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Deuxième Partie


CHAPITRE XXII

(1674 - avril 1676)

La duchesse de La Vallière se donna un air de dévotion au voyage1 et tout l'hiver ensuite. On dit qu'elle se vouloit retirer. L'on disoit que c'étoit aux filles de Sainte-Marie de Chaillot, où elle étoit allée souvent voir La Motte-Argencourt, qui avoit été fille de la reine,2 qui la voulant ôter l'avoit mise dans ce couvent, tant qu'elle a vécu. Elle n'en sortit pas depuis sa mort3 ; elle se promène et retourne au couvent. On dit dans le monde que le roi n'approuvoit qu'elle [la duchesse de La Vallière] se fût ainsi promenée, et qu'il lui avoit fait inspirer par le maréchal de Bellefonds d'être carmélite. Comme c'est un couvent d'une grande réforme et d'une grande réputation, cela seroit plus glorieux pour ses enfants qu'elle s'y retirât. Tout d'un coup on dit : « La duchesse de La Vallière va être carmélite. » Elle fut voir la reine pour lui en donner part, et je crois qu'elle lui parla sur des choses passées. La reine en étoit fort satisfaite.

Dans ce même temps, le roi déclara trois enfants naturels, deux garçons, dont l'un s'appelle le duc du Maine,4 [l'autre] le comte de Vexin,5 et une fille, mademoiselle de Nantes.6 Dans leur légitimation, on ne nomma point la mère. On suivit l'exemple du fils naturel de M. de Longueville que madame de Longueville avoit fait légitimer, son fils l'en ayant priée par son testament. On disoit que le chevalier de Longueville étoit fils d'une femme de qualité, dont le marie étoit vivant.7

La duchesse de La Vallière demeura à la cour jusqu'à ce que l'on partît pour la Bourgogne.8 Le roi vint à la messe les yeux fort rouges. Monsieur dit : « Nous avons fort pleuré. » Elle prit congé de la reine le soir. Je vins si tard de Paris qu'elle ne put venir chez moi ; j'allai lui dire adieu ; je pleurai comme les autres. On en fut bientôt consolé ; on parla d'elle, de ce qu'elle avoit fait ; qu'elle avoit partagé ses pierreries à ses deux enfants, donné une bague, un bijou à plusieurs de ses amies ; à sa mère, madame de Saint-Remy, deux mille écus de pension, sa vie durant; deux mille francs à sa sœur, mademoiselle de Saint-Remy, et à ses domestiques cent. Cela occupa quelques heures ; on en reparloit quelquefois, quand on en recevoit des lettres. Elle paroissoit être véritablement touchée ; ce n'est pas la première pécheresse qui s'est convertie.

Le roi quitta la reine à Is-sur-Tille9 en Bourgogne et s'en alla assiéger Besançon, et nous demeurâmes à Dijon.10 Le temps étoit épouvantable, et c'est une merveille comme les troupes y purent subsister ; mais rien n'est impossible au roi. Je sentis des effets des eaux à Pont-à-Mousson à ce voyage ; j'eus une quantité de clous fort grande. Pendant ce séjour à Dijon, j'en eus un à la tête, où il fallut donner un grand coup de lancette. J'y eus huit ou dix heures une fièvre sans avoir de l'émotion, quoiqu'elle m'empêchât de dormir cinq ou six nuits ; mais mon tempérament est le meilleur du monde. Dieu merci. Je demandai à la reine d'aller à Beaune. Il y a un couvent de carmélites, où il y avoit une dévotion d'une bienheureuse sœur, qui est morte il y a vingt-cinq ou vingt-six ans, qui fait beaucoup de miracles.11 J'y avois déjà été avec la reine-mère. Madame la duchesse de Créqui y vint avec moi. Je couchai dans le couvent, et il y arriva une chose digne de remarque : en entrant dans le couvent, après avoir salué le saint-sacrement dans le chœur des religieuses, j'allai dans la chapelle qui est tout proche, où est enterrée la petite sœur Marguerite. On a été obligé de l'ôter du cloître, où l'on enterre les carmélites pour la mettre là et satisfaire à la dévotion publique. Il y a une petite grille en dehors, par où l'on voit sa sépulture. L'évêque d'Autun,12 qui l'étoit en ce temps-là du diocèse d'où est Beaune, et les supérieurs ont permis cette translation. Le soir j'allai à matines, et je me mis dans cette chapelle. Je m'avisai de baiser ce tombeau, qui est une grande pièce de marbre, où l'on a écrit ce que l'on a de coutume sur ces sortes de choses. Je sentis une odeur extraordinairement bonne, mais qui ne ressembloit à aucune de celles que j'ai jamais senties, moi qui les ai fort aimées et qui en ai eu de toutes les sortes. Je songeai : « Mais n'est-ce point que je m'imagine sentir quelque chose et que je ne sens rien ? » Je me rebaissai. La seconde fois j'y demeurai plus longtemps ; cette odeur continua. J'avoue que cela me donna de la dévotion. Je dis à madame de Créqui : « Baissez-vous, je vous prie. » Elle se récria : « Jésus ! Mademoiselle, qu'est-ce que je sens ? — Voilà qui est admirable ; je ne me suis donc pas trompée. » J'appelai mes trois filles, qui sentirent la même chose, [ainsi que] mes femmes et celles de madame de Créqui. Nous étions toutes en admiration. Quand la mère prieure m'y vint querir pour me mener à ma chambre, je [le] lui dis ; elle s'en approcha comme nous, et nous dit qu'elle n'avoit pas encore vu pareille chose. Cela lui donna beaucoup de dévotion aussi bien qu'à nous. On eut envie de passer la nuit ; mais comme le roi avoit mandé à la reine qu'elle se tint prête et qu'il l'enverroit querir, j'avois peur, si je passois une nuit sans dormir par le chaud qu'il faisoit, d'avoir mal à la gorge et de ne pouvoir suivre la reine. Ainsi je m'allai coucher.

