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MARTYRE DE SAINT GEORGES

AU NOM DE DIEU.

 

Martyre du saint Georges1 ... martyr de notre Seigneur Jésus le Christ, qui acheva son combat le vingt-troisième jour du mois de Pharmouthi,2 dans la paix de Dieu: Amen.

 

En ce temps-là, au temps de la tempête et de la grande persécution qui s'éleva contre l'Église, il y avait un grand prince qui n'était pas cruel; mais en chaque lieu les rois étaient méchants et ils poursuivaient ceux qui prêchaient la bonne nouvelle de la vérité devant les autels des idoles, il forçaient tous les chrétiens à rendre adoration aux statues des démons. Le roi Tatien, celui qui prit le pouvoir, commença la persécution après s'être emparé des quatre coins de la terre. Lorsque le roi Tatien fut devenu le premier, il écrivit des édits afin qu'on en fît lecture dans le monde entier.3 Voici ce qui était écrit dans ces édits: « Puisque ni Apollon, ni Poseidon, ni Hermès, ni Astarté, ni Zeus, ni Jésabel, ni Ornos (?), ni Scamandre,4 ni tous les autres dieux, comme le bruit en est parvenu à mes oreilles, ne sont plus adorés et que le fils de Marie est le seul qu'on adore; puisqu'on ne rend hommage qu'au seul Jésus le Christ, celui que les Juifs ont mis à mort, pour cette raison j'écris en tout lieu ceci: « O rois de tous les pays, ô magistrats qui habitez dans les limites de mon royaume, venez tous promptement vers moi, afin que vous appreniez à connaître quel est le dessein de ma puissance. »

Alors de la terre entière, quatre-vingts rois se rassemblèrent en ce lieu avec de si grandes foules que l'endroit ne pouvait les contenir à cause de leur grand nombre. Le roi Tatien s'assit sur son trône; il donna l'ordre d'apporter en sa présence tous les instruments de torture. On les plaça devant lui: il y avait des lits d'airain, des haches, des instruments à briser les os, des broches de fers, des roues entourées d'épées, des chevalets, une croix non assemblée (?), des mains de fer, des épées, des massues, des instruments à arracher les dents, des tarières de fer pour perforer les os, des scies et tous les autres instruments de torture et de douleur. Le roi jura en disant: « Si je trouve des hommes qui aient de la duplicité dans leur coeur et disent qu'il ne faut pas adorer les dieux, je changerai les édits de mes pères, je leur ferai endurer des tourments douloureux, je briserai la tour de leur coeur, je couperai leurs têtes, je briserai et ferai jaillir leurs crânes à coups d'épées dégaînées, je les disséquerai, je scierai les os de leurs jambes, je couperai les jointures de leurs corps. » Lorsque les foules entendirent cela, elles eurent peur grandement en présence des tourments, de sorte que ceux qui désiraient être martyrs hésitèrent en voyant la multitude des supplices qui leur étaient préparés, et trois ans se passèrent sans que quelqu'un osât dire: « Je suis chrétien. »

Il y avait un jeune homme nommé Georges, soleil de vérité, étoile glorieuse entre le ciel et la terre. C'était un tribun dans les cadres de l'armée du royaume; il était originaire de Cappadoce. Lorsqu'il eut achevé son service de tribun, il reçut une foule de richesses. Il se rendit près du roi Tatien, dans le désir d'obtenir le grade de comte. Lorsque le saint Georges fut arrivé dans la ville, qu'il eut vu la folie des rois qui adoraient les idoles et délaissaient Dieu, aussitôt il changea la résolution de son coeur, décida d'abandonner le tribunat militaire et se dit: « Moi, je serai le soldat de mon Seigneur Jésus le Christ, le roi des cieux. » Alors il distribua tous ses biens et en donna les deux tiers aux pauvres; il courut se présenter devant les rois, s'écriant et disant: « Apaisez votre colère, ô rois, n'exaltez pas ceux qui ne sont pas dieux, en disant que ce sont des dieux, car périssent les dieux qui n'ont pas créé le ciel et la terre! Pour moi, j'adore le Dieu unique, Père de notre Seigneur Jésus le Christ avec le Saint-Esprit. » — Lorsque le dragon l'eut vu,5 il dit: « Toute chose a été faite par la bonté des dieux, nous, tout ce qui est sous le soleil, ainsi que le feu; car les dieux nous apparaissent comme de grands personnages. Sache maintenant que tu nous as injuriés et que tu as aussi injurié les dieux justes. Maintenant donc, adore les dieux, Apollon qui sauve la terre; rends-toi favorables les dieux que tu as méprisés; ils connaissent ceux qui leur rendent honneur et obéissent; ils connaissent de même et châtient les hommes qui leur déobéissent. Maintenant apprends-moi d'où tu es, quel est ton nom et pour quoi tu es venu ici. » — Le saint Georges répondit en disant: « Le premier nom que l'on m'a donné est chrétien. Je suis de la nation des Cappadociens; on m'a inscrit dans les rôles de l'armée en un rang élevé et j'ai achevé comme il faut le service du tribunat. J'étais dans le pays de Palestine et c'est là qu'on ma gradé. Quels sont les dieux que tu veux m'obliger à adorer, ô roi? » — Le roi lui dit: « Je veux que tu offres un sacrifice à Apollon qui est suspendu au ciel et, en même temps, à Poseidon qui affermit la terre.6 » — Le saint Georges répondit en disant: « Ce n'est pas pour, toi ô méchant dragon, ni pour les rois tes fils, mais pour ces multitudes d'assistants, que je parlerai de ces justes7 et de tes dieux sans vie. Auquel veux-tu que j'offre un sacrifice, à Pierre l'élu des apôtres, ou à Apollon qui a perdu le monde entier?8 A qui veux-tu que je sacrifie, à Élie le Thesbite, l'ange qui a été sur terre, qui a marché sur terre, puis est monté jusqu'aux portes du ciel, ou à Scamandre le magicien qui a enchanté le feu, qui par sa magie a connu beaucoup de choses, l'adultère de la divination qui a engendré Sour et Sarphal . . . . , les marchands de la ville du Pont dont les oeuvres ont été mauvaises et qui ont été submergés dans les profondeurs de la mer? Dis-moi, ô roi, lequel d'entre eux veux-tu imiter, Samuel qui prie Dieu ou Poseidôn qui perd les vaisseaux sur la mer? Antée (?) et Hercule, ou les martyrs et les prophètes qui ont reçu la couronne céleste? Dis-moi, ô roi, laquelle tu veux imiter, Jézabel qui a tué les prophêtes, ou la vierge Marie, la mère de mon Seigneur Jésus le Christ? Rougis, ô roi! ce ne sont pas des dieux que tu adores, mais de muettes statues. »

Comme le saint Georges disait ces paroles, le roi se mit en colère et donna l'ordre de le suspendre sur le chevalet, de la tourmenter jusqu'à ce que ses entrailles se répandissent à terre: et ensuite que quatre soldats l'étendissent, le frappassent avec des nerfs de boeuf jusqu'à ce que les chairs de son corps tombassent à terre en morceaux. Il fit saupoudrer son corps de sel, il fit apporter des sacs de poils, afin qu'on y tourmentât son corps si bien que son sang coulât comme de l'eau. Mais le saint souffrait ces tourments avec patience. Le roi ordonna d'apporter un brodequin de fer percé de trous. Il fit enfoncer des clous dans la plante des pieds pour en faire jaillir le sang comme de l'eau. Et le saint souffrait cela comme si ce n'eût pas été lui qu'on tourmentait. Le roi fit ensuite faire un autel élevé, il fit apporter six clous très aigus (?) avec lesquels on déchira les chairs du saint. Il ordonna de le descendre de l'autel: on le jeta dans une chaudière d'eau, on alluma du feu par dessous et les bourreaux frappaient sur sa tête avec des clous aigus, si bien que le crâne de sa tête fut brisé, que sa cervelle se répandit par l'ouverture, blanche comme du lait, et que tout son corps fut couvert de sang coagulé et durci comme du plomb. Alors le roi ordonna qu'on lui apportât la moitié d'une colonne que huit hommes firent rouler; on la plaça sur son ventre, le roi l'y fit attacher et le laissa ainsi jusqu'au moment où il aurait décidé ce qu'il devait en faire.

