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Robert de Saint‑Jean

Démocratie, beurre et canons

L'auteur et le livre

Robert de Saint‑Jean (1901‑1987), journaliste français, et dès 1924 amant du romancier Julien Green, ce qui lui ouvrit au départ pas mal de portes dans le monde de la politique, travailla chez Plon, puis à partir de 1936 à Paris-Soir dont il était correspondant étranger lors du déclenchement de la guerre. Il suivit Jean Prouvost, directeur du journal, dans le service de l'Information du gouvernement français, chargé de l'information et de la censure par Paul Reynaud. A la défaite de la France en juin 1940, il s'évada du pays avec Green grâce à des visas autorisés à Bordeaux par Aristides de Sousa Mendes, Juste parmi les nations (צדיקים בין האומות). Pendant la guerre, il travailla à la section française de l'Office of War Information ; rapatrié à la fin de la guerre, il reprit sa carrière de journaliste chez France-Soir, Le Parisien libéré, et Paris-Match.

Démocratie, beurre et canons est une tranche du journal de Saint‑Jean, sans doute expurgée et mise en forme bien qu'il ne nous le dise pas, du 9 octobre 1939 jusqu'à la date fatidique du 17 juin 1940 ; nous l'y voyons absorbé, comme tant d'autres, par la question « Comment est‑ce que cela a pu nous arriver ? », et il trouve sa réponse dans l'énergie du nazisme sans les freins qu'assure la démocratie, dans l'amollissement de la France par une propagande sciemment perpétrée dès 1933 (bien d'actualité de nos jours si l'on pense aux infox, russes et chinoises surtout, qui se déferlent sur Internet), et dans la faiblesse d'un système de gouvernement sous la IIIe République qui donnait la primauté au législatif sur l'exécutif.

Traduit en anglais par Anne Green, sœur de Julien, le livre parut aussi chez E. P. Dutton, New York, 1941 sous le titre « France Speaking ».

 (p7)  Avis au lecteur

Ceci n'est pas un récit de plus du drame qu'a vécu la France en 1940.

J'ai noté hâtivement, pendant la guerre, les réflexions, les rencontres et les souvenirs qui avaient une relation quelconque avec le sort de mon pays menacé. Simples notes d'un ex‑journaliste et aussi d'un démocrate qui, n'appartenant à aucun parti, se trouvait amené à confesser amèrement les péchés mortels de sa démocratie…

En relisant ces pages, qui m'ont rejoint ici, il m'a semblé qu'elles avaient peut-être quelque intérêt à cause du jour qu'elles jettent sur ces rapports de la démocratie, du beurre, et des canons que l'Hitlérisme a rendus si tragiques non seulement pour la France mais pour d'autres grandes nations. « Etre ou ne pas être », le dilemme a bien été imposé par l'Allemagne au monde moderne, en effet, sous cette forme barbare : « Canons ou beurre ». La démocratie française, par la voix de ses dirigeants, répondit d'abord : « Beurre », puis  (p8) « Beurre et canons », — et il ne lui reste plus guère, aujourd'hui, de canons, de beurre, et de démocratie.

Impossible d'expliquer comment on a pu en arriver là si l'on ne remonte pas en arrière, si l'on ne découvre pas que la catastrophe finale n'est que le résultat des erreurs commises pendant les semaines, les mois, les années qui ont précédé. Certains assurent : « La guerre était perdue pour nous le dix juin », d'autres répondent : « Non, le 13 mai. » En vérité la guerre fut perdue avant la guerre : nos contresens politiques, diplomatiques et militaires avaient réglé silencieusement notre sort avant que fut tiré le premier coup de canon. Les défaites modernes se déterminent d'abord dans les bureaucraties inefficaces, dans les parlements trop bavards et dans les usines d'armement somnolentes.

On reconnaît à de nombreux signes que nos compatriotes veulent avidement savoir comment « cela » a pu arriver, et il est probable que les Français de demain se montreront plus impatients encore de connaître toute la vérité sur le grand malheur et la grande pitié de la France d'aujourd'hui. La vérité n'est pas la jolie dame que la légende représente sortant gracieusement du puits un miroir à la main.  (p9) Non, on nous en a menti, la vérité est un monstre. Les pays heureux ne peuvent poser leurs regards sur la Méduse, ils en seraient pétrifiés d'horreur, mais nous pouvons, nous, immunisés par l'adversité, considérer impunément l'affreux visage. La France, qui a vu la défaite en face, l'envahisseur en face, l'humiliation en face, qui voit maintenant la famine en face, est capable de fixer la vérité sans baisser les yeux. Encore les Français doivent‑ils s'abstenir de trouver dans l'explication du drame des motifs supplémentaires de querelles, de divisions, et d'affaiblissement. Ceux qui, par esprit de parti, continuent d'attribuer toutes les responsabilités au parti adverse ne servent ni leur pays ni la vérité, — mais amènent Hitler à se frotter les mains.

Il est à peine besoin d'ajouter que l'énumération de nos erreurs ne saurait diminuer la France. Certes, des chefs ont failli à leur tâche, ont été faibles ou aveugles, des chefs choisis par le Français moyen, qui a donc sa part de culpabilité lui aussi. Mais dans d'autres démocraties la majorité des électeurs s'est semblablement trompée. D'autre part les fautes particulières commises dans l'ordre politique ou militaire n'impliquent nullement une décadence générale. Un pays qui a apporté,  (p10) de 1918 à 1939, une contribution comme la nôtre au patrimoine de la culture est un pays qui a toujours beaucoup à apprendre et à donner au monde. Il ne doit déplorer qu'une chose, c'est de n'avoir pas eu, comme l'a constaté Paul Valéry avant la guerre, une politique qui fût à la hauteur de sa pensée.

Nous devons tous, tant que nous sommes, travailler à ce qu'il en soit autrement demain. Il n'y a qu'un moyen, d'ailleurs, de supporter le présent et d'échapper à l'obsession du passé, c'est de se tourner vers le futur, de songer à la minute où, débarrassés du très ponctuel « collaborateur » qu'était le vampire nazi, nous reprendrons la direction exclusive de notre destin. L'Angleterre, contrairement à nos espoirs, ne l'emporterait pas que ce jour finirait par arriver malgré tout ! Nous ne le savons pas encore assez, mais ces deux mots, « Avenir » et « Liberté », sont devenus synonymes, et fatalement la France, qui vient de traverser la nuit du Vendredi saint de son histoire, aura son dimanche de Pâques.

page

Octobre 1939 13
Novembre 1939 83
Décembre 1939 120
Janvier 1940 158
Février 1940 177
Mars 1940 213
Avril 1940 256
Mai 1940 279
Juin 1940 320

Détails techniques

Edition et copyright

Le texte présenté sur ce site est ma propre transcription de mon exemplaire du livre de Robert de Saint‑Jean publié dans la collection « Voix de France » par les Éditions de la Maison Française, Inc. à New York en 1941, régi donc par la loi américaine ; par conséquent il relève désormais du domaine public, le copyright n'ayant pas été renouvelé en 1968 ou 1969 comme l'exigeait la loi en vigueur à l'époque.

Relecture

Comme presque toujours, j'ai ressaisi le texte plutôt que de le scannériser ; non seulement pour réduire les erreurs au minimum avant la relecture, mais pour me donner l'occasion d'acquérir une certaine connaissance intime de l'ouvrage, exercice que je recommande de tout cœur : Qui scribit, bis legit. (Vos gentilles tentatives visant à me faire scannériser les textes, si jamais elles réussissaient, ne feraient que me convertir en une sorte d'automate : gambit refusé.)

Cette transcription a fait l'objet d'une relecture soignée ; aussi la crois‑je sans erreur, et à la table des matières ci‑dessus, les chapitres figurent donc sur fond bleu ; un fond rouge indiquerait le contraire. Comme ailleurs sur mon site, la couleur de l'en‑tête de chaque chapitre suit le même schéma. Ceci dit, si vous trouviez une erreur, ne manquez pas de me la signaler — et merci !

L'édition imprimée a été très mal relue, et les erreurs ne sont pas toutes de simples coquilles à la charge de l'imprimeur — même maison éditrice newyorkaise que d'autres livres en français publiés cette même année 1941 et très bien relus ; fautes d'orthographe (« quand à » pour « quant à » me fait grincer le plus), majuscules et traits d'union aléatoires, contamination par l'anglais, incurie… Ces nombreuses erreurs sont néanmoins presque toutes sans importance, je les indique donc par un soulignement en pointillé comme celui‑ci : comme ailleurs sur mon site, en faisant glisser votre curseur sur les mots soulignés, vous lirez la variante. Certaines erreurs par contre tirent à conséquence, aussi les ai‑je signalées par une puce comme celle‑ci ;º corrigées lorsque j'ai pu le faire, autrement laissées telles quelles.

Les anomalies de ponctuation par rapport au style habituel de l'auteur ont été corrigées en une couleur légèrement différente — à peine perceptible sur la page, mais évidenciée dans le code source sous la forme <SPAN CLASS="emend">. Et enfin, un certain nombre d'orthographes étranges, de tournures de phrase curieuses, etc. se voient indiquées <!‑‑ sic  dans le code source, simplement pour confirmer qu'elles ont été vérifiées.

Pour toute autre erreur, je vous convie bien entendu à m'en faire signe, et ce surtout si vous avez sous les yeux l'édition imprimée.

Numérotation des pages, liens locaux

Aux fins de citation et d'indexage, les numéros de page sont indiqués par des liens locaux dans le code source ; puis mis en évidence dans le texte affiché, dans la marge de droite aux changements de page (comme par exemple ici à la fin de cette ligne (p57) ). Férus de la haute précision, vous trouverez bien sûr l'ancre à sa place exacte dans le code source.

J'ai en outre inséré un certain nombre d'autres ancres locaux : les liens nécessaires pour accueillir les références inhérentes au texte, ainsi que quelques autres à mes propres fins. Si à votre tour vous avez un site Web et souhaitez cibler un lien vers un passage spécifique du texte, faites‑moi signe : je me ferai un plaisir d'y insérer l'ancre utile.



[ALT de l'image : Une signature sur un fond du drapeau français très sombrement estompé. L'image sert d'icône au livre 'Démocratie, beurre et canons' à travers tout mon site : c'est un journal de réflexions personnelles de Robert de Saint‑Jean en France au début de la Seconde Guerre mondiale.]

Le livre n'est pas illustré ; il se serait d'ailleurs mal prêté à l'illustration. Comme icône pour le représenter sur ce site j'ai donc choisi la signature de l'auteur : après tout, il s'agit en fait simplement de son journal particulier.


[ALT de l'image : HTML 4.01 valide.]

Page mise à jour le 30 mars 21