EXCURSUS II


"Excerptæ ex Emendationibus adhuc ineditis Clariss. nostratis Gerardi notæ", in pp. 472-476

De Oleæ Cultura.

Notes on Pliny, Book XV (Latin), XV, Holland's English, Chapters I to III.

§ I. Hesiodus quoque, in primis culturam agrorum docendam arbitratus vitam, negavit oleae satorem fructum ex ea percepisse quemquam: tam tarda tunc res erat. At nunc etiam in plantariis ferunt, translatarumque altero anno decerpuntur bacae. [Pliny XV.i.3, Latin; Chapter I, in Holland's English.]

« L'olivier ne se sème point, parce qu'il lève difficilement de graine, que son accroissement est fort lent, et que ce procédé soumettrait le plan qui leverait à une greffe, parce qu'une olive franche ne produit qu'un sauvageon ; au lieu qu'en plantant des rejetons ou des caïeux qu'on élève quelque temps dans des pépinères, et qu'on transplante ensuite, ceux-ci peuvent donner du fruit au bout de deux ans.

» Les Romains ne semaient pas certainement des olives ; ils n'avaient pas recours à un tel procédé pour se procurer des plants, qu'ils pouvaient obtenir d'une façon bien plus avantageuse. Il n'est pas moins vrai aussi que Pline ait entendu qu'on les sema, puisqu'il dit ailleurs : Si quis quærat quod tempus oleæ serendæ sit, agro sicco per sementem, Lib. XVII, cap. 30 [XVII.xxix.126].

» S'il avait été question de semer la graine (quod falso credidisse quoque videtur nostras Poinsinet de Sivry, qui locum hunc sic interpretatur : présentement on le sème dans les pépinières), Pline se serait exprimé autrement ; au lieu d'oleæ, il aurait dit olivæ: il aurait désigné le fruit, non le plan. Vainement objecterait-on qu'on devait conserver l'olivier dans les pépinières assez de temps pour qu'il fût en état de produire la seconde année de sa transplantation ; on s'écarterait alors du sens de Pline, suivant lequel l'olivier n'est plus aussi tardif qu'autrefois : car ce serait plutôt en le semant, qu'en voulant le multiplier par d'autres procédés, que se vérrifierait le mot d'Hésiode, « qu'on ne cueille jamais d'olive sur un olivier qu'on a planté. »


§ II. Verumtamen et tondentur (oleæ), quum et vites ; atque etiam interradi gaudent. [Pliny XV.ii.4, Latin; Chapter I, in Holland's English.]

« Faute de comprendre le sens du mot interradere, on fait dire qa Pline que l'olivier doit 8etre taillqq et quelquefois qqlaguqq ; mais le mot qqlaguer, qui est une dqqpendance de celui de tailler, doit 8etre sous-entendu et cmopris dans celui de tondentur. Ces deux opqqrations qu'on fait subir qa l'arbre ne diffqerent pas assez pour qu'on doive supposer que les Latins se soient servi du verbe interradere, afin d'exprimer une opqqration dont la signification e8ut qtq de donner du jour qa un arbre, en coupant ses branches intqqrieures ou superflues. L'expresssion littqqrale d'interradere ne peut se rendre que par celle de racler, de ratisser la partie du cep, qa l'endroit ouuu elle commence qa 8etre qa dqqcouvert. Elle rqqpond qa une pratique usitqqe qa l'qqgard de l'olivier. Cet arbre pousse du haut de sa souche de petites racines filamenteuses qui paraissent qa dqqcouvert quand il est dqqchaussqq, et qui sont recouvertes de terre quand on a l'attention d ele chausser. On croit que ce chevelu se dessqeche : pour prqqvenir cet inconvqqnient, on en dqqgage la souche, on la ratisse, interraditur. C'est ce qui fait dire ensuite qa Pline que les oliviers prospqerent davantage quand on les dqqbarrasse de ce chevelu.