Mais en cette même nuit, le Seigneur apparut au saint Georges et lui dit: « Prends force et courage, Georges mon bien-aimé! c'est moi qui te donne la force de supporter les tourments qu'on t'a fait subir. Je le jure par moi-même et par mes anges saints! parmi les enfants des femmes il n'y en a pas de plus grand que Jean le Baptiste; mais après lui, c'est toi le plus grand, il n'y a personne qui te ressemble. Voici que je t'ai accordé de maîtriser ces quatre-vingts rois: tout ce que tu diras leur arrivera, tu mourras trois fois et je te ressusciterai. A la quatrième fois, je viendrai moi-même sur une nuée t'apporter la robe que je t'ai réservée dans ton habitation sainte. Prends courage, ne crains rien, car je suis avec toi. » Et lorsqu'il l'eut embrassé, il remonta vers les cieux au milieu d'une grande gloire, accompagné de ses anges saints.

Lorsque le matin parut, le roi ordonna qu'on amenât Georges au tribunal. Le saint chantait un psaume et disait: « O Dieu, pense à me secourir, pense à me recevoir à toi! » Lorsqu'il se fut approché du tribunal, il s'écria disant: « O tribunal, je viens vers toi aujourd'hui, vers toi et ton Apollon de pierre, moi avec mon Seigneur Jésus le Christ. » On le saisit, on l'étendit avec quatre courroies de cuir, on le frappa sur le dos et sur le ventre à coups de nerfs de boeuf. On le retourna ensuite en prison. Le roi Tatien écrivit une lettre où il disait: « J'écris à la terre entière: salut. Que tout devin, que tout magicien qui a la puissance de rendre sans effet les sortilèges de ce chrétien vienne à moi. Je lui donnerai une foule de richesses et toutes les provinces qu'il demandera, il sera le second dans mon royaume. » Lorsqu'il eut envoyé ces lettres dans la terre entière, voici qu'un homme se présenta, il se nommait Athanase. Il alla trouver le roi en lui disant: « Vive à jamais le roi! Il n'y a rien d'impossible pour moi. » — le roi se réjouit et lui dit: « Quel prodige vas-tu faire en ma présence, afin que je sache si tu peux faire cesser les sortilèges des chrétiens? » — Athanase prit la parole et lui dit: « Qu'on m'amêne un taureau! » Lorsqu'on lui eut amené le taureau, il lui parla à l'oreille, il coupa le taureau en deux parties. Il dit alors au roi: « Qu'on m'apporte une balance! » On la lui apporta. Lorsqu'on eut placé la moitié du taureau dans l'un des plateaux de la balance, et l'autre moitié dans l'autre plateau, les deux plateaux se firent équilibre, de sorte que l'un n'entraina point l'autre.

Le roi ordonna d'amener le saint Georges au tribunal. Il lui dit: « Georges, à cause de toi, j'ai appelé cet homme en mon royaume, afin que tu rendes vains ses sortilèges, ou qu'il rende les tiens sans efficacité; afin que tu le tues ou qu'il te tue. » — Le saint Georges ayant vu le magicien, lui dit: « Hâte-toi, mon frère, de faire ce que tu as le dessein de me faire, car je vois que la grâce va s'emparer de toi. » Aussitôt Athanase, ayant pris une coupe, en lava son visage, il invoqua le nom des démons sur la coupe, il la donna à Georges afin que celui-ci la bût. Et lorsque Georges eut bu, il ne lui arriva pas le moindre mal. Athanase prit la parole et lui dit: « Mon Seigneur, je n'ai plus qu'un autre sortilège à te faire; s'il ne t'en arrive aucun mal, je croirai moi aussi en celui qu'on a crucifié. » Il prit une autre coupe, il en lava son visage, il invoqua sur elle les noms d'autres démons plus méchants que les premiers, il donna la coupe à Georges afin que celui-ci la bût. Et losque le saint l'eut bue, il ne lui arriva aucun mal. Athanase, ayant vu qu'aucun mal n'était arrivé au saint, lui di: « O saint Georges, tu as sur toi la croix du Fils de Dieu, Jésus le Christ, qui est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Prends aussi pitié de mon âme et donne-moi le sceau du Christ. » Lorsque Tatien vit ce qui était arrivé, il se mit en grande colère, il ordonna d'emmener le magicien hors de la ville, de le tuer d'un coup d'épée. Le magicien accomplit son martyre et devint digne de la vie éternelle. Alors le roi donna l'ordre de jeter le saint Georges en prison jusqu'à ce qu'il eût décidé ce qu'il devait en faire.

Lorsque le matin parut, le roi ordonna qu'on fit une roue très grande, qu'on y enfonçât des clous et des pieux. On fit la roue comme il l'avait ordoné: dans la partie supérieure, il y avait des trachants d'épée, dans la partie inférieure des épées à double tranchant bien aiguisées.9 Le roi ordonna de lui amener le saint Georges de la prison, de le faire entrer dans la machine. Lorsque le saint Georges se retourna et vit cette roue qui avait la forme d'une étoile avec des tranchants d'épée à sa partie supérieure et des épées à double tranchant à sa partie inférieure, il se dit en lui-même: « Vraiment, je ne me sauverai pas de cette machine! » Il se dit ensuite de nouveau à lui-même: « Malheur à toi, Georges! pourquoi as-tu laissé cette pensée monter en ton coeur? Souviens-toi que les Juifs ont aussi crucifié ton Seigneur entre deux voleurs. » Il leva ensuite ses yeux au ciel en disant: « O Seigneur, Dieu immuable, maître des siècles, toi à qui appartient la victoire et qui donnes la grâce aux martyrs, toi qui es leur gloire et leur couronne, toi qui étais dès le commencement avant que tu n'eusses rien créé, avant que tu eusses créé le ciel et la terre, te reposant alors sur les eaux et maintenant te reposant sur la race entière des hommes, tu connais les endroits de ton repos, toi qui as étendu le ciel comme une tente, et les nuées sont à tes ordres au moment où elles sont chargées de leurs pluies; c'est toi, Seigneur, qui fais pleuvoir sur les justes et les injustes, qui pèse les montagnes avec un poids et les vallées dans une balance, toi qui tires les vents des lieux où ils sont assemblés, qui as livré à l'abîme du Tartare les anges qui ont transgressé tes ordres afin qu'ils y fussent châtiés par des dragons méchants, qu'ils y fussent liés de liens indissolubles et arrêtés par des serrures qu'on ne peut ouvrir. Il est impossible que quelque chose soit changé à tes ordres. Seigneur Dieu, c'est toi qui as envoyé ton Fils unique dans le monde à la fin des temps, il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme, et il n'est pas possible à l'intelligence humaine de scruter son incarnation; c'est lui le Seigneur Jésus le Christ, né de toi en vérité, qui a marché sur la surface de la mer comme s'il marchait sur celle de la terre, qui a nourri cinq mille personnes avec cinq pains de manière à les rassasier, qui a gourmandé les vents sur la mer. Toutes choses te sont soumises. Maintenant viens, ô Seigneur; en cette heure où tu viens, hâte-toi de secourir ma faiblesse, car je suis un pécheur. Que ces souffrances me soient légères, car c'est à toi qu'appartient la gloire et ton nom est glorieux jusqu'à l'éternité: Amen. »

