Chapitre XXXIIISir Thomas Browne PageMademoiselle PageDeuxième partie

CHAPITRE XXXIV

(décembre 1658 – mai 1659)

Un soir, chez la reine, Monsieur me dit: « Je m'en vais souper chez vous, et si vous voulez, nous nous masquerons. Les filles de la reine vont souper chez la maréchale de Villeroy; il y aura bal et nous irons. » J'en fus bien aise. Nous allâmes à mon logis. Il vint deux femmes de la ville: l'une veuve d'un officier du parlement de Dombes, nommée madame de Feteau; l'autre, madame Mignot, dont le mari est lieutenant général de Villefranche en Beaujolois. Elles sont bien faites et spirituelles pour des femmes de province. Monsieur, en les voyant, s'écria: « Ah! ma cousine, chassez ces femmes, je ne veux point qu'elles nous voient souper. » Je lui dis que je le priois de trouver bon qu'elles demeurassent; qu'elles étoient si aises d'avoir cet honneur. Il y consentit avec bien de la peine.

Comme nous eûmes ajustés nos habits qui n'étoient pas magnifiques (car ce n'étoit que des robes de chambre ou des toilettes en écharpe, comme des bohémiennes), on se mit en peine comme on iroit, ne voulant pas aller dans nos carrosses. Je m'avisai qu'il falloit aller dans celui de ces femmes, et qu'elles entreroient devant nous; qu'ainsi on nous prendroit pour des dames de la ville. Monsieur trouva cela fort à propos et fut trop heureux d'avoir bien voulu qu'elles demeurassent à nous voir souper. Rien ne pouvoit nous faire connoître que le peu de magnificence de notre mascarade; car d'autres que nous n'auroient osé aller si mal vêtus. Il n'y avoit que Monsieur, madame de Thianges, mademoiselle de Vandy et moi.

Nous allâmes donc chez madame la maréchal de Villeroy. Les filles de la reine vinrent à nous. Ces deux femmes, qui marchèrent devant nous, dépaysèrent d'abord la compagnie; car on crut que c'étoient des gens de Lyon. Mais madame la maréchale savoit que ces femmes venoient de chez moi; joint à cela, le peu d'ajustement qui étoit en nos habits, fit qu'elle nous reconnut et nous vint embrasser. Nous ne parlâmes ni ne nous démasquâmes point. Le comte de Guiche y étoit, qui fit semblant de ne nous pas connoître; ainsi il tirailla fort Monsieur, et en dansant lui donna des coups de pied au cul. Cette familiarité me parut assez grande. Je n'en dis mot, parce que je savois bien que cela n'auroit pas plu à Monsieur, qui trouvoit tout bon de lui. Manicamp, son bon ami, y étoit aussi, qui fit mille plaisanteries et familiarités que j'eusse trouvées fort mauvaises, si j'avois été Monsieur; mais tout ce que faisoient ces gens-là lui plaisoit. Pour moi qui n'étois pas de même, je m'allai asseoir auprès de madame la maréchale de Villeroy, avec laquelle je dis mon avis de tout ce que je voyois.

Il y avoit un autre bal dans la ville. Le fils de M. le Tellier1 donnoit le bal à son hôtesse. Je proposai d'y aller; mais ces messieurs en détournèrent Monsieur, de sorte que je fus là bien plus longtemps que je ne voulois. Enfin Monsieur se résolut de sortir. Nous allâmes à ce bal, où on nous reconnut d'abord; on nous fit plus de révérences que nous n'en eussions voulu; ce qui nous déplut. Nous n'y fûmes aussi qu'un moment; la foule y étoit si grande que l'on n'y pouvoit danser.