Je me levai bon matin voulant faire mes dévotions. Madame de Créqui et moi fûmes à confesse à un bon vieux père de l'Oratoire, nommé le père Parisot,13 qui avoit été directeur de cette sainte fille. Il fut ravi quand lui contâmes ce qui étoit arrivé. Il me dit : « Elle ne peut témoigner mieux la reconnoissance qu'elle a de l'honneur que vous lui faites ; qu'en faisant ce qu'elle a fait. J'espère que vous recevrez des grâces particulières par son intercession auprès de l'enfant Jésus, où elle a une dévotion plus grande qu'à tous les autres états de la vie de Notre Seigneur. » Une novice me conta, à la récréation, qu'elle avoit senti cette même senteur un soir à matines, étant du côté de la chapelle ; mais qu'elle ne l'avoit osé dire. Cette senteur dura tant que j'y fus. Toutes les religieuses et quantité de femmes de la ville qui y' entrèrent s'en aperçurent aussi bien que moi. J'y aurois demeuré plus longtemps, si je n'avois point craint que la reine ne partît, ne m'y ennuyant pas ; mais il fallut s'en aller, et j'appris, en arrivant près de Dijon, par un de mes gens, qui vint au-devant de moi, que la reine partoit le lendemain.

Je fus descendre chez elle ; je lui contai tout ce que j'avois vu et senti. Elle me porta bien envie ; elle avoit eu grande peine à me laisser aller par l'envie qu'elle avoit d'en faire autant ; mais elle ne voulut pas quitter M. le Dauphin. On fut coucher à un fort vilain château près d'Auxonne ; mais comme il y avoit eu des malades contagieuses [à Auxonne], on n'y voulut pas aller. Je logeai dans une petite maison de village, où il n'y avoit point de fenêtres ; je me coiffai par le jour de la porte. Le lendemain la dame du château, où avoit logé la reine, m'envoya un régal, qui me fit rire, tant il étoit désassorti : c'étoit deux œufs frais dans une feuille de chou, avec des fleurs d'oranger, le tout dans une assiette en étain, par une servante très-mal vêtue. La fleur d'orange me fit grand plaisir ; j'en fis faire de la conserve.

On partit très-matin ; on passa à Auxonne, les vitres du carrosse bien fermées. A une lieu de là, on trouva le roi et Monsieur, qui étoient bien hâlés, mais fort gais, qui nous contèrent des nouvelles du siége de Dôle, qui duroit encore.14 Monsieur me proposa d'y aller et de mener les dames avec moi ; mais comme le roi ne dit rien, je connus bien que je n'y devois pas aller, le regardant, pendant que Monsieur parloit, pour répondre selon sa mine. Je m'en excusai ; Monsieur ne paroissoit n'en être pas bien aise ; mais il n'y avoit guère d'apparence que je quittasse la reine pour aller voir un siége, et la vérité est que je ne m'en souciois point. La reine demanda au roi s'il ne dîneroit pas avec elle ; il lui dit que non ; qu'il avoit dîné et qu'à l'armée on dînoit matin. On parla de la duchesse de La Vallière, qui avoit pris l'habit avec beaucoup d'édification de tous ceux qui s'y étoient trouvés. Nous avions appris cette nouvelle dès Dijon ; mais quand on se revoit, on parle des choses qui sont arrivées.

En descendant de carrosse le roi alla chez madame de Montespan. La reine étoit fort en inquiétude ; elle disoit : « Quoi ! s'en retournera-t-il sans me voir ? » Il vint un moment sur les sept heures et puis s'en alla. Le village où on étoit s'appeloit Chanvan. La reine avoit trois chambres, une jolie avec des planches en bas, bien dorée, des vitres et un verger devant les fenêtres. Moi j'étois dans le château, qui avoit été raccommodé depuis peu ; mais on avoit eu affaires des planches pour l'artillerie, de sorte que tous les planchers étoient à clairevoie. On voyoit le toit, hors ma chambre qui étoit avec un plancher. J'y fis mettre une porte. Il y avoit des châssis de papier et une seule vitre ; encore étoit-ce le milieu du verre, qui est en cul de lampe ; mais on ouvrit les fenêtres et on y alluma toujours du feu, quoique l'on fût en été. Le village étoit abandonné ; il n'y avoit pas un paysan. L'église étoit fermée ; on la fit ouvrir et les aumôniers de la reine la firent accommoder. On y remit une lampe. Le saint-sacrement y étoit. Nous étions là au milieu du camp ; il y avoit des troupes tout autour. On appeloit [ce lieu] le quartier de la reine, et toutes les lettres que j'écrivois, je datois du camp de Chanvan. Tous les officiers me vinrent faire leur cour le matin. Ils étoient au dîner de la reine. Comme je jouois dans ma chambre, les fenêtres étoient ouvertes ; je vis venir un mousquetaire, qui avoit été mon page, qui me dit : « Dôle capitule. » Je m'en allai chez la reine. Le roi vint à dix heures ; il coucha à notre quartier.