Lorsqu'il eut dit l'amen, on le jeta dans la roue, on la fit rouler sur lui. Aussitôt son corps fut coupé en dix morceaux. En ce moment Tatien éleva la voix et dit: « Sachez, ô rois, et soyez assurés qu'il n'y a point d'autre Dieu qu'Apollon, Hermès, Zeus, Athèné, Scamandre, Ephaistos, Héraclès et Poseidôn qui ont fait ce qui est bien des trois côtés de la mer et qui donnent la puissance aux rois. Où est maintenant le dieu de Georges, celui qu'on appelle Jésus, celui qu'on a crucifié, celui que les Juifs ont mis à mort? Pourquoi n'est-il pas venu le sauver de mes mains? » Le dragon de l'abîme ordonna de jeter les ossements du saint hors de la ville, dans un lac desséché, se disant en lui-même: « Je fais cela de peur que les chrétiens ne prennent ses ossements, qu'ils ne lui bâtissent un monument en l'honneur de son martyre, qu'ils n'excitent le sang contre nous.10 » Or, comme il était l'heure de manger, le roi alla manger avec les soixante-dix-neuf autres rois. Pendant qu'ils mangeaient, il y eut un grand tremblement de terre, terrible, épouvantable; le ciel se couvrit de nuages, il y eut une grande terreur si bien que les montagnes s'entr'ouvrirent tout à coup, que la terre s'agita, que la mer fit bouillonner ses vagues et que ses flots s'élevèrent jusqu'à une hauteur de quinze coudées. Michel sonna de sa trompette, et voici que le Seigneur Jésus vint sur son char de chérubins; il s'arrêta au-dessus des rives du lac, il dit à l'archange Michel: « Descends dans le lac, rassemble les ossements de mon serviteur Georges. Comme ce vaillant Georges, pendant qu'il était vivant, a laissé cette pensée monter en son coeur et a dit: « Je ne sortirai pas vivant de cette machine, » je l'ai délaissé pendant qu'il s'y trouvait parce qu'il n'a pas cru de tout son coeur et n'a pas su que moi seul, Dieu, j'avais le pouvoir de le sauver.11 » Michel descendit dans le lac; il rassembla le corps bienheureux du saint Georges. Le Seigneur le prit par la main en disant: « Georges, mon bien-aimé, voici que la main qui a créé Adam, le premier homme, renouvelle aujourd'hui la création pour toi. » Le Seigneur souffla sur son visage, il le remplit de vie une seconde fois. Le Seigneur l'embrassa, puis il remonta vers les cieux avec ses anges saints. Le saint Georges se leva à la hâte d'entre les morts et il se mit à marcher par les places de la ville à la recherche des rois.

Il trouva ensuite les rois sur les places, assis et rendant la justice; il s'élança vers eux et leur dit: « Ne me connaissez-vous point, ô rois? » — Le roi Tatien leva les yeux, tout honteux, et dit au saint: « Qui donc es-tu? » — Le martyr du Christ lui dit: « Je suis Georges, celui que vous avez tué hier à cause de votre impiété envers mon Dieu et qui vous perdra sans retard. » — Le roi Tatien resta quelque temps à regarder le visage du saint, puis il lui dit: « Ce n'est point toi, tu n'es que son son ombre. » — Un autre dit: « Peut-être lui ressemble-t-il! » — Lorsque le stratélate Anatolius vit cela, il dit: « En vérité, c'est Georges qui est ressuscité d'entre les morts! » Anatolius crut ainsi que tous ses soldats, et le nombre des personnes de la foule qui crurent dans le Christ fut de trois mille neuf hommes, plus une femme. Le roi Tatien ordonna de les conduire hors de la ville dans un lieu désert, on en fit quatre parts, on les coupa en morceaux. Ils accomplirent ainsi leur martyre le quinzième jour de Phamenôth qui était samedi, à la neuvième heure du jour;12 ils allèrent au milieu de la gloire dans le paradis où ils intercèdent pour les pécheurs. Le roi ordonna d'amener le saint Georges au tribunal et commanda d'y apporter aussi un lit de fer et d'y attacher le juste. Il fit chauffer du plomb jusqu'à complète liquefaction; puis il ordonna d'apporter un vase de fer en forme de jarre, de le lui verser dans la bouche; puis il fit enfoncer soixante clous dans sa tête et dans le lit. Il fit apporter une grande pierre que l'on creusa selon la forme de sa tête qu'on y plaça pour la maintenir pendant qu'on verserait le plomb; puis il ordonna encore de le frapper avec la pierre et de lui briser les jointures des os. Georges souffrit ce tourment avec courage. Alors le roi donna l'ordre d'enlever la pierre, de le suspendre en haut par la tête, de lui attacher une grosse pierre et de faire une grande fumée sous lui. Il ordonna encore ensuite de le jeter dans un taureau d'airain et d'y enfoncer des clous aigues. Le roi impie commanda d'introduire une machine dans le taureau, de la faire rouler afin que les coups transperçassent le corps du saint et que ses membres devinssent comme la poussière des aires pendant l'été. Le saint supporta encore cela avec courage. Le roi ordonna aussi l'ordre de le jeter en prison, de le pendre au gibet, jusqu'à ce qu'il eût décidé ce qu'il en ferait et de quelle manière il le perdrait, car le saint Georges était très beau à voir.

Le Seigneur, en cette nuit, apparut à Georges et lui dit: « Aie patience, Georges, mon élu, prends courage, ne te laisse pas défaillir, car je suis avec toi, Une grande joie t'attend dans le ciel en récompense de ton combat. Voici qu'une fois déjà tu es mort et je t'ai ressuscité; tu mourras encore deux autres fois et je te ressusciterai de même. A la quatrième fois, c'est moi qui viendrai moi-même sur les nuées, et la robe que j'ai réservée à ton corps, je l'apporterai, moi qui donnerai la force à ton corps saint, afin que je te fasse reposer avec Abraham, Isaac et Jacob. Ne sois point timide de coeur, car je suis avec toi. Ton martyr aura lieu en présence de ces quatre-vingts rois devant lesquels tu me rend témoignage. On te tourmentera pendant sept ans pour mon nom. Prends courage, ne sois pas pusillanime. » Lorsque le Seigneur lui eut ainsi parlé, il remonta vers les cieux en compagnie de ses anges saints, pendant que le vaillant martyr du Christ le regardait.

Quant au saint, il demeura dans la veille jusqu'à ce que le jour parût, se réjouissant dans l'allégresse que le Seigneur lui avait donnée. Lorsque le matin fut venu, le roi ordonna d'amener le saint Georges au tribunal. Lorsqu'on l'eût amené, l'un des quatre-vingts rois, nommé Magnence, lui dit: « Georges, je te demande un prodige; si tu le fais en ma présence, je le jure par mon Seigneur le soleil, par les soixante-dix dieux et Artémis, la mère des dieux, qui sauve le monde entier, je croirai moi-même en ton Dieu et je l'adorerai comme il faut. » — Le saint Georges lui dit: « Dis-moi qu'elle est ta demande. » — Le roi Magnence lui dit: « Voici quatre-vingts trônes; chacun de ces trônes a des pieds de toute forme: les uns sont faits d'arbres fruitiers, les autres d'arbres qui ne portent pas de fruits; si donc il devient évident que les pieds de bois aient pris racine, que chacun d'entre eux pousse, grâce à tes prières, que les pieds faits d'arbres fruitiers produisent des fruits et que ceux qui ne sont pas faits d'arbres produisant des fruits fassent pousser des feuilles, en vertu de ce prodige nous croirons en ton Dieu. » Le saint Georges se prosterna sur son visage, il pria Dieu durant une grande heure en poussant des soupirs. Lorsqu'il eut fini sa prière, il dit: Amen: Mais il se produisit une grande terreur et un grand trouble lorsqu'il se releva, car un esprit du Seigneur descendit sur les trônes; ils poussèrent, les pieds prirent racine, ils fleurirent: ceux qui étaient faits d'arbres fruitiers produisirent des fruits; ceux qui étaient faits d'arbres non fruitiers firent pousser des feuilles. Alors le roi Magnence dit: « C'est un grand dieu que Héraclès, et ces arbres qui étaient desséchés ont ainsi manifesté sa puissance en eux-mêmes. » — Le saint Georges répondit en disant: « Celui qui a créé le ciel et la terre, qui a fait exister ce qui n'existait pas, tu l'assimiles à Héraclès, l'idole muette, aveugle, avec laquelle tu périras bientôt! » Le roi Tatien prit la parole, il dit au saint Georges: « Elu du Galiléen, je sais de quelle manière je te ferai périr. » Alors il ordonna d'apporter une grande scie; on le scia par le milieu, on le partagea en deux, et ainsi Georges rendit l'esprit.