Le lendemain comme je fus chez la reine, elle me dit: « Vous fûtes bien heureuse hier de n'avoir point de coups de pied au cul; j'ai ouï dire que l'on en donna à des gens qui étoient avec vous. » Je voulus dire que je ne l'avois pas vu, étant bien aise de ne rendre de mauvais offices à personne. La reine me dit: « Vous êtes trop prudente, Mademoiselle; c'est une chose publique. » Il est vrai que tout ce qu'il y avoit de personnes au bal en fut si scandalisé, et que cela fit [si] grand bruit dans la ville, que la reine mère, qui n'aimoit pas le comte de Guiche, fut bien aise d'avoir occasion de faire connoître à Monsieur que c'étoit un homme qui lui manquoit de respect; que l'on se moquoit de lui de le souffrir. Mais tout cela ne faisoit autre effet sur l'esprit de Monsieur que de l'affliger de voir que la reine mère n'aimoit pas le comte de Guiche. Celui-ci s'en alla à Paris, d'où l'on me manda qu'il faisoit le galant de madame d'Olonne; qu'il alloit tous les deux jours au sermon aux Hospitalières de la place Royale, où le père Enève,2 jésuite, prêchoit l'avent (c'étoit là le sermon à la mode et où le beau monde alloit); que Marsillac étoit aussi un des adorateurs de madame d'Olonne; que l'on ne savoit comment l'abbé Fouquet prendroit cela, et s'ils continueroient à son retour.

Comme la souveraineté de Dombes n'est qu'à cinq lieues de Lyon, et que mes sujets désiroient de me voir, j'avois aussi envie d'aller en ce pays. Je demandai à M. le cardinal si j'aurois le temps d'y pouvoir aller; il me dit qu'oui, pourvu que je n'y fisse pas un fort long séjour; de sorte qu'après Noël j'y allai. Il sembloit que le temps eût été fait exprès pour me rendre mon voyage agréable. Il faisoit une belle gelée, un soleil de printemps; je montai à cheval en chemin. Car outre la beauté du temps qui m'y convioit, la rivière étoit débordée, et comme je n'aime pas l'eau et qu'il falloit que mon carrosse fît un assez long chemin dedans, je montai donc à cheval, pour aller par la hauteur. Je passai à Vimy, qui est à M. l'archevêque de Lyon, qui est une assez jolie maison [avec] un fort beau jardin en terrasse qui a vue sur la rivière, des fontaines, des grottes, enfin une maison en réputation dans le pays; je la trouvai fort jolie. Un gentilhomme à lui3 me demanda si je voulois avoir le plaisir de la chasse; que ses chiens étoient prêts à cela. J'en fus fort aise; la meute est belle et bonne; car M. l'archevêque de Lyon aime fort la chasse. En sortant de Vimy on lança un lièvre que l'on trouva à point nommé sur mon chemin, et la chasse ne s'en détourna pas; ainsi j'en eus le plaisir sans allonger mon voyage.

Il est vrai que le pays de Dombes, du côté où j'arrivai, est le plus beau du monde; on va toujours sur le bord de la Saône, et de l'autre côté ce sont de grandes campagnes, dont le blé étoit déjà assez grand pour les rendre vertes comme si c'étoient des prés, et cela est borné de montagnes, lesquelles sont quasi pleines de petites maisons de bourgeois de Lyon, non pas si jolies que celles des environs de Paris, mais fort jolies pour Dombes. Dans la souveraineté, il y a plusieurs châteaux fort beaux et bien bâtis; mais ils ne sont pas de ce côté-là.

J'avois prié Monsieur de me prêter de ses gardes pour ce voyage. Il m'en avoit donné quatorze, un trompette et un exempte. Comme je fus proche de Trévoux je montai en carrosse. Je trouvai la milice du pays sous les armes, en assez bon ordre et en assez grand nombre, pour le peu de temps qu'ils avoient eu: car je n'avois dit que le jour de devant que je partisse que je voulois faire ce voyage. Ainsi ils ne surent s'assembler que des lieux circonvoisins de Trévoux, y en ayant de très-éloignés. Je trouvai à la porte de la ville le lieutenant général avec les consuls,4 qui me harangua à genoux et m'apporta les clefs de la ville. Je fus droit à l'église, qui est assez belle, où je reçus encore une harangue par le doyen; puis on chanta le Te Deum; on tira le canon; toute la milice fit force salves. Puis je fus à mon logis, qui n'est qu'une petite maison bourgeoise que j'ai achetée; mais qui est fort jolie: la cour est en terrasse sur la rivière; il y a une fontaine au milieu; la vue en est admirable. Le Beaujolois est de l'autre côté de la rivière; ainsi, quelque bonne que l'on ait la vue, on ne sauroit regarder que mes terres. Le paysage en est le plus agréable du monde: il n'y a point de peintre qui en puisse faire un plus beau. Ce logement est composé d'une salle, d'une chambre à alcôve et d'un cabinet et des garde-robes derrière, et au bout de la salle encore deux chambres; tout cela a la même vue que j'ai dite. Ce qui est cause que je n'ai point de maison à Trévoux, c'est que messieurs de Montpensier n'y ont jamais demeuré; ainsi le vieux château qui y étoit autrefois est entièrement dépéri, et il n'en reste plus qu'une vieille tour.

