Boo the Cat. Hoorah!

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CHAPITRE XII.

(avril-mai 1652.)

Le lendemain que j'eus été à l'Hôtel-de-Ville pour la venue de M. le Prince, les mazarins firent courre le bruit que j'avois eu un consentement forcée. J'envoyai querir le corps de ville, dans lequel celui de marchands est compris, auxquels je dis ce sot bruit, et que c'étoit une chose si ridicule à dire qu'elle se détruisoit d'elle-même, puisque étant dans leur ville avec ma maison seulement, je n'étois pas en état de leur rien faire de force, et que ce que je leur avois demandé étoit si raisonnable, qu'ils n'avoient pu me le refuser. Ils demeurèrent d'accord de ce que je leur disois.1 Puis nous eûmes une conversation sur les affaires publiques ; ce qui ne manquoit point toutes les fois qu'ils2 venoient chez moi ; car cela tien les esprits alertes, et est très-bon en guerres civile. Je vis aussi les capitaines de la ville qui font un corps séparé à Orléans, auxquels je dis la même chose ; de sorte que tous les entretiens de l'Étape et du Martroy ne furent le soir qu'à tourner les mazarins en ridicule ; qu'à me louer et souhaiter la venue de M. le Prince, lequel ne put venir dans le temps qu'il reçut mon courrier ; car il étoit occupé au camp de Bleneau.3

La nouvelle de ce combat arriva à Orléans le matin par un paysan qui le dit au capitaine qui étoit de garde à la porte, lequel à l'instant me l'amena. Il me dit que M. le Prince avoit gagné un combat ; j'en eus une grande joie. Le soir elle fut changée en inquiétude ; car j'appris par des gens qui avoient passé à Gien par eau, que M. de Nemours étoit blessé à mort ; je ne savois qu'en croire, n'ayant point de nouvelles de M. le Prince. Je fus tout le jour sur le pont pour voir arriver tous les bateaux qui venoient de Gien ; les gens qui étoient dedans disoient tous la même chose. Il m'envoya le lendemain à trois heures un courrier, et m'écrivit la relation du combat, par laquelle cette action étoit mieux écrite que je ne pourrois faire moi-même ; c'est pourquoi j'ai jugé à propos de le mettre ici.

« A Châtillon-sur-Loing, ce 8 avril 1652.

» Mademoiselle,

» Je reçois tant de nouvelles preuves4 de vos bontés, que je n'ai point de paroles pour vous en remercier : seulement vous assurai-je qu'il n'y a rien au monde que je ne fasse pour votre service ; faites-moi l'honneur d'en être persuadée, et de faire un fondement certain là-dessus. J'eus avant-hier avis que l'armée mazarine avoit passé la rivière et s'étoit séparée en plusieurs quartiers. Je résolus à l'heure même de l'aller attaquer dans ses quartiers ; cela me réussit si bien, que je tomba dans leurs premiers quartiers avant qu'ils en eussent eu avis ; j'enlevai trois régiments de dragons d'abord, et puis je marchai au quartier général d'Hocquincourt que j'enlevai aussi. Il y eut un peu de résistance ; mais enfin tout fut mis en déroute : nous les suivîmes trois heures, après lesquelles nous allâmes à M. de Turenne ; mais nous le trouvâmes posté si avantageusement, et nos [gens] si las de la grande traite et si chargés de butin qu'ils avoient fait, que nous ne crûmes pas le devoir attaquer dans un poste si avantageux. Cela se passa en coups de canon ; enfin il se retira. Toutes les troupes d'Hocquincourt ont été en déroute ; tout le bagage pris ; et le butin va à deux ou trois mille chevaux, quantité de prisonniers, leurs munitions de guerre. M. de Nemours y a fait des merveilles et a été blessé d'un coup de pistolet au haut de la hanche, qui n'est pas dangereux. M. de Beaufort y a eu un cheval de tué, et y a fort bien fait ; M. de La Rochefoucauld, très-bien ; Clinchamp, Tavannes, Valon, de même, et tous les autres maréchaux de camp ; Maré est blessé d'un coup de canon. Hors cela, nous n'avons pas perdu trente hommes. Je crois que vous serez bien aise de cette nouvelle, et que vous ne douterez pas que je ne sois,

» Mademoiselle,

» Votre très-obéissant serviteur,

Louis de Bourbon

Ma joie fut augmentée et mon inquiétude cessa, lorsque je sus que M. de Nemours n'étoit pas blessé dangereusement. Je fus bien fâchée de la blessure du pauvre comte de Maré, qui en mourut quelque temps après. Il y eut le nommé La Tour, lieutenant-colonel de Languedoc,5 qui fut tué, et le marquis de La Chaise, premier capitaine au régiment de cavalerie de Valois, tous deux fort braves et honnêtes gens. Aussitôt que l'on sut à Paris cet heureux succès, cela fit une fort bon effet, et donna bien de l'inquiétude aux personnes qui s'intéressoient à M. de Nemours, quoique sa blessure ne fût pas mortelle. Madame de Nemours partit aussitôt pour le venir trouver ; madame de Châtillon vint avec elle à Montargis, qui disoit qu'elle alloit pour conserver sa maison de Châtillon ; mais, comme fut arrivée à Montargis, elle jugea que de là elle conserveroit bien ses terres, et qu'il y avoit plus de sûreté pour elle, et se mit dans les filles de Sainte-Marie, d'où elle ne sortoit que deux ou trois fois pour aller voir M. de Nemours, quoique des officiers qui vinrent à Orléans en ce temps-là me dirent qu'elle alloit tous les soirs voir M. de Nemours toute seule avec une écharpe ; qu'elle croyoit être bien cachée, mais qu'il n'y avoit pas un soldat dans l'armée qui ne la connût.

Rien ne fut égal à la consternation de la cour. Le jour de ce combat, l'on envoya tous les bagages au delà du pont, afin d'être plus en état de se sauver à la première alarme, et de rompre le pont. Si M. le Prince eût bien connu le pays, quelque fatigués que fussent les soldats, il eût poussé l'affaire bien avant, et par conséquent la cour ; rien ne lui eût été plus aisé. Et, comme Bleneau n'est qu'à trois lieues d'ici, et que j'y ai souvent passé en allant à Blois et à Orléans, je me suis fait montrer le lieu du combat ; mais je ne le vois qu'avec regret de quoi6 les choses n'allèrent pas mieux pour nous ; car l'on n'auroit pas tant essuyé de chagrins que l'on a fait depuis. Ce fut un des canaux de communication du canal de Briare qui empêcha que l'on n'allât après M. de Turenne ; car M. le Prince n'ayant personne du pays avec lui, et la nuit,7 il ne savoit si c'étoit une rivière et si elle étoit guéable ; cela l'arrêta.

Aussitôt après il fut obligé d'aller à Paris, M. de Chavigny lui ayant mandé que sa personne y étoit nécessaire pour s'opposer à ce que le cardinal de Retz pourroit faire contre lui en son absence auprès de Son Altesse royale. Il mena avec lui M. de Beaufort, et M. de Nemours y alla dès qu'il put être transporté.

