POUGENS (Marie-Charles-Joseph), de l'institut de France (académie royale des inscriptions et belles-lettres), et des principales sociétés savantes de l'Europe, est né à Paris le 15 août 1755. On a parlé diversement de sa naissance ; mais nous imiterons sa circonspection, et d'autant plus volontiers, que la vie d'un homme de lettres doit se trouver entièrement dans ses écrits.1 Malheur à celui pour lequel il n'en serait pas ainsi, soit par un effet de sa volonté, soit à raison des événemens. Comme il était d'une constitution assez délicate, les personnes auxquelles il appartenait ne le mirent ni en pension, ni au collége. On le confia aux soins d'une femme très-bonne, très-zélée, nommée madame Baugé, fille d'un chevau-léger de Louis XIII, et qui s'y attacha comme à son propre fils. Depuis, il s'acquitta envers elle par les soins qu'il prit de sa vieillesse. Une dame très-spirituelle, de la famille des Arnauld, mariée à un parent de Mme de Pompadour, avait la grande main sur son éducation ; aussi lui donna-t-on d'habiles maîtres dans les principales langues de l'Europe. Ses premières compositions furent même en allemand. On assure qu'à peine sort de l'enfance, il écrivit un petit poëme intitulé : Das Morgenroth (l'Aurore), imité de Gesner. Dès l'âge de sept ans, on lui enseigna la musique ; il étudia aussi de très-bonne heure les arts du dessein, fut élève de Greuze, ensuite de M. Bachelier. Depuis, il se perfectionna dans le dessin et dans la musique ; durant son séjour à Rome, fut reçu de l'académie italienne de peinture, et voulut, quoique simple amateur, faire un morceau de réception ; ce dessin, assez capital, est intitulé : le Marchand d'esclaves. Lorsqu'il eut atteint l'âge de 20 ans, comme on le destinait à la carrière diplomatique, on songea à le faire voyager. Ce fut alors qu'il partit pour l'Italie, en mars 1776, sous l'autorisation spéciale du roi, et recommandé par un de nos princes à Mgr. le cardinal de Bernis, qui conçut pour lui la plus vive amitié, et à qui il voua bientôt lui-même l'attachement et le respect le plus tendre. Charles Pougens, qui avait reçu de la nature une âme aimante et sensible, se fit beaucoup d'amis à Rome, et parmi les personnes les plus distinguées. On l'accueillit avec bonté, même avec une sorte d'empressement, dans les familles les plus considérables de cette capitale du monde chrétien. Le célèbre P. Jacquier, le premier commentateur de Newton, et l'homme de son temps qui écrivait le mieux le latin, se plaisait à l'instruire. Ensuite, comme le jeune Charles Pougens annonçait dès-lors assez d'intelligence et de maturité, le feu vailli de la Brillane, ambassadeur de Malte, se reposait souvent sur lui des soins de son ambassade. Partagé entre l'étude de la diplomatie, et celle des belles-lettres, pour lesquelles il était passionné, il travaillait 15, même 16 heures par jour, et prenait souvent sur son sommeil. Ce fut à Rome, en mai 1777, qu'il commença son Trésor des origines et Dictionnaire grammatical raisonné de la langue française, sur un plan semblable à celui de Samuel Johnson, et même plus étendu. Depuis, il en a publié le specimen, imprimerie royale, 1819, vol. in-4º, d'environ 500 pages. Les recherches qu'il fit au Vatican sur l'origine des langues, sont immenses ; mais malheureusement il fut arrêté dans sa carrière. Le 25 novembre de l'année 1779, en retournant du palais de France, dans le petit casin de la rue du Cours, où il logeait, il se trouva très-mal : le lendemain la petite-vérole se déclara ; elle était accompagnée des symptômes les plus effrayans. Il fut plusieurs semaines entre la vie et la mort. Le venin se jeta sur ses yeux, déjà fatigués par le travail et par les veilles. On avait négligé de le faire inoculer, parce qu'on croyait qu'il avait eu la petite-vérole en nourrice ; il en portait même de légères marques. Quelques personnes ont prétendu qu'il avait été saisi de la contagion en allant visiter les catacombes. Cette année là, un grand nombre d'individus des deux sexes avaient péri victimes de cette affreuse maladie. Tout Rome s'intéressa au sort de Charles Pougens, et le combla des marques de plus vif intérêt. enfin, après sept mois de réclusion dans sa chambre, et faible encore, il céda aux instances du cardinal de Bernis, et à celles de son ami, l'ambassadeur de Malte. Comme ils n'avaient l'un et l'autre aucune confidence dans les oculistes de Rome, ils le déterminèrent à retourner en France. Ce fut alors que son ancien gouverneur, feu l'abbé Daniel Lamontagne, oncle de M. Pierre Lamontagne, bon littérateur, qui existe encore aujourd'hui, lui donna une grande marque d'attachement : il quitta secrètement Paris, et sans en rien dire à personne, il alla trouver son ancien élève à Rome, dans l'intention de lui consacrer ses soins durant la route, et il l'accompagna jusqu'à Lyon, où il le remit entre les mains d'un oculiste célèbre de cette ville, qui le flatta d'une guérison absolue, et promit de le rendre à ses premières fonctions. Charles Pougens avait laissé à Rome ses papiers, ses livres, comptant y revenir ; de là continuer ses voyages, et faire le tour de l'Europe : son attente fut trompée. Après plusieurs mois d'un traitement très-douloureux, les perceptions qui lui restaient encore lorsqu'il quitta l'Italie, s'éteignirent tout-à-coup, et il fut plongé dans la nuit la plus profonde. Il était alors âgé d'environ 24 ans. Il soutint son malheur en silence, sans se plaindre, te toutefois sans ostentation. Renonçant à tout projet de retour à Rome, il partit pour Paris, où il se livra avec plus d'ardeur que jamais à l'étude. Ayant éprouvé quelques peines assez vives, et qui tenaient à sa sensibilité, il sollicita une mission en Angleterre, où il avait déjà fait plusieurs voyages pour diverses recherches au British-Muséum, relatives à son travail sur l'origine des langues. Le ministère accepta la proposition qu'il fit de retourner à Londres, et d'y prendre tous les renseignemens nécessaires au traité de commerce qu'on méditait alors, et qui eut lieu en 1786. Il fit plusieurs mémoires qui existent encore dans les bureaux, et qui servirent de base à ce traité. (Voyez Lettre à la chambre du commerce de Normandie, etc., par feu Dupont de Nemours, p. 269.) Survint la révolution ; Charles Pougens, qui avait 10 mille livres de rentes viagères sur le grand-livre, et aussi en expectative un prieuré de 13 à 14 million francs de revenus, qu'il pouvait posséder comme chevalier de Malte, sans être obligé de porter l'habit ecclésiastique, perdit entièrement sa fortune ; et après avoir traduit de l'allemand les voyages de Forster sur les rives du Rhin, en Angleterre, etc., et d'autres voyages pour le libraire Buisson, se trouvant réduit à une détresse absolue, il entreprit le commerce de la librairie sans associé, sans nulle assistance, et n'ayant d'autre fonds qu'un assignat de 10 francs qui, ce jour-là, valait environ 35 sous ; mais il était dans ses principes de considérer comme une sottise, si ce n'est même comme une lâcheté, le découragement ou l'abandon de soi-même, et comme un péché, d'abandonner ses amis ; or, il en avait qui lui étaient très-chers. Bref, en peu d'années, toujours livré à ses propres forces, et toujours sans associé, il parvint, grâce à sa persévérance, à son activité, à élever une des premières maisons de commission de librairie de Paris, à se trouver à la tête d'une imprimerie passable, et à faire vivre, c'est-à-dire, à employer environ cinquante ou soixante pères de famille. Quoique très-circonspect en affaires, la nécessité de faire de longs crédits à l'étranger pensa lui devenir fatale. En cinq jours de temps, plusieurs banqueroutes consécutives lui enlevèrent 120 mille francs, numéraire métallique. Sa conscience ne lui reprochait rien, car il avait toujours vécu avec la plus stricte économie : toutefois, connaissant trop bien les hommes et le monde, pour ignorer que dans les affaires, malheureux et coupable sont presque toujours synonymes, son cœur fut froissé ; cependant il ne se laissa point abattre. Une grande dame étrangère, douée d'une âme très-élevée, et qu'il n'avait pas vue depuis plusieurs années, mais qui estimait son caractère, lui envoya 12 mille francs sur le banquier Hervaz ; et Napoléon, alors premier consul, à qui il écrivit une lettre courte, simple, noble, sans adulation, lui fit prêter, d'après le rapport de M. le duc de Gaëte, et sur la caisse des lots non réclamés de la loterie, une somme de 40 mille francs. Charles Pougens réalisa tout ce qu'il possédait, honora ses engagemens, ne suspendit pas un seul instant l'ordre de ses paiemens ; aussi son crédit resta-t-il intact. Ensuite il rendit 20 mille francs sur les 40 mille dont on lui avait fait l'avance, et l'empereur Napoléon le tint quitte du reste, à titre d'indemnité, lorsqu'au renouvellement des imprimeurs de Paris il ne fut point renommé, car il n'avait nullement sollicité de l'être. Vers le commencement de l'année 1805, il se rendit en Hollande, pour aller au-devant d'une Anglaise à laquelle il était attaché depuis long-temps, et à qui il a uni son sort, miss Sayer, nièce de feu mistress Boscowen : veuve de l'amiral de ce nom : cette dame, mère de madame la duchesse de Beaufort, passait pour la Sévigné de l'Angleterre, et possédait notre langue comme si elle était née à Paris : Mme de Pougens est son élève. Charles Pougens ayant entièrement renoncé aux affaires, s'est retiré depuis 1808 dans la vallée de Vauxbuin, près de Soissons, où il habite avec un de ses élèves, M. Théodore Lorin, et avec l'élite des amis qu'il a conservés. Agé aujourd'hui de 69 ans, Charles Pougens achève, dans la retraite, son Trésor des origines et Dictionnaire grammatical raisonné de la langue française, dont nous avons parlé plus haut, ouvrage difficile, surtout dans sa position, commencé il y a quarante-sept ans révolus, et qu'il a toujours continué à travers les détails de son commerce, et les orages de la révolution. Il vit très-retiré, voit peu de monde, et on dit que malgré l'extrême médiocrité de sa fortune, il fait encore un peu de bien dans sa vallée. En 1799, l'institut de France, section des langues anciennes, classe de la littérature et des arts, aujourd'hui académie royale des inscriptions et belles-lettres, le reçut au nombre de ses membres. Nous avons déjà dit qu'il s'était appliqué dès sa jeunesse à l'étude des langues anciennes, spécialement des anciennes langues du nord, et ce que nous croyons devoir ajouter, c'est qu'il a su s'affranchir de tout esprit de système. Durant son séjour en Italie, l'institut de Bologne, l'académie de Cortonne, d'autres encore, l'avaient admis dans leur sein. A son retour de Rome, en 1780, il fut reçu de l'académie de Lyon ; ensuite, d'après la communication de plusieurs articles de son Trésor des origines, etc., et surtout depuis la publication du specimen de cet ouvrage, les académies impériales et royales della Crusca, de Saint-Pétersbourg, de Munich, de Gottingue, des Pays-Bas, de Harlem, de Leyde, de Padoue, de Turin, de Madrid, langue; de Madrid, histoire ; de Lisbonne, etc., lui ouvrirent leurs portes. Le chapitre de l'ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, extraordinairement assemblé à Catane, sous la date du 24 novembre 1818, l'autorisa par un rescrit à porter la croix de Malte, quoique marié, faveur qui ne s'accorde aux chevaliers des langues de France, que pour des considérations majeures. Depuis, le roi d'Espagne lui a envoyé l'ordre de Charles III. Plusieurs souverains de l'Europe l'ont honoré de leur correspondance. En 1806, S.M.I. l'impératrice de Russie, douairière, le choisit pour son correspondant littéraire, et depuis quelques années, S.A.I. le grand-duc Constantin lui a accordé en cette qualité la même confidance. Il les sert avec zèle, et en conservant toujours son caractère de simplicité et de franchise philosophique. Cherchant à glisser à travers la vie, il a exclusivement consacré la sienne à l'amitié, à l'étude : il vit solitaire ; et sans haïr le monde, il se borne à ne point l'aimer. C'est ainsi que cherchant l'intérêt dans le calme, il a trouvé, sinon le bonheur, du moins des consolations. Maintenant, il ne nous reste plus qu'à parler de ses ouvrages. En voici les titres et l'ordre dans lequel ils ont été publiés. 1º Récréations de philosophie et de morale, Yverdun, 1784, 4 part. en 1 v. in-12 ; 2º Vocabulaire de nouveaux privatifs français, imités des langues latine, italienne, espagnole, portugaise, allemande et anglaise, Paris, 1794, 1 vol. in-8º ; 3º Voyage philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin, à Liége, dans la Flandre, le Brabant, etc., traduit de l'allemand de G. Forster, l'un des compagnons de Cook, avec notes du traducteur, Paris, an III (1795), 2 vol. in-8º ; 4º Voyages philosophique et pittoresque en Angleterre et en France, fait en 1790, traduit de l'allemand de G. Forster, avec notes critiques du traducteur sur la littérature et les arts, Paris, 1795, 1 vol. in-8º, fig. ; 5º Voyage à la Nouvelle-Galles du Sud et au port Jackson, traduit de l'anglais de John White, avec notes du traducteur, Paris, 1795, 1 vol. in-8º ; 6º Essai sur les Antiquités du Nord et les anciennes langues septentrionales, 2º édit., Paris, 1799, in-8º ; 7º Doutes et conjectures sur la déesse Nehalennia, révérée en Zélande, Paris, 1810, in-8º ; 8º Trésor des Origines et Dictionnaire grammatical raisonné de la langue française, specimen, Paris, imprimerie royale, 1819, 1 vol. in-4º d'environ 500 pag. ; 9º les Quatre Ages, seconde édition, suivie du portrait d'une jeune fille par un papillon, imprimerie de P. Didot, aîné, 1820, 1 vol in-18. Les mêmes, traduits trois fois en allemand, par M. Fréd. Gleich, M. Bernhart et M. Fréd. Hurter. Les mêmes, traduits en italien, Milan, Vincenzo Ferrario, 1821, 1 vol. in-18. Les mêmes, 3º édition, avec la traduction italienne en regard, 1 vol. in-18 (sous presse). Les mêmes, traduits en espagnol, par D. Angel*** (sous presse), 10º Lettres d'un Chartreux, imprimerie de P. Didot aîné, 1820, 1 vol. in-18, fig. ; les mêmes, traduites en allemand, par M> Franz Kuenlin, Aarau, janvier 1821. Idem, par M. Fréd. Gleich, 1820, voy. der Zuchauer, juin, nos 71, 72, 73, 74. Les mêmes, traduites en espagnol, par don Jos*** (sous presse), 11º Abel ou les trois Frères, Paris, 1820, 1 vol. in 12. Idem, traduit en allemand par M. Fr. Gleich. 12º Contes du vieil Ermite de la vallée de Vauxbuin, Paris, 1821, 3 v. in-12. Tom. I: les Si, les Mais, ou le soulier de Paul-Émile ; Bakhtiar ou les Méprises de l'amour-propre et du cœur ; Nicolas Flamel, ou le Longévité ; Les Erreurs de Florine, ou Conversation entre une raisonneuse et un homme simple ; Timon et Azoline, ou Entretien d'un misanthrope avec une danseuse de l'Opéra. Tom. II: le Docteur de Sorbonne et son bon Génie ; Alfred de Balomir, ou le Métaphysicien corrigé ; Mémoires secrets d'un prêtre de Cérès ; le Frère et la Sœur, anecdote du temps de la minorité de Louis XV. Tom. III: Amours, Jeunesse et Vanité, ou le Plaisir n'est que la pis-aller du bonheur ; Eugène et d'Éricourt ou Illusions sans plaisir ; le visir Alhakim et son Moineau, conte oriental ; Verseuil et André, ou Ce sont les sots qui disent les sottises, et ce sont les gens d'esprit qui les font, histoire véritable ; le Souvenir de mademoiselle Henriette d'Angleterre, ou Mon 31 Décembre. La plupart de ces contes ont été traduit en allemand par M. Fréd. Gleich, et publiés dans divers journaux, le Freymuthige, le Zuschauer, le Gellerschafter. 13º Lettres de Sosthène à Sophie, imprimerie de P. Didot, aîné, 1821, 1 vol. in-18 ; les mêmes, traduites en italien par Mme Cecilia Lesuna Folliero (sous presse) ; 14º Archéologie française, ou Vocabulaire de mots anciens tombés en desuétude, propres à être restitués au langage moderne, et qui pour la plupart se trouvent dans les langues italienne, espagnole, anglaise, etc., accompagné d'exemples tirés des écrivains français des XIIe, XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècles, manuscrits ou imprimés, ainsi que des principaux classiques étrangers, imprimerie de MM. Firmin Didot, père et fils, 2 vol. in-8º (le tome 2 et dernier est sou presse) ; 15º Jocko, épisode détaché des Lettres inédites sur l'instinct des animaux, 1824, 1 vol. in-12 ; idem, 2º édit., 1 vol. in-18 ; 16º La Religieuse de Nîmes, 2º édit., 1 vol. in-18 (sous presse). 17º Lettres sur divers sujets de morale, dans lesquelles on trouve plusieurs anecdotes inédites sur voltaire, J.J. Rousseau, d'Alembert, Pehmeja, suivies d'une Dissertation en forme de lettres sur la vie et les ouvrages de Galilée, de divers dialogues, et d'un recueil de maximes et pensées, 2 vol. in-12 (sous presse).


Notes

1. D'après Madame de Créquy (ou en tout cas d'après l'auteur de ses Souvenirs), "On avait dû croire et l'on avait toujours cru que le Chevalier de Pougens était fils naturel du Prince de Conty, Louis-François Ier, mais ensuite on aurait voulu se persuader et nous faire croire qu'il était fils de la Duchesse d'Orléans, sœur de ce prince, et c'était dans un intérêt pécuniaire et par un esprit de calcul intolérable, à mon avis. Toujours est-il que c'était M. le Prince de Conty et Mme de Guimont qui se croyaient son père et sa mère. Le nom qu'il porte est celui d'un fief mouvant de la Duché de Mercœur en Auvergne ; c'était la maison de Bourbon-Conty qui le pensionnait, qui l'avait fait élever et qui l'avait pourvu d'un bénéfice ecclésiastique à la nomination de ses princes ; enfin je puis affirmer que M. le Prince de Conty, Duc de Mercœur, avait fait signifier judiciairement au Bailly de Froulay que Marie-Charles-Joseph, Sieur de Pougens, était son fils naturel, et qu'il demandait pour lui le titre et la croix de Chevalier de Malte, en vertu de ses droit et privilége de naissance. Le Grand-Maître ne manqua pas d'envoyer la croix de son ordre au jeune Pougens, sur le rapport de mon oncle, attendu que les récognitions d'un prince de maison souveraine équivalent toujours à des actes de légitimation ; et c'est d'où provient cette maxime de notre ancien droit coutumier, Nul bâtard ne saurait être débouté de noblesse, s'il est reconnu pour issu d'un prince. « Les Rois, dit un autre adage, ne sauraient faire en bâtardise que des Seigneurs et nobles Dames ; les Princes de race souveraine ne font que des Gentilshommes et simples Damoiselles ; mais les bâtards de tous les autres nobles ne sauraient être que des roturiers ou des bourgeoises, à moins que leurs parens n'obtiennent pour eux des lettres de légitimation et d'anoblissement » (ce que les souverains ne fusaient guère aux grands seigneurs). Ce privilége royal et principal, applicable aux bâtardises, est un bénéfice d'exception qui ne m'a jamais choquée ni surprise ; et comme ce sont les Rois qui font les lois civiles, je trouve assez naturel que le souverains législateurs ne fassent pas des lois restrictives au détriment de leur postérité. Je n'ai rien su de Mme de Guimont, si ce n'est qu'elle ne sortait jamais du château de l'Isle-Adam, et que la douairière de Conty l'avait en exécration. On disait que c'était la veuve d'un Écuyer de cette Princesse." (Tom. VI, Chap. IV).


Biographie nouvelle des contemporains, ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité, etc., par MM. A.V. Arnault, A. Jay, E. Louy, J. Norvins, et autres hommes de lettres, magistrats et militaires. Paris: à la Librairie historique, Hôtel d'Aligre, rue Saint-Honoré, nº 123. 1824. pp. 49-55.

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