» Si ces filaments n'avaient qtq qu'extqqireurs, les Latins ne se seraient sans doute servi que du verbe radere. En employant celui d'interradere, ils ont voulu dire qu'il fallait ratisser intqqrieurement. Que peut-on donc ratisser de la sorte, si ce n'est les fibres chevelues de la partie supqqrieure, qui sont le plus souvent intqqrieures, surtout quand l'olivier reçoit les labours convenables ? »

Non prætereundam judicavimus novam prorsus et ad hoc tempus ineditam Gerardi opinionem, quanquam in interpretatione a vulgari sensu discedat, et ipse Columella quem laudat ad hunc locum Harduinus, refragari videatur. Peritissimi viri his in rebus auctoritatem negligere nobis religio fuit ; litem dirimendam arboris colendæ artem edoctus quivis suscipiat.


§ III. Olivæ constant nucleo, oleo, carne, amurca. Sanies est hæc ejus amara ; fit ex aquis, ideo siccitatibus minima, riguis copiosa. [Pliny XV.iii.9, Latin; Chapter III, in Holland's English.]

« Les mots amurca et sanies, qui expriment deux produits différents, sont également rendus dans toutes les traductions par celui de lie : il s'en faut cependant de beaucoup que ces deux termes expriment la même chose, ni que Pline ait prétendu que la lie dût provenir d'une surabondance aqueuse, ce qui est vrai à l'égard du sanies, et faux quant à l'amurca.

» Le sanies de Pline est cette eau noirâtre que les olives déposent lorsqu'on les entasse, et surtout lorsqu'on les foule, afin de pouvoir les conserver et d'en prévenir l'échauffement. A la faveur de cette compression, les olives se déchargent d'une eau teinte d'une couleur noirâtre, et d'un extrait gommeux amer et acerbe qu'elle dissout : elle sort ainsi sans aucun mélange de partie huileuse : ce qui n'est pas surprenant, vu l'immiscibilité de ces deux substances. Quand les olives sont charnues, et qu'elles ont essuyé des pluies fréquentes, cette eau noirâtre est plus abondante, parce qu'elles sont d'autant plus imbibées. A ce caractère on doit reconnaître les sanies amara, son origine, son produit plus ou moins considérable : fit ex aquis ; ideo siccitatibus minima, riguis copiosa.

» Ce sanies se rapporte à l'olive ; mais dans le sens de Pline il n'est pas partie constituante de ce fruit comme l'amurca. Pline se sert ici au figuré d'un terme reçu en médecine. La sanie est une humeur dégénérée, un écoulement purulent qui n'entre point naturellement dans la composition de nos humeurs. En comparant le goût amer et acerbe de cette eau noirâtre qui découle des olives, avec la saveur de l'huile et les autres parties constituantes de l'olive, Pline n'a du regarder le sanies que comme un produit vicieux opposé à l'huile, et comme une matière étrangère plus ou moins abondante, selon que les olives en étaient plus ou moins chargées.

» L'eau bouillante qu'on répand sur les olives écrasées entraîne avec les parties huileuses de l'olive une seconde sanie qui diffère de la première, en ce que cette seconde se trouve mêlée avec une eau étrangère, dont la chaleur a détaché tout ce qui n'a pas résisté à son action ; mais ce n'est pas de cette sanie qu'il est question dans Pline : ce qui est prouvé par son observation, qu'elle est plus abondante quand la saison est pluvieuse que par un temps sec. La différence des saisons n'en mettrait aucune dans le produit de la seconde sanie, qu'on n'obtient que par l'eau bouillante et par artifice.

» Si ce que nous venons de dire ne suffisait pour lever tous les doutes, nous pourrions ajouter que l'eau contenue dans les olives n'en saurait augmenter la lie. « Sanies fit ex aquis, » dit Pline. En voulant que la lie provienne d'une surabondance aqueuse, on ne songe pas qu'une plus grande quantité d'eau, qui est immiscible avec l'huile, n'est pas capable d'en augmenter la partie limoneuse. »

Hactenus Gerardi notas transcripsimus : nunc filium Doct. patre non indignum de amurca fusius disserent audiamus :

« Pour compléter l'explication de ce passage, on aurait dû donner la version du mot amurca, sur lequel le commentateur ne fait pas connaître son opinion. Pline signale par cette expression le sédiment que l'huile dépose dans les vases qui la renferment, lorsqu'elle y a séjourné durant quelque temps. Ce sédiment est formé par des matières crasses, hétérogènes, qui enveloppent et entraînent avec elles des parties huileuses que les procédés de la fabrication n'ont pas pu réussir à séparer complètement. Cest matières spécifiquement plus pesantes que l'huile, descendent au fond des vases ; et celle-ci étant débarrassée prend une couleur et devient claire et limpide. On a soin de transvaser l'huile dans les premiers jours du mois de juin ; on réunit ensuite tous les dépôts qu'elle a laissés, et soit en les exposant aux ardeurrs d'un soleil d'été, soit par l'action du feu, on dégage toute la partie huileuse de ce sédiment, qui s'en sépare par l'effet de sa légèreté spécifique. Il ne reste plus après cette opération qu'un caput mortuum, composé de terres, d'ordures, et des parties ligneuses, qui par leur petit volume s'échappent des cabas de spart ou de jonc dans lesquels on presse la pâte.

» Il est à remarquer à l'appui du sens que le commentateur (M. Gérard père) attribue au mot sanies, que les années pluvieuses n'augmentent en aucune manière le volume de l'amurca, tandis qu'elles accroissent considérablement celui de l'eau noirâtre qui se dégage des olives par l'effet de la légère pression qu'on exerce sur ce fruit avant d'en extraire l'huile. Le sédiment déposé par ce liquide au fond des vases qui le renferment, est plus abondant lorsque les olives ont été attaquées par les vers. Ces chenilles, après s'être saturées de la chair, triturent et pulvérisent une partie du noyau, et les corps de ces insectes avec les parcelles les plus déliées du noyau contribuent à augmenter le volume de l'amurca.

» Les olives ne rendent le sanies que par leur entassement et par l'effet de la pression légère qu'on exerce sur elles en les foulant. Sans cette opération, l'eau noirâtre dont on les dégage resterait mêlée et confondue avec l'eau bouillante dont on échauffe la pâte ; et comme cette méthode n'est pas généralement répandue, il s'ensuit que dans les lieux où on ne la met pas en pratique, on n'obtient pas de sanies. C'est un fait propre à exciter notre curiosité, d'apprendre par quelques mots de Pline que de son temps on pratiquait une opération préparatoire sur les olives avant d'en extraire l'huile, et que l'usage s'en est maintenu dans certaines localités.

» Les dictionnaires, toujours habiles à se copier, ont répété les uns des autres que Virgile s'était servi du mot amurca. Cependant le père La Rue, qui a si péniblement compulsé tous ceux que ce poète a employés dans ses ouvrages, n'a pas fait mention de celui-ci. S'il en a fait usage, ce doit être dans les Géorgiques : on peut facilement en faire la recherche dans l'auteur lui-même.1

» Il serait curieux de savoir quelle est la distinction que les traducteurs italiens et espagnols ont établie entre les mots amurca et sanies. Je parle seulement de ceux de ces deux nations, parce que l'olivier est cultivé dans ces contrées, et qu'on y connaît la fabrication des huiles. On voit part tout ce qui a été dit précédemment, que sans cette connaissance il n'est pas possible de saisir la pensée de l'auteur original. »


NOTES

1 Bis hoc vocabulum occurrit in Georgicis, et cum Plinio consentit Virgilius. Ille enim, dicit amurca semina frugum perfundi, et morbis quadrupedum illa inedendum esse. Hic autem lib. I, 193 : « Semina vidi equidem multos medicare serentes, Et nitro prius et nigra perfundere amurca. » Et lib. III, de ovium morbis, v. 448 : « Aut tonsum tristi contingunt corpus amurca. »