On apporta un grand chaudron pour y jeter les deux parties du corps du saint Georges avec du plomb, de la graisse de boeuf et du bitume; on alluma un grand feu par-dessous si bien que la chaudière bouillonnait et que la flamme s'élevait à l'excès, de sorte que ceux qui chauffaient s'enfuirent de chaque côté par suite de l'abondance des flammes qui s'élevaient à une hauteur de quinze coudées. Il portèrent le dessus de la chaudière au roi en disant: « Cette cuisson est finie et consommée. » Le roi ordonna qu'on apportât la chaudière, qu'on la mit en terre avec les membres du saint qui y étaient renfermés, afin que les chrétiens ne pussent trouver un seul des membres du martyr et lui élever un monument commémoratif. Lorsque les serviteurs eurent enterré la chaudière, ils se retirèrent. Il y eut alors un grand trouble dans les airs, la terre fut ébranlée jusque dans ses fondements. Voici que le Seigneur Jésus le Christ descendit du ciel avec ses anges saints, il se tint au-dessus de l'endroit où était enterrée la chaudière. Il dit à l'ange Salathiel: « Sors la chaudière de terre. » Lorsque l'ange l'eut déterrée, il en répandit le contenu sur la terre. Le Seigneur des vertus prit la parole et dit: « O Georges, mon élu, lève-toi, c'est moi qui ai ressuscité Lazare d'entre les morts. De même, c'est aussi moi qui t'ordonne et qui te dis: lève-toi, sors de la chaudière, tiens-toi debout sur tes pieds; c'est moi qui suis le Seigneur ton Dieu. » Aussitôt ce véritable et courageux athlète se leva dans une grande force, valide comme quelqu'un qui n'a rien souffert. Quiconque le vit fut dans l'admiration. Le Seigneur lui dit: « Prends force et courage, Georges, mon bien-aimé, car il y aura une grande joie à ton sujet au ciel et sur la terre, en présence de mon père et de mes anges, à cause de ton combat. Sois courageux, car je suis avec toi. » Et il remonta vers les cieux en compagnie de ses anges saints.

Quant à lui, le saint Georges, il se leva, il se promena par la ville et envoya dire au roi: « Je me promène par la ville et j'enseigne. » Aussitôt le roi ordonna de le saisir, de le lui amener au tribunal. En s'y rendant, le saint criait: « O tribunal, tribunal, je viens à toi, à toi et à ton Apollon, moi et mon Seigneur Jésus le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Alors voici qu'une femme, nommée Scholastique, s'écria vers le saint Georges, le martyr du Christ, en disant: « Mon seigneur Georges, mon fils conduisait son boeuf dans les champs, le boeuf est tombé et il est mort. Viens au secours de ma pauvreté. Je sais, mon Seigneur, que Dieu peut le faire par ton entremise. » — Le saint lui dit: « Prends cette baguette de ma main, va dans le champ, place-la sur le cou du taureau et dis: Voici ce que dit le saint Georges: « au nom de Jésus le Christ, lève-toi, tiens-toi debout. » Quant à la femme, elle fit ce qu'il lui avait dit; le boeuf se leva au moment même. La femme rendit gloire à Dieu en disant: « Bénie soit l'heure où tu es venu dans cette ville! Vraiment tu es un prophète et le Seigneur a visité son peuple! »

Tatien envoya de nouveau chercher le martyr. Mais lorsque le roi Trakîali fut arrivé, il dit: « Georges, les bois desséchés qui ont poussé, nous ne savons pas au juste si c'est ton Dieu qui les a fait pousser, ou si ce sont nos dieux; mais voici un tombeau, approche-toi de la pierre par où l'on entre pour déposer les morts, personne ne connaît le chemin ni l'ouverture;13 si, par tes prières, les ossements de ceux qui sont morts ressuscitent, par mon seigneur le Soleil, par la Lune et par Artémis, la mère des dieux, je croirai moi aussi en ton Dieu et je me ferai chrétien. » — Le bienheureux Georges répondit en disant: « Qu'est-ce que cette parole que j'ai entendue dans L'Évangile disant: « Si vous avez de la foi gros comme un grain de sénevé et que vous disiez à cette montagne: Ote-toi d'ici; rien ne vous est impossible? » Lève-toi donc avec le roi Tatien et les autres rois d'Égypte,14 allez, ouvrez la porte du tombeau, sortez les ossements des morts qui se sont corrompus, les cendres de ceux qui sont morts, apportez-les ici. » Aussitôt trois rois se rendirent au tombeau, ils en ouvrirent la porte, ils ne trouvèrent en dedans aucun cadavre de mort.15 Ils sortirent les ossements qu'ils trouvèrent, ils les apportèrent au saint Georges. Alors le saint Georges se jeta à genoux; il pria pendant une heure environ. Comme il finnissait l'amen, il y eut un grand tremblement et des éclairs de feu brillèrent sur ces ossements. Aussitôt il en sortir cinq hommes, neuf femmes et dix petits enfants. Quands ils virent ce qui avait eu lieu, les rois furent dans l'étonnement. Alors les rois appelèrent l'un de ceux qui étaient ressuscités d'entre les morts, il lui dirent: « Quel est ton nom? — Celui qui était ressuscité d'entre les morts prit la parole en disant: « Joubînnem, voilà mon nom. » — Le roi lui dit: « Combien y a-t-il d'années que tu es mort? » — Il lui répondit: « Plus de deux cents années.16 » Le roi lui dit: « Est-ce que dans ce temps-là le Christ était venu au monde, oui ou non? » — Celui qui était ressuscité d'entre les morts dit: « Je ne le pense pas, car je n'ai jamais entendu dire qu'il était venu. » — Tatien lui dit: « En quel dieu croyais-tu? » — Celui qui était ressuscité lui di: « Ne me force pas à le dire, ô roi, car je rougis de dire en quel dieu je croyais. Je croyais en un dieu qu'on nommait Apollon, un insensé, sourd, muet, aveugle. Lorsque j'eus abandonné l'existence mauvaise de cette vie, je vécus dans ces chemins qui conduisent au fleuve du feu, jusqu'à ce que j'y fusse parvenu; c'est là que se trouve le ver qui ne se repose jamais. Est-ce que tu n'as pas entendu lire les Écritures des chrétiens où il est dit: Tu as pensé à moi dans ce jour de crainte, dans ce lieu où il n'y a nul secours, mais la stupéfaction et la terreur, où il n'y a nulle miséricorde, où l'on ne persuade pas le coeur du juge, mais où les choses qu'on a faites sont placées devant les yeux de chacun. Alors le juge prend la parole et dit: « Apprends à chacun de nous cette chose, afin que je donne à chacun selon ses oeuvres. » Écoute ce que je te vais dire, ô roi! Tout homme qui viendra sur la terre et qui confessera celui qu'on a crucifié, c'est-à-dire le Christ, quand il aurait sur son corps17 une foule de péchés, quand il sort de ce monde mauvais, on le met dans les fers à cause de ses péchés; mais le dimanche on lui donne repos, car le Seigneur Jésus inspecte les supplices le jour du dimanche. Mais à moi, l'on ne me donne aucun repos, pas même le dimanche, parce que je n'ai pas confessé sa Seigneurie pendant que j'étais sur la terre. Comment en effet l'aurions-nous confessé lorsque nous honorions des idoles et des statues sans le moindre mouvement? » — Le roi prit la parole et lui dit: « Ton coeur n'a-t-il jamais été traité avec indulgence pendant ces deux cents années entières? » — Alors celui qui était ressuscité d'entre les morts regarda le saint Georges, il lui dit: « Mon seigneur, ô saint martyr du Christ, nous t'en prions, donne-nous le saint baptême du Christ, afin qu'on ne nous jette pas de nouveau dans les tourments où nous sommes. » Lorsque le saint Georges vit leur foi, il frappa la terre du pied; il en jaillit de l'eau et il leur conféra le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il leur dit: « Allez en paix au Paradis. » Aussitôt ils disparurent, personne ne les vit plus, et le roi resta stupéfait une heure environ. Les rois qui étaient avec lui prirent la parole et lui dirent: « Cet homme est un enchanteur. Par ses sortilèges il a fait se tenir debout des démons en notre présence et il a dit: « J'ai ressuscité des morts. Moi aussi désormais18 je mépriserai toute la race des chrétiens. »