Pour moi, j'étois à Orléans où je me divertissois à faire prendre tous les courriers qui passoient, n'ayant plus autre chose à faire. Les uns étoient chargés de dépêches, les autres de poulets et de lettres de famille assez ridicules ; de sorte que quand je n'en tirois pas de profit pour le parti, j'avois celui de m'en divertir. L'on prit des gentilshommes du Poitou, par lesquels M. Le Tellier écrivoit à des intendants que l'abbé de Guron8 s'en alloit en Guienne, Angoumois et Poitou, qui étoit chargé de toutes les affaires du roi. A l'instant, je résolus de le faire arrêter, jugeant bien qu'il y auroit beaucoup de choses qui regardoient les intérêts de M. le Prince en ces provinces, et partant, ceux de Monsieur, avec lequel il étoit fort uni. J'envoyai un exempt des gardes de Monsieur, qui étoit avec moi, avec ordre de l'arrêter lorsqu'il passeroit.

Le jour qu'il partit, il arriva des évêques à Orléans, et les agents du clergé qui venoient de la cour. Ils me vinrent voir ; je leur demandai si l'abbé de Guron étoit parti de Gien ; ils me dirent qu'il étoit venu avec eux à Sully, mais qu'il n'avoit osé passer à Orléans, de peur que je ne le fisse arrêter ; que même il ne passeroit point à Blois. Je dépêchai9 à l'exempt de venir au-devant de lui à Saint-Laurent-des-Eaux. Il y arriva si heureusement qu'il prit son valet avec sa cassette, où étoient toutes ses dépêches. Il sut qu'il ne faisoit que de partir ; il courut après, et le prit près de Chambord où il le mena. Le Ralle étoit avec lui qu'il arrêta aussi, sachant que c'étoit un brave homme et grand ingénieur, et qui pouvoit nuire au parti. Il me le manda aussitôt, et m'envoya la cassette, dans laquelle on trouva force commissions pour lever des troupes ; il y en avoit aussi pour lever des deniers, et des ordres pour faire raser le château de Taillebourg, qui est à M. le prince de Tarente,10 M. de La Trémouille le lui ayant donné en mariage. Il y avoit [un] projet pour assiéger Brouage, assez mal conçu, et encore plus difficile à exécuter. Le cardinal Mazarin écrivoit à tous les officiers généraux de l'armée de Guienne, et aux gouverneurs des places des provinces que j'ai nommées, le tout en créance sur l'abbé de Guron ; ce qui faisoit voir que sa prise étoit assez utile. Je l'envoyai à Blois, et dépêchai un courrier à Son Altesse Royale ; j'écrivis aussi à M. le Prince pour lui donner part de la capture que j'avois faite, et lui témoigner la joie que j'aurois si cela lui pouvoit être utile. Monsieur me manda de faire mener l'abbé de Guron à Montargis ; j'envoyai querir pour cela de l'escorte, et Le Ralle demeura à Orléans sur sa parole, parce qu'il étoit malade.

A même temps j'appris que Goville, qui étoit capitaine dans le régiment de cavalerie de Condé, avoit été fait prisonnier en escortant madame de Châtillon, qui n'avoit osé s'en retourner à Paris à cause du péril des chemins ; elle avoit été avec l'armée à Étampes. J'envoyai un trompette à M. de Turenne et au maréchal d'Hocquincourt, et je leur écrivis pour changer Le Ralle contre Goville. Ils me mandèrent qu'ils l'avoient renvoyé à la prière de madame de Châtillon ; et le maréchal d'Hocquincourt, qui étoit ami particulier du Ralle, me pria de [le] lui renvoyer, et qu'il espéroit bien cette grâce de moi ; qu'en revanche, de quelque qualité que l'on pût prendre de nos prisonniers, il me les renverroit. Aussitôt que j'eus reçu sa lettre, j'envoyai querir Le Ralle, et lui dis que je le mettois en liberté, mais que je serois bien aise qu'il ne servit point contre nous ; ce qu'il me promit, hors dans son gouvernement de Rethel, où il voulut être libre. Comme c'étoit une chose juste, je [la] lui accordai. Il partit pour continuer son voyage vers le Poitou, où il avoit des affaire particulières. Comme je n'en avois plus à Orléans, l'impatience me prit de retourner à Paris ; j'écrivis sans cesse à Monsieur et à M. le Prince pour [qu'il] le pressât de me donner congé.

J'eus curiosité de savoir s'il n'y avoit personne à Orléans qui eût commerce avec la cour, et l'on chercha les moyens de parvenir à le savoir. L'on trouva que pour cela il falloit faire arrêter un messager à pied qui va deux fois la semaine d'Orléans à Briare, pour y porter les lettres que l'on envoie à Lyon, où le courrier ordinaire passe. D'abord, cette proposition me déplut, ne comprenant pas de quel air l'on pouvoit faire prendre et ouvrir les lettres de mille marchands, dont cela pourroit interrompre le commerce. Enfin, comme l'on m'eut représenté l'utilité que le parti en pourroit recevoir, je m'y résolus, pourvu que l'on ne sût point que c'étoit moi qui l'eût faire faire. Pour cela, j'envoyai un valet de chambre de M. le Prince, qui passoit à Orléans, avec quelques-uns de ses gardes faire cette expédition dont il revint heureusement ; car le soir il m'apporta toutes les lettres. Il y en avoit quantité de marchands qui me firent grande peine à brûler, pour la pitié que j'avois de l'embarras que cela leur feroit. Il y en avoit quantité de tous côtés pour la cour, et, entre autres, une de Guienne en chiffres que j'envoyai à M. le Prince, qu'il fit déchiffrer, et qu'il me manda lui avoir été très-utile. Il n'y en avoit aucune d'Orléans, mais bien de Paris, et d'un lieu où je n'aurois jamais cru qu'on se fût avisé d'écrire à M. le cardinal, car voyant au-dessus qu'elle s'adressoit à lui, j'eus beaucoup de joie, et la trouvai datée de Saint-Sulpice. C'étoit l'abbé de Valavoir, frère de Valavoir qui commande le régiment de M. le cardinal. Elle contenoit ce qui suit :

« Monseigneur,

» Je n'aurois jamais cru qu'en ce lieu j'aurois trouvé occasion de pouvoir servir Votre Éminence, mais madame de Saujon, ayant su que j'y étois, a désiré de me voir, et m'a fait dire qu'elle me parleroit dans un confessionnal, afin que personne ne s'en aperçût. Cela a été cause que j'ai paru au monde plus homme de bien que je ne suis, ayant prolongé ma retraite. Elle m'a donc dit que j'avertisse Votre Éminence du désir qu'elle avoit de la servir, et que pour y parvenir et lui donner moyen de faire revenir Monsieur, il n'y a qu'à le leurrer du mariage du Roi avec mademoiselle d'Orléans ; que c'étoit un panneau où il donneroit toutes et quantes fois que l'on voudra, et que pour Mademoiselle, il ne s'en soucioit point ; que l'on pouvoit gagner Madame par une première femme de chambre nommée Claude, et que l'on l'auroit pour peu d'argent. Enfin Monseigneur, elle est venue de si bonne volonté à moi, que je ne doute pas qu'elle ne continue ; c'est pourquoi j'entretiendrai ce commerce, et en cela comme en toute autre chose, je suis,

» Monseigneur

» De Votre Éminence, le très-humble et très-obéissant serviteur,

» L'abbé de Valavoir. »

Il pouvoit y avoir encore autre chose ; mais voilà la substance et le plus essentiel de cette dépêche. Je l'envoyai à Monsieur, et une copie à M. le Prince. Je crois bien que cela ne plut pas à Son Altesse royale, laquelle me fit réponse que les gens qui croyoient ce qui étoit dans cette lettre le connoissoient mal, et qu'il n'avoit nul dessein ; et ne me dit pas un mot de madame de Saujon.

