Boo the Cat. Hoorah!

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CHAPITRE VIII.

(1650–1651)

1651

[ 1650. ] Nous partîmes pour Bordeaux le même jour que M. Lenet pour Montrond, où il alloit faire exécuter le traité, et cesser les hostilités qui se commettoient par la garnison contre tout le Berri. Comme nous étions dans le bateau, M. le cardinal me dit : « M. Lenet, qui voudroit nous brouiller, m'a bien dit force choses ; » et il me dit mot pour mot la conversation que j'avois eue le soir avec lui ; ce qui me surprit assez ; mais je ne le témoignai pas. Je lui dis : « Il a donc bien fait des tentatives de tous côtés ; car il m'a dit que vous lui aviez fait mille propositions d'accommodement sans Monsieur, et il m'a semblé ne lui pouvoir pas moins répondre que de la manière que j'ai fait. Cela est assez vraisemblable ; il n'est guère habile homme de croire nous brouiller. » Il fut assez surpris de ce que je lui avouois avoir parlé de lui si librement.

Ce voyage se fit fort agréablement : le temps étoit le plus beau du monde, et les avenues de Bordeaux fort agréables ; les navires qui étoient pour le siége, arrivèrent tous le jour que la paix fut signée, et ils nous accompagnèrent et firent grand feu à notre arrivée à Bordeaux.1 Les canons de la ville répondirent ; toute la cavalerie étoit en haie au bord de l'eau, et fit une décharge. Le corps de ville vint haranguer le roi avant qu'il sortît du bateau ; il y avoit sur le quai une foule de peuple incroyable. L'on témoigna grande joie de voir le roi, et l'on ne dit pas un mot à M. le cardinal, à qui l'on craignoit assez que l'on criât au Mazarin: ce qui eût été assez bizarre devant le roi ; mais ces gens-là l'avoient pris d'un air à en pouvoir tout craindre. Nous trouvâmes à la porte de la ville des troupes d'infanterie en haie avec des officiers. Cela me surprit, parce que, par le traité, le bourgeois devoit quitter les armes, et les troupes du roi ne devoient bouger de leurs quartiers. Je demandai à M. le cardinal : « Qui sont ces gens-là ? » Il me répondit : « Je n'en sais rien. » Je lui dis : « Ils sont bien mal vêtus, et ont la mine trop aguerrie pour des bourgeois, et les officiers saluent trop bien. » Je demandai : « Quelles troupes est-ce là ? » Ils répondirent : « Le régiment de Navailles. » Je n'en parlai plus.

Comme j'eus mené Leurs Majestés chez eux, qui logeoient à l'Archevêché, je m'en alla à mon logis. C'étoit chez M. le président de Pontac, dont la femme est ma parente et sœur de M. de Thou2 ; son logis est fort beau et fort magnifique. Quoique je n'eusse nulle connoissance qu'elle dans Bordeaux, je ne laissai pas de recevoir bien des visites dès le jour même de mon arrivée. Je ne me trompai pas, quand je jugeai en arrivant que les troupes n'avoient pas fait un bon effet : car j'appris que, voyant, avant l'arrivée du roi, toutes les portes prises par des troupes, contre ce que l'on avoit promis, le parlement s'étant assemblé pour résoudre d'aller saluer le roi, fit des plaintes aux députés qui avoient été à Bourg, de l'infraction du traité, et même il fut proposé de reprendre les armes.

Dans la crainte que, la nuit en suivant on n'entreprît quelque chose, il fut résolu que les députés chercheroient M. Du Coudray, et qu'ensemble ils iroient trouver ceux avec qui ils avoient traité. Mais, comme ils croyoient M. Du Coudray un peu mazarin, ils jugèrent à propos de me venir trouver ; ce qu'ils firent, me contèrent la chose et me prièrent de l'envoyer querir ; ce que je fis aussitôt. Je lui dis de s'en aller trouver la reine et lui dire l'importance dont cela étoit, et que [si elle] manquoit à ce que l'on avoit promis, assurément l'on prendroit les armes dans la ville ; et l'embarras que ce seroit, les mauvaises suites qui en arriveroient, avec le mauvais effet que cela feroit dans les pays étrangers. La reine dit au Coudray : « Mademoiselle devient furieusement frondeuse, » et lui témoigna n'être pas tout à fait contente de moi. Mais comme j'étois bien assurée qu'elle ne m'en oseroit rien dire, je ne fis pas semblant de le savoir. L'on promit au Coudray que l'armée commenceroit à passer l'eau dès le lendemain, et que l'on ne feroit garde aux portes que jusqu'à ce qu'elle fût passée, de crainte que les soldats et les cavaliers n'entrassent dans la ville et n'y fissent du désordre. Ces messieurs, à qui il vint rendre réponse à mon logis, furent fort contents, et le dirent le lendemain à leurs compagnies, et le firent savoir, dès le soir même, dans la ville, pour rapaiser les esprits qui étoient fort alarmés.

Après que le parlement et tous les autres corps eurent salué Leurs Majestés, nous allâmes sur la rivière voir tous les vaisseaux. L'on tira mille volées de canon, et toutes la mousqueterie de dessus fit son devoir ; toute la ville de Bordeaux étoit aux fenêtres du port. M. le cardinal disoit : « Au moins les Bordelois voient que, si on avoit voulu leur faire du mal, l'on le pouvoit avec une si belle armée navale. » Pour moi, quoique je ne me connusse guère en armement naval, je ne trouvai pas celui-là beau, et je ne jugeai cette promenade propre à rien qu'à donner une nouvelle matière aux ennemis de M. le cardinal, de se moquer de le voir triompher de si peu de chose.