J'avois mené madame de Courtenay avec moi. Ma cour fut grosse des officiers du parlement et de quelque noblesse, qui n'est pas en grand nombre, parce que les plus belles terres du pays sont possédées par les officiers du parlement et du présidial de Lyon. Parmi cette noblesse, le marquis Du Breuil est le plus considérable: il est de la maison de Damas; a beaucoup de bien tant en Bourgogne et Bresse qu'en Dombes, dont il est maintenant gouverneur, l'ayant acheté de Saujon. Je vis peu de dames par la même raison, et celles qui y sont étoient malades. Le peuple y est fort beau; les femmes sont quasi toutes jolies et ont les plus belles dents du monde. Les paysannes y sont habillées à la bressanne; les paysans y sont bien vêtus. On n'y voit point de misérables; aussi n'ont-ils point payé de tailles jusqu'à cette heure, et peut-être leur seroit-il meilleur qu'ils en payassent. Car ils sont fainéants, ne s'adonnent à aucun travail ni commerce; ce qui leur seroit aisé, étant proches de la rivière et de bonnes villes. Ils mangent quatre fois le jour de la viande. Au moins en usoient-ils ainsi avant que d'avoir eu les gens de guerre; mais comme ils en sont fort remis, je crois qu'ils ont repris leurs bonnes coutumes.5

Il y a un certain chevalier d'honneur au parlement de Dombes: c'est une charge assez extraordinaire; mais les gens de feu6 mon père étoient habiles à en créer de toutes façons pour avoir de l'argent. Ils prirent exemple sur le parlement de Dijon. Ce chevalier est un homme assez comique qui me divertissoit, ayant des démêlés admirables avec sa compagnie. La veille que je partis pour Dombes, je lui dis que l'on me vouloit vendre une île dont je voulois lui donner le gouvernement. Il me remercia fort et m'en demanda le nom. Je lui dis que je ne le savois pas et que l'on me le devoit envoyer au premier ordinaire, et la description de l'île. Le soir que j'arrivai à Trévoux, je 'en allai dans mon cabinet, et je commençai cette relation.7

Le lendemain je fus à la messe à l'église; puis je dînai en public pour me montrer à mes sujets. Je reçus force harangues de toutes les villes et les présents de celle de Trévoux, qui étoient des citrons doux, au lieu de confitures (cela est moins commun et plus agréable), et du vin muscat. J'ordonnai aux consuls de faire des harangues et des présents a madame de Courtenay et à mademoiselle de Vandy. Après mon dîner, le parlement vint me haranguer en robes rouges; car je n'avois pas voulu qu'ils y vinssent à Lyon de cette sorte, de peur qu'il ne s'y trouvât quelqu'un de la cour chez moi, et que l'on ne me fît la guerre que j'étois bien aise de me voir haranguée comme la reine et que l'on mit un genou en terre devant moi. Ils le mirent à Trévoux, comme font tous les parlements à leurs souverains, et je leur dis de se lever. Le premier président me parla fort bien. Je les remerciai de la bonne volonté qu'ils me témoignoient; je les assurai de la mienne; puis je leur recommandai de me bien servir, et qu'ils ne me pouvoient donner une marque de leur affection qui me fût plus agréable que de rendre bonne justice à mes sujets; que je me sentois obligée par ma conscience, de [le] leur recommander, et que si je souffrois qu'ils manquassent à leur devoir, je serois responsable devant Dieu des injustices qu'ils feroient. Ainsi je les haranguai quasi sur l'obligation des souverains de faire rendre bonne justice en leurs États. Je dis de mon mieux et je crois que je dis bien.