Monsieur me mandoit toujours que je fisse un maire et des échevins ; ce qui n'étoit plus nécessaire, ceux qui y étoient ayant fait tout ce que j'avois désiré. La forte passion que j'avois d'obliger M. le Prince me faisoit chercher les moyens de secourir Montrond ; mais, comme ils me manquèrent, cela me rendit encore mon séjour plus ennuyeux. J'eus aussi nouvelle, de Paris, de la conférence que M. de Rohan devoit avoir à Saint-Germain, où étoit la cour, avec MM. de Chavigny et Goulas. Quoique M. le Prince m'écrivit avec soin tout ce qui se passoit, je ne laissois pas néanmoins de presser Monsieur de me permettre de l'aller trouver. Il ne me répondit point là-dessus, et me parloit toujours de ce maire et de ces échevins. Comme je vis que mon retour ne tenoit qu'à cela, et que je connus la chose absolument inutile, je dépêchai un trompette à M. de Turenne et au maréchal d'Hocquincourt, qui étoient campés à Châtres,11 sur le grand chemin de Paris à Étampes, pour leur demander des passe-ports. Je les priois de me les envoyer promptement, parce que j'avois envie d'aller à Paris, et comme ils me connoissoient fort impatiente, ils me fâcheroient fort s'ils retardoient mon voyage. Je dépêchai aussi à même temps à Monsieur, et lui mandai qu'ayant fait tout ce qui étoit nécessaire pour son service à Orléans, et m'ennuyant de n'avoir point l'honneur de le voir, j'avois envoyé demander des passe-ports à MM. de Turenne et d'Hocquincourt ; que, s'ils n'osoient m'en donner, je le suppliois d'en envoyer demander à la cour, et qu'il me l'envoyât à Étampes.

Je partis le 2 de mai d'Orléans et j'allai à Étampes. Je trouvai à Angerville l'escorte que l'on m'avoit envoyée, et, comme il faisoit très-beau temps, je montai à cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et de Frontenac, lesquelles m'avoient toujours accompagnée ; et à cause de cela Monsieur leur avoit écrit, après mon entrée à Orléans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à l'échelle en me suivant ; et audessus de la lettre il y avoit mis : A mesdames les comtesses, maréchales de camp dans l'armée de ma fille contre le Mazarin. Depuis ce temps-là tous les officiers de nos troupes les honoroient fort, de sort que Chavagnac,12 qui étoit le maréchal de camp qui commandoit mon escorte, leur dit : « Il est juste que l'on vous reçoive, étant ce que vous êtes. » En même temps il fit faire halte à un escadron d'Allemands qui marchoit devant moi, et il dit au colonel, qui se nommoit le comte de Quinski (Kinski), de saluer la comtesse de Frontenac, qui étoit la maréchale-de-camp. Ils mirent tous l'épée à la main et la saluèrent à l'allemande, et [il] fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi bien dans cette plaisanterie que s'il étoit François. Ce comte étoit personne de qualité et neveu de feu Walstein.13

A un quart de lieue d'Étampes, tous les généraux et quantité d'officiers vinrent au-devant de moi ; l'on tira le canon, et je trouvai le quartier des étrangers, par lequel je passai, en armes.

En arrivant à mon logis, je reçus réponse de M. de Turenne, qui me mandoit qu'il avoit envoyé à Saint-Germain, où étoit la cour, pour les passe-ports que j'avois demandés, et qu'il me les enverroit le lendemain ; ce qui me fit séjourner un jour à Étampes. J'y voulus voir toute l'armée en bataille ; mais les officiers en firent quelque difficulté, disant que les ennemis pourroient par ce moyen savoir au vrai le nombre qu'ils étoient ; ce qui arrêta fort court ma curiosité, aimant mieux me priver de cette satisfaction que de faire la moindre chose qui pût nuire au parti. Tout ce jour-là j'eus une grand cour de tous les officiers de l'armée, qui s'étoient parés ; de sorte qu'ils étoient aussi brave extérieurement qu'intérieurement.

Le matin j'allai à la messe à pied à une église qui étoit si près de mon logis que ma garde en joignoit la porte, avec un nombre infini de gens qui me suivirent ; le tambour de la garde battit, et force trompettes et timbales marchoient devant moi ; cela étoit tout à fait beau. L'après-dînée j'allai me promener à cheval à une maison qui n'est qu'à un quart de lieue d'Étampes, ayant à ma suite tous les officiers de l'armée ; la fantasie me prit d'aller sur une hauteur ; mais l'on m'en empêcha. Si j'eusse suivi mon mouvement, j'eusse vu charger un parti des ennemis, qui ne le fut pas, parce que la vedette14 qui les vit, crut que c'étoit un corps de garde avancé que l'on avoit mis à cause de moi ; et ainsi force chevaux de notre armée furent pris au fourrage. La raison que l'on eut pour m'empêcher d'y aller fut que MM. de Tavannes et de Valon, qui ne m'avoient pas quittée d'un moment, avoient mis pied à terre dans la maison, et que par l'envie que j'avois de galopper, j'étois allée à toute bride dans l'avenue de cette maison ; si j'y eusse été, ils auroient eu autant de douleur de n'avois pas été à cette occasion que j'en eus de ne l'avoir pas vue.

Le soir, à mon retour, je trouvai un trompette que M. de Turenne et le maréchal d'Hocquincourt m'envoyoient avec des passe-ports, et ils me mandèrent qu'ils espéroient me voir le lendemain et me venir recevoir hors de leurs quartiers avec l'armée en bataille. Clinchamp, qui étoit un vieux routier en guerre, dit : « Assurément ils n'attendront point Mademoiselle ; ils savent qu'elle n'a point vu nos troupes ; ils croient que nous serons dehors et nous veulent attaquer ; mais il n'importe, il faut demain faire voir l'armée à Mademoiselle. » Je leur dis : « Mais si cela engageoit à un combat, j'en serois bien fâchée ; je ne veux point la voir. » Clinchamp dit : « Cela seroit du dernier ridicule que les ennemis eussent proposé de vous rendre un honneur, et que nous ne l'eussions pas fait ; nous nous mettrons en lieu de combattre, s'il est à propos, sinon de nous retirer. » Ils me demandèrent l'heure que j'irois les voir ; je leur dis que j'y serois à six heures.

