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Contrairement à ce qu'espérait le petit peuple assoiffé de calme, le rétablissement de la paix en Europe ne ramena point la tranquillité dans les champs du Niémen. La Lithuanie vit toutes ses préoccupations s'effacer devant une question douloureuse entre toutes : le litige de Vilna. Pour bien comprendre les faits, nous ne saurions mieux faire que de nous reporter au discours prononcé le 24 septembre 1921, par M. Paul Hymans, délégué de Belgique, lors des délibérations de la deuxième assemblée de la Société des Nations, à Genève :
« Le différend naquit l'an dernier, au cours de la guerre que la Pologne poursuivit contre le soviets. Comment le Conseil fut‑il appelé à intervenir au début ?
« En septembre 1920, une plainte lui fut adressée par le gouvernement polonais, à charge du gouvernement lithuanien. Le gouvernement polonais reprochait à la Lithuanie, au moment où les armées rouges avançaient vers le centre de la Pologne, d'avoir fait franchir à ses troupes p. XXXIII une ligne, que l'on dénomme généralement la ligne Curzon, et qui avait été tracée par le Conseil suprême des Alliés le 8 décembre 1919.
« C'est une ligne à l'ouest de laquelle le Conseil suprême reconnaissait la pleine souveraineté polonaise, sans préjuger, d'ailleurs, des droits de la Pologne sur les territoires situés à l'est.
« Le gouvernement polonais priait la Société des Nations d'user de tous les moyens en son pouvoir pour retenir le gouvernement lithuanien, et éviter ainsi la guerre entre deux nations sœurs.
« Le gouvernement lithuanien, de son côté, déclarait ne pas reconnaître la ligne Curzon, qui avait été arrêtée par le Conseil suprême des Alliés, sans qu'il eût été consulté ni averti.
« …Le Conseil envoya aussitôt une Commission militaire dans cette région si troublée de l'Europe, et, dès le 7 octobre, un accord fut signé à Suwalki. Cet accord établissait une ligne de démarcation entre les deux armées.
« Ainsi, momentanément, tout péril semblait écarté. Mais lorsque, quelques jours plus tard, vers la mi-octobre 1920, le Conseil se réunit à Bruxelles, la situation se trouva profondément modifiée, et, dès lors, c'est le problème de l'attribution de la ville et du territoire de Vilna qui se pose nettement devant le Conseil.
p. XXXIV « Vilna, depuis la retraite des armées russes, avait connu des fortunes diverses. Le gouvernement lithuanien s'y était constitué et installé en 1917. En 1918, les bolchevistes s'étaient emparés de Vilna et le gouvernement lithuanien, obligé de se retirer, s'était fixé à Kovno. En mai 1919, les Polonais, poursuivant une vigoureuse et triomphante offensive, chassent les bolchevistes de Vilna.
« D'autre part, bolchevistes et Lithuaniens signent la paix à Moscou. Le traité de Moscou abandonne la souveraineté de Vilna à la Lithuanie. Le gouvernement lithuanien revient à Vilna. Il y reste jusqu'au 9 octobre 1920.
« C'est alors, messieurs, que se produit un incident grave, un coup de force qui exercera une profonde répercussion sur toute la suite des événements. Le 9 octobre, soit deux jours après la signature de l'accord de Suwalki, le général polonais Zeligowski marche sur Vilna et l'occupe. Cette occupation dure encore.
« …Le coup de force du général Zeligowski a vivement ému le Conseil et rencontré son unanime désapprobation. Notre éminent collègue, M. Léon Bourgeois, qui avait bien voulu se charger, avec la collaboration de M. l'ambassadeur d'Espagne, notre honorable collègue, S. E. Quinones de Léon, et avec S. E. le vicomte Ishii, ambassadeur du Japon à Paris, de suivre p. XXXV cette affaire pendant l'intervalle des sessions du Conseil, avait, immédiatement après le coup de force du général Zeligowski, eu à Paris une conversation avec M. Paderewski, qui représentait alors le gouvernement polonais, et il lui écrivit le 14 octobre 1920 une lettre dans laquelle il s'exprimait comme suit :
« L'occupation de Vilna est donc une violation des engagements vis-à-vis du Conseil de la Société des Nations, et il est impossible à celui‑ci de ne pas demander au gouvernement polonais quelles mesures immédiates il compte prendre pour assurer le respect des engagements.
« A moins que Vilna ne soit évacuée à bref délai, le Conseil serait obligé de se réunir d'urgence pour examiner la situation qu'il considère comme grave. »
Les bornes étroites de cette étude nous obligent à limiter ici la citation du texte officiel. Aussi bien en avons‑nous donné assez pour montrer nettement, et la genèse du conflit, et la position prise par la Société des Nations devant les agissements du général Zeligowski. La Pologne, tout en désavouant officiellement celui‑ci, se refusa à évacuer le territoire envahi avant que des élections générales n'eussent, disait‑elle, permis à la population intéressée d'exprimer son opinion.
p. XXXVI Ces élections à la Diète de Vilna eurent lieu le 8 janvier 1922, malgré la résolution du Conseil de la Société des Nations du 3 mars 1921, qui déclarait : « Il ne sera fait aucune nouvelle élection avant la signature de l'accord définitif, à moins que le président de la Conférence ne l'autorise. » Elles aboutirent à composer la Diète de Vilna exclusivement de députés polonais, bien que le caractère de la population fût mixte. Sur la façon dont ce résultat singulier a été obtenu, comme sur la valeur qu'en stricte justice il faut reconnaître à ce scrutin, on lira avec intérêt ces lignes, extraites du rapport du colonel français Chardigny, président de la Commission militaire de contrôle de la Société des Nations :
« Le comité lithuanien, les différents groupements juifs et le comité national blanc-russien, conformément à leurs déclarations antérieures (et à la résolution du Conseil de la S. D. N. du 3 mars 1921), n'ont pas pris part aux élections, et n'ont en conséquence présenté aucune liste de candidats.
