DÉCLARATION DU 24 OCTOBRE 1648

Mademoiselle ne donne aucun détail sur cette déclaration qui a été l'acte le plus important du parlement de Paris pendant la Fronde. Préparée dans les discussion de la chambre Saint-Louis, la déclaration fut enfin signée, le 22 octobre 1648, et enregistrée le 24 du même mois. André d'Ormesson en a donné, dans ses Mémoires, une fidèle analyse, rédigée au moment même où elle parut :

« Par cette déclaration du 22 octobre 1648, l'on peut remarquer les abus et désordres qui avoient eu cours depuis vingt-cinq ou trente ans dans le gouvernement du royaume, et comme les anciennes ordonnances de nos rois étoient mal observées. par le premier article, on diminue le cinquième de la taille aux sujets du roi pendant les années 1648 et 1649, au lieu qu'auparavant on la haussoit toujours. Aussi les peuples n'en pouvoient plus et étoient réduits dans la mendicité et la révolte.

» 1º L'on diminua un écu sur chaque muid de vin et autres droits ;

» 2º Il ne se fera aucun retranchement de gages et droits aux officiers ;

» 3º Les rentes de l'hôtel de ville seront payées avant la partie du roi ;

» 6º [sic] Il ne se fera aucun remboursement de rentes ni de domaines du roy ;

» 7º Il sera fait vérification de la finance du domaine aliéné pour en rejeter tout ce qu'on y a fait entrer, excepté l'argent comptant ;

» 8º Les comptants,1 dont on abusoit, seront réglés à trois millions ;

» 9º Nulle création d'offices pendant quatre années ; et, après, [seulement] en vertu d'édits bien et dûment vérifiés ;

» 10º Les offices et mariages, donnés aux enfants de fermiers, de traitants et financiers, hypothéqués aux dettes du roi et de leurs créanciers, [seront nuls] ; et les séparations de biens pour leurs femmes, nulles ;

» 11º Suppression d'offices de petits sceaux, notifications et autres petits offices, dont les édits et quittances seront rapportés au procureur général, pour en donner avis ;

» 12º Défense et prohibition de toutes marchandises étrangères, afin de rétablir les manufactures et empêcher la sortie de l'argent de France ;

» 13º Les étapes rétablies, et les deniers pris sur les fonds des tailles ;

» 14º Tout procès remis aux parlements ; nulle cassation d'arrêts desdits parlements ; nulle évocation du propre mouvement ; toutes commissions extraordinaires révoquées ; tous sujets remis à leurs juges naturels ; toute souveraineté ôtée aux maîtres des requêtes ; les répits et lettres d'État traités au parlement, en connoissance de cause ; toutes rémissions et abolitions renvoyées aux juges de ressort, non au grand prévôt, maîtres des requêtes et grand conseil ;

» 15º Nul officier troublé en sa charge par lettres de cachet ou autrement, ni jugé par commissaires ou juges choisis.

» Voilà les principaux articles de cette déclaration, en peu de mots. Elle ramène et réduit l'autorité royale à ce qu'elle doit faire pour bien régner, et tous les hommes de bon jugement estimoient que c'étoit un ouvrage du bon Dieu pour la conservation de la France, et non un ouvrages des hommes. La prudence humaine du conseil d'en haut2 a été trompée, et le parlement a fait ce qu'il n'avoit pas eu d'abord l'intention de faire ; mais, étant devenu supérieure du conseil d'en haut par l'assistance des peuples en sa faveur le jour des barricades, il a entrepris de reprendre son autorité pendant la régence de la reine et la minorité du roi, et il a dans les diverses conférences tiré et arraché du conseil d'en haut tout ce qu'il a voulu, et M. Mathieu Molé, premier président, a pris le dessus de M. le chancelier Séguier, qui n'a osé résister voyant tous les peuples et tous les parlements intéressés dans la défense de celui de Paris qui donne le mouvement à tout le royaume, et qui avoit entrepris le soulagement des peuples et de rétablir un meilleur ordre dans le gouvernement. Dans une précédente déclaration on avoit révoqué les intendants de justice et trésoriers des provinces, et rétabli les trésoriers de France et les élus en la fonction de leurs charges.

» En un mot, le conseil d'en haut perdit la bataille contre le parlement le jour des barricades, et depuis ce jour-là le parlement a commandé et le conseil d'en haut obéi au parlement, et cette déclaration a été tirée et extorquée de la reine par force et non de sa bonne volonté, et tout ce que dessus est provenu par le refus du droit annuel3 aux cours souveraines, aux anciennes conditions. Ce qui leur a fait rechercher les abus, et s'assembler des quatre cours4 en la chambre de Saint-Louis, pour se venger du conseil d'en haut, qui étoit trop hardi, trop violent et trop entreprenant sur les peuples.

» Fait à Paris, le vendredi 28 octobre 1648. »

 


NOTES

1. On appelait ainsi les dépenses, pour lesquelles le roi écrivait : Je sais l'objet de cette dépense, sans donner aucun détail.

2. On appelait ainsi le conseil, où siégeraient les princes et les ministres.

3. Le droit annuel, ou paulette, était l'impôt que payaient les magistrats pour devenir propriétaires de leurs charges.

4. Ces quatre cours étaient le parlement de Paris, la chambre des Comptes, le cour des Aides, et le grand conseil.

 


James Eason