Le lendemain il alla à Dôle voir sortir la garnison,15 Nous fûmes sur leur chemin pour les voir passer. Le marquis de Bourgmonné, de la maison d'Este, en étoit le gouverneur. Il venoit pour l'être de la Franche-Comté ; mais il n'arriva qu'à Dôle, qu'il défendit en très-galant homme, n'y ayant pas beaucoup de troupes, à ce qu'il parut devant la reine. Tous les soldats s'étoient débandés ; il y avoit des Suisses et des Allemands, peu d'équipages. Ils devoient être embarqués à Auxonne sur la Saône pour aller jusqu'à Lyon pour gagner le Milanais ; mais ils prirent quasi tous parti parmi nos troupes, avant que de s'embarquer ; il n'y eut que les officiers qui s'en allèrent. Ce marquis avoit fort bon air, mais un air consterné et dit à la reine que, quelque gloire que l'on eût d'être pris par un grand roi, c'étoit être toujours vaincu et que cela n'étoit pas agréable. On l'avoit vu à Paris avec le comte de Fuensaldagne ; je le reconnus.

Le jour d'après le roi mena la reine à Dôle, c'est-à-dire au camp ; on n'entra pas dans la ville. La reine dîna dans une tente. La maison, où étoit le roi, n'étoit pas jolie, une vraie maison de paysan. Après dîner, on alla voir les troupes et faire le tour de la place ; les tranchées étoient déjà rasées. Le roi avoit envoyé sa cavalerie en Allemagne. Il n'y avoit que celle de sa maison, et toute l'infanterie qui avoit servi à ces deux siéges.16 On voyoit bien qu'elle avoit souffert, y ayant quantité de soldats et d'officiers qui avoient les bras en écharpe, les têtes bandées, force emplâtres, sans ceux qui étoient à l'hôpital. Aussi avoit-on été bien vite en besogne. Le roi nous montra l'attaque, nous expliquoit si bien chaque chose, que l'on auroit cru avoir vu le siége. Il y avoit encore du sang, sur la muraille, des officiers qui avoient été tués ; les mines fumoient encore, et il y en avoit une dans la ville qui étoit chargée, dont le gouverneur avertit le roi ; et comme on n'avoit pas eu le temps de la décharger, on y avoit mis des sentinelles. Nous en passâmes tout près.

Le lendemain le roi alla à la Loie, un autre camp très-agréable, un assez grand village et au bas une prairie, où passe une rivière. Nous passâmes celle qui passe à Dôle, sur un pont de bateaux. Le roi ne voulut pas, à cause qu'il y a toujours quelque mauvais air dans les places qui ont été assiégées, par la quantité de malades et de blessés qui y sont, que la reine ni M. le Dauphin y allassent. Monsieur s'en alla à Paris. Nous vîmes Dôle du côté où on ne l'avoit pas vu ; le paysage est très-beau ; il y a autour de Dôle des maisons de bourgeois comme autour de Paris ; le costume est juste comme [celui] de Paris. A Dôle, à la Loie, on logeoit dans des maisons de paysans. Sa Majesté mangeoit dans une tente. La chambre où couchoit la reine avoit des vitres et des planchers. Pour moi la mienne n'avoit que de la terre et étoit si basse qu'il avoit fallu faire des trous pour enfoncer mon lit, qui touchoit au plancher.17 Elle étoit fort jolie ; on avoit mis de la tapisserie partout, un tapis en bas. J'y dormis aussi bien qu'à Luxembourg. Il n'y avoit point de vitres ; mais il y avoit deux fenêtres, qui donnoient sur la place où étoit le marché. Ainsi il y avoit toujours du bruit, hors depuis une heure jusqu'à trois ; mais le bruit m'endort. S'il eût plu, on auroit été fort incommodé ; car les toits n'étoient pas bien joints. Les maisons sont couvertes de bois quasi toutes. Mes gens logeoient dans la même maison ; une partie de mes chevaux y étoit aussi. Je les entendois hennir et taper des pieds, tant j'en étois près. Nous fûmes là dix jours.18 La reine s'alloit promener tous les jours dans les camps ; ils étoient fort jolis. Comme c'est un pays de bois et qu'on ne l'épargnoit pas, tous les camps étoient par allées, et les tentes des cabinets. Celui des deux compagnies de mousquetaires étoit si joli, que l'on y eût été promener comme dans de jolis jardins d'auprès de Paris, tant les palissades étoient belles. Les violons, les hautbois étoient toujours au dîner et au souper du roi ; on avoit les derniers les soirs à la promenade. On s'étoit avisé de jouer les après-dînées ; pendant que le roi étoit au conseil et la reine à prier Dieu, on jouoit à la ferme19 chez madame de Montespan. J'y allai deux ou trois fois. A dîner, le roi me disoit d'y aller, et il y venoit et nous voyoit jouer ; cela faisoit bien plus de plaisir que le jeu. M. de Metz, qui avoit fait le voyage, jouoit chez madame de Montespan et avoit bien de la douleur quand il perdoit ; c'étoit une farce que de le voir ; il nous faisoit beaucoup rire. La reine voulut jouer à ce jeu-là ; on joua chez elle. Madame de Montespan y vint.

Quand le roi dit qu'il s'en iroit à Versailles,20 ce fut une grande joie, tout le monde aimant fort les environs de Paris. Pour moi, j'aime les voyages ; on voit le roi souvent et je suis persuadée que ma présence a fait souvenir de M. de Lauzun ; c'est pourquoi je voudrois être toujours devant ses yeux. Après ce que je lui dis lorsqu'il rompit mon mariage, je ne puis croire qu'il ne prenne toujours mes regards pour des supplications en sa faveur.

Au retour de Bourgogne, je demeurai peu de temps à Paris ; je vins à Forges et ensuite ici [à Eu]. En arrivant à Paris, j'appris qu M. de Lauzun avoit été à l'extrémité, et depuis cette nouvelle il n'en étoit point venu ; ce qui faisoit croire qu'il étoit mieux, puisque l'on ne mandoit point sa mort. On peut juger l'état où j'étois ; mais quand on est accoutumé à la douleur, on pourroit croire qu'elle est moins sensible. Pour moi j'éprouve le contraire ; car je ne suis plus sensible qu'aux choses qui me fâchent ; mais je les sens plus vivement que si je n'en avois jamais eu. M. de Louvois étoit malade ; ainsi madame de Nogent alloit chez M. Le Tellier en savoir des nouvelles ; elles furent de mieux en mieux. On dit qu'il avoit reçu ses sacrements avec beaucoup de dévotion et supporté son mal avec beaucoup de patience, aussi bien que sa prison contre ce que l'on auroit cru, lui qui est assez impatient naturellement. On conta dans ce temps-là que l'on lui avoit donné quelques livres à lire, qui étoient dédiés au roi, et que par l'épître, où on parloit des conquêtes de Sa Majesté, il avoit vu que l'on avoit la guerre ; que cela l'avoit fort affligé. On fit courre un bruit, au commencement qu'il étoit en prison, qu'il avoit voulu mettre le feu à sa chambre. Personne ne le crut, et on fut bien aise de ce bruit, parce que cela faisoit parler de lui, et quelquefois en croyant nuire aux gens, on leur rend de bons offices.

Le roi fut for heureux cette campagne ; en revenant de Bourgogne, il apprit que M. de Turenne avoit gagné un combat en Allemagne.21 M. le Prince gagna aussi la bataille de Senef.22 Depuis la manière dont il en a usé pour M. de Lauzun et pour moi, j'ai été fort indifférente pour tout ce qui l'a regardé.

Barail avoit servi sur les vaisseaux, l'année du siége de Maestricht [1673]. La campagne d'après, il fut volontaire en Flandre avec un de ses amis, le marquis de Sauvebœuf, qui étoit un garçon de mérite et fort attaché à M. de Lauzun. Quand il sut en Flandre, où il étoit, sa maladie, il vint à Paris, où il apprit qu'il étoit guéri.

L'hiver se passa à l'ordinaire ; [il y eut] des opéras, où j'allois par bienséance et pour faire connoître au roi que je surmontois tout pour lui plaire. La maladie de M. de Lauzun me fut une occasion de lui écrire une lettre fort pressante pour lui demande du soulagement, et que la permission qu'il m'avoit donnée de lui parler en sa faveur faisoit que je me donnois l'honneur de lui écrire, connoissant bien que, si je lui parlois, je ne lui pourrois rien dire et que les larmes n'expliqueroient pas si bien ce que je lui voulois faire savoir que ma lettre. Elle étoit la plus courte que je pus, et je crois qu'elle en disoit pourtant assez. Je [la] lui donnai un soir que j'allois le lendemain à Paris. Il me demanda de qui c'étoit, en voyant une lettre. Je lui dis : « Sire, c'est un billet qui expliquera à Votre Majesté ce que je n'aurois pas le temps de lui dire. » Il la prit et me fit fort bonne chère, quand je revins.

Madame de Guise se raccommoda avec mademoiselle de Guise, après la mort de ma belle-mère ; elles se voyoient souvent. Mademoiselle de Guise avoit pourtant été fâchée, à ce qu'elle témoignoit, de quoi on lui avoit ôté son petit neveu,23 et que ma sœur l'avoit mené avec elle. C'étoit un enfant très-malsain, qui ne se soutenoit pas à six ans, étoit tout misérable. On avoit souvent des alarmes sur sa santé, à la fin il tomba malade d'un grand rhume, au carême. J'étois à Paris, il y avoit quelques jours à cause que j'avois mal à un pied. Ainsi j'étois dans mon lit. Ma sœur vint de Saint-Germain, et me dit : « On m'a fort alarmée ; on m'a mandé que mon fils étoit malade, et il n'est qu'enrhumé. » Le lendemain, elle revint dans ma chambre et me dit : « Si je croyois les médecins, je le ferois saigner ; mais je n'ai garde. » Le soir on envoya querir Bellay, mon médecin, qui est un des plus habiles de ce temps, pour le voir. Il revint dans ma chambre et me dit : « Je ne sais pas comme on l'entend ; mais M. votre neveu est fort mal et il étouffera faute d'être saigné. Je l'ai proposé au médecin de madame de Guise ; on a dit que demain on enverroit querir M. Brayer et que nous consulterions ensemble. Il pourra très-bien mourir devant la consultation. »

C'étoit le soir à neuf heures. Le matin on m'éveilla, [en me disant] qu'il se mouroit. Je me levai, quoique j'eusse fort mal au pied ; j'y fus une demi-heure ; je le vis expirer. Ma sœur cria, et mademoiselle de Guise fut fort affligée ; mais elle ne se déconcerta pas. M. l'évêque d'Autun étoit là ; elle emmena madame de Guise à Montmartre,24 où elle fut trois ou quatre semaines. Tout le monde l'alla voir là. Pendant ce séjour mademoiselle de Guise lui fit quitter force choses qu'elle devoit avoir de son fils pour fort peu d'argent, et puis elle sortit. Ce fut des pleurs en rentrant à Luxembourg. Pour mademoiselle de Guise, elle n'y est venue qu'une fois cette année que ma sœur a été malade. Petit à petit elle se consola. Elle disoit qu'elle ne se consoleroit jamais ; qu'elle ne verroit plus d'opéra, de comédie ; qu'elle n'auroit aucun divertissement. A la fin, elle a fait comme auparavant.25

Mademoiselle de Guise, à ce qu'il m'a paru, lui mit dans la tête de vendre la moitié de Luxembourg à M. le Prince, pour l'hôtel de Condé, une maison à Asnières auprès de Paris, qui est à la princesse palatine et quinze mille livres de rente. Ce qui me fait croire que c'étoit mademoiselle de Guise qui l'avoit conseillée, c'est qu'elle devoit loger avec ma sœur à l'hôtel de Condé, et qu'elle auroit vendu l'hôtel de Guisei ; ainsi elle y auroit gagné tout. Cela se ménagea par l'évêque d'Autun, sans que l'on en sût rien. M. le Duc vint un soir à Versailles me trouver dans ma chambre et me dit : « Je viens savoir si vous aurez agréable un marché que madame de Guise me propose de faire ; » et me dit ce que je viens de dire. Cela me surprit ; il le vit bien et continua en disant : « Madame de Guise et vous ayant logé ensemble, qui n'étiez pas fort bien apparemment, j'ai cru que vous ne seriez pas fâchée de nous avoir, M. mon père et moi. » Je répondis : « Comme nous sommes fort bien ensemble, j'aurois peur que cela nous brouilleroit, et il y a différence de demeurer avec sa sœur ou avec d'autres gens ; mais si vous avez envie d'avoir Luxembourg, achetez-le tout entier ; je serai fort aise de le vendre. » Il me dit : « Et combien en voudriez-vous ? » Je lui dis : « Il me tien lieu de deux cent mille écus et j'y ai dépensé deux cent mille francs. » Il me dit : « Mais que concluez-vous ? » Après une conversation d'une heure, je lui dis : « Je verrai ce qui convient à mes affaires et je vous en rendrai réponse. — Et quand ? Car je voudrois l'avoir promptement. Envoyez querir vos gens à Paris. — Non, lui dis-je ; j'irai demain. — Je vous prie, me dit-il, n'en parlez point. »

Cela m'occupa un peu ; je crus que j'en devois parler au roi. Le soir après souper, comme il vint chez la reine, je lui dis ce que M. le Duc m'avoit dit. [J'ajoutai] : « Votre Majesté voit par là comme madame de Guise en use avec moi. » Le roi fut étonné et me dit : « Comment demeurer avec M. le Prince et M. le Duc ? Cela seroit assez extraordinaire. » Je lui dis : « Sire, après cela il ne faudroit plus que donner mon bien à ses enfants, et je crois que c'est leur vue, et qu'ils l'avoient lorsqu'ils agirent comme Votre Majesté sait contre M. de Lauzun et moi. Votre Majesté voit par tout cela les desseins de tout le monde contre moi ; si elle ne me protège, ils m'ôteront tout pour avoir mon bien. Cela auroit un grand air pour M. le Prince d'être à Luxembourg ; mais Luxembourg le perdroit bien. » Il me dit : « Je ne sais ce que c'est que tout cela ; on ne m'en a point parlé ; vous ferez fort bien de le pas faire, si vous le pouvez. — Assurément, Sire, je le peux et j'irai demain à Paris pour cela. » Le roi me fit mille honnêtetés ; j'en fus fort contente. Le matin madame de Guise vint chez la reine, comme nous allions dîner. Elle me demanda : « Ma sœur, ne voulez-vous rien mander à Paris ? — Non, ma sœur ; je m'y en vais. — Vous n'en disiez rien hier. — C'est qu'il m'est venu une affaire qui m'y fait aller, que je ne savois pas. » Elle avoit un air gai.

Comme j'arrivai à Paris, Rollinde me dit que M. le Prince avoit envoyé à Gourville lui dire que, quand M. le Duc lui avoit rendu compte de ce qu'il avoit fait, il avoit été au désespoir ; qu'il n'y avoit nulle part et qu'il aimeroit mieux mourir que de faire rien qui me déplût ; que c'étoit une affaire que l'évêque d'Autun avoit faite avec M. le Duc. On envoya le contrat que j'avois fait avec ma sœur depuis la mort de ma belle-mère, par lequel ma sœur ne pouvoit vendre sa part qu'avec mon consentement, et que si je voulois vendre la mienne, il m'en falloit donner huit cent mille francs en rente, si je voulois, au denier vingt26 ? et qu'après ma mort il n'en demeureroit à madame de Guise que quatre cent [mille] ; les quatre cent [mille] autres, je les pouvois donner à qui il me plairoit, et je n'avois passé ce contrat avec elle que parce que Luxembourg ne peut être vendu, le roi voulant toujours en être le maître et les tuteurs de mes sœurs ayant fait par là leur cour à nos dépens, et mes gens ayant été assez sots pour ne m'en pas avertir, y ayant des tours dans ce contrat que plus habiles gens que moi n'ont pas connus.

Quand M. le Prince eut vu tout cela, il fut fort honteux, et M. le Duc aussi, et plus encore de ce que le roi ne l'approuva pas. Ce fut ce qui les obligea à me faire faire des civilités ; car, s'ils l'avoient pu faire, ils n'auroient pas gardé de mesure avec moi.27

Madame de Guise, en arrivant, avoit été à l'hôtel de Condé avec mademoiselle de Guise et avoit visité toute la maison et destiné les appartements. J'allai chez madame de Longueville, à qui je contai cela, qui fut fort surprise et qui ne savoit me répondre autre chose : « M. mon frère n'en sait rien ; c'est M. le Duc qui fait tout cela avec Gourville et M. d'Autun. »

Madame de Guise envoya querir Rollinde et monta sur ses grandes chevaux, lui dit force impertinences, et il lui répondit avec beaucoup de respect, mais il lui fit connoître qu'elle n'en usoit pas avec moi comme elle devoit. Elle disoit : « Quoi ! me faire demeurer malgré moi dans la maison où est mort mon fils ! » Et je disois : « Elle n'aimoit donc point sa mère et son mari ; car elle loge à Luxembourg et a demeuré à l'hôtel de Guise. » Je la trouvai aux carmélites du Bouloi ; elle me dit : « Je m'en retourne à Versailles. — Et moi je demeure, quoique j'aie fait ce que j'avois à faire ici. » Elle fut embarrassée ; car naturellement elle l'est fort. Son procédé fut fort blâmé, et celui de M. le Prince ; il me vint voir, et me fit mille compliments. M. le Duc m'évitoit et ne me vint voir que dix ou douze jours après que le roi partit pour s'en aller à l'armée28 ; il me vint dire adieu et ne me parla de rien ni moi à lui. Il amena quelqu'un de peur de se trouver tête à tête avec moi ; j'avois autant de peur de lui parler que lui à moi. M. le Prince commanda l'armée sous le roi cette campagne ; les histoires font mention de ce qui s'y passa29 ; je n'en dirai rien. Je vins ici de bonne heure. La petite vérole étoit à Forges ; ainsi je n'y allai point ; je pris mes eaux ici.

Quand le roi retourna à Paris,30 je mandai à Barail de venir ici, qui avoit fait la campagne, comme l'autre, avec bonheur. M. de Turenne fut tué.31 M. le Prince alla en Allemagne. Le maréchal de Créqui perdit une espèce de bataille,32 dont je fus fort fâchée ; car il est des amis de M. de Lauzun et des miens. J'eus beaucoup de plaisir de la mort de Sauvebœuf, et je louai bien Dieu d'avoir mandé Barail ; car nous aurions été peut-être assez malheureux pour le perdre. Je mariai, avant que de partir d'ici, une de mes filles Catillon au comte de Lannoi, gouverneur du comté d'Eu.

Ma sœur la grande-duchesse étoit enfin parvenue à quitter son mari.33 Après avoir proposé bien des couvents, le grand-duc agréa qu'elle vînt à Montmartre, dont madame de Guise, ma tante, est abbesse. Le roi le trouva bon. C'est une fille de grande vertu et de beaucoup de mérite, et comme les religieuses n'oublient par leur communauté elle se trouva bien de la venue de ma sœur, M. le grand-duc y ayant fait bâtir une maison fort belle, dont la moitié est en dedans, qui sera un très-bon logement pour l'abbesse quelque jour, et [l'autre] au dehors fort commode, où logent ses gens, [avec] de beaux parloirs ; ce qui n'étoit pas à Montmartre. Madame Du Défant ne vit pas son œuvre achevée ; elle mourut avant que ma sœur partît. Comme son mari étoit gentilhomme, elle bourgeoise à demi demoiselle, elle trouva invention de faire tout le train de ma sœur de sa famille : sa fille, madame du Bouchet, fut sa dame d'honneur aussi bien que madame de Guise ; son cousin, écuyer ; ses cousines à elle, femmes de chambre. Ma sœur m'écrivit de Lyon (ce qu'elle n'avoit pas fait, il y avoit longtemps) sur ce que le parlement de Dombes lui avoit été faire compliment, et sachant que c'étoit par mon ordre, elle m'en remercioit et me témoignoit en même temps la joie et l'impatience qu'elle avoit de me voir. Je lui enoyai un gentilhomme, et lui fis réponse.

Elle arriva à Paris le même jour que le roi de l'armée.34 Ainsi elle fut un jour ou deux sans aller à Versailles, où elle fut bien reçue. Elle y fut une autre fois, et s'en retourna à minuit. J'ai ouï dire que cela ne plut pas à madame de Montmartre qui la supplia de retourner de meilleure heure. Je la fus voir en arrivant à Paris ; elle me fit force amitiés, et moi à elle. Je la trouvai fort changée, quelque chose de vieux, de tiré. Je fus à Versailles, où on me reçut fort bien à l'ordinaire, me reprochant fort mon long séjour. On me parla de ma sœur ; mais je ne trouvai pas que l'on en fût fort empressé, et que la grâce de la nouveauté, qui donne des charmes ordinairement, lui en eût beaucoup donné. Elle y vint dîner, le roi parla peu. Il vint seulement avec la reine pour la mener partout ; voilà la seule chose extraordinaire qu'il fit. Elle alloit devant avec lui, lui faisoit beaucoup de questions ; car elle parle extrêmement et conte force choses. A quoi le roi répondoit oui et non. Il lui dit : « Je m'en vais encore me promener ; allez-vous-en avec la reine. Il est bientôt temps de vous en retourner. » Elle fit collation avec la reine. Quand le roi revint et qu'il la trouva, il lui dit : « Vous voilà encore. » On jouoit ce voyage-là dans le grand appartement. Tout cela ne me parut pas une faveur extraordinaire. Je l'allois voir tous les quinze jours ou trois semaines.

La cour fut à Fontainebleau, dès que je fus arrivée ; mais je n'y voulus pas aller. Je demeurai à Paris pour me baigner ; comme la saison étoit avancée, je me baignois deux fois la jour. Ma sœur la grande-duchesse eut envie de voir la duchesse de La Vallière, qu'elle avoit fort connue et avec qui elle avoit eu toujours commerce. J'envoyai demander permission au roi qu'elle vînt dîner avec moi pour l'aller voir. Le roi me le permit ; mais ce fut en m'ordonnant de ne lui demander pas souvent de telles choses, parce qu'il avoit promis à M. le grand-duc qu'elle ne sortiroit point. Je l'allai querir à Montmartre ; elle étoit assez aise de se voir à Luxembourg. Nous fûmes aux Carmélites ; puis je la ramenai à sept heures à Montmartre. Madame de Guise demanda au roi deux jours après pour la mener au Bouloi ; le roi la refusa et dit qu'il ne vouloit pas qu'elle sortît si souvent. Elle alla à Saint-Germain une fois ou deux à l'opéra, logeant dans la chambre de madame de Guise. Le carême [de l'année 1676], elle vint une fois ou deux aux sermons du P. Bourdaloue, qui y prêchoit. J'allois tous les samedis à Paris pour être au prône de ma paroisse, le vicaire prêchant parfaitement bien, et m'en allois après bien vite à Saint-Germain pour ne pas perdre le sermon du P. Bourdaloue.

En sortant, un jour que ma sœur y étoit, l'on me dit qu'il étoit venu des nouvelles de Pignerol ; que M. de Lauzun s'étoit pensé sauver. Cette nouvelle me troubla, comme on peut penser. Tout le monde ne parla d'autre chose. On me regardoit. J'appris que le roi avoit écouté la relation que l'on lui en avoit faite, assez humainement, je ne puis dire [avec] pitié. S'il en avoit eu, seroit-il encore là ? L'on conta qu'il y avoit trois ans depuis qu'il travailloit à faire un trou et qu'il avoit fait une corde avec du linge la mieux faite du monde par où il étoit descendu la nuit à un endroit où c'étoit un miracle qu'il ne se fût pas cassé le cou. Il commençoit à faire un peu de jour. Il vit une porte ouverte ; il entra ; c'étoit un bûcher, où une servante venoit querir du bois. Il lui promit de l'argent pour le sauver. Elle lui dit : « Je suis accordée à un soldat ; s'il veut que je vous sauve et se sauver avec vous, je le ferai. » Il lui promit comme on peut croire bien des choses ; elle s'en alla. Il ne savoit par où passer, ne connoissant pas les êtres de Pignerol, n'y ayant jamais été. Ce soldat l'alla dire à un officier, qui le vint trouver. Il fit ce qu'il put pour le gagner. Saint-Mars35 vint ; on le remena en prison. On trouva sur sa table une lettre qu'il écrivoit au roi et une à M. de Louvois. Dangeau, qui n'est point son ami particulier, se trouva chez madame de Montespan, où on jouoit, lorsqu'elle fut lue (je crois que le roi l'avoit vue encore devant) ; [il dit] que jamais il n'a vu une lettre si tendre, si respectueuse pour le roi et de si bon sens. Il lui disoit, à ce que j'ai ouï dire, que, depuis qu'il avoit su qu'il y avoit de la guerre, il n'avoit fait que travailler pour pourvoir l'y aller servir ; que, s'il étoit assez heureux pour se sauver, il iroit attendre ses ordres chez quelqu'un de ses alliés. Tout rouloit là-dessus.36

Ce me fut une occasion pour écrire au roi sur l'état misérable, où il se trouvoit de se voir renfermé de nouveau. Je donnai ma lettre au roi. Enfin je n'en perdois pas une de tâcher à le servir. Il semble qu'après ce que j'ai fait, quand mon cœur ne soutiendroit pas la chose comme il fait, ma raison le devroit faire, et je suis très-persuadée que je ne fais rien en cela qui déplaise au roi, et qu'il m'en estime davantage. Toutes ces choses-là réveillent également et la douleur et la tendresse et rendent le monde encore plus ennuyeux par le plaisir que l'on a d'être seule, [et] à s'abandonner à l'une et à l'autre.37

La campagne vint ; le roi alla à l'armée.38 MM. les princes de Conti et de La Roche-sur-Yon …39


FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.


 

FIN

 


NOTES

1. Au voyage de 1673, dont il a été question dans le chapitre précédent.

2. Elle avait été fille d'honneur d'Anne d'Autriche, comme on l'a vu dans les tomes précédents.

3. Elle n'en sortit pas après la mort d'Anne d'Autriche.

4. Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, né à Versailles le 31 mars 1670.

5. Louis-César de Bourbon, comte de Vexin, né le 20 juin 1672 ; il fut légitimé, ainsi que son frère et son sœur, en novembre 1673 ; il mourut en 1683.

6. Louise-Françoise de Bourbon, née le 1er juin 1673.

7. Voy. sur cette légitimation les Mémoires de Saint-Simon (édit. Hachette, in-8, t. XI, p. 56). Les mémoires n'ont pas imité la discrétion du parlement : la dame de qualité, que l'on ne nomma pas, était, dit-on, la maréchale de La Ferté.

8. Le roi partit pour la Bourgogne le 20 avril 1674.

9. Chef-lieu de canton du département de la Côte-d'Or.

10. Mademoiselle passa à Dijon une partie des mois de mai et juin 1674, avec la reine et le Dauphin. Elle était logée chez le président Bouhier (Philibert de La Mare, Mélanges, mss. B.I., p. 51, art. 185).

11. Cette carmélite de Beaune se nommait Marguerite Parigot, en religion sœur Marguerite du Saint-Sacrement. Elle était morte le 26 mai 1648.

12. L'évêque d'Autun, dont il est question plus loin, était à cette époque l'abbé de la Roquette, qui est fort connu par les lettres de madame de Sévigné.

13. Le père Parisot, docteur en théologie, avait rédigé sur cette religieuse des Mémoires, d'après lesquels fut composé l'ouvrage intitulé : L'Enfance de Jésus et sa famille honorées en la vie de sœur Marguerite de Saint-Sacrement, religieuse carmélite déchausée de Beaune (Paris, 1654, in-8, de l'imprimerie royale). Cet ouvrage, dédié à la reine, avait pour auteur Jean Auvray, prêtre, prieur de Saint-Odon-des-Bossets. — En 1655, il parut une seconde vie de cette religieuse sous le titre de Vie de la sœur Marguerite du Saint-Sacrement, carmélite de Beaune, par un prêtre de l'Oratoire (le père Amelotte), in-8 de 744 p. (Paris, 1655, Le Petit).

14. La ville de Dôle fut investie le 26 mai 1674 et attaquée le 28 ; elle capitula le 6 juin et ouvrit ses portes le 7. On voit par les lettres de Louis XIV que Mademoiselle lui avait écrit peu de jours auparavant pour le féliciter du succès de ses armes. Il lui répondait le 27 mai 1674 : « Ma cousine, j'ai trouvé deux sortes d'agréments dans le compliment que vous m'avez écrit sur la prospérité de mes armes : l'un dans la facilité que j'ai eue à lire votre billet ; l'autre d'y voir tant d'amitié dans la manière dont vous vous montrez touchée de mon bonheur. Croyez que rien ne vous est plus sûr que la continuation de la mienne, ni plus véritable que la satisfaction que j'aurai de vous en donner des preuves effectives. »

15. Ce fut le 7 juin 1674, comme on la déjà dit, que la garnison sortit de Dôle.

16. Les siéges de Besançon et de Dôle.

17. On a déjà vu que Mademoiselle se sert du mot plancher pour désigner la partie de l'appartement que l'on appelle aujourd'hui plafond.

18. On trouve dans les OEuvres de Louis XIV (t. V) une lettre datée du camp de la Loie, le 14 juin 1674.

19. Espèce de loterie.

20. Le roi partit de Dôle le 19 juin pour se rendre à Fontainebleau, où il arriva le 25.

21. Turenne battit le duc de Lorraine à Sintzheim le 16 juin 1674. Louis XIV lui écrivit, à cette occasion, une lettre en date du 22 juin, qui a été publiée dans ses OEuvres (t. III, p. 510 et suiv.).

22. La bataille de Senef fut livrée le 11 août.

23. François-Joseph de Lorraine, duc de Guise, né le 28 août 1670, mourut le 16 mars 1675.

24. A l'abbaye de Montmartre, qui était dirigée par une sœur de mademoiselle de Guise.

25. Mademoiselle a ajouté sur une feuille détachée le passage suivant, qui se rapporte à l'année 1675 : « On passe ordinairement les carêmes à Versailles. Le mercredi saint, je revenois des ténèbres ; je vis passer madame de Montespan toute seule, qui monta en chaise et alla du côté de l'église. Le soir le roi ne parut pas trop gai en faisant collation. Je m'allai coucher de bonne heure. Le matin je montrai chez la reine. Je trouvai grand monde dans sa chambre. On parloit d'un démêlé que M. Le Grand* avoit eu M. de Montausier, à la cène. M. Le Grand, qui est fort goguenard, en plaisantoit. Comme M. de Montausier est fort de mes amis et que je lui suis obligée, je n'entrai point là-dedans. Je m'en allai donc au cabinet de la reine. J'en ouvris la porte : M. de Montausier, M. de Condom et M. le Dauphin étoient avec elle. Elle me dit : « Allez-vous-en pour un moment ; j'ai affaire. » Madame de Béthune me demandant : « Savez-vous rien ? », je lui répondis : « Tout le monde sait cette dispute. »

Ce passage des Mémoires de Mademoiselle reste interrompu ; il s'agissait de toute autre chose que de la discussion entre le grand écuyer et le duc de Montausier. Il y eut à cette époque une sorte de rupture entre le roi et madame de Montespan. Mademoiselle revient sur ces faits dans la troisième partie de ses Mémoires, où elle a réuni un peu pêle-mêle tous ses souvenirs.


* Le grand écuyer. C'était alors Louis de Lorraine, comte d'Armagnac. Voy. sur ce personnage les Mémoires de Saint-Simon, particulièrement à l'année 1716, époque de sa mort.

26. 5 p. 0/0.

27. Mademoiselle revient sur ces détails dans la troisième partie de ses Mémoires, mais avec moins de précision et sans fixer aucune date.

28. Le roi partit de Saint-Germain le 11 mai 1675 ; il arriva le 15 à Cateau-Cambresis, où il y avait un corps d'armée.

29. Voy. le tome IV des OEuvres de Louis XIV et les Lettres historiques de Pellisson, t. II, p. 247-377.

30. Le roi remit le 17 juillet le commandement de l'armée au prince de Condé et arriva à Versailles le 21 du même moi.

31. Turenne fut tué à Saltzbach le 27 juillet 1675.

32. Le maréchal de Créqui fut battu le 11 août à Consarbrück, près de Trèves.

33. On voit par les lettres de madame de Sévigné que la grande-duchesse vint à Paris au moi de juin 1675.

34. On a vu plus haut que le roi était arrivé à Versailles le 21 juillet 1675.

35. Gouverneur de Pignerol.

36. Voyez sur la tentative d'évasion de Lauzun les lettres de madame de Sévigné, en date des 8 et 11 mars 1676.

37. A la douleur et à la tendresse.

38. Le roi partit pour l'armée le 16 avril 1676 et arriva le 21 au camp devant Condé.

39. Là s'arrête le manuscrit écrit par Mademoiselle à Eu en 1677. Le reste forme la troisième partie de ses Mémoires, et s'étend du fo 252 au fo292.

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1859. T. IV, Chap. XXII : p. 356-381.


This page is by James Eason, University of Chicago.