Comme il n'y a point de comédie si sérieuse après laquelle on ne joue des farces bouffonnes, mon sérieux fini, je jetai un regard riant à Messimieux, ce chevalier [d'honneur], qui étoit avec le parlement, et je lui dis: « Vous me devriez une harangue tout seul tant; je sais que vous m'aimez! » A quoi il répondit agréablement et me fit rire. Comme c'étoit un dimanche et que l'on doit le bon exemple à ses sujets, j'allai à vêpres, et à mon retour je trouvai les lettres de Paris. Messimieux eut grand soin de me venir demander des nouvelles de l'île; mais comme je n'avois pas eu le loisir de l'achever,8 je lui répondis que la moitié de mes lettres étoit demeurée à Lyon; mais que je l'aurois assurément le lendemain. Je l'achevai le soir, et le lundi tout le jour on la copia; car il faut plus de temps à transcrire ce que je fais que je ne mets à l'écrire.9

Le lundi je fus à la messe aux Pères Observantins,10 qui ont un couvent à Trévoux. Ensuite je fus voir la chapelle des Pénitents. Ce sont des confréries qui sont partout en ce pays-là. Ceux de Trévoux sont blancs. L'après-dînée je fus aux Ursulines, et le soir on fit la lecture au chevalier [de la description] de l'île, dont on l'appela depuis M. le gouverneur. Cette relation parut assez jolie à ceux qui l'entendirent. Le feu prit dans la cheminée, sous l'âtre, et si on n'y eût pris garde il en fût arrivé accident. Mais par bonheur, je m'aperçus, en me levant,11 que je sentois le brûlé. Il y avoit déjà une solive de dessous quasi consumée; à quoi on remédia. Sur les chemins, le feu avoit déjà pris à mon logis à Beaune. Je m'en retournai le lendemain. Je partis de Trévoux à cheval. Le même beau temps qui m'avoit amenée et qui avoit continué pendant mon séjour me ramena: c'est une chose assez extraordinaire que les derniers jours de l'année on se promène jusqu'à six heures du soir au clair de la lune. En arrivant à Lyon, je changeai d'habit et je fus chez la reine, où on me reçut le mieux du monde.

J'oubliois à dire, ce que l'on croira aisément, qu'en Dombes on n'y prioit Dieu que pour moi et point pour le roi; mais avant de partir le matin, après ma messe, je fis chanter l'exaudiat et dire l'oraison pour lui. Je fis sortir force prisonniers; je donnai des grâces; et ceux qui avoient des crimes irrémissibles, à qui je n'en pouvois donner, et qui s'étoient venus mettre en prison pour en avoir à ma venue, on les fit sauver; car ils s'étoient venu mettre en prison eux-mêmes; c'est une assez grande punition de n'oser revenir en son pays, sans craindre d'être pendu.12 On en use ainsi partout où le roi passe, c'est-à-dire aux lieux où il n'a jamais été.

Comme je fus chez M. le cardinal, avec la reine, il me dit: « Eh bien, Mademoiselle, vous êtes bien riche: votre pays vous a donné un présent; vous avez fait des charges nouvelles en votre parlement. » Je lui répondis: « Je voudrois, à tous les voyages que le roi feroit, avoir une souveraineté à cinq lieues de la ville où l'on feroit séjour; au moins cela payeroit mon voyage. » Il est vrai que j'avois créé un président, des conseillers et d'autres officiers en mon parlement. La charge de conseiller d'église, ce fut un comte de Saint-Jean de Lyon, de la maison d'Albon, qui l'acheta. On lui en fit bon marché, parce que j'étois bien aise qu'il rentrât de ces messieurs dans mon parlement, où il y en avoit toujours eu.

