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Au commencement du quinzième siècle, sous le sceptre de Vytautas le Grand, appelé roi de la mer par ses courtisans, le grand-duché de Lithuanie s'allongeait de la Baltique à la mer Noire, couvrant une superficie de 1 200 000 kilomètres carrés. En 1926, la République lithuanienne, entrée le 16 février dans la neuvième année de son existence, s'étend de Tilsitt à Dvinsk, sur une surface de 56 000 kilomètres carrés. Entre ces deux dates, entre ces deux cotes, s'inscrivent toute l'histoire douloureuse, tout le poignant passé de la Lithuanie.
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Carte de la Lithuanie ancienne |
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Carte de la Lithuanie actuelle |
Géographiquement, la Lithuanie est le bassin du Niémen ; ethniquement, les Lithuaniens furent, à l'origine, un certain nombre de tribus p. II installés entre l'embouchure de la Vistule et le lac Peïpous. Ces tribus formaient avec les Lettons et les Vieux-Prussiens, ou Borussiens, la famille des peuples Aestiens, ou Baltes, issue des Aryens. D'origine indo-européenne, ni Slaves ni Germains, ils accueillirent ensuite quelques Finnois, établis déjà en Livonie.
C'était un peuple sédentaire, ne prenant aucune part aux courants d'invasions qui, dans le haut moyen âge, ébranlèrent cette partie de l'Europe. Agriculteurs, et donc attachés à leurs terres, les Lithuaniens ne suivirent ni les Goths vers le sud, ni les Finnois vers le nord-est, ni les Lettons en marche sur le golfe de Riga ; même le voisinage de la Baltique ne sut pas les entraîner dans la direction de la mer.
Au dixième siècle, les tribus lithuaniennes comprenaient : les Sudaves occupant la région du haut Niémen ; les Samogitiens, dans les plaines du bas Niémen ; et les Aukstaïtiens, situés entre les deux. Moins guerrières que les peuplades voisines, celles‑ci commençaient déjà à s'organiser. Dès le douzième siècle on trouve chez elles un classement social et des principautés indépendantes.
Le plus important des chefs lithuaniens dont l'histoire fasse mention à cette époque lointaine est Mindaugas. Déjà puissant en 1235, il résolut de mettre fin au néfaste morcellement du pays, p. III en s'emparant des territoires sur lesquels dominaient Vykintas, Tautvila et Erdvylas. Les autres chefs se soumirent, et Mindaugas devint le seul maître du pays, en 1248.
Étant en fait souverain de la Lithuanie, Mindaugas, avec des forces nouvelles, continua la lutte contre les chevaliers teutoniques, Porte-Glaives et Porte-Croix. Ces singuliers croisés prétendaient convertir la Lithuanie encore païenne, en plantant la croix sur des bûchers. La lutte menée contre eux devait durer près de deux siècles. Mindaugas pour sa part s'y consacra pendant dix années. Puis le chef lithuanien fit la paix avec les turbulents chevaliers, et, pour devenir leur allié, décida de se faire baptiser (1251).
L'année suivante, ce chef de tribus recevait au château de Varuta, des mains de l'évêque de Culm, au nom du pape Innocent IV, la couronne de grand-duc : l'État lithuanien était fondé sur les bases de la civilisation d'alors.
Quand le souverain eut solidement établi dans ses États le nouvel ordre de choses, il tourna ses efforts contre les Tartares, dont, par ses conquêtes en Ruthénie, il était devenu le voisin. Ce fut le début de la mission à laquelle, tant qu'il fut nécessaire, se consacra la Lithuanie : s'instituer le rempart de l'Europe contre l'invasion jaune, c'était assumer une belle p. IV tâche ; le peuple qui l'entreprit a bien mérité de la civilisation. Ce grand souverain, cependant, fut assassiné en 1263, peut-être par ses vassaux révoltés.
Pendant les années qui suivirent, le pays fut la proie de la réaction païenne. Enfin Vytenis (1283‑1315) s'efforça de pacifier les partis, préparant ainsi les voies au vrai fondateur de la puissance lithuanienne, Gediminas (1315‑1341).
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Gédiminas, le fondateur de Vilna,
grand-duc de Lithuanie (1316‑1341) |
Celui‑ci conquit les principautés de Vitebsk, Minsk, ainsi que la Podlésie, la terre de Brest-Litowski, la plus grande partie de la Volhynie avec la Podlachie. Novgorod, Pskov, Smolensk, Tschernigow, Séverie, Kiev, étaient sous sa dépendance. Il fallait une capitale à ce puissant État : Gediminas fonda Vilna (1323), qui devait demeurer à travers les siècles la capitale nationale.
Ce sage monarque, pris entre les Tartares à l'est et les nations européennes à l'ouest, était porté par toutes ses sympathies vers les peuples occidentaux. Il organisa son pays de manière à en faire une sorte de digue capable de résister à la pression des Mongols : à l'abri de cette barrière, l'Europe en sécurité développait sa civilisation. On frémit à la pensée de ce qui serait advenu si la puissante Lithuanie avait pactisé avec les Tartares.
En même temps, Gediminas, fidèle au culte p. V de Perkunas que n'avait jamais abandonné son peuple, combattait sans trêve les Teutoniques. Ceux‑ci, furieux d'avoir été vaincus à Zeïmé (1380), avaient lancé sur la Lithuanie des milliers de chevaliers venus de tous les pays d'Occident, depuis l'Espagne jusqu'au Danemark. C'est en luttant contre eux que Gediminas fut tué à Veliuona (1341).a Il avait déployé pour son pays un effort civilisateur aussi important que son effort militaire. On l'avait vu négocier avec le pape quant à l'établissement du christianisme en Lithuanie où, en même temps, il s'efforçait d'attirer les artistes et les artisans étrangers.
Gediminas laissait sept fils ; deux d'entre eux régnèrent simultanément : Algirdas et Keistutis. Celui‑ci embrassa la foi chrétienne, et envoya une délégation à l'empereur Charles IV pour lui annoncer son désir de hâter l'évangélisation de la Lithuanie. Il espérait, ce faisant, que lui seraient rendus les territoires conquis sur lui par les Teutoniques. Ceux‑ci refusant de se dépouiller, les dispositions du grand-duc se trouvèrent modifiées, et les combats contre les chevaliers Porte-Glaives, qui avaient emporté Kaunas en 1362, reprirent plus âpres que jamais.
Pendant ce temps, Algirdas poursuivait la lutte contre les Tartares. Trois fois il parvint jusque sous les murs de Moscou, qu'il épargna à la prière du grand-duc Demetrius ; mais avant p. VI de donner l'ordre de retraite à ses troupes, Algirdas, suivant une vieille chronique, chevaucha jusqu'à la poterne principale, et la frappa si violemment de sa lance que celle‑ci vola en éclats. Le souverain alors s'écria :
— Demetrius Ivanovitch, n'oublie jamais que le fer lithuanien a ébranlé la porte de Moscou !
Si la silhouette du grand-duc Algirdas demeure haute à travers les siècles, celle de Keistutis ne lui cède en rien. Resté seul souverain par la mort de son frère (1377), Keistutis mérita de l'histoire le surnom de Bayard lithuanien. On le vit pousser la loyauté jusqu'à prévenir ses ennemis quand il était sur le point de les attaquer. Aucun acte de cruauté ne souilla jamais son épée victorieuse. On remarque judicieusement qu'une telle vie eût mérité une fin plus glorieuse. En effet, Jogaïla, fils d'Algirdas et donc neveu de Keistutis, conclut avec le grand-maître des Teutoniques un pacte secret à la suite duquel le souverain de Lithuanie, âgé de plus de quatre-vingts ans, fut enfermé au château de Kreva. Le cinquième jour de sa captivité, on le trouva égorgé dans sa prison (1382).
Jogaïla, que l'Europe connaît comme le fondateur de la dynastie des Jagellons, versa sur le corps de son oncle des larmes hypocrites. Il lui fit des funérailles solennelles : selon la coutume, p. VII un bûcher gigantesque fut élevé ; on y déposa le corps du prince revêtu de ses vêtements d'apparat, et entouré de ses armes ciselées, de ses chevaux et de ses chiens égorgés… ce fut la dernière fois que les flammes furent appelées à dévorer le corps d'un prince lithuanien.
Une blonde prêtresse servait, parmi ses sœurs, le dieu du feu, sur les dunes de la Baltique.
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Petras Rimsa. La prêtresse (bronze) |
C'était Biruté, douce figure dont la légende s'est emparée. Keistutis l'avait épousée. Le fils qu'elle lui avait donné, Vytautas, captif lui aussi à Kreva, fut sauvé après l'assassinat de son père, par le dévouement d'une servante. Affublé de vêtements féminins, le jeune prince quitta sans difficulté son cachot.
Vytautas devait porter au pinacle la puissance de son pays ; cependant il fut d'abord dépouillé par Jogaïla de tout son patrimoine, ce qui l'amena à chercher près des Teutoniques l'appui qui lui permettrait de recouvrer ses biens. Victorieux de son cousin grâce à l'aide des chevaliers, Vytautas se fit baptiser par eux, resserrant ainsi son alliance. Jogaïla s'empressa de se réconcilier avec son cousin, et tous deux se retournèrent contre l'ennemi héréditaire.
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Vytautas le Grand, grand-duc de Lithuanie (1392‑1430) |
Les princes alliés ayant repris Kaunas, Jogaïla se trouva libre de donner tous ses soins à une affaire d'importance, qui le sollicitait par ailleurs.
p. VIII Depuis longtemps les Polonais cherchaient l'occasion de mettre la main sur la Lithuanie, trois fois plus vaste que la Pologne et beaucoup plus puissante. Ils pensèrent y parvenir en faisant épouser Jogaïla par leur princesse Edwige. Le prince y consentit. Afin de conclure cette union, la princesse rompit ses fiançailles avec Guillaume d'Autriche. En dehors de toute logique, ce fut l'époux qui apporta son pays en apanage, et non l'épouse. Le fils d'Algirdas s'abaissa jusqu'à accepter de multiples conditions dont l'ensemble aboutissait pratiquement à livrer la Lithuanie à la Pologne.
L'acte de mariage fut signé à Kreva, en novembre 1385, et remis solennellement aux ambassadeurs polonais. Jogaïla prenait, entre autres engagements, ceux de rendre sans rançon la liberté à tous les prisonniers polonais, et d'unir la Lithuanie à la Pologne. De ce fait, le grand-duché de Lithuanie, vaste État discipliné et bien organisé, où les caractéristiques et les traditions nationales de chacun des peuples subjugués par les armes étaient respectées, se trouvait entraîné à la remorque de la Pologne, affaiblie par ses luttes intestines et ses voisins plus puissants.
Le mariage fut célébré dans la seconde quinzaine de février 1386.
a Il est vrai que Gediminas mourut en 1341 ou peut-être en 1342, mais le siège de Veliuona eut lieu en 1337. Le lieu, la date exacte et les circonstances de sa mort sont inconnus. Pour des détails assez complets sur cette tradition confuse, voir ma note sur l'article de Moroni « Lituania ».
Les images comportant des bordures conduisent à des informations supplémentaires.
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Page mise à jour le 13 janv 25