Je me réveillai bien plus matin : car ce fut la diane qui m'éveilla ; je me levai et m'habillai en grande diligence, et m'en allai aux Capucins pour entendre la messe. En entrant dans l'église, je trouvai le trompette, qui est venu le soir, et que l'on avoit renvoyé toute la nuit pour demander des passeports pour l'escorte qui me devoit accompagner à leur quartier. Ce trompette me dit : « Je n'ai plus trouvé personne ; notre armée a marché vers Longjumeau. » Je ne doutai point qu'elle ne vint à nous, et j'envoyai à l'instant en avertir nos généraux, et je m'en allai entendre la messe. J'avoue que je l'entendis avec beaucoup de dévotion, et que je priai Dieu avec bien de la ferveur de nous faire gagner la bataille, que je souhaitois passionnément que l'on donnât ; car je ne doutois pas que ma présence et l'amitié que toute l'armée avoit pour moi ne leur donnât beaucoup plus de courage ; et pour peu d'augmentation, c'eût été une chose extraordinaire : car jamais il n'y eut de si bonnes troupes ni de si bons officiers que les nôtres.

Après avoir entendu la messe, je montai à cheval pour m'en aller où étoit l'armée. Je trouvai en chemin MM. de Tavannes, Clinchamp et Valon, qui venoient au-devant de moi ; ils me dirent que les ennemis marchoient à nous, et qu'il n'y avoit de temps que celui qu'il falloit pour prendre résolution s'il falloit combattre ou non ; qu'il seroit bon pour cela de se retirer à part. Nous nous éloignâmes du monde, et j'appelai mesdames de Fiesque et de Frontenac, que l'on nommoit mes maréchales de camp, pour assister à ce conseil de guerre. La comtesse de Fiesque cria de dix pas : « Je ne suit point d'avis que l'on se batte. » Valon me dit qu'il avoit un ordre exprès de Monsieur de ne point combattre ; Tavannes dit qu'il en avoit un pareil de M. le Prince. Pour Clinchamp, il dit : « Là où est Mademoiselle, les ordres que l'on a, qui ne sont point d'elle, ne subsistent point ; l'on ne doit reconnoître que les siens, et nous devons tous être persuadés que Monsieur et M. le Prince approuveront tout ce que Mademoiselle fera. » Je leur dis : « Si je suivois mon inclination, l'on combattroit ; mais pour cela il faut s'en rapporter à ceux qui savent ce que c'est : c'est votre métier et non pas le mien, c'est pourquoi je vous demande à tous vos avis. »

Clinchamp dit que nos forces étoient quasi égales à celles des ennemis ; qu'ils n'avoient pas mille chevaux plus que nous, et que ce n'étoit pas une force si au-dessus des nôtres que l'on ne pût espérer une bonne issue du combat ; que j'étois la maîtresse ; que c'étoit à moi de décider, et que l'affaire pressoit. Je leur dis que j'appréhendois l'événement d'un combat, et qu'il valoit mieux rentrer dans la ville ; je leur ordonnai pour cela de faire marcher les troupes ; de sorte que le peu de temps qu'elles demeurèrent en bataille me les fit voir assez à la hâte, ne voulant pas seulement qu'elles s'arrêtassent pour me saluer. Tous les soldats me demandoient à se battre, et me crioient : bataille ! bataille ! Je leur disois : « Il n'est pas à propos de la donner. » Après avoir vu toute l'armée rentrée dans la ville, je montai en carrosse pour continuer mon voyage à Paris.

Comme j'arrivai à Chastres, où étoit postée leur armée,15 je trouvai à la garde un maréchal de camp, nommé le baron d'Apremont, qui me fit compliments sur le déplaisir que messieurs leurs généraux avoient eu de ne me pouvoir attendre, comme ils m'avoient mandé ; mais qu'ils étoient partis en diligence pour aller attaquer Étampes. J'eus une vraie douleur d'en être partie ; car ils n'auroient jamais fait cette entreprise,si j'y eusse été. Il m'offrit à dîner, et me dit que M. de Turenne avoit donné ordre que l'on m'en apprêtât à son logis de chair et de poisson : car c'étoit un jour maigre ; je l'en remerciai, ne voulant pas m'amuser. Ledit sieur d'Apremont me donna vingt maîtres et un cornette qui les commandoit, du régiment de La Marcousse, pour m'escorter ; et lui me vint conduire à un quart de lieue de Chastres, que je trouvai fort dégarni de troupes : la garde de cavalerie étoit fort foible, et celle d'infanterie de même ; et il n'étoit resté nulle troupe dans le quartier que le régiment de la Couronne, qui étoit arrivé la veille fort foible et fort fatigué d'une longue marche. Le lieutenant-colonel, nommé Lajonis,16 m'accompagna, aussi bien que M. d'Apremont ; mais il parloit bien davantage ; ce qui me réjouit fort : car j'avois bien envie de trouver quelqu'un qui répondit à mes questions. M. d'Apremont ne le faisoit que par monosyllabes, et Lajonis n'étoit pas de même.

Après qu'ils m'eurent quittée, passant à Longjumeau, l'on y fit repaître mes chevaux, et pendant ce temps j'entretins mon officier, qui n'avoit jamais vu Paris et qui souhaitoit fort de le voir, et il se fût volontiers donné à moi ; mais je ne trouvai pas que lui ni sa troupe nous fussent utiles, et négligeai fort le zèle qu'il me parut avoir pour moi. Il passa un courrier ; et l'habitude que j'avois de faire arrêter tous ceux que je voyois, me fit dire que l'on l'arrêtât. Aussitôt il commanda quatre ou cinq maîtres pour aller après. L'on me l'amena. Je lui demandai où il alloit, il me répondit : « A taillebourg en Saintonge, pour le faire raser. » Je lui dis : « Je l'ai empêché une fois de l'être ; je suis bien fâchée de ne pouvoir faire la même chose ; passez votre chemin : si je vous avois trouvé plus avant, vous n'auriez pas passé librement. » Comme nous fûmes vers le Bourg-la-Reine, cet officier qui m'escortoit me demanda si j'avois dit en partant d'Étampes que nos partis qui étoient en campagne ne lui dissent rien ; je lui dis que non, et que je ne savois pas si l'on m'escorteroit ; et sur cela, il me demanda un passe-port. J'envoyai querir mon secrétaire, qui le fit sur la portière de mon carrosse, et je le signai. Cela étoit assez honorable pour moi, qu'à deux lieues de son quartier et douze du nôtre, il n'osât faire ce chemin sans passe-port.

Je trouvai M. le Prince au Bourg-la-Reine,17 qui venoit au-devant de moi ; il étoit accompagné de M. de Beaufort, du prince de Tarente, de M. de Rohan et de tout ce qu'il y avoit de gens de qualité de Paris. Il mit pied à terre ; il me salua et monta dans mon carrosse, et après m'avoir fait mille compliments et protestations de service, il me dit que Monsieur étoit en colère contre moi de ce que j'étois revenue sans ordre ; que, nonobstant cela, il l'auroit amené au-devant de moi, sans qu'il étoit au lit avec un peu de fièvre. Après cela, il se mit à féliciter les comtesses de Fiesque et de Frontenac de s'être trouvées en tant de belles occasions. je rencontrai mesdames les duchesses d'Épernon, et de Sully, qui venoient aussi au-devant de moi ; j'arrêtai pour les mettre dans mon carrosse.