Le roi donna un ordre et dit: « Choisissez-moi une veuve si pauvre qu'il n'y en ait point d'aussi pauvre qu'elle. » On chercha par la ville, on lui trouva une femme veuve et pauvre, on fit entrer de force le juste chez elle, car le roi voulait déshonorer les chrétiens. Lorsqu'on eut fait entrer le saint dans la maison de la veuve, il lui dit: « Donne-moi un peu de pain, car en vérité j'ai faim. » — La pauvre femme veuve prit la parole et dit: « Il n'y a point de pain dans ma maison à moi, mon seigneur. » — Le saint lui dit: « En quel dieu crois-tu donc, qu'il n'y a point de pain dans ta maison? » — La femme lui dit: « Je crois en Apollon et en Héraclès, les grands dieux des rois. » — Le saint Georges lui dit: « Vraiment! alors ce ne sont pas de vrais Dieux, s'il n'y a point de pain en ta maison. » Lorsque la femme l'eut regardé au visage, elle vit que sa figure ressemblat à celle d'un ange du Seigneur, elle se dit en elle-même: «J'irai chercher du pain chez mes seigneurs et mes voisins pour le placer devant cet homme de Dieu: peut-être, comme il est entré dans ma maison, trouverai-je grâce près de mes voisins! » Or, il arriva, comme la pauvre femme était sortie, que le saint s'assit à la base d'une colonne de bois qui se trouvait en la maison. Aussitôt la colonne prit racine, poussa des branches et devint un grand arbre; l'arbre dépassa de quinze coudées la hauteur de la maison. Puis voici que l'archange Michel lui apporta une table couverte de toutes les bonnes choses. Le saint Georges mangea et se réconforta. La table était encore couverte de pain et de toutes les bonnes choses, lorsque la pauvre femme veuve rentra dans sa maison: elle vit de grands prodiges, une table dressée et couverte de toutes les bonnes choses, une colonne qui avait pris racine, quoiqu'elle ne fût qu'un morceau de bois desséché. Elle se dit en son coeur: « Le Dieu des chrétiens s'est souvenu de ma pauvreté, à moi qui suis veuve; il a envoyé son martyr en ma maison à moi qui suis qu'une malheureuse veuve, afin que ce saint vînt à mon secours. » Aussitôt elle tomba aux pieds du saint, elle l'adora. Le saint Georges lui adressa la parole en disant: « Lève-toi, tiens toi debout sur tes pieds: je ne suis pas le Dieu des chrétiens, je ne suis que son serviteur. J'ai souffert pour son saint nom. » — La femme lui dit encore: « Mon Seigneur, si j'ai trouvé grâce devant toi, accorde-moi d'oser prononcer une parole en ta présence. » — Le saint Georges lui dit: « Parle. » — La femme lui dit: « Mon Seigneur, j'ai un jeune garçon qui est en ses neuf ans: il est aveugle, sourd, muet et boiteux. J'ai honte de le faire voir à mes voisins. Si tu fais qu'il voie, qu'il entende et qu'il parle, je croirai moi aussi en ton Dieu. » — Le saint répondit en distant: « Amène-moi l'enfant ici. » Alors du troisième étage de sa maison, elle lui amena l'enfant et le fit asseoir sur les genoux du juste. Le saint Georges restait tranquille et l'enfant était sur ses genoux. Le saint lui souffla au visage; des yeux de l'enfant, il tomba des écailles et il vit aussitôt de ses propres yeux. La femme dit au saint: « Mon Seigneur, je t'en supplie qu'il parle, qu'il entende de ses oreilles, qu'il se lève, qu'il marche sur ses pieds. » — Le saint Georges lui dit: « Femme, cela suffit pour le moment; quand j'aurai besoin de lui pour me faire servir, je l'appellerai, il entendra ma voix, il marchera, il me répondra. » La femme ne put lui répondre une seule parole, car elle voyait que son visage était comme le visage d'un ange de Dieu.

Alors le roi infidèle et impie, Tatien, et les soixante-dix-neuf autres rois qui étaient avec lui, lorsqu'ils furent sortis de leur souper, se promenèrent par les places de la ville. Lorsque le dragon de l'abîme, le roi Tatien, leva les yeux, il vit l'arbre qui avait poussé, grâce au juste; il dit à ses officiers: « Voici un spectacle nouveau! cet arbre n'est-il pas un figuier? » — Ils lui racontèrent la chose et lui dirent: « C'est ainsi que l'a fait pousser le saint Georges, le grand serviteur du Galiléen. » Le roi ordonna qu'on allât le chercher, qu'on l'amenât en sa présence, qu'on le frappât à coups de nerfs de boeuf, sans pitié, de manière à faire tomber ses chairs en lambeaux, qu'on lui brûlat les flancs avec une grande quantité de feu, qu'on lui mit un casque de feu sur la tête. Ensuite il ordonna de le mettre à nu, de le fouetter, de remplir de feu des pots de fer, de les lui placer sur les flancs, de telle sorte qu'il rendit l'esprit. Le roi donna aussi l'ordre de prendre son corps, de le jeter sur une montagne élevée. Le dragon disait en son coeur: « Les oiseaux du ciel viendront manger ses chairs. » Lors donc qu'on eut mené le corps du bienheureux sur la montagne que l'on appelait Siris, on le jeta en ce lieu et les serviteurs s'en retournèrent. Lorsque les serviteurs du diable se furent éloignés de la montagne d'environ trente stades, il y eut du tonnerre et des éclairs dans le ciel, si bien que la montagne entière trembla. Voici que le Seigneur arriva, monté sur une nuée; il dit au saint Georges: « Mon bon élu, lève-toi du sommeil. » Aussitôt le martyr du Christ se leva, il courut derrière les serviteurs leur criant et leur disant: « Attendez-moi un peu, que j'aille avec vous. » Les serviteurs, ayant regardé en arrière, virent le saint Georges qui courait après eux, il rendirent gloire à Dieu, ils se jetèrent à ses pieds, ils le prièrent en disant: « Donne-nous à nous aussi, le sceau du Christ. « Le juste bienheureux, le saint Georges, leur donna le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ils se présentèrent devant les rois impies, en criant tous. « Nous sommes chrétiens publiquement. » Alors les rois en furent remplis de stupéfaction et de crainte. Le roi Tatien ordonna d'aller chercher les serviteurs, de les lui amener. L'un d'eux se nommait Claudien; le roi ordonna qu'on le crucifiât et qu'on exécutât sa sentence; un autre que l'on appelait Laciri et Lacirien, le roi ordonna qu'on le fît mourir par l'épée; on livra Glykon aux bêtes.

Après cela, les rois ordonnèrent d'amener le saint Georges. Le roi Tatien prit la parole, il lui dit: « Georges, par mon seigneur le soleil, par la lune, par les dieux et par leur mère Artémis, je te pardonne comme à mon fils bien aimé; tout ce que tu me demanderas, je te l'accorderai; seulement, obéis-moi comme à un père et consens simplement à adorer les dieux. » — Le saint Georges lui répondit et lui dit: « Je suis étonné des paroles que tu m'adresse maintenant. Ne les aviez-vous point avant ce jour? Pourquoi ne me les as-tu pas dites dès la première fois? Voici sept années entières que tu me tourmentes, tu m'as tué trois fois, je suis mort et mon Seigneur Jésus le Christ m'a ressuscité; cependant ce n'est qu'aujourd'hui que je viens d'entendre de semblables paroles de ta bouche. Ne sais-tu pas, ô roi, que cette race des chrétiens est une race de gens qui aiment la contradiction, qui résistent à ceux qui les protègent. Mais maintenant que ta grandeur me donne allégresse, j'offrirai un sacrifice à ton grand dieu Apollon, celui que tu aimes. »

Lorsque le roi Tatien entendit ces paroles, il se réjouit grandement, il saisit la tête du saint Georges pour la baiser. Le saint Georges l'arrêta de la main en disant: « Non, ô roi, ce n'est pas l'habitude des Galiléens, s'ils n'ont pas d'abord adoré les dieux; mais donne maintenant l'ordre qu'on me mette en prison jusqu'à demain. » — Le roi prit la parole, il lui dit: « Au ciel ne plaise, que je te fasse maintenant endurer quelque châtiment; quant aux tourments que je t'ai fait souffrir, pardonnes-les moi, car j'ai agi envers toi par ignorance. Traite-moi comme un père. Viens maintenant, je t'introduirai dans la partie du palais où se trouve la reine Alexandra, dans la chambre où elle repose. » Lorsque le roi l'eut emmené, il le fit entrer près de la reine Alexandra; il ferma la porte sur eux. Le roi se retira, car c'était le soir. Alors le saint Georges, ploya les genoux, il se mit à prier Dieu en disant: « O Dieu, mon Dieu, il n'y a point de Dieu qui te ressemble: tu es le Dieu qui fait les prodiges. Pourquoi les nations ont-elles élevé la voix contre toi, et les peuples médité de vaines paroles? Tous les rois de la terre avec leurs magistrats se sont réunis à la fois dans un même lieu, ils ont parlé contre le Seigneur et son Christ. » — La reine Alexandra prit la parole et dit au saint: « Mon Seigneur Georges, je t'entends avec plaisir et je désire que tu parles. Quels sont ceux qui ont élevé la voix? Quels sont ceux qui ont médité? Quel est le Christ? Enseigne-le moi, afin que je le connaisse. » —Le saint Georges prit la parole en disant: « Puisque tu demandes à connaître le Christ, écoute, ô Alexandra. Lorsque le Seigneur créa le ciel et la terre, lorsqu'il eut pris de la terre argileuse, il créa l'homme semblable à lui, à son image et à sa ressemblance. Comme il avait fait de la chair avec de la terre, de même il en fit des nerfs, il en fit de la peau, les organes de la vision, tous les autres membres de l'homme. Il fit les yeux et les paupières, il fit une langue et un egorge, il fit des mains et tout ce qui entoure l'homme. Ce qui meurt n'est-il pas de la terre? Dieu le Christ s'est revêtu de chair en la vierge sainte, Marie, et il s'est fait homme. C'est Dieu qui m'a ressuscité d'entre les morts pendant que j'endurais ces souffrances pour son saint nom, ainsi que pour son Père plein de bonté et l'Esprit-Saint. C'est pour Adam, ô reine, que Dieu a fait le ciel, le soleil et la lune qui éclairent, les étoiles et tout le reste. » — La reine répondit: «Explique-moi ces paroles. » — Le saint Georges lui dit: « C'est idolâtrie qui règne aujourd'hui dans le monde; on rend un culte aux idoles et non à Dieu; on adore les oeuvres des mains humaines, les idoles sans âme, on injurie le Créateur de toutes choses. » — La reine lui dit: « Les démons ne sont donc pas dieux? » — Le saint Georges lui dit: « Oui, ce sont des démons. » — La reine lui dit: « De quelle manière a été créé le monde? » — Le saint Georges prit la parole, il lui dit: « Écoute-moi, ô reine Alexandra. Le prophète David dit: « O toi qui est assis sur les Chérubins, révèle-toi, montre ta puissance, viens nous sauver; » il dit encore: « Il est descendu comme la pluie sur une toison, » c'est-à dire en la bienheureuse vierge Marie. D'un autre côté le prophète Habacuc, s'écrie en disant: « Seigneur, j'ai entendu ta voix et j'ai été rempli de crainte; j'ai considéré tes oeuvres et j'ai été dans la stupéfaction. » Lorsque le prophète disait ces paroles, en vérité il savait que le Seigneur Jésus le Christ descendrait dans le monde; il craignit, il vit que Dieu s'était fait homme pour notre salut, pour nous sauver du diable, l'ennemi de toute vérité, qui a séduit ces quatre-vingts rois. » — La reine lui répondit: « Vraiment tu parles bien; tu as persuadé à mon coeur que le Christ est le Dieu de toutes choses. Je t'en supplie, prie pour moi afin que du même coup l'erreur des idoles et celle des démons soient enlevées de mon coeur. » — Le saint Georges lui répondit et lui dit: « Si tu crois en celui que l'on a crucifié, Jésus le Christ, est-ce que quelque souillure des démons ne s'est point approchée de toi? » Elle répondit: « Je crois, mon Seigneur; mais j'ai peur en présence du roi, car il est très méchant et dévore la chair comme les bêtes féroces. Garde ce secret, ne le dis à personne jusqu'à ce que j'aie ceint la couronne du martyre dans le royaume du Christ, mon roi. Laisse-moi maintenant me reposer et dormir jusqu'à l'aurore. »

Lorsque le matin fut venu, le roi ordonna au héraut de crier par toute la ville en disant: « Assemblez-vous tous pour voir ce grand chef des Galiléens qui doit adorer Apollon. » Le roi donna l'ordre de conduire le saint Georges au temple avec honneur, afin, dit-il, qu'un sacrifice fût offert par lui à Apollon. Le saint Georges prit la parole, il dit aux serviteurs qui étaient allés le chercher: « Allez vers le roi; quant à moi, ainsi que les prêtres et les stratéges du temple, nous nous rendrons devant Apollon pour l'adorer. » Le héraut continuait de crier encore davantage, pendant que les habitants de la ville, petits et grands, se rassemblaient pour voir ce spectacle. Lorsque la pauvre femme veuve, celle dont le saint avait guéri le fils qui avait recouvré la vue, entendit cette nouvelle, aussitôt elle se découvrit la tête, elle déchira ses vêtements, et se rendit à l'endroit où le saint se trouvait. Elle lui dit: « Toi qui ressuscites les morts, qui fais voir les aveugles de naissance, qui fais que des arbres desséchés et corrompus deviennent des arbres produisant des fruits et qu'ils poussent bellement; toi qui as fait que la colonne de ma maison a pris racine et est devenue un arbre élevé; toi qui as couvert la table de pain et de toutes les bonnes choses, qui as opéré une foule de prodiges qui ont couvert le diable de honte, tu vas maintenant te présenter devant Apollon pour l'adorer et faire rougir toute la race des chrétiens! » — Lorsque le saint Georges entendit ces paroles, il sourit à la femme et lui dit: « Descends maintenant ton petit garçon d'entre tes mains. » Aussitôt elle le descendit. Le saint Georges dit au petit garçon: « Je veux au nom de mon Seigneur Jésus le Christ que tu marches, que tu me serves en ceci. » Aussitôt le petit garçon entendit de ses oreilles et alla baiser les pieds du saint Georges. Le saint Georges lui dit: « Viens, va vers le temple d'Apollon, dis à sa statue: Georges, le serviteur du Christ, t'apelle. » Le petit garçon se rendit en toute hâte au temple; il dit à la statue: « Je te le dis à toi, aveugle, sourd, ignorant, viens vite, car le serviteur du Christ, le saint Georges, t'apelle. » L'esprit mauvais qui habitait dans la statue s'écria du dedans: « O Jésus le Nazaréen, tu attires tout le monde à toi, même ce petit garçon que tu as envoyé vers moi m'insulter. » Aussitôt la statue d'Apollon s'arracha de son piédestal et se rendit vers le saint Georges. Le saint Georges prit la parole, il lui dit: « C'est donc toi le dieu des nations? » — Le démon qui habitait dans la statue lui dit: « Sois patient envers moi et je t'apprendrai tout avant que tu ne l'apprennes. » — Le saint Georges lui dit: « Parle. » — Il commença de parler et de raconter toute chose en sa présence, disant: « Mon Seigneur, le saint de Dieu, ne sais-tu pas que dès le commencement Dieu a créé un paradis dans l'Éden qui était situé à l'Orient? Il y plaça l'homme créé par Dieu à sa ressemblance. Le Seigneur dit: « Que les anges aillent l'adorer! » Aussitôt Michel alla suivi de toute son armée d'anges, ils l'adorèrent; mais moi, je n'adorai pas l'homme créé par Dieu, je résistai à la parole de Dieu, disant: « O juge de vérité, moi j'existe avant lui, comment adorerais-je plus petit que moi? Les ailes des chérubins couverts d'yeux me donnent de l'ombrage et m'abritent. » Alors Dieu s'irrita contre moi, il me chassa de la gloire où je me trouvais, il me lança du ciel comme un aigle sur un rocher et je me trouvai dans les fers. Maintenant j'habite en cette statue pour séduire les enfants des hommes. Je vole, je me suspends au firmament du ciel, j'écoute les anges chanter le Seigneur. Lorsque j'entends prononcer la sentence de quelqu'un, c'est-à-dire lorsqu'il va mourir et sortir de ce monde, je me rends vers lui et je le tourmente jusqu'à ce qu'il ait blasphémé Dieu. » — Le saint Georges prit la parole, il lui dit: « Tu n'as pas dit la vérité, ô toi qui as une apparence d'or;19 mais on t'a chassé du ciel à cause de ton orgueil, lorsque tu te préparais un trône pour t'asseoir dessus et t'égaler au Très-Haut. Il te parla soudain, il te lança du ciel dans les profondeurs de la mer avec toute ton armée. »

Lorsque le démon entendit cela, il se tut; il ne put trouver aucune parole à dire. Aussitôt le saint Georges frappa la terre du pied et il dit à la statue: « Descends maintenant dans l'abîme, ô esprit impur, afin de rendre compte de toutes les âmes que tu as perdues. » Aussitôt il descendit dans l'abîme ainsi que la statue où habitait l'esprit pur. Le saint Georges frappa de nouveau la terre du pied et la terre redevint unie comme elle était auparavant. Après cela, le saint Georges détacha sa ceinture, il s'approcha de la statue d'Héraclès, il la traîna à terre, il la mit en pièces. Il dit au reste des idoles: « Allez-vous-en dans l'abîme, ô dieux des nations, car je suis venu vers vous avec colère et courroux. » Lorsque les prêtres, les stratéges du temple, les serviteurs qui prenaient soin des idoles, virent la perte qui était arrivée à leurs dieux, il se saisirent du saint Georges, ils lui lièrent les mains derrière le dos, ils le conduisirent au roi qu'ils informèrent de tout ce qui était arrivé aux dieux, surtout au grand dieu Apollon, disant qu'il avait été précipité dans l'abîme. Lorsque le roi apprit cela, il advint qu'il fut rempli d'une folle furie; il dit au saint Georges: « O toi, qui es digne que l'on te consume par le feu, ne m'avais-tu pas dit: « Je ferai un sacrifice aux dieux glorieux? » Au lieu d'adorer les dieux et de leur offrir de l'encens, voilà que tu as fait de pareilles oeuvres magiques! ne sais-tu pas que ton esprit20 est entre mes mains? » — Le saint Georges prit la parole et lui dit: « Va, amène-moi Apollon, je l'adorerai en ta présence. » — Tatien lui dit: « Selon ce que m'on raconté les prêtres, tu l'as précipité dans l'abîme, et maintenant tu veux que je l'amène ici pendant que je suis vivant! » — Le saint Georges dit au roi: « Apollon est ton grand dieu, comment n'a-t-il pu se protéger lui-même? au contraire, il est allé à la perdition avant tous les autres dieux qui étaient au nombre de soixante-dix. Et c'est lui qui, comme tu l'espères, te sauvera dans les jours mauvais! Lorsque le Seigneur mon Dieu viendra pour renouveler le ciel et la terre, que feras-tu, toi, ainsi que celui dans lequel tu as mis ta confiance? »

Alors le roi, dans une grande tristesse de coeur causée par la perte de son dieu Apollon, alla trouver la reine Alexandra et lui dit: « Cette race des chrétiens me fait souffrir, mais surtout Georges le Galiléen. » — La reine Alexandra prit la parole et dit au roi: « Ne t'ai-je pas dit souvent: Tiens-toi éloigné de cette race de chrétiens, car leur Dieu est le vrai Dieu et il humiliera ton orgueil? » — Le roi répondit et dit à la reine: « Malheur à moi, ô Alexandra, je crains que les sortilèges des chrétiens ne t'aient aussi atteinte! » Il la prit par les cheveux de sa tête, il l'a traîna jusqu'à ce qu'il l'eût amenée devant les soixante-dix-neuf rois qui étaient avec lui, et il se mit à leur apprendre tout ce qui était arrivé. Les rois donnèrent alors l'ordre de l'emmener, de la suspendre sur le chevalet, de la torturer; pour elle, elle ne disait rien, mais regardait le ciel. Lorsqu'elle eut regardé le visage du saint Georges, elle lui dit: « Prie pour moi, car je souffre de cruels tourments. » — Le saint Georges lui répondit et dit: « Souffre encore un peu, ô reine, et tu recevras la couronne de la main de Notre-Seigneur Jésus le Christ. » — Pour elle, elle lui dit: « Mon Seigneur Georges, que ferai-je puisque je n'ai pas reçu le baptême? » Le saint lui dit: « Va, tu recevras le baptême en versant ton sang généreux. » Comme on l'emmenait pour la tuer, elle s'écria et dit: « Mon Seigneur Jésus le Christ, voici que j'ai laissé la porte du palais ouverte, je ne l'ai point fermée; toi de même, mon Seigneur, ne me ferme pas la porte du Paradis de l'allégresse. » Lorsqu'elle eut achevé ces paroles, la reine Alexandra termina son martyre le quinzième jour de Pharmouti,21 à la troisième heure du jour, avec vaillance; elle reçut la couronne impérissable.

