve une lettre écrite ce jour même par un partisan de Mazarin. On y lit : « Pendant l'assemblée, le sieur de Fiesque est entré tout arrivant d'Orléans et a réjoui la compagnie de l'entrée du général Beaufort dans cette ville, tellement qu'à la sortie Monsieur disoit tout haut à la canaille qui l'attendoit, qu'Orléans étoit déclaré pour eux. » Voy. l'Appendice.

21. Le dimanche de Pâques fleuries, ou des Rameaux, tombait, en 1652, le 17 mars.

22. Cette phrase est singulièrement construite. Il faudrait modifier ce passage, pour que la phrase fût régulière, et écrire : si Monsieur n'y veut pas aller, il faut que se soit vous ; mais m'ai déjà prévenu que je reproduisais le manuscrit avec toutes les incorrections. — On voit, par les lettres de cette époque, que le parti de Mazarin s'attachait à semer la division entre le duc d'Orléans et le prince de Condé : « Je sais de bonne part, écrivait à Mazarin un de ses affidés, que M. le duc d'Orléans maltraite Ml le duc de Beaufort. Il lui a dit qu'il étoit un traître et qu'il n'avoit nulle inclination pour ses intérêts ; qu'il étoit au Prince ; qu'il y avoit un mois qu'il avoit eu tout pouvoir et qu'il n'avoit rien fait ; qu'il n'avoit point été à Gergeau (Jargeau) ni fait aucune attaque. Madame lui a aussi dit la même chose. L'on a dit à Monsieur qu'ils avoient eu dessein de le faire sortir pour le mener à Monsieur qu'ils avoient eu dessein de le faire sortir que le mener à M. le Prince. Tavannes lui a dit qu'il étoit prêt de lui signer qu'il ne prendroit autre ordres que les siens et qu'il en avoit charge expresse. Monsieur lui a dit que, pour lui, sa parole valoit en écrit ; mais qu'il savoit bien à qui il avoit affaire. Au reste, c'est à quoi sert le coadjuteur que de mettre ces défiances dans l'esprit de M. d'Orléans et les charités qu'il a prêtées à M. de Beaufort. » Voy. l'Appendice. — Il est question de l'arrivée de Beaufort et de Tavannes à Paris dans une lettre du 27 mars.

23. Le parti de la cour opposa à ce prédicateur un oratorien. C'est ce qu'écrit à Mazarin un des partisans : « Il y a un père de l'Oratoire, appelé le père Le Boults, qui a parfaitement bien prêché pour l'intérêt de la cour, en présence de M. le duc d'Orléans, qui en fut assez surpris. C'est pour contrecarrer les sermons du père Georges, qui ont été les plus insolents que l'on se puisse imaginer. » Lettre du 30 mars 1652.

24. Vieille locution pour au point que.

25. Alphonse d'Elbène, évêque d'Orléans de 1647 à 1665.

26. La phrase commencée en style direct, se termine en style indirect. Les précédents éditeurs ont cru devoir modifier ce passage et laisser à toute la phrase le style direct.

27. Mademoiselle partit pour Orléans le 23 mars. « Le lundi 25, sur le midi, carrosses de Mademoiselle en la cour du palais d'Orléans, prêts pour la campagne, et elle en habit gris tout couvert d'or pour s'en aller à Orléans. Elle est partie sur les trois heures, menant avec elle le duc de Rohan, la dame de Bréauté, la comtesse de Fiesque et la dame de Frontenac. » (Journal ms. de Dubuisson- Aubenay — Voy. l'Appendice.

28. Les anciennes éditions portent Chartres au lieu de Chastre, ou Chastres, près de Montlhéry. Châtres était sur la route de Mademoiselle, tandis que Chartres l'en eût détournée. Châtres est maintenant connu sous le nom d'Arpajon (Seine-et-Oise).

29. La suite de l'itinéraire qu'indique Mademoiselle suffrait pour prouver qu'elle n'a pu aller à Chartres.

30. Jargeau (département du Loiret).

31. C'est-à-dire que le faubourg de Saint-Denis était séparé de Jargeau par la Loire, et se trouvait à l'autre extrémité du pont, du côté où se trouvait Mademoiselle. Les précédents éditeurs ont remplacé deçà par Dieu, et imprimé : au bout du pont de Dieu. La locution de deçà pour en deçà est très-souvent employée à cette époque.

32. Henri de Senneterre, ou de Saint-Nectaire, duc de la Ferté, maréchal de France depuis 1651 ; il mourut en 1681.

33. Charles d'Escoubleau, marquis de Sourdis et d'Alluye, chevalier des ordres du roi en 1633, mestre de camp (colonel) de cavalerie légère, maréchal de camp des armées du roi, gouverneur de l'Orléanais, du pays Chartrain et du Blésois ; il mourut à Paris le 21 décembre 1666, à l'âge de 78 ans.

34. On a ajouté entre parenthèses, dans les anciennes éditions : cela étoit faux. Il n'y a rien de semblable dans le ms. autographe.

35. Le garde des sceaux était alors Mathieu Molé, premier président du parlement de Paris. Il conserva le titre de garde des sceaux jusqu'à sa mort.

36. On appelait ordinairement cette porte Banier ou Baunier.

37. Paul d'Escoubleau, marquis d'Alluye, était fils de Charles d'Escoubleau, dont il a été question plus haut.

38. Ce fut le mercredi saint, 27 mars 1652, que Mademoiselle entra dans Orléans. Le lendemain Gaston en reçut la nouvelle à Paris et en donna publiquement avis, comme le prouve une dépêche, en date du 30 mars 1652, adressée à Mazarin. Voy. l'Appendice.

39. La marquise de Sourdis était Jeanne de Montluc, qui mourut à Paris le 2 mai 1657.

40. Élisabeth Turpin, morte le 28 novembre 1658.

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1858. T. I, Chap. X : p. 333-365.


 

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