« Bien qu'un nombre restreint d'électeurs lithuaniens dans les campagnes, poussés par des raisons spéciales, se soient présentés aux urnes, on peut affirmer que, d'une façon générale, la population lithuanienne de la région d Vilna s'est abstenue en majorité de voter.
p. XXXVII « Les Juifs de la ville de Vilna se sont presque complètement abstenus également.
« …Il y a lieu de relever en outre les points suivants :
« 1o Les commissions chargées de la direction et de l'exécution des opérations électorales étaient composées presque exclusivement de Polonais ;
« 2o Les votants se sont présentés aux urnes sans aucune sorte d'identité ou pièce justificative quelconque. Il a suffi de dire un nom inscrit sur la liste pour pouvoir déposer son bulletin de vote.
« Le contrôle des opérations était donc entièrement entre les mains du parti intéressé.
« Étant donné que les lithuaniens, les Juifs et une grande partie de Blancs-Russiens se sont officiellement abstenus de prendre part aux élections, et que, d'autre part, les élections se sont faites sous un régime d'occupation militaire, où l'élément polonais a disposé de tous les moyens de pression de l'appareil gouvernemental, il ne semble pas qu'on puisse considérer la Diète actuelle de Vilna comme étant la véritable et sincère expression de l'ensemble de la population du territoire consulté. »
Sans vouloir tenir aucun compte de cette déclaration, le gouvernement polonais fit adopter le 2 mars, par la Diète de Varsovie, une résolution p. XXXVIII concernant l'annexion de la région de Vilna. La même année (6 décembre), le maréchal Pilsudski déclarait officiellement devant une réunion des ministres de France, des États-Unis, de Grande-Bretagne et d'Italie, que le général Zeligowski avait occupé Vilna sur l'ordre formel du gouvernement, et que Zeligowski était un fidèle soldat qui n'avait jamais été rebelle.
Cet aveu aurait dû indigner la Conférence des Ambassadeurs ; cependant elle établit le 15 mars 1923 les frontières de la Pologne avec la Lithuanie, de manière à englober le territoire de Vilna dans l'État polonais.
Dès le 21 avril, à la séance du Conseil de la S. D. N., la Lithuanie protesta en rappelant la « recommandation » du 13 janvier 1922, par laquelle la S. D. N. refusait la reconnaissance d'une solution du conflit polono-lithuanien en dehors d'elle, ou sans le consentement des deux parties.
Par conséquence ce conflit, créant un malaise dans l'Europe orientale, reste toujours ouvert ; il le sera aussi longtemps que la violation du droit international dont il est le résultat ne sera pas réparée. Pour que l'inquiétude que cet état de choses entretient en Europe orientale prenne fin, il est indispensable que s'accomplisse l'acte de justice par lequel la nation lithuanienne se p. XXXIX retrouvera maîtresse à Vilna, sa vieille capitale et son sanctuaire.
Une autre question, fort grave pour la Lithuanie au point de vue économique, et qui se posa à la même époque, était celle de Memel et de son territoire.
Celui‑ci est une bande de terrain s'étendant en demi-lune depuis la petite ville de Smalininkaï sur le Niémen, jusqu'au sud de Palanga sur la Baltique. Sa longueur est de 150 kilomètres environ, sa largeur de 20 ; la population s'élève à 140 000 âmes, dont 35 000 pour le port de Memel, en lithuanien Klaipéda, situé à l'entrée du Kurisches Haff.
La Lithuanie ressuscitée réclama ce territoire, qui faisait originairement partie du patrimoine lithuanien. Les chevaliers teutoniques l'en avaient arraché, et la Prusse ducale, en recueillant l'héritage de l'Ordre, se trouva maîtresse de cette région.
Dès 1919, la Conference de la Paix reconnaissait que « la région en question a toujours été lithuanienne, la majorité de la population étant lithuanienne d'origine et de langue. » La cession du territoire de Memel aux Alliés, qui devaient la remettre à la Lithuanie quand le statut de celle‑ci serait déterminé, forme l'objet de l'article 99 du traité de Versailles.
Le 16 février 1923, la souveraineté sur le territoire p. XL fut transférée à la Lithuanie ; après des négociations dont nous ne pouvons donner ici le détail, le 18 mai 1924 fut signée la Convention constituant le territoire de Memel en une unité jouissant de l'autonomie législative, judiciaire, administrative et financière, sous la souveraineté de la Lithuanie. Dorénavant la jeune république, récupérant ici une partie de son patrimoine, possédait le débouché maritime indispensable à son développement économique, sinon à son existence même.
…Et maintenant fermons les livres, rendons les documents d'archives à leur repos vénérable : l'heure est venue de répondre à l'appel de l'aventure.
Les images comportant des bordures conduisent à des informations supplémentaires.
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Page mise à jour le 13 janv 25