Après cela, les rois appelèrent le saint Georges, ils lui dirent: « Voici que tu nous as fait perdre aussi la reine Alexandra; maintenant nous allons nous occuper de toi. » L'un d'entre eux, le roi Magnence, prit la parole et dit: « Rendons sa sentence. » La chose leur plut à tous. Le roi s'assit, il écrivit la sentence en ces termes: « Georges, le grand chef des Galliléens, qui a désobéi aux décrets des rois, je le livre au tranchant du glaive. Sache donc, ô peuple, que nous sommes tous purs de son sang en ce jour! » Les soixante-dix-neuf autres rois qui étaient avec lui souscrivirent la lettre.22 Alors le saint Georges se mit en marche avec joie vers le lieu où il devait recevoir la couronne. Lorsqu'il y fut arrivé, il dit aux soldats qui l'avaient conduit: « Ayez un peu de patience à mon égard, ô mes frères, car voici sept ans que je suis tourmenté par ces quatre-vingts rois et je veux prier pour eux. » Alors le saint Georges leva les yeux au ciel, il pria ainsi. « Mon Seigneur Jésus le Christ, qui as fait descendre le feu du ciel en faveur du saint Elie et qui lui as fait dévorer les deux cinquanteniers et leurs cent soldats, que le feu du ciel descendre maintenant auprès de toi; qu'il brûle ces quatre-vingts rois et ceux qui les entourent. Qu'il n'en reste pas un seul, car c'est à toi qu'appartient la gloire jusqu'aux siècles de tous les siècles: Amen. » Comme le saint Georges priait encore, un feu descendit du ciel, dévora les quatre-vingts rois et toute leur multitude au nombre de cinquante mille. Derechef, le saint Georges dit aux soldats d'attendre encore un peu, et il pria en disant: « Mon Seigneur Jésus le Christ, j'ai vu se tenir ici une grande multitude qui voulait emporter mon corps; mais mon corps ne suffira pas au monde entier. Je t'en prie, accorde à mon corps que quiconque sera tourmenté par l'esprit impur et fera souvenir de ton serviteur Georges, mon nom soit en bonne chose. Mon Seigneur Dieu, que quiconque se trouvera rempli de crainte dans le lieu où l'on rend la justice et fera souvenir de mon nom, s'en aille en paix. Quiconque écrira mon martyre et les souffrances que j'ai endurées, écris son nom dans le livre de vie. Lorsque le ciel retiendra ses pluies loin de la terre et qu'on prononcera le nom du Dieu de Georges, je t'en prie, que ton secours leur arrive promptement.23 Dieu de vérité, pour le saint nom duquel j'ai enduré ces souffrances, souviens-toi de quiconque aura pitié d'un pauvre en mon nom, pardonne-leur les péchés qu'ils auront commis. » Comme le saint Georges disait ces paroles dans l'ardeur de son coeur, voici que le Seigneur Jésus le Christ lui apparut et lui dit: « Viens maintenant, monte au ciel te reposer dans l'habitation qui t'a été préparée dans le royaume de ton Père qui est dans les cieux. O mon élu Georges, je ferai tout ce que tu m'as demandé, et une foule d'autres choses encore. » — Le saint Georges dit aux bourreaux: « Venez maintenant, accomplissez l'ordre qui vous a été donné. » Il leur tendit son cou saint, on lui enleva sa tête sainte; il en sortit de l'eau et du lait.24 Le Christ Jésus prit son âme sainte, il l'embrassa, il l'emmena avec lui en haut des cieux, il en fit présent à son Père plein de bonté et au Saint-Esprit.

Aussitôt la terre trembla jusque dans ses fondements, il y eut des tonnerres et des éclairs terribles, épouvantables, de sorte que personne n'osa quitter ce lieu à cause de la grande terreur qu'on avait. Tous ceux qui furent martyrs, grâce au saint Georges, sont au nombre de huit mille six cent quatre-vingt-dix-neuf, plus la reine Alexandra. Le saint Georges acheva son martyre le vingt-troisième jour de Pharmouti, un jour de dimanche, à la neuvième heure du jour. Moi Syncratos, le serviteur du saint Georges, je restai avec mon maître jusqu'à l'achèvement de son combat selon les sentences des rois impies. Ainsi je l'ai écrit sans y rien ajouter, ni rien y retrancher, avec l'aide de mon Seigneur Jésus le Christ, à qui la gloire ainsi qu'à son Père plein de bonté et au Saint-Esprit, dans les siècles de tous les siècles. Amen.


Notes


1 Il y a ici une lacune dans le seul manuscrit (celui d'Oxford) qui contienne le commencement.

2 C'est le nom copte du mois que l'on prononce actuellement Barmoudah. Il s'agit du 18 avril.

3 Par cette expressoin tout à fait égyptienne il faut entendre seulement, comme je l'ai fait observer précédemment, le pays en question, c'est-à-dire ici la Perse.

4 Je ne sais qui est Ornos (?). Quant au Scamandre, il s'agit bien du fleuve: on trouvera plus loin une allusion au récit de l'Iliade où le Scamandre éteint l'encendie.

5 Par le dragon, l'auteur désigne aimablement le roi Tatien.

6 La mer désigné par Neptue, était censée enserrer et par conséquent solidifier la terre.

7 C'est-à-dire les saints qui vont être nommés.

8 C'est sans doute une allusion à l'incendie allumée par Phaéton, à moins que l'auteur ne veuille parler des moeurs infâmes prêtées à Apollon; mais je crois la première allusion plus vraisemblable.

9 Les auteurs coptes, pas plus que les auteurs orientaux en général et moins encore, n'ont jamais su ce que c'était qu'une description. Un objet ne les frappe jamais par son ensemble, mais par ses côtés saillants qu'ils décrivent à leur manière; de là, la grande difficulté de savoir quelquefois à quel objet se rapporte leur description.

10 Si le texte n'est pas fautif, cette phrase donnerait à entendre qu'il y a ici une allusion à la dette de sang.

11 Rien dans ce qui précède ne peut donner lieu de penser que Georges n'avait pas cru de tout son coeur: mais c'est là un de ces trait subtils si familiers aux Coptes qui se préoccupent peu de ce qui précède ou de ce qui suit. Georges a seulement eu peur.

12 C'est-à-dire le 12 mars à trois heures du soir.

13 Cette phrase est tout à fait obscure. Je n'en vois pas l'utilité; de plus, elle est en contradiction avec ce qui suit, à moins de comprendre que les rois seuls connaissaient la porte du tombeau.

14 L'auteur oublie que la scène de son roman se trouve en Perse et il parle comme si le récit se passait en Égypte. C'est une bonne preuve que l'oeuvre est égyptienne.

15 Le texte doit être corrompu, car ce qui suit est contradictoire.

16 Il y a ici corruption du texte dans un des mss. car il porte six ans, le même chiffre se trouvé répété plus loin et l'autre mss. donne deux cents ans.

17 Comme nous disons: avoit sur la conscience.

18 Il faut croire que chacun des rois parle en son nom personnel, puisque la première personne du singulier se trouve ici au lieu de la première personne du pluriel que l'on attend.

19 C'est-à-dire que la statue était en or ou dorée.

20 C'est-à-dire ta vie.

21 C'est-à-dire le 11 avril.

22 C'est-à-dire la sentence. Les Coptes désignaient tout écrit sous le nom générique de lettre.

23 C'est-à-dire à ceux qui invoqueront. L'idée plurielle se trouve dans le collectif indéfini quiconque.

24 Je ne sais pourquoi les Coptes font ainsi sortir du sang, de l'eau et du lait des corps dont on a enlevé la tête, mais la chose est générale chez eux et doit par conséquent provenir des idées qu'ils avaient sur la composition du corps humain.

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