La ville de Bordeaux est dans la plus agréable situation du monde : rien n'est si beau que la rivière de Gironde et son port ; les rues sont belles et les maisons bien bâties. Il y a de fort honnêtes gens et fort spirituels, et qui sont néanmoins plus propres pour l'exécution que pour le conseil ; car ils vont fort vite et n'ont pas grand jugement.

Pendant le séjour de dix jours que la cour y fit, personne n'alloit chez la reine, et quand elle passoit dans les rues, l'on ne s'en soucioit guère ; je ne sais si elle avoit fort agréable d'entendre dire que ma cour étoit grosse, et que tout le monde ne bougeoit de chez moi, pendant qu'il y en alloit si peu chez elle. Le courrier que j'envoyai à Monsieur revint, et il m'écrivit les mêmes choses que j'avois dites à M. le cardinal. Son Altesse royale lui écrivit une lettre, ainsi que je le lui avois prédit : de quoi il ne se vanta pas. Mais, dès qu'il sut que j'avois reçu un courrier, il fut dans la dernière inquiétude de savoir ce que l'on m'avoit mandé : il envoya Le Coudray me questionner, à qui je ne voulus rien dire. Comme je revenois de la messe, je trouvai M. le cardinal chez moi, qui me fit excuse de ne m'être point encore venu voir ; mais qu'il avoit eu tant d'affaires, qu'il lui avoit été impossible. Il s'attendoit que je lui conterois en grande hâte tout ce que Monsieur m'avoit mandé ; je ne lui en parlai point. Comme je vis qu'il ne m'en disoit rien, je lui demandai : « N'avez-vous point eu de nouvelles de Paris ? » — « Et vous n'en avez-vous point eu ? » Je lui dis que non ; qu'il m'étoit revenu un courrier que j'avois envoyé à Paris ; mais que ce n'étoit que pour des affaires domestiques ; qu'ainsi je n'avois des lettres que de mes gens, qui ne me parloient de rien. Je pense qu'il s'en alla assez mal satisfait de sa visite ; mais je connus qu'elle avoit été à une autre fin.

Le parlement de Bordeaux avoit député deux présidents et dix ou douze conseillers, pour aller visiter Monsieur, frère du roi ; et, à cause de l'obligation qu'ils avoient à Monsieur de la paix, ils avoient jugé ne lui pouvoir donner des marques d'une reconnoissance plus forte qu'en me rendant un honneur, qui ne m'étoit pas dû, de me faire une pareille visite qu'à Monsieur. Cela avoit fâché M. le cardinal ; car il avoit su qu'ils l'avoient ainsi résolu, et en même temps de ne le point voir. L'on les avoit voulu empêcher de voir Monsieur ; mais ça avoit été en vain. Il les avoit fait aussi prier de ne me point voir pour satisfaire la reine, parce qu'ils ne voyoient pas M. le cardinal ; mais n'eurent nul égard à sa3 prière ; venant chez moi au sortir de [chez] Monsieur, ils me firent une harangue, qui témoignoit la reconnoissance qu'ils avoient envers Son Altesse royale, et d'une manière aussi fort obligeant pour moi.

M. le cardinal voyant que la visite étoit faite, ne laissa pas d'avoir en tête d'en avoir une, pour l'éclat que cela feroit, qu'un parlement lui envoyât des députés. Il crut que la chose ne s'étant point faite à son arrivée, il falloit qu'elle se fît à son départ. Le comte de Palluau4 me vint voir ; c'est un homme fort attaché à M. le cardinal ; qui a beaucoup d'esprit et qui est de fort agréable conversation, avec lequel je prenois beaucoup de plaisir à parler. Après avoir été quelque temps avec moi, et m'ayant trouvée avec des gens du parlement qui me voyoient souvent (car les Gascons sont gens qui se familiarisent aisément, et qui font bientôt connoissance), il me dit : « Ne voulez-vous pas faire voir le crédit que vous avez pour ces gens-là, en rendant un service à un de vos amis ? » Je lui demandai quel service, et à quel ami ; il me répondit : « A M. le cardinal, lui faisant rendre une visite. » Je lui dis : « S'il m'en prie, je le ferai : sinon je ne m'en mêlerai pas ; car il croiroit que je me voudrois faire de fête, et cela seroit assez ridicule de croire avoir du crédit auprès de gens, que je ne connois que depuis trois jours. » Sur quoi il me dit : « Mais il seroit de meilleure grâce à vous de le faire, sans que l'on vous en priât. » Je l'assurai que je n'en ferois rien.

J'allai chez la reine ; Palluau y vint me dire : « Il faut que vous parliez de ce que je vous ai tantôt dit à M. le cardinal. » Je l'assurai pour la seconde fois que je n'en ferois rien ; nous disputâmes longtemps là-dessus, et je lui témoignai que je connoissois bien que c'étoit de la part de M. le cardinal que l'on me parloit, et qu'ainsi toutes ces façons étoient inutiles. Ils me l'avoua et me pria de n'en point parler ; mais que pour disposer les choses de manière que M. le cardinal les agréât, lorsque le parlement seroit chez la reine, qui y devoit venir un moment après, si M. le cardinal étoit auprès de moi, je lui dirois : « Demandez à Palluau ce que nous avons dit tantôt. » Il s'y trouva, et je lui dis ; il me répondit : « M. de Palluau me l'a dit, et je vous-en suit très-obligé. Je ne me soucie point de ces gens-là : quand ils me viendroient voir, je leur fermerois la porte, si ce n'étoit que pour le bien du service du roi il est nécessaire que je les voie. » Il me fit mille rodomontades, et conclut en me priant de faire tout mon possible pour qu'ils l'allassent voir.