M. le Prince et elles me firent conter tout ce qui s'étoit passé à mon entrée à Orléans, et à quoi je m'occupois pendant le séjour que j'y avois fait. Je leur dis que les premières semaines ne sortois point ; que je me promenois dans les places ; que j'allois aux couvents à la messe, et au salut dans les églises ; [que] je jouois aux quilles dans mon jardin ; entretenois deux ou trois fois par jour M. le maire, les échevins, et une le prévôt de police ; j'écrivois à Paris et à l'armée, et signois mille passe-ports ; même je me moquois de moi de me voir occupée à des choses, à quoi j'étois si peu propre ; et puis je trouvois que j'avois tort, m'en acquittant assez bien ; et que, sur la fin, je sortois de la ville ; je m'allois promener à cheval et faire collation à toutes les jolies maisons de près d'Orléans, et que M. le marquis de Sourdis m'en avoit donné une, et M. l'évêque ; mais que tous ces divertissements ne m'avoient pas empêchée d'avoir envie de revenir, ni de troubler,18 par le regret que j'avois de les perdre, la joie que je sentois de les voir.

Comme j'arrivai à Paris, tout le peuple sortit hors de la ville, et je trouvai le chemin une lieue durant bordé de carrosses ; tout le monde portoit sur le visage la joie que l'on avoit de mon retour et du bon succès de mon voyage. Je trouvai le palais d'Orléans plein de monde ; j'abordai Monsieur : il me parut la mine assez riante ; j'allai le saluer dans son lit. M. le Prince demeura toujours en tiers, de peur que Monsieur ne me dît quelque rudesse sur mon retour. Je lui voulus rendre compte de mon voyage ; il me dit qu'il étoit malade et qu'il ne pouvoit ouïr parler d'affaires ; que ce seroit pour une autre fois. Je ne laissai pas de lui conter ce que j'avois appris en passant dans le quartier des ennemis ; qu'ils étoient allés attaquer Étampes : ce qui lui donna un peu d'inquiétude, et à M. le Prince aussi ; mais je les assurai que j'avois laissé les officiers si alertes, que je ne pouvois croire qu'il en fût mésarrivé.

J'allai saluer Madame à sa chambre, laquelle m'y avoit attendue patiemment, n'ayant guère de joie de me voir revenir triomphante d'une occasion où j'avois été si utile au parti, et de songer qu'elle n'étoit bonne à rien. M. le Prince m'y mena ; comme elle n'avoit pas une grande amitié pour lui, elle se récria que ses bottes sentoient le Roussi (cuir de Russie) : c'est une senteur qu'elle hait fort, et qui la bannit quasi de tout commerce ; de sorte que M. le Prince fut contraint de sortir de sa chambre. Il alla dans le cabinet, où il fut en bonne compagnie ; car tout ce qu'il y avoit de femme m'y étoit venu attendre. Madame me reçut assez bien ; je lui fis ma visite courte, à mon ordinaire, et m'en allai en rendre une à tout ce qui m'attendoit dans son cabinet. M. le Prince me dit : « Il faut que vous alliez au Cours : tous le monde sera bien aise de vous y voir, et pour la rareté du fait, d'avoir vu en même jour une armée et le Cours. » Madame de Nemours m'y mena dans son carrosse avec mesdames les duchesses d'Épernon, de Sully et de Châtillon, et mesdames de Fiesque et de Frontenac. J'y voulus faire mettre M. le Prince ; mais il me dit qu'il me suivroit dans son carrosse avec M. de Beaufort et force autres gens.

Je partis donc de Luxembourg,19 et dans les rues l'on couroit après moi comme si l'on ne m'eût jamais vue ; j'en étois honteuse. Comme l'on se douta que j'irois au Cours, il étoit si rempli de carrosses que j'eus peine à y entrer ; tous mes amis me félicitoient en passant. Enfin si l'applaudissement général et les témoignages de bonne volonté sont capable de satisfaire, je la dus être ce jour-là ; aussi je le fus tout à fait.20

En arrivant à mon logis, je trouvai M. le Prince, qui m'aida à descendre de carrosse ; au même moment mille gens arrivèrent, et entre autres M. de Nemours, qui n'avoit sorti que de ce jour-là. Je m'en allai l'entretenir, disant à M. le Prince et à madame d'Épernon de faire l'honneur de mon logis et d'entretenir la compagnie pendant que je parlerois à M. de Nemours, lequel me dit : « Tout est bien changé depuis que je n'ai eu l'honneur de vous voir ; car alors, si l'on eût songé à la paix, c'étoit pour nous couper la gorge ; et maintenant, si l'on ne la fait, nous somme perdus. » Ce discours m'étonna, et je lui soutins fort le contraire, parce que je ne voyois point nos affaires en mauvais état : j'avois pris Orléans, M. le Prince avoit battu les ennemis à Bleneau, nos troupes étoient dans le meilleur état du monde, et nous étions maîtres à Paris. Après lui avoir allégué tout cela, il me dit : « Vous ne savez pas ce qui vous est bon ; car si l'on fait la paix présentement, vous serez reine de France ; et, si l'on attend à la faire quand nous ne serons plus les maîtres, vous ne serez rien, non plus que les autres. » Là-dessus je me radoucis un peu, et il me dit que M. le Prince étoit tout à fait bien intentionné pour moi.

Après cette conversation, j'allai avec la compagnie, où M. le Prince ne me laissa guère, me disant : « Il est juste que j'aie l'honneur de vous entretenir, ayant assez de choses à vous dire. » Il commença : « Je crois que le comte de Fiesque vous aura dit beaucoup de choses de ma part touchant votre établissement : présentement les choses y sont disposées plus que jamais, et je vous promets qu'il ne se parlera point d'aucun traité de paix où vous ne soyez comprise. » [Et il ajouta] que c'étoit la chose du monde qu'il souhaitoit avec le plus de passion que de me voir reine de France ; qu'il me prioit de croire que son intérêt s'y rencontroit ; que rien ne lui étoit plus avantageux, voyant les bontés que j'avois pour lui ; et que la confiance qu'il avoit en moi le persuadoit que je le considérerois toujours comme l'homme du monde le plus dépendant de moi ; et qu'il n'y avoit rien au monde qu'il ne fît pour voir réussir cette affaire ; et que je n'avois qu'à commander, qu'il m'obéiroit en tout comme un serviteur très-fidèle et très-zélé, et qu'il me supplioit de n'en pas douter. Nous nous fîmes force protestations d'amitié ; ce fut fort sincèrement de ma part, et je crois de la sienne aussi.

Madame de Châtillon, depuis son retour, s'étoit fort plainte du peu de soin que M. le Prince avoit eu de ses terres, et m'avoit écrit qu'elle vouloit être mazarine pour s'en venger ; de sorte que je lui demandai si son courroux continuoit, et si elle ne lui avoit point pardonné. Elle me dit : « IL fait beaucoup d'avances pour se raccommoder avec moi ; mais j'ai peine à les recevoir. » Pourtant il lui vint parler, et il me sembla qu'elle lui donnoit une assez longue audience et favorable attention ; et depuis ils ont été assez bien ensemble.

Le lendemain21 il arriva un courrier de l'armée qui apporta la nouvelle que les ennemis avoient attaqué un faubourg d'Étampes, et que nous y avions été fort battus, et qu'ils avoient pris force prisonniers. Par le plus grand malheur du monde, nos généraux, après avoir vu toutes nos troupes rentrées dans la ville, avec une grande confiance que l'on ne les y viendroit point attaquer, s'en étoient allés chacun à leur logis dîner fort tranquillement. Ils attaquèrent le quartier des étrangers, qu'ils surprirent ; comme l'on alla avertir dans les autres, chacun prit les armes pour les secourir22 ; mais la foule et l'étonnement où ils furent, furent cause qu'ils ne savoient ce qu'ils faisoient. Il se rencontra encore un embarras qui retarda le secours que l'on pouvoit donner : c'est que, pendant que les troupes étoient sorties le matin, l'on avoit mené tous les bagages dans la ville ; et comme Étampes n'est quasi qu'une rue, elle se trouva si pleine et si embarrassée que l'on eut peine à passer.

L'on pouvoit dire que, depuis que les troupes étoient rentrées, l'on auroit bien pu renvoyer les troupes chacune en leurs quartiers ; et l'on pourroit de même croire que les ennemis étant si proches, l'on se seroit tenu en état de les recevoir, s'ils eussent voulu attaquer ; mais l'on peut juger admirablement bien des choses quand elles sont arrivées, et souvent l'on y prévoit peu auparavant, et ce n'est pas la première faute qui a été faite en guerre. Il y eut peu de gens tués de condition, ni de soldats ; l'on y perdit seulement M. de Broue, sergent de bataille des troupes espagnoles, et le comte de Furstemberg, capitaine de cavalerie du régiment du duc Ulric de Würtemberg, [et] un capitaine d'infanterie de l'Altesse, nommé Rubel.

J'avoue que cet accident me toucha fort ; car j'étois très-sensible à tout ce qui arrivoit au parti, et l'amitié que tous nos officiers et toutes l'armée m'avoient témoignée faisoit que je l'étois beaucoup pour eux. L'officier qui vint, nommé Despouis, lieutenant-colonel de l'Altesse, dit à Monsieur et M. le Prince : « L'on doit bénir Dieu de ce que Mademoiselle n'y avoit été ce jour-là ; car sans cela le désordre eût été plus grand. » Il le pensoit ainsi ; car pour moi je le crois pas. Les prisonniers furent quasi tous les colonels étrangers : il n'y eut de François que Montal, premier capitaine de Condé-infanterie,23 [et] le marquis de Vassé, mestre de camp du régiment de Bourgogne.

Dès que je sus cela, je résolus d'échanger l'abbé de guron, qui étoit mon prisonnier, contre un colonel étranger ; et pour cela je choisis le baron de Barlo, colonel d'infanterie, qui servoit de sergent de bataille. Ainsi il fut peu en prison, et M. l'abbé de guron fut fort aise d'en sortir ; et lorsqu'il me vint remercier de sa liberté, je lui dis que cela lui vaudroit un évêché ; ce qui arriva, et peu de temps après on lui donna celui de Tulle. Il le méritoit bien ; car c'est un honnête homme.

Je fus visitée de tout Paris le premier jour de mon arrivée ; c'étoit une foule chez moi que l'on ne s'y pouvoit tourner. Le roi d'Angleterre me vint voir ; il n'étoit point dans nos intérêts : car il avoit envoyé monsieur son frère, le duc d'York, volontaire dans l'armée de M. de Turenne. Il ne me parla pas néanmoins de ce qui s'étoit passé à Étampes, sachant bien que cela ne me devoit pas être agréable.

Lorsque la reine d'Angleterre sut que j'étois entrée à Orléans, elle dit qu'elle ne s'étonnoit pas que j'eusse sauvé Orléans des mains de ses ennemis, comme avoit fait autrefois la Pucelle d'Orléans, et que j'avois commencé comme elle à chasser les Anglois, en voulant dire que j'avois chassé son fils de chez moi. Cela fut fort remarqué, et toutes les lettres que je reçus deux jours durant ne portoient autre chose. Je lui rendis mes devoirs et la trouvai fort attaché aux intérêts de la cour ; ce qui m'obligea à ne lui pas rendre des visites si fréquentes, n'y ayant pas de plaisir de disputer avec des personnes à qui l'on doit respect. Elle sut que je m'étois plainte de quelques impertinents discours, que madame de Fienne avoit faits contre notre parti, et m'en fit faire excuse ; ce qui m'obligea d'y retourner.

Je trouvai madame de Choisy toujours fort empressé pour moi ; je l'étois peu pour elle : car je sus qu'elle avoit conté à beaucoup de personnes comme la Palatine et elle m'avoit fait donner dans le panneau, et que je ne leur avois pas tenu ce que je leur avois promis. C'étoit néanmoins tout le contraire, et elles n'étoient emportées contre moi que parce que je n'avois pas été leur dupe, et c'étoit ce qui les faisoit tant enrager. Je ne pris pas plaisir à ces discours ; je l'envoyai querir, et lui témoignai que je n'étois pas contente d'elle, et que je lui défendois de jamais parler de moi de la manière que je savois qu'elle avoit fait, et que je la priois de ne plus venir chez moi aussi souvent qu'elle avoit accoutumé, et même de ne choisir point les heures de familiarité, ne voulant point avoir de conversation avec elle, ni même que l'on le crût ; ce qu'elle fit pendant quelque temps, après lequel elle tâcha, autant qu'il lui fut possible, à se raccommoder ; mais ce fut inutilement. Néanmoins l'on la souffroit, parce qu'elle est de fort bonne compagnie, et fort plaisante.

Peu de jours après mon retour, l'on vint me dire que M. le Prince étoit à Saint-Cloud,24 pour y mettre du monde et se rendre maître de ce poste, comme l'on avoit fait de celui du pont de Neuilly ; mais il ne se contenta pas de cela : il s'en alla à Saint-Denis,25 qu'il prit sans beaucoup de résistance, y ayant peu de monde et la ville étant de médiocre défense. Il y prit un capitaine suisse nommé Dumont, que je connois, qui est fort honnête homme, et quelques autres officiers de cette nation. Il y mit des Landes pour y commander, qui étoit capitaine dans son régiment d'infanterie. Cette place fut prise vers la pointe du jour, et sur les quatre heures du soir l'on vint dire que les ennemis la venoient attaquer. Monsieur et M. le Prince y envoyèrent M. de Beaufort pour la secourir ; ce qui fut inutile, étant arrivé trop tard.26 Nous ne fûmes pas victorieux en cette rencontre, et voici ce qui se passa, que j'ai su depuis d'un homme de qualité qui y étoit, car comme la chose ne se passa pas à l'avantage de ceux qui y étoient, ils ne la racontèrent pas comme elle s'étoit passée. Au retour, M. de Beaufort pensa être pris, ayant été abandonné. tout ce que l'on peut dire à la justification des officiers, c'est que c'étoient des troupes nouvellement levées, et des bourgeois de Paris qui les commandoient.27

Le roi et la reine eurent avis de la prise de Saint-Denis par M. le comte de Grandpré, qui étant en partie près de cette ville, la vit prendre d'assaut par M. le Prince. Incontinent Leurs Majestés commandèrent MM. de Miossens et de Saint-Mesgrin, lieutenants généraux, avec quatre cents hommes du régiment des gardes, leurs gendarmes et chevau-légers, trois escadrons, à la tête d'un desquels étoit M. le comte de Grandpré, un autre mené par M. de Renneville, et le dernier par le colonel cravate,28 Ralle. Ces troupes arrivèrent devant cette place environ le midi, et entrèrent dedans avec peu d'effort. Le sieur des Landes, capitaine d'infanterie au régiment de Condé, qui y commandoit, se retira dans l'église, qu'il conserva trois jours à son maître avec beaucoup de courage. Comme il l'alloit rendre, M. de Beaufort se montra près du village de La Chapelle avec neuf escadrons de cavalerie qui marchoient en fort bon ordre, et une multitude de fantassins épars par toute la plaine ; il se mit au sortir dudit village en bataille derrière une croix, qui en eut éloignée de cinq cents pas.

L'on monta à cheval dans Saint-Denis le plus vit que l'on put ; et comme les trois escadrons de l'armée s'y trouvèrent plus tôt que la maison du roi, on les fit sortir par la porte de Pontoise et couler le long de la rivière. MM. de Grandpré et de Renneville les commandoient. Ils détachèrent M. le chevalier de Joyeuse avec trente coureurs, qui se mêla fort brusquement avec les troupes de M. de Beaufort ; il les mena battant jusqu'à leurs gros ; il fut suivi de fort près de cents qu'ils avoient détachés, et menèrent les troupes de Paris, en désordre dans La Chapelle, où ils avoient de l'infanterie. MM. de Grandpré et de Renneville marchèrent, laissèrent La Chapelle à main gauche, et furent pour les couper entre Paris et ce village ; mais ils s'en alloient trop vite. L'on les joignit pourtant au moulin à vent qui est au sortir de La Chapelle pour aller à Paris. On les suivit jusqu'au corps de garde du faubourg Saint-Denis ; l'on prit près de quatre-vingts de leurs prisonniers, qui apprirent qu'ils étoient commandés par M. Clérambault, capitaine de cavalerie du régiment de Condé, et M. du Buisson, officier des gendarmes de M. le prince de Condé.

Comme l'on se retiroit, l'on tailla en pièces quelque cinq cents bourgeois de Paris, qui se jetèrent sottement dans les troupes du roi, qui leur firent très-mauvais quartier, et sans la nuit qui survint, ils auroient bien souffert davantage. Fontaine-Chandré,29 lieutenant aux gardes, fut tué à la prise de Saint-Denis, après laquelle l'on renvoya les officiers suisses qui avoient été pris.30

Ils vinrent me voir, car les suisses m'aiment fort ; et il ne faut pas que j'oublie une chose qu'ils ont faite pour moi, qui est très-honnête. Quelque temps avant ces derniers troubles, leur payement manqua, et comme dit le vieux proverbe : Point d'argent, point de Suisses ; ils laissèrent leurs armes au corps de garde et s'en allèrent. Tout le monde offrit de l'argent au roi ; pour moi qui n'en avois point, je portai un grand diamant qui me venoit de mademoiselle de Guise, qui l'avoit donné à ma mère en la mariant, et ce diamant avoit été donné à M. le duc de Joyeuse, mon aïeul, par Henri III, dont il étoit favori. Il vaut plus de deux cent mille livres ; au moins me l'a-t-on donné pour cela. Le roi et la reine reçurent fort bien ma bonne volonté, et je le mis entre les mais du cardinal Mazarin. Le roi donna beaucoup de diamants de la couronne pour gages aux Suisses pour ce qu'on leur devoit. Ils apprirent que j'avois donné le mien ; ils vinrent me trouver quatre ou cinq de la part de tous les cantons, pour me dire qu'ayant appris qu'il y avoit un diamant à moi parmi ceux que le roi leur avoit donnés, ils venoient me demander comment il étoit fait pour le rapporter, et qu'ils se fioient à ma parole. Je trouvai cela fort obligeant, et j'eus lieu de connoître par là que ma bonne foi étoit connue dans les pays étrangers, et que ceux qui se fioient le moins prenoient confiance en moi. Cela me réjouit tout à fait ; je les remerciai avec toute la reconnoissance possible, comme étant tout à fait touchée de ce qu'ils me disoient.

Le diamant n'étoit point en leurs mains : le cardinal Mazarin l'avoit donné au munitionnaire d'Italie. Lorsqu'il fut brouillé avec Monsieur, Son Altesse royale eut grand soin de me demander si on me l'avoit rendu ; cela avoit été fait cinq ou six jours devant. Quoique les Suisses ne servent jamais que le roi, et que dans toutes les histoires on ne voie point qu'ils aient envoyé de secours aux partis, au moins dans celles que j'ai lues, il y eut des officiers suisses qui me dirent que, si nous voulions des troupes de leur nation, à ma considération particulière ils en donneroient, et qu'ils auroient une grande joie de me rendre service. Mais la guerre n'allant pas de manière à continuer, nous n'en voulûmes point ; et je les remerciai avec beaucoup de témoignages d'affection.

Il est bon de dire deux mots du voyage que MM. de Rohan, Chavigny et Goulas firent à Saint-Germain.31 Après y être arrivés et avoir demandé leur audience à la reine, ils y allèrent : Sa majesté les mena dans son cabinet, et dit que l'on allât querir le cardinal Mazarin. Comme il entra, ils voulurent sortir, disant qu'ils n'avoient pas ordre de conférer avec lui ; ils firent force façons, après lesquelles il demeurèrent et même furent trois heures enfermés avec lui, après que Leurs Majestés en furent sorties. L'on fut d'accord de toutes choses : Monsieur et M. le Prince avoient tout ce qu'ils désiroient ; le cardinal Mazarin consentoit à s'éloigner de la cour, pourvu qu'il allât pour traiter la paix. Jamais Monsieur n'y voulut consentir, et l'on rompit là-dessus, dont M. le Prince fut fort fâché.

Monsieur et M. le Prince venoient tous les jours en mon logis, et tout ce qu'il y avoit de personnes considérables dans le parti, tant hommes que femmes, de sorte que la cour étoit chez moi, et j'étois comme la reine de Paris, Madame aimant aussi peu à voir le monde qu'il aimoit [peu] à aller chez elle. Je passois fort bien mon temps ; j'étois honorée au dernier point, et en grande considération ; je ne sais ci c'étoit par la mienne propre, ou parce que l'on croyoit que j'avois beaucoup de part aux affaires ; c'étoit une chose assez vraisemblable que j'y en devois avoir ; mais une très-véritable et malaisée à croire, c'est que je n'y en avois pas, Monsieur ne m'ayant jamais fait l'honneur d'avoir de confiance en moi. Cet aveu m'est rude à faire, mais beaucoup plus pour l'amour de lui que pour l'amour de moi ; car quiconque m'aura connue, jugera que je l'ai assez méritée ; et ceux qui auront lu ces Mémoires, et ne me connoîtront que par là, jugeront aisément que je méritois cet honneur.

Pour M. le Prince, il n'en faisoit pas de même : car il ne savoit rien dont il ne me fît part, et quand il me celoit quelque chose, c'est qu'il croyoit manquer, et qu'il auroit bien voulu le celer à lui-même. Souvent il me vouloit conter ce qui se passoit, que je lui disois : « Je suis lasse d'entendre parler toujours de la même chose ; » et ces sortes d'affaire m'ennuyoient assez ; car je ne les aime pas, et personne du monde n'aime moins l'intrigue que moi. Cela faisoit que je négligeois les choses, dont j'aurois pu avec bienséance me mêler.

 

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NOTES

1. Passage omis dans les précédentes éditions depuis et que ce que je leur avois demandé jusqu'à de ce que je leur disois.

2. Ils s'agit ici des conseillers de la ville d'Orléans.

3. Le combat de Bleneau fut livré le 6 avril 1652, d'après la lettre de Condé qui indique que l'action avait eu lieu deux jours auparavant. On place ordinairement ce combat le 7 avril.

4. La lettre de Condé n'a pas plus échappé que les Mémoires de Mademoiselle au système de corrections adopté par les anciens éditeurs. Ils ont ici substitué le mot marques à preuves. Plus loin, on a remplacé avant-hier par hier, puis par après, etc.

5. C'est-à-dire lieutenant-colonel du régiment de Languedoc.

6. De quoi pour de ce que est, comme on l'a déjà vu, très-souvent employé dans les Mémoires de Mademoiselle.

7. La phrase est elliptique ; il faudrait et comme il étoit nuit. On l'a complétée dans les anciennes éditions en ajoutant : et la nuit ne lui permettant pas de reconnoître les lieux.

8. Ce nom a été altéré dans les anciennes éditions et changé en de Guyon.

9. Le mot dépêcher est ici employé dans le sens de mander.

10. Henri-Charles de La Tremoille ou de La Tremouille, prince de Tarente, était né en 1621. Il mourut en 1672. Son père, dont il est question dans la même phrase, était henri de La Tremoille. Né en 1599, il survécut à son fils et mourut en 1674.

11. Les précédentes éditions mettent encore ici Chartres, au lieu de Chastres, ou Châtres, aujourd'hui Arpajon.

12. Gaspard, comte de Chavagnac, né en 1624, mort en 1679. IL a laissé des Mémoires qui ont été publiés après sa mort, et qui s'étendent de 1624 à 1695.

13. Walstein, Waldstein ou Wallenstein, général célèbre dans la guerre de Trente ans, avait été assassiné en 1634.

14. Les anciennes éditions ont remplacé la vedette, ou sentinelle, par La Valette.

15. L'armée du parti opposé.

16. On a imprimé dans les anciennes éditions Laloin. On ne peut lire dans le manuscrit autographe que Lajonis ou La Jonis.

17. Mademoiselle fait son entrée à Paris le 4 mai. On lit dans le Journal de Dubuisson-Aubenay : « Samedi 4 mai, Mademoiselle, fille aînée du premier lit de M. le duc d'Orléans, arrive de la ville d'Orléans en celle de Paris, au palais d'Orléans, accompagnée du prince de Condé et du duc de Beaufort. M. de Nemours l'est venu voir et a été porté en chaise dans le palais d'Orléans, où il a marché à pied comme étant encore foible. »

18. Il y a bien dans le manuscrit de troubler. On lit, dans les anciennes éditions, redoubler.

19. On a déjà remarqué qu'à cette époque on disait Luxembourg et non le Luxembourg.

20. Mademoiselle, qui s'inquiète peu de la régularité grammaticale, a écrit dans la même phrase : « Je la dus être ; aussi je le fus tout à fait. »

21. 5 mai 1652.

22. Le combat dut être livré le 4 mai. On lit, en effet, à la date du 5 mai, dans le Journal de Dubuisson-Aubenay : « Dimanche 5, avis que le maréchal de Turenne a défait deux mille hommes de l'armée des princes, soit ceux qui retournoient d'escorter Mademoiselle, soit de ceux qui étoient restés en leurs quartiers vers Étampes. »

23. Du régiment de Condé (infanterie).

24. Tout le passage, depuis Peu de jours après mon retour jusqu'à Il est bon de dire deux mots manque dans le manuscrit autographe; mais il y a un signe de renvoi qui indique que Mademoiselle avait ajouté des feuilles, qui auront été perdues.

25. Ce fut le samedi 11 mai que Saint-Denis fut pris, d'après le Journal de Dubuisson-Aubenay : « Il [Condé] les a fait marcher à dix heures du soir à Saint-Denis, qu'il a pris d'emblée et par escalade.… La ville fut d'abord au pillage, que les chefs firent après cesser. Les assaillants en ont rapporté force butin, et amené même des chevaux. Le prince y a laissé garnison de sa milice. »

26. Ce fut le lundi 13 mai que Saint-Denis fut repris par les troupes royales : « Ç'a été le comte de Miossens, capitaine lieutenant des gens d'armes du roi, qui y a commandé [l'attaque]. Le peuple de Paris menace la comtesse de Miossens, qui loge chez madame de Guénégaud, sa mère, à cause de la prise de Saint-Denis.… Force gens de Paris sont tumultuairement sortis comme pour aller secourir ceux de Saint-Denis ; mais de la cavalerie contraire venant à eux, ils se sont mis en fuite, et il y en a eu beaucoup de blessés et de tués. » Journal de Dubuisson-Aubenay, à la date du 13 mai 1652.

27. On voit par la Gazette de Loret (Muze historique, lettre du 19 mai 1652) que l'on riait dans Paris de ces bourgeois qui jouaient au soldat :

. . . . . étant dans leurs familles
Avec leurs femmes et leurs filles,
Ils ne disoient parmi les pots,
Que mots de guerre à tous propos
Bombarde, canon, couleuvrine,
Demi-lune, rempart, courtine
Poste, terre-pleine, bastion,
Lignes, circonvallation,
Mon tirre-bourre, mon écharpe,
Le parapet, la contrescarpe,
Et d'autres tels mots triomphants
Qui faisoient peur à leurs enfants.

28. On appelait Cravate un régiment de Croates à la solde de la France. Ce régiment est ordinairement désigné sous le nom de Royal-Cravate.

29. N'ayant pas le texte originale pour ce passage, je ne puis vérifier ce nom. Je présume cependant qu'il faudrait lire Chalandré.

30. « Les Suisses des gardes du roi, amenés prisonniers de Saint-Denis en l'hôtel de Condé à Paris, sont relâchés, moyennant que la garnison de Saint-Denis fût aussi relâchée par les gens du roi. » Journal de Dubuisson-Aubenay, à la date du 14 mai.

31. La Muze historique (lettre du 28 avril) indique l'époque précise de cette députation :

Gaston, de nos maux étant las,
Députa Rohan et Goulas,
Vendredi dernier ce semble.…

Ce vendredi correspondait au 26 avril.

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris  : Charpentier, 1858. T. II, Chap. XII : p. 36-68.


 

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