Bellonius on the Unicorn
A note to Pseudodoxia Epidemica, Book III, chapter 23

From Pierre Belon du Mans (1555) Les Observations de plusieurs singularitez & choses memorables, Book I, chap. XIV, pp. 15r-105V.

D'un mouton de Crete, nommé Strepsycheros: avec un discours qui enseigne que ce'st que Licorne.

Chapitre XIIII.

Il y une maniere de Moutons en Crete, qui sont en grands trouppeaux aussi communs que les autres, & principalement au mont Ida, que les pasteurs nomment Stripocheri: qui sont en ce dissemblabes aux nostres, qu'ils portent les cornes toutes droictes. Ce Mouton n'est en rien different au commun, excepté, que comme les Beliers portent les cornes tortues, cestuy là les porte toutes droictes contre mont, comme une Licorne, qui sont cannelées en viz. Lors qu'en veismes de si grands trouppeaux, ignorants que les anciens en eussent faict mention, nous vint en souvenance de chercher s'ils estoyent en rien participants de la Licorne. Ce nous a fait entrer en propos de la Licorne, laquelle voyons estre maintenant en si haute estimation & pris, que c'est bien à s'en esmerveiller, veu mesmement qu'elle ne fust anciennement en aucune reputation pour mdecine: car si elle y eust esté, il est à croire que les autheurs ne s'en fussent voulu taire. Aristote a bien dit qu'il y a un animal nommé Orix, au genre de pied fourchu, qu'on nomme Unicorne: mais il n'a onc parlé de la vertu de sa corne. Columelle aussi a bien cogneu Orix, disant qu'on le garde enfermé es pastiz & parcz murez, avec les autres animaux. Et si les romains, qui estimoyent tant les choses rares, eussent aussi bien ouy parlerr de leur temps d'une si grande vertu qu'on dit estre en la Licorne, ils ne l'eussent pas laissé en arriere. Pas ne disons qu'ils ne l'estimassent precieuse & rare, mais non pas pour s'en servir en medicine, comme nous faisons maintenant. Parquoy voulants en parler clairement, ne dissimulants rien de ce qu'il nous en semble, trouvons que la Licorne, que les anciens ont cogneue, devroit estre noire: & toutesfois celle que nous avons, est blanche. Quel autheur ancien, Grec ou Latin, avons nous, qui face foy qu'une petite piece de chose incogneue, et que savons estre souvent de dent de Rohart, doive valoir trois cents ducats? Lon nous a monstré des morceaux, pour sçavoir si la cognoissons, qu'on avoit acheptez pour Licorne au pris, à la valeur de trois cents ducats, qui toutesfois estoyent rouelles de dents de Rohart. Un seul Aelian nous est autheur que la Licorne a vertu en medecine, mais il entend qu'elle est noire. Et voyants que la nostre est d'autre couleur, dirons qu'elle est difference à celles des anciens: veu mesmement qu'il dit que c'est un Asne Indique, qui la porte au front, & de laquelle la couleur du dehors est rougeastre, le dessous est blanc, & le dedens est noir. Pline parlant de la Licorne, a tourné les mesmes parolles d'Aristote. Unicorne (dit il) Asinus tantùm Indicus, solida ungula. Puis apres dit: Unicorne bisulcum Orix: tellement qu'il appert par ces mots qu'il y a deux manieres de bestes qui porte une seule corne, desquelles l'une est Asinus Indicus, qui n'a pas le pied fourchu & l'autre Orix, qui l'a fourchu. Vray est que les Asnes sauvages, qu'on nomme en Latin Onagri, n'ont point de corne. Par ainsi faut entendre que les Licornes sont de quelque autre beste, dont n'avons aucune description. Mais entant qu'on voit les Licornes en divers endrocts, on ne les peut nier: car mesmement lon en pourroit trouver une vingtaine toutes entieres en nostre Europe, & autant de rompues: & desquelles lon en monstre deux, au thesor de sainct Marc à Venise, chacune longe environ d'une coudée & demie, plus grosses par un bout que par l'autre: dont le plus gros bout n'excede point trois poulce assemblez ensemblee, qui sont bien merquez, respondantes a ce que les autheurs ont escrit de la corne de l'Asne Indique: mais au reste les autres enseignes n'y sont pas. Aussi sçavons que celles du Roy d'Angleterre sont cannelées & tournées en viz, comme aussi est celle de S. Denis, qu'estimons la plus grosse qui ait oncq esté veue. C'est la chose digne de plus grande recommendation que nulle autre qu'ayons veue, procréée d'aucune animal. Elle est naturelle, & non artificielle: en laquelle on trouve toutes les merques qui conviennent d'une autre corne d'animal: & pource qu'elle a cavité leans [là-dedans], est à presupposer qu'elle ne tombe à l'animal qui la porte, non plus qu'à la Gaselle, chamois, & bouc estain: au contraire desquels celles des Daims, Cerfs, & Chevreux tombent. Il n'y a homme, quelque grand qu'il soit, qui n'ait peine de toucher jusques à la summité de la susdict Licorne du Roy, qui est à sainct Denis, tant est longue: car elle a sept grands pieds de hauteur. Elle ne pese que treze livres & quatre onces, toutesfois à la soupeser semble en avoir plus de dixhuict. Sa figure est droictement comme celle d'un cierge, large par le bas, & petit à petit vient en agrestissant jusques au bout: aussi sa grosseur ne peut estre empoignée d'une main. Ayant cinq doigts en diametres & qui l'entorne d'une corde & la mesure, y trouve une paulme & trois dogts. Elle est quelque peu raboteuse devers la partie de la teste: mais est quasi lissée & brunie par les autres endroicts. Et est cannelée de legeres cavitez, en maniere de viz, qui ne sont pas profondes, commençants depuis la partie de la teste, & finissants à l'extremité, faisants leur tour de dextre à senestre, prenants leur tour comme les coquilles des Limats, ou bien un bois entourné de chevrefeuil. Sa couleur n'est toute blanche: car l'injure du temps l'a quelque peu obscurcie. Elle est creuse par le gros bout plus d'un pied en avant, savoir est en l'endroit ou est enchassé los par le dedens, qui la tient ferme contre la teste. C'est de là qu'on peut juger qu'elle ne tombe point de la teste de la beste qui la porte. voyant donc que c'est un faix si pesant sur la teste d'une beste, faut penser que l'animal qui la porte ne peut estre de moindre corsage qu'un grand Bœuf. Le Strepsicheros (dont avons cy devant parlé, & qui a aussi les cornes droictes, cannelées & retorses en viz) n'excede point la juste grandeur d'un Mouton. Cy apres est mis son vrai portraict, non que l'ayons retiré de quelque autheur: car il n'y a personne qui en ait encores rien dit, outre ce que nous en lisons son nom en Pline: ne baillé autre figure que ceste-cy.

Portraict de Strepsicheros, ou Mouton de Crete.

Strepsicheros, Mouton de Crete


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