J'envoyai querir tous ceux que je connoissois, et avec M. Du Coudray je les pressai fort ; mais ils me dirent tous que, si je leur ordonnois de la part de Son Altesse royale, ils le feroient ; mais qu'autrement cela ne se pouvoit. Je leur dis que je croyois que cela seroit fort agréable à Son Altesse royale ; mais que je ne leur pouvois pas dire qu'il me l'eût commandé, n'en ayant point d'ordre. Le lendemain ceux à qui j'avois parlé proposèrent la chose à la compagnie ; et l'on la trouva si ridicule au palais, qu'il eût mieux valu qu'on n'en eût point parlé ; et quant à moi, M. le cardinal prit si mal la chose, qu'il m'accusa de lui avoir fait cette pièce ; de quoi je ne me souciai guère. Quoique je me divertisse bien à Bordeaux, j'avois une telle envie d'aller à Paris, que j'étois fort aise de toutes les choses qui pouvoient rebuter M. le cardinal, et l'obliger à partir de Bordeaux le plus promptement qu'il se pourroit. Ce qui arriva, et j'eus une très-grande joie de me voir en chemin.

Nous trouvâmes à Saintes M. l'archevêque d'Embrun,5 qui étoit envoyé de la part du clergé, pour supplier Leurs Majestés de permettre que l'on mît M. le prince de Conti en liberté pour le faire traiter, étant en danger de sa vie. Cet envoi ne fut pas agréable ; et, comme l'on en fut averti, l'on lui fit dire que l'on ne le vouloit pas voir ; et M. le cardinal et la reine me dirent : « L'archevêque d'Embrun est de vos amis ; il faut que vous le détourniez de nous parler de cette affaire. » La maison de La Feuillade a toujours été à Son Altesse royale : le père et trois enfants sont morts à son service ; ainsi j'avois beaucoup d'habitude avec eux, et l'archevêque, en son particulier, a toujours été de mes amis. Je l'envoyai querir, et lui proposai ce que l'on m'avoit ordonné. Je le trouvai de fort bonne volonté pour ce que je lui disois, et plus disposé à suivre les ordres de la cour que ceux de son corps ; et je me suis depuis aperçu que l'envie de se mêler d'affaires l'en a fait charger d'aussi bonnes affaires pour plaire à la cour, qu'il suivit à cette même intention mes conseils. Je rendis compte de ma commission à M. le cardinal, puis à la reine, qui en furent très-satisfaits, de sorte que M. l'archevêque d'Embrun salua Leurs Majestés et Son Éminence, sans parler de rien.

La reine vit à Saintes une dévote séculière dans les Carmélites, laquelle étoit impotente, qui lui avoit mandé, par madame de Brienne, qu'elle souhaitoit avec passion de la voir ; elle lui avoit mandé la même chose en passant, et elle la pria pour lors de lui envoyer quelque personne de créance, à qui elle pût confier ce qu'elle avoit à dire. La reine y avoit envoyé le père Faure, cordelier, lequel est présentement évêque de Glandèves, qui n'avoit osé, à son retour à Libourne, dire à la reine toutes les choses qu'il avoit sues de la dévote, parce qu'elles étoient contre M. le cardinal ; il étoit parti d'Angoulême pour l'aller trouver à La Rochelle où elle demeuroit, et s'étoit fait porter exprès à Saintes pour y voir la reine à son passage. M. de Glandèves dit à la reine : « Madame Lainé (car elle s'appeloit ainsi) ne m'a rien voulu dire, et ne veut parler qu'à Votre Majesté. » Quand nous fûmes dans le couvent la reine la vit, comme j'ai déjà dit, et eut avec elle une fort longue conversation qui m'ennuya à tel point, que je m'approchai croyant l'interrompre, et j'entendis que la reine lui disoit : « Je vois bien que vous ne le connoissez pas ; car il n'a d'intérêt que celui du roi. » Je me doutai qu'elle parloit contre M. le cardinal.

Comme nous fûmes dans le carrosse, la reine dit à madame de Brienne : « Ah ! quelle visite vous m'avez fait faire ! » Je lui dis : « Je crois, Madame, que vous n'offrirez pas de chandelle à cette sainte. » Elle me répondit : « Tu as donc ouï ce qu'elle m'a dit ? » Je lui répondis que j'en avois ouï quelque chose ; sur quoi elle me répliqua : « Elle m'a dit mille maux contre le cardinal ; mais c'est une pauvre femme, à qui on a fait dire tout cela ; » et n'en dit pas davantage. J'ai su depuis qu'elle lui avoit dit que M. le cardinal portoit un tel malheur à la France et à elle, qu'il seroit cause de leur ruine ; que, si elle ne le chassoit dans peu, l'on lui chasseroit par force, et que, pour marque de la vérité de ce qu'elle lui disoit, elle l'assuroit qu'elle seroit malade dans trois jours. Ce qui arriva : car étant à Poitiers, elle eut la fièvre et fut contrainte de se faire saigner. Ce mal lui continua jusqu'à Amboise, où elle fut obligée de séjourner huit jours, pendant lesquels son mal augmenta jusqu'à en donner de la crainte. Ce qui fâcha fort M. le cardinal : car il avoit toutes les impatiences possibles d'être à Paris, pour persuader Son Altesse royale à consentir que l'on menât M. le Prince au Havre. Quoique l'on lui eût envoyé plusieurs courriers pour cela, il n'avoit jamais voulu ; ce qui donna à la cour de grands soupçons de ce qui est arrivé depuis.

M. le cardinal me proposa d'aller [faire] un tour à Paris, pendant le séjour de la reine à Amboise ; ce que j'aurois pu faire aisément en deux jours en relais. J'en avois un prétexte le plus beau du monde, madame de Guise, ma grand'mère, étant malade à l'extrémité ; mais, comme je n'osois m'embarquer à ce voyage sans la permission de Son Altesse royale, pendant ce temps-là, la reine se porta mieux, et l'on partit. L'intention de M. le cardinal auroit été que j'eusse fait en sorte auprès de Son Altesse royale, de le faire venir au devant de Leurs Majestés à Orléans, et que, l'y accompagnant et étant toujours auprès de lui, j'eusse tâché de le persuader à consentir à ce qu'on lui vouloit proposer.

Sur les chemins, M. le cardinal me faisoit part des nouvelles qu'il recevoit, qui ne lui étoient pas fort agréables ; car l'on lui mandoit que les amis de M. le Prince n'abandonnoient pas Son Altesse royale, et faisoient de grands progrès auprès de lui, que madame de Chevreuse, le coadjuteur, madame de Montbazon, et toute cette cabale de Fronde et leurs dépendants, étoient dans les intérêts de M. le Prince. La princesse palatine6 avoit beaucoup servi à toute cette union ; elle commença en ce temps-là à se rendre considérable et à faire parler d'elle dans les grandes affaires. Auparavant l'on n'avoit parlé que de ses aventures, pendant que la reine de Pologne étoit ici ; quoique sa sœur et l'aînée, elle ne la voyoit guère. Ce qui se remarquoit, étant logées dans la même maison. M. de Guise, étant archevêque de Reims,, la recherchoit comme s'il eût été en l'état où il est maintenant,7 mais d'une manière toute extraordinaire ; car il faisoit l'amour, comme dans les romans. Quand il sortit de France, elle en sortit aussi ; peu de temps après s'habilla en homme, et s'en alla droit à Besançon pour passer de là en Flandre. Elle s'y fit appeler madame de Guise; en [lui] parlant et écrivant, [elle] disoit : M. mon mari. Enfin elle n'omettoit rien de toutes les choses qui déclaroient qu'elle étoit la femme de M. de Guise. Pendant qu'elle étoit à Besançon et lui à Bruxelles, il devint amoureux de madame la comtesse de Bossu, qu'il épousa. Elle revint à Paris et reprit son nom de madame la princesse Anne, comme si de rien n'étoit. Peu d'années après elle épousa en cachette, et sans le consentement de la cour, M. le prince Édouard, l'un des cadets de M. l'électeur palatin.8 La reine d'Angleterre fit sa paix ; elle revint ; et, comme son mari étoit fort gueux et jaloux, elle d'humeur fort galante, elle l'obligea de consentir qu'elle vît le grand monde, lui persuadant que c'étoit le moyen de subsister et d'avoir des bienfaits de la cour. Lors elle suivit son inclination et força celle de son mari par la raison de la nécessité. A la guerre de Paris, son mari avoit pris emploi, et ce fut lors qu'elle fit grande amitié avec madame de Longueville et le prince de Conti.

La cour ne trouva point Monsieur à Orléans, comme elle avoit espéré, ni même M. le Tellier, qui y devoit venir. L'on apprit seulement que l'on avoit pendu en effigie M. le cardinal à tous les carrefours de Paris9 : ce qui ne lui étoit pas agréable. L'on trouva M. le Tellier à Pluviers,10 qui n'assura pas que Son Altesse royale viendroit à Fontainebleau, ni qu'elle eût des intentions favorables pour la cour. On y fut trois ou quatre jours, sans que Son Altesse royale y vint.11 M. de Châteauneuf y arriva et assura qu'il y viendroit ; car, comme il étoit de la cabale du coadjuteur, qui faisoit le favori de Monsieur, ils se faisoient valoir des choses que Monsieur faisoit. Le roi et M. le cardinal furent au-devant de Son Altesse royale ; l'on peut juger, par les empressements que l'on avoit de sa venue, ceux qu'ils lui témoignèrent. Mais Monsieur ne fut pas sitôt arrivé qu'il leur témoigna le déplaisir et le ressentiment qu'il avoit eus, lorsque l'on avoit transféré M. le Prince du bois de Vincennes. J'ai dit, à ce qu'il me semble, que c'étoit à cause de l'approche des ennemis de Paris que l'on avoit transféré les princes : il est bien vrai que l'on se servit de ce prétexte ; mais l'on les mena à Marcoussis, sans que Monsieur le sût que lorsqu'ils y furent, contre la parole que la reine lui en avoit donnée. Car, en partant pour aller en Guienne, la reine dit à M. de Bar, qui gardoit les princes, et en présence de Monsieur, qu'il ne les remit en liberté ni qu'il les transférât, par leurs ordres ni de l'un ni de l'autre séparés, mais quand il en verroit un signé de tous deux ensemble. Je crois avoir appris ceci de Monsieur lui-même en un voyage, que j'ai fait à Blois, depuis que j'ai écrit ce qui est ci-devant ; mais, comme je ne m'amuse à ces Mémoires que pour moi, et qu'ils ne seront peut-être jamais vus de qui que ce soit, au moins de mon vivant, je ne m'attacherai point à les corriger, me persuadant que je ne ferois pas mieux ; car je ne me crois pas capable d'en connoître les défauts.12 Mais revenons au sujet.

On peut juger si Monsieur avoit [lieu] d'être satisfait, voyant que l'on ne vouloit transférer M. le Prince au Havre que pour être en lieu, où M. le cardinal en fût absolument le maître, pour, dans un grand besoin, et quand il seroit abandonné de tout le monde, le lâcher comme un foudre pour accabler tous ses ennemis et dissiper tout ce qui lui seroit contraire. L'on pouvoit assez faire ce fondement : car M. le Prince avoit été si heureux, qu'il sembloit que rien ne lui pût résister ; et, comme ce n'étoit point le compte de Monsieur que cela se fît sans sa participation, il y résistoit.

Je l'allai voir à sa chambre à Fontainebleau ; il étoit fort en colère. Il me déchargea son cœur, et me dit que, quelque persécution que l'on lui fît pour donner son consentement à ce changement, il ne le feroit jamais, et que c'étoit le vrai moyen d'augmenter les troubles en France, par les raisons que j'ai dites que l'on croyoit que M. le cardinal avoit pour cela ; que le parlement fronderoit plus que jamais, et qu'il étoit résolu de ne se plus mêler de rien. Il ne vint point chez la reine ce jour-là. L'on fit force allées et venues. Enfin il y vint le soir ; mais les choses au lieu de s'adoucir, a'aigrirent, et il se sépara d'avec la reine de cette manière.

M. le cardinal m'envoya Lyonne à la pointe du jour m'éveiller pour me prier de m'en aller chez Monsieur, de voir s'il n'y auroit point de moyen de le faire demeurer ; mais sa résolution étoit tellement prise, que rien ne l'en put empêcher. La reine envoya M. le comte d'Harcourt13 querir les princes à Marcoussis, et les mener au Havre, et dit à Monsieur : « Puisque vous ne voulez pas y consentir, lorsque les affaires du roi le requièrent, il suffit. » Monsieur dit : « Le roi est le maître : mais ce n'est pas mon avis.14 »

Ainsi il partit pour Paris assez mal content ; la cour le suivit un jour après. Monsieur, ennuyé de tout ce qui se passoit, se lia tout à fait avec les amis de M. le Prince ; mais comme ce détail m'est tout à fait inconnu, je n'en dirai rien ; car Monsieur, connoissant l'aversion que j'avois pour M. le Prince, se cacha fort de moi ; et, quand les choses sont passées et que l'on n'a point dessein de les écrire, l'on s'en informe peu, et en ce temps-là je ne croyois pas être jamais eu lieu où cette pensée me pût venir. Tout ce qui vint à ma connoissance, est que Monsieur agit de concert avec le parlement pour la liberté de M. le Prince : à quoi il réussit, comme je dirai ci-après.

Madame la Princesse15 mourut à Châtillon, après une longue maladie, dans les sentiments les plus beaux et les plus chrétiens qu'il soit possible, ayant vécu dans ses dernières années avec beaucoup de dévotion ; et même cela lui faisoit abandonner les intérêts de son fils, soit qu'elle fût fort résignée ou qu'elle eût moins de tendresse. M. le Prince sait ce qui en étoit, et pour moi je n'en jugerai pas.

M. le cardinal16 partit de Paris pour aller en Champagne ; il reprit Rethel, que M. de Turenne avoit pris. Ensuite le maréchal Du Plessis-Praslin, qui commandoit l'armée du roi, donna une bataille à Sommepy17 : il la gagna, et fit beaucoup de prisonniers. M. de Turenne, qui commandoit les troupes de M. le Prince, fut fort heureux de se sauver. M. le cardinal voulut que l'on l'appelât la bataille de Rethel, parce qu'il étoit dans la ville, et que l'on pût croire que c'étoit lui qui l'avoit gagnée, quoiqu'il en fût à dix lieues18 ; et sur cette victoire de Son Éminence on fit des vers assez plaisants ; ce qui tournoit sa bravoure en ridicule. Il m'a semblé que je les devois mettre ici :

Soit fait au cardinal rémunération :
Sans cet absent vainqueur, l'on n'eût rien fait qui vaille.
Il a mené nos gens à l'expédition ;
Ainsi qu'un bedeau fait la prédication,
Monsieur le cardinal a gagné le bataille.19

Lorsque la nouvelle de cette bataille arriva, Son Altesse royale étoit au palais ; l'on fut bien aise de [la] mander en ce lieu-là, croyant donner de la terreur à tous les amis de M. le Prince, de voir son armée défaite ; mais cela fit un effet tout contraire : car la peur, que M. le cardinal ne s'en prévalût, les fortifia dans le dessein de servir M. le Prince, pour se délivrer par lui d'un tel ennemi. Monsieur, au retour de chez la reine, me vint dire cette nouvelle, et me dit : « Rien n'est moins avantageux à la cour que le gain de cette bataille : elle profitera plus à M. le Prince de cette manière, que si M. de Turenne l'avoit gagnée. »

[ 1651. ] M. le cardinal revint, le dernier jour de l'année 1650,20 le plus fier et le plus triomphant du monde ; je ne l'ai jamais vu si gai. La reine étoit encore malade de cette maladie qui avoit commencé à Poitiers, et ne se levoit point. Comme j'entrai dans sa chambre et que j'approchai de son lit, elle me demanda : « Ma nièce, avez-vous vu M. le cardinal ? » Je lui répondis que non. Le roi, qui y étoit, l'alla querir : j'allai au-devant de lui. J'étois dans la chambre comme il s'approcha de moi ; il se mit quasi à genoux, tant il me salua humblement. Je le relevai et l'embrassai ; il me fit mille civilités, que je lui rendis.

Sa joie se troubla par les fréquentes assemblées du parlement, où Monsieur ne manquoit pas d'aller, et où il parloit d'une manière21 qui faisoit craindre à la cour qu'il ne fût pour M. le Prince, dont les serviteurs et les amis commençoient à se montrer dans le monde. [Il s'en trouva beaucoup] à un bal chez la comtesse de Fiesque la jeune, de qui le mari étoit fort attaché aux intérêts de M. le Prince. L'amitié, que l'un et l'autre avoient pour lui, étoit cause que la comtesse ne me voyoit pas si souvent qu'elle a fait depuis. Je vis à ce bal le comte de Tavannes22 et plusieurs autres gens attachés à M. le Prince, à qui je fis de grandes civilités. Cet hiver-là, malgré les inquiétudes et les brouilleries du Palais-Royal, l'on dansa et l'on se réjouit assez. M. de Mercœur faisoit fort le galant de mademoiselle de Mancini, avec laquelle il étoit quasi accordé ; mais l'affaire étoit demeurée là tout d'un coup, M. le Prince ne l'ayant pas voulu [approuver].

Enfin le parlement fit des remontrances fort pressants pour la liberté de M. le Prince, et d'une manière qui obligeoit la cour à y répondre. Monsieur, qui souhaitoit la chose et qui la jugeoit même nécessaire, en pressa la reine ; et ce fut sur cela que M. le cardinal fit ce beau discours de Cromwell et de Fairfax,23 sur lequel Monsieur s'emporta contre lui, et dit à la reine qu'il ne mettroit jamais le pied dans les conseils du roi tant que ce personnage y seroit. Le détail de cette conversation étant imprimé dans les actes du parlement, et étant su de tout le monde, me paroît une chose si publique, que je ne prendrai pas la peine de la mettre ici.

J'étois sortie du Palais-Royal, lorsque cela arriva. Le lendemain, Goulas, secrétaire de Monsieur, qui s'en alloit au Havre avec Lyonne pour traiter avec M. le Prince sur sa liberté, me conta ce qui s'étoit passé. Le démêlé de Monsieur et de M. le cardinal étoit venu sur ce qu'il se plaignoit, que Monsieur avoit mis les choses en [un] tel état, que l'on ne se pouvoit plus défendre de faire sortir M. le Prince, et qu'il n'en sauroit nul gré, parce qu'il paroîtroit que sa liberté avoit été forcée. Comme je sus ce désordre, je m'en allai, courant, chez Son Altesse royale, qui me conta toute l'affaire, et me dit qu'il n'iroit plus au Palais-Royal, tant que le Mazarin y seroit. Je ne fus pas fâchée de cette résolution ; car, quoique je n'aimasse point M. le Prince, j'aimois néanmoins tant Monsieur, que j'étois ravie de ce qu'il entreprenoit deux aussi grandes choses que celles de faire sortir M. le Prince de prison et M. le cardinal du ministère, puisqu'il l'avoit fâché. Mais la crainte, que j'avois qu'il ne se lassât des embarras de cette affaire et qu'il ne la poussât pas à bout, me donnoit les dernières inquiétudes. Tous les amis de M. le Prince vinrent dans cette rencontre à Luxembourg : je leur fis mille compliments, et en ce moment je me résolus de surmonter la déraisonnable aversion que j'avois pour M. le Prince. Guitaut,24 qui est à lui et en qui il a beaucoup de confiance, l'ayant bien servi pendant sa prison, me vint voir. Je lui fis mille protestations de bien vivre avec M. le Prince et avec toute sa maison, et du regret que j'avois de ne l'avoir pas fait par le passé. Il m'assura fort du respect et de l'amitié qu'ils avoient tous pour moi, et de la douleur qu'ils avoient de la manière dont je les avois traités.

Madame de Fouquerolles, qui est la plus intrigante personne du monde et n'est pas la plus prudente, me vint faire des propositions de la part de Son Éminence, desquelles je ne sais si elle auroit été avouée, ou si elle se faisoit de fête. Enfin [elle disoit] que, si Monsieur vouloit se raccommoder avec M. le cardinal, il lui donneroit la carte blanche pour faire tout ce que bon lui sembleroit pour lui et sa famille ; et comme il pouvoit faire pour moi beaucoup plus que pour les autres, ce panneau étoit assez beau ; mais je ne fus pas assez ridicule pour y donner, mais bien assez alerte pour l'en détourner dans le moment.

L'après-midi du même jour, M. Servien me vint trouver de la part de la reine pour me prier de faire toutes les choses qu'il me seroit possible pour adoucir Monsieur envers M. le cardinal ; qu'elle me prioit de me souvenir de l'amitié qu'elle avoit toujours eue pour moi ; qu'elle étoit bien fâchée de ne m'en avoir pu donner des marques, et qu'au moment qu'elle avoit le dessein de m'en donner de bien sensibles, Monsieur se brouilloit avec elle pour l'en empêcher ; que c'étoit une des choses qui l'affligeoient le plus, et que, quand je ne songerois pas à elle [par affection], je devrois y songer par mon intérêt particulier ; que cette brouillerie me seroit tout à fait nuisible. Je dis à M. Servien que j'avois beaucoup de déplaisir de tout ce qui s'étoit passé ; que j'étois très-humble servante de la reine ; que je ferois toujours tout mon possible pour le lui témoigner, mais qu'elle devoit considérer qu'il y avoit longtemps que M. le cardinal vivoit fort mal avec Monsieur ; qu'à sa considération il en avoit beaucoup enduré, et qu'il étoit bien mal aisé à un homme de la qualité de Monsieur, de souffrir de M. le cardinal le mépris qu'il en faisoit en toute rencontre.

Je m'en allai rendre compte à Monsieur de cette conversation. Les frondeurs de toutes professions étoient en grand nombre à Luxembourg ; ils conseillèrent à Monsieur de m'envoyer chez la reine. J'y allai ; elle me demanda : « Hé bien ! n'êtes-vous pas étonnée de voir que votre père me veuille persécuter et chasser M. le cardinal, lui qui l'aimoit avec des passions inouïes ? » — Je lui réponds : « Monsieur ne hait point M. le cardinal, mais aime le roi et l'État comme il doit, et étant persuadé comme il est du mauvais état des affaires par la connoissance qu'il en a, il croit qu'il [le cardinal] ne sert pas bien le roi : c'est la raison qui l'oblige à souhaiter son éloignement. » La reine me répliqua : « Que ne l'a-t-il dit plut tôt ? » Je repartis : « Le respect qu'il porte à Votre Majesté est cause qu'il en a souffert tant qu'il a pu, dans l'espérance qu'il profiteroit des avis qu'il lui donnoit ; mais, voyant qu'ils les méprisoit et qu'il faisoit tout le contraire, il a cru être obligé de faire la déclaration publique, qu'il a faite ce matin au parlement, de peur que l'on ne l'accusât un jour d'avoir mal servi le roi. » Je lui témoignai le déplaisir que j'avois, et la joie que ce me seroit, si l'on pouvoit trouver un tempérament pour accommoder les choses. Bref, je lui fis toutes les civilités et tous les compliments possibles ; à quoi je me sentois obligée.

La cour fut toute partagée, et l'on s'étonna fort que M. le duc d'Elbœuf25 se fût déclaré contre Monsieur, à qui il avoit beaucoup d'obligations, et contre qui il avoit été à la guerre de Paris, pour l'aversion qu'il avoit pour M. le cardinal, lorsqu'il [Monsieur] étoit de ses amis. Ainsi il faisoit connoître que l'amitié ou la haine de Monsieur lui en faisoit prendre pour les gens. Il vint pour dire quelque chose à Monsieur de la part du roi, qui lui dit : « Les paroles du roi, qui sont sacrées, ne doivent point être portées par un homme fait comme vous ; c'est pourquoi je n'en recevrai point. » Et le renvoya lui disant beaucoup de choses de cette sorte dont je ne me souviens pas.

Le prince de Tarente,26 fils de M. le duc de La Trémouille, s'alla aussi embarquer mal à propos à lever des troupes pour servir à Bordeaux contre M. le Prince, lui qui avoit l'honneur d'être son proche parent. Mais l'on crut que c'étoit madame la landgrave de Hesse, de qui il avoit épousé la fille,27 qui l'y avoit obligé ; mais cela fut trouvé fort étrange, de s'offrir à M. le cardinal, dans les temps que l'on travailloit à la liberté de M. le Prince. Je lui en dis mon sentiment ; car c'est un honnête homme, qui est mon parent et mon ami, ayant bien du déplaisir qu'il eût fait cette faute, qu'il a bien réparée depuis. Il est vrai que M. le Prince avoit manqué envers lui : car dans une occasion où il s'agissoit des intérêts de M. de La Trémouille et de ceux de M. de Rohan, il avoit été pour ce dernier, sans aucune autre raison apparente que parce qu'il étoit son confident, lorsqu'il aimoit mademoiselle Du Vigean.

J'étois toujours à Luxembourg avec ces conseillers, et n'entendant parler à Monsieur d'autre chose que de ce que l'on faisoit au palais. Je lui témoignai envie d'y aller ; à quoi il consentit. J'allai dans la lanterne du côté du greffe. Ce jour l'on résolut de nouvelles remontrances au roi pour l'éloignement de M. le cardinal ; car l'on en avoit fait un jour devant.

Je vis encore ce jour-là la reine, qui me fit conter comme l'on faisoit au palais. Je lui fis la plus succincte relation qu'il me fut possible, connoissant qu'elle ne lui étoit pas agréable. Je la trouvai ce soir-là plus mélancolique qu'elle n'avoit été tous les jours ; aussi étoit-ce celui que M. le cardinal devoit partir.28

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NOTES

1. L'entrée de la cour à Bordeaux eut lieu le 5 octobre 1650.

2. Louise de Thou, fille de l'historien Jacques-Auguste de Thou, avait épousé Arnaud de Pontac, président au parlement de Bordeaux. Elle était sœur de François-Auguste de Thou, qui eut la tête tranchée à Lyon, en 1642, avec le grand écuyer Cinq-Mars.

3. Il y a ma dans le manuscrit autographe, mais le sens de la phrase demande sa.

4. Le comte de Palluau devint maréchal de France en 1652, sous le nom de maréchal de Clérambault ; il mourut en 1665. Palluau ne fut pas épargné par la satire. Fidèle à Mazarin, il fut exposé aux attaques des Frondeurs. Blot lui a consacré le couplet suivant :

A ce grand maréchal de France,
Favori de Son Eminence,
Qui a si bien battu Persan,
Palluau, ce grand capitaine,
Qui prend un château dans un an,
Et perd trois places par semaine.

Il sera souvent question de Palluau dans la suite des Mémoires de Mademoiselle.

5. George d'Aubusson de La Feuillade, nommé archevêque d'Embrun en 1649, fut ambassadeur à Venise et en Espagne ; il mourut en 1698.

6. Anne de Gonzague, dont Bossuet a prononcé l'oraison funèbre. Elle était sœur de la reine de Pologne (Marie de Gonzague), dont il a été question plus haut (et ici).

7. C'est-à-dire rentré dans la vie séculière.

8. Le prince Édouard était fils de l'électeur palatin Frédéric V et d'Élisabeth d'Angleterre. Il avait épousé, en 1644, la princesse Anne de Gonzague.

9. La populace pendit en effigie le cardinal Mazarin (4 novembre 1650), pour se venger d'une tentative d'assassinat contre le duc de Beaufort, tentative que l'on imputait au cardinal.

10. Pithiviers.

11. La cour arriva à Fontainebleau le 7 novembre 1650.

12. Le passage suivant du manuscrit autographe a été biffé, je ne sais si c'est par Mademoiselle : « Je suis une créature très-ignorante, qui n'ai jamais lu que les gazettes, n'aimant point à lire ; mais dorénavant je m'y veux appliquer et voir si je pourrai aimer une chose de propos délibéré, sans que l'inclination y ait part. Je suis en un lieu [Saint-Fargeau], où ce me sera un grand divertissement, si je réussis à ce dessein. »

13. Henri de Lorraine, comte d'Harcourt, né en 1601, mort en 1666. On composa, à l'occasion de la translation des princes, à laquelle il présida, l'épigramme suivante :

     Cet homme gros et court
     Si fameux dans l'histoire,
     Ce grand comte d'Harcourt,
     Tout rayonnant de gloire,
Qui secourut Casal et qui reprit Turin,
Est devenu recors de Jules Mazarin.

14. La translation des princes, de Marcoussis au Havre, est lieu le 15 novembre 1650.

15. Il s'agit de Charlotte de Montmorency, mère du prince de Condé.

16. La cour était rentrée à Paris le 15 novembre. Mazarin partit pour la Champagne le 1er décembre.

17. Le 15 décembre 1650. La bataille se donna entre les villages de Sommepy et de Semide, à sept lieues de Rethel.

18. Les mémoires du maréchal Du Plessis-Praslin, généralement peu favorables à Mazarin, disent le contraire. Voici le passage : « Au lieu de s'aller mettre dans quelque poste plus loin et plus sûr, où il n'auroit pas besoin de troupes pour sa garde, il vint lui-même à l'armée avec les gens que le maréchal lui avoit demandés, et, bien qu'il eût la goutte, il se mit à la tête du régiment des gardes. » Le manuscrit autographe de Mademoiselle porte bien dix lieues, et non deux comme on l'a imprimé dans les anciennes éditions.

19. On a changé le texte de Mademoiselle dans cette citation. Voici les vers donnés par les anciennes éditions :

L'on doit au cardinal rémunération :
Sans cet absent vainqueur, l'on n'eût rien fait qui vaille.
Il a mené nos gens à l'expédition,
     Et de loin gagné la bataille,
Ainsi qu'un bedeau fait la prédication.

20. Dans plusieurs éditions on a indiqué en note la date du 1er janvier 1651 pour le retour de Mazarin ; mais un journal, rédigé au moment même, ne laisse aucun doute sur ce point. On y lit : « Samedi 31 décembre 1650, toute la cour va au-devant du cardinal Mazarin, qui arrive le soir en grande compagnie. » (Journal ms. de Dubuisson-Aubenay.)

21. IL serait fastidieux de relever toutes les corrections faites, d'après le manuscrit autographe. Les personnes, qui prendront la peine de comparer les textes, les constateront facilement. Je dois cependant appeler l'attention sur ce passage. Les anciens éditeurs avaient lu : « Où il parloit de me marier; ce qui faisoit craindre à la cour qu'il ne fût pour M. le Prince. » La phrase, ainsi altérée, forme un véritable contre-sens avec les dispositions bien connues de Mademoiselle à l'égard du prince de Condé. Il eut d'ailleurs été fort étrange que Gaston vint parler du mariage de sa fille en plein parlement.

22. Jacques de Saulx, comte de Tavannes, mort en 1683.

23. Ce fut le 1er février 1651 qu'eut lieu cette scène : « Monsieur, dit la duchesse de Nemours dans ses Mémoires, étoit au Palais-Royal, le cardinal dit au roi que le duc de Beaufort et le coadjuteur étoient comme autant de Fairfax et de Cromwell ; que le parlement étoit comme celui d'Angleterre…. Monsieur répondit qu'il ne pouvoit pas souffrir qu'on lui donnât des impressions si étranges, et qu'il n'entreroit plus chez le roi que ceux, qui lui donnoient de pareilles défiances, n'en fussent dehors ; ensuite de quoi il se retira sans prendre congé. »

24. Il ne faut pas confondre ce Guitaut avec François de Comminges, seigneur de Guitaut, capitaine des gardes de la reine. Celui dont il est ici question était son fils : on l'appelait le petit Guitaut; son titre était Guillaume de Peichpeyrou ou Puypeyroux.

25. Charles de Lorraine, duc d'Elbœuf, mort en 1657.

26. Henri-Charles de La Trémouille, prince de Tarente.

27. Le prince de Tarente avait épousé Amélie de Hesse-Cassel, fille de Guillaume V, landgrave de Hesse-Cassel, et d'Amélie-Élisabeth de Hanau. C'est cette dernière princesse que Mademoiselle désigne sous le nom de madame la landgrave de Hesse. Elle était veuve à cette époque, et l'on a eu tort de mettre dans les anciennes éditions : M. le landgrave de Hesse.

28. Mazarin partit dans la nuit du 6 au 7 février 1651. A la date de 6 février, Dubuisson-Aubenay écrit dans son journal : « Pendant la nuit, le cardinal Mazarin, accompagné de la plupart de ses amis et courtisans, et de deux à trois cents chevaux, s'en alla à Saint-Germain. »

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1858. T. I, Chap. VIII : p. 271-296.


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