A propos de ces messieurs les comtes de Saint-Jean, le jour de Noël, Leurs Majestés y allèrent le matin à la grand'messe, que l'on n'entendit pas trop dévotement: on s'amusa toujours à parler de la qualité des comtes, de leurs preuves. On remarqua qu'ils disoient leur office par cœur, n'ayant point de livres dans leur église: ainsi qu'il falloit les nourrir de bonne heure à cela, afin qu'ils eussent plus de facilité à retenir et à pratiquer cette coutume. Après l'Évangile, le sous-diacre vint pour le13 porter au roi. L'abbé de Coislin,14 premier aumônier, voulut le prendre, le comte ne voulut pas lui donner. Le roi prit avis de ce qu'il avoit à faire là-dessus. Pendant cela le doyen vint parler au roi pour représenter leur intérêt; l'abbé de Coislin défendoit le sien avec beaucoup d'esprit et de courage, ayant bien de l'un et de l'autre. Il se trouva un vieux gentilhomme, nommé La Rouvière, qui voyant la peine où l'on étoit (car cela causa de la rumeur), se douta du sujet; il s'approcha et dit qu'il avoit vu pareille dispute lorsque le roi, mon grand-père, alla à Lyon au-devant de la reine, ma grand-mère, à son mariage;15 et que la chose avoit été réglée en faveur des comtes. Le roi dit sur cela à l'abbé de Coislin qu'il n'y avoit pas lieu de disputer, et le comte fit baiser l'Évangile au roi et à la reine. On conta que ce bonhomme La Rouvière avoit fait appeler en duel le comte de Mansfeld lorsqu'il étoit en France.

Le jour des Rois,16 Monsieur donna un grand souper où étoient toutes les filles de la reine et des dames de qualité de la province qui étoient venues faire leur cour, et entre autres la marquise de Polignac,17 la comtesse d'Albon, la marquise de Sourdis, et d'autres dont je ne me souviens pas. Madame de Sully, qui avoit fait le voyage avec M. le chancelier,18 y étoit aussi. Comme j'ai déjà dit, Monsieur étoit logé, dans une fort jolie maison tout propre à faire des fêtes. Il reçoit fort bien la compagnie, ayant un talent particulier pour bien faire l'honneur de son logis. On y fut quelque temps avant souper; nous causâmes, Monsieur et moi. Il me demanda: « Qui aimeriez-vous mieux de M. de Savoie ou de l'Empereur? » Je lui dis: « M. de Savoie. » Il me dit: « Quoi! vous qui êtes glorieuse? » Je lui répondis: « On vit en Allemagne à la mode d'Espagne; je ne suis plus d'un âge à m'accoutumer à une vie si différente de celle de mon pays. Les mœurs des Allemands son si étranges, ils s'enivrent. Enfin c'est un pays où je n'aurois qu'une grandeur chimérique et où je n'aurois nulle douceur. En Piémont on vit à la mode de France; M. de Savoie parle françois, et je puis bien borner mon ambition en une condition où il y eu plusieurs filles de roi et où ma tante est encore présentement. » Je lui demandai: « Pourquoi dites-vous cela? » Il me répondit: « Je vous le dirai; mais n'en parlez jamais. C'est que l'autre jour comme on parloit du mariage de l'Infante avec le roi, on dit qu'il falloit faire reparler du vôtre avec l'Empereur, afin de lui ôter tout à fait la pensée de l'Infante et faire cela comme un échange. Le roi n'ayant point de filles et le roi d'Espagne point de fils en âge de se marier, l'Empereur et vous étiez les deux plus proches, et que ce seroit un bon échange, comme on en avoit fait autrefois, et que l'Empereur de cette manière n'auroit pas sujet de se plaindre de n'avoir point l'Infante; » que le maréchal de Gramont avoit eu ordre de faire cette proposition quand il étoit à Francfort; mais que lors les Espagnols n'étant pas en dessein de faire la paix, il n'avoit pas jugé à propos de la faire; mais que maintenant qu'ils offroient l'Infante et la paix, on pouvoit en parler; et que c'étoit un moyen de voir s'ils agissoient véritablement, s'ils consentoient à cette proposition. Je lui [demandai] qui disoit cela; il fit difficulté de me découvrir ce secret. Mais après l'avoir fort pressé, il s'expliqua: « C'est la reine et le cardinal. » Je l'assurai fort que je n'en parlerois jamais. Comme c'étoit une affaire fort vraisemblable, elle ne me plut pas, n'ayant nulle envie d'aller en Allemagne. Mais tout ce qui se propose ne s'exécute pas.

Comme nous nous allions mettre à table, on vint dire à Monsieur que le roi le prioit de l'attendre à souper, parce qu'il n'avoit point à souper chez lui, ses gens s'étant attendus qu'il souperoit chez Monsieur; il fallut réchauffer la viande. Sa Majesté nous fit un peu attendre; puis elle vint en masque avec les dames et les messieurs ordinaires. Leur mascarade n'étoit pas belle, et telle qu'après souper le roi se déshabilla pour le bal, quoiqu'il n'eût que des rhingraves19 et une cravate; il ne laissa pas de se mettre auprès des masques. Il en vint des très-propres et bien vêtus, de dames et d'hommes de la ville. On dansa un petit ballet assez joli pour avoir été fait en un moment. Mais le roi a un baladin, nommé Baptiste,20 qui triomphe à ces choses-là; il fait les plus beaux airs du monde.21 Il est Florentin; il étoit venu en France avec feu mon oncle le chevalier de Guise, lorsqu'il revint de Malte. Je l'avois prié de m'amener un Italien pour que je pusse parler avec lui, l'apprenant lors. Après avoir été quelques années à moi, je fus exilée; il [Lulli] ne voulut pas demeurer à la campagne; il me demanda son congé; je [le] lui donnai, et depuis, il a fait fortune: car c'est un grand baladin.

Il y avoit une dame à Lyon dont la beauté faisoit grand bruit, la marquise de La Baume,22 nièce du maréchal de Villeroy. Elle étoit belle assurément; mais elle étoit grosse et elle n'avoit point de cheveux, ayant coupé tous les siens un matin, qui étoient les plus beaux du monde, d'un blond admirable. Les uns disoient que c'étoit par caprice, (car la dame est quinteuse); qu'un jour son mari étant entré dans sa chambre lorsque l'on la peignoit, avoit loué la beauté de sa chevelure; et à l'instant elle avoit pris des ciseaux et les avoit coupés. D'autres disoient que ce fut lorsqu'elle apprit la mort de M. de Candale, qui en avoit fait le galant toutes les fois qu'il étoit passé à Lyon en allant et venant de Catalogne.

On parloit fort de faire un voyage en Provence, y ayant eu quelque désordre. Ce bruit ne plaisoit à guère de gens. Car on avoit assez d'envie d'aller passer le reste de l'hiver à Paris, et quand l'on sut qu'il venoit des députés [de Provence], cela donna bien de la joie, espérant qu'ils venoient pour se soumettre aux ordres du roi. Aussitôt après leur arrivée on partit,23 les affaires s'étant accommodées. On alla jusqu'à Moulins sans séjourner. Le roi alloit tous les jours à cheval avec les dames, qui avoient beaucoup de froid, quoiqu'elles eussent des justaucorps fourrés; elles avoient des bonnets de velours noir avec des plumes; mais je crois qu'elles ne laissoient pas d'avoir bien froid aux oreilles; car en plaine campagne il pénètre les boucles.24 Le soir, en arrivant, ils faisoient comme aux lieux de séjour, jouoient et faisoient collation.

La reine arriva de bonne heure à Moulins. Elle alla voir madame de Montmorency, qui est maintenant religieuse au couvent des Filles de Sainte-Marie. Moulins avoit été le lieu de son exil et sa prison (car on l'y garda quelque temps); il lui arriva une chose assez extraordinaire. Elle étoit un jour dans un petit cabinet toute seule, songeant toujours à la perte qu'elle avoit faite25 (car jamais personne n'a eu une si véritable douleur, ni ne l'a poussée si loin; car elle n'en est pas encore consolée), elle vit sortir d'une muraille un petit serpent: ce qui est assez ordinaire dans les vieux châteaux inhabités. Elle avança son pied dans le dessein que ce serpent le mordît, sentant quelque joie de se pouvoir avancer ses jours pour aller trouver celui qui causoit sa douleur et la finir par là. Dans ce moment il entra une dame qui étoit auprès d'elle; le serpent entendant du bruit s'en alla. Elle conta la chose à cette dame, qui lui en fit scrupule, et qui la fit souvenir qu'elle étoit chrétienne et que pareille chose ne se pratiquoit point dans le christianisme.

Elle se retira dans le couvent des Filles de Sainte-Marie, où elle a été quelques années à demander à Dieu la grâce de pouvoir pardonner au cardinal de Richelieu, qu'elle croyoit cause de la mort de son mari; mais elle dit qu'elle a été longtemps sans la pouvoir obtenir. Elle a renvoyé ses parents le bien qu'elle avoit eu de sa maison. Elle est de celle des Ursins, nièce, à la mode de Bretagne, de la reine, ma grand'mère. Elle ne garda de bien que ce qu'elle avoit eu en mariage qui étoit cent mille écus, dont elle a recompensé ses gens, fait bâtir le couvent où elle est, et un superbe tombeau à M. de Montmorency, qui est tout devant la grille; ainsi elle le peut regarder sans cesse. Quand tout cela a été achevé, elle a pris l'habit de religieuse. Les continuels pleurs lui ont tellement desséché le cerveau, que ses nerfs se sont retirés et qu'elle est maintenant toute voûtée et sujette à une courte haleine.

Lorsqu'elle vit la reine, son mal lui prit avec tant de violence qu'elle fut longtemps sans pouvoir parler. Comme M. de Montmorency avoit eu un attachemen particulier au service de la reine, cela la fit beaucoup pleurer. La reine fut longtemps avec elle, et le lendemain y fut encore à la messe. J'y fus l'après-dînée, et je lui dis que j'avois marchandé si j'irois, parce que je craignois de l'affliger en me voyant et songeant que mon père avoit été en partie cause de la mort de M. de Montmorency. Elle me remercia et me dit: « J'ai vu monsieur votre père, et il m'a témoigné tant de bonté étant venu me voir toutes les fois qu'il est venu ici, que je prie Dieu sans cesse pour lui. » Elle me parla fort de feu M. de Montmorency, avec une tendresse inimaginable, me disant que jamais passion n'avoit été égale à celle qu'elle avoit pour lui, et que même elle en avoit scrupule.

C'est une femme de beaucoup d'esprit et que paroît bien avoir été fort aimable, quoiqu'elle n'ait jamais été belle, à ce que la reine m'a dit. Pendant la vie de son mari elle l'aimoit avec la même amitié qui lui reste; et une marque bien extraordinaire à ma fantaisie, c'est qu'elle aimoit toutes les personnes dont elle savoit qu'il étoit amoureux; car ç'a été un des plus galants de son temps. Elle prenoit soin de lui faire faire des habits pour les bals, beaux et magnifiques, sans qu'il le sût, afin qu'il fût plus paré et mieux que les autres lorsqu'il y alloit. Quand ce venoit l'heure à peu près qu'il en devoit revenir, elle alloit à la fenêtre qui donnoit sur la rue, afin de le voir plus tôt. Elle me conta que ce qui faisoit qu'elle ne pouvoit jamais se consoler, c'est qu'elle étoit persuadée que c'étoit elle qui en étoit cause,26 l'ayant engagé à se mettre dans le parti de feu mon père, par l'attachement qu'elle avoit à la reine, ma grand'mère. L'on parla fort d'elle le temps que l'on fut à Moulins.

Nous eûmes assez froid par les chemins; mais ce n'est pas une chose extraordinaire au mois de janvier. On causoit assez dans le carrosse; le roi étoit de bien meilleure humeur depuis qu'il étoit amoureux de mademoiselle de Mancini. Il étoit gai; causoit avec tout le monde. Je pense qu'elle lui avoit conseillé de lire des romans et des vers; car il en avoit quantité, et des recueils de poésies, des comédies, et paroissoit y prendre plaisir, et même quand il donnoit son jugement sur ces choses-là, il le donnoit aussi bien qu'un homme qui auroit beaucoup lu et qui en auroit une parfaite connoissance. Je n'ai jamais vu homme avoir un aussi bon sens naturel et parler plus justement; j'ai toujours dit que ce seroit un grand prince, et j'ai bien de la joie de voir que je ne me suis pas trompée dans mon opinion, qui est présentement fort générale.

Le roi fait toujours la guerre à Monsieur; un jour il lui demandoit: « Si vous eussiez été roi, vous auriez été bien embarrassé; car madame de Choisy et madame de Fienne ne se seroient pas accordées, et vous n'auriez su laquelle vous auriez dû garder; toutefois ç'auroit été madame de Choisy; car c'étoit elle qui vous donnoit madame d'Olonne pour votre maîtresse. Elle auroit été la sultane-reine, et lorsque je me mourois, madame de Choisy ne l'appeloit pas autrement. » Monsieur étoit fort embarrