TRAITÉ DU 6 JUIN 1652

Lettre du Marquis de Châteauneuf à la Reine, 6 juin 16521

M. de Lorraine est venu céans sur les dix heures, et sommes convenus ensemble des articles que j'envoie à Votre Majesté qui sont à peu près selon l'intention de Sa Majesté et le pouvoir qu'elle m'en a donné. L'armée qui est devant Étampes peut tout tenter jusques à mardi, quatre heures du matin ; car, encore que le jour de lundi2 soit exprimé, j'ai retiré de M. de Lorraine un écrit particulier que ce mot de lundi s'entend tout le jour, et il suffit quel 'armée se retire le mardi à quatre heures du matin ; ainsi elle a le lundi tout entier. Je n'ai fait la suspension d'armes que pour dix jours ; et, comme il est remarqué, si l'armée des princes sort d'Étampes, celle de Votre Majesté la peut suivre toujours à quatre lieues près. Il a fait grande instance pour que je voulusse consentir que l'armée de Votre Majesté ne les pourroit suivre sortant d'Étampes, si elle ne sort que vingt quatre heures après leur délogement ; car autrement, si elle est suivie, elle est perdue en l'état qu'elle est ; et, cela cédé, il obligera les princes à se soumettre à telles conditions qu'il plaira à Votre Majesté.

Aussitôt que le siége d'Étampes sera levé, M. de Lorraine fait état d'aller saluer Vos Majestés, et leur proposer son entremise pour la paix d'Espagne et celle des princes. Après quoi, se dit-il, il suppliera Vos Majestés de lui donner la sienne, et le recevoir à votre service envers tous, excepté les Espagnols ; mais il dit qu'ils lui donneront bientôt sujet de rompre avec eux. Il m'a dit que jusqu'ici ni Monsieur ni M. le Prince ne savoient rien de ces articles, et qu'il vouloit sortir de Paris, et que de son camp, il leur en donneroit part. Je doute de cela, et la suite nous le fera connoître. J'ai promis dedans le sept, qui est demain, de lui fournir la ratification des susdits articles, si Votre Majesté les a agréables. Je commencerai, s'il lui plaît qu'ils me soient envoyés, comme aussi le passe-port nécessaire pour se rendre près Votre Majesté. Elle considérera, s'il lui plaît, s'il ne seroit pas à propos, lorsque M. de Lorraine s'acheminera vers elle, d'y envoyer quelque personnage capable et de qualité pour l'accompagner, comme M. le maréchal de Schomberg ou M. de Souvré, puisque l'on en veut tirer profit, quand ce ne seroit que pour augmenter la jalousie que les princes et les Espagnols en auront. Il m'a voulu parler de ses intérêts ; mais comme je n'avois ni pouvoir ni instruction, je lui ai dit que de cela il en traiteroit à la cour ; qu'il suffisoit que je l'assurasse des sincères intentions de Vos Majestés, dont il recevroit les effets de leur bouche. J'ai le moins étendu les articles qu'il ma été possible ; car l'explication est toujours avantageuse au plus puissant. Il n'a communiqué de tout ce que dessus qu'avec moi. Il a traité tête à tête.


Articles accordés entre le marquis de Châteauneuf garde des sceaux de France, pour le roi, et M. de Lorraine :

Ledit sieur de Châteauneuf promet pour le roi que Sa Majesté fera retirer de devant Étampes dans lundi prochain toute son armée à quatre lieues de ladite ville. M. de Lorraine promet, moyennant ce, de demeurer avec toute son armée sur la rivière de Seine, sauf les gardes nécessaires au delà de ladite rivière pour la garde de son poste, lesquelles ne pourront faire aucune course. Sa Majesté, en suite de ce, accorde, du jour de la levée du siége, une suspension d'armes entre les deux armées durant six jours, pendant lesquels lesdites armées ne pourront s'approcher l'une de l'autre plus de quatre lieues. Ce que M. de Lorraine promet de faire accepter par Monsieur et M. le Prince, ou bien se retirer et se séparer d'eux, sans leur donner aucune assistance. Sa Majesté en outre promet à M. de Lorraine de lui donner toute sûreté tant pour sa personne que pour son armée, durant quinze jours, pour se retirer hors du royaume, suivant la route dont on conviendra ; durant laquelle marche Son Altesse de Lorraine promet de ne commettre aucuns actes d'hostilité, soit que les choses se portent à un accommodement général tant dehors que dedans le royaume, comme il est désiré de Sa Majesté et de M. de Lorraine, qui offre de s'y employer ; ce que Sa Majesté a très-agréable.

Ledit sieur de Châteauneuf promet fournir lettres de ratification du roi pour les présents articles dans demain vendredi septième du mois.

Fait et arrêté à Paris, ce 6 juin, à dix heures après midi.

 

NOTES

1. Les parties chiffrées sont en rouge.

2. Le lundi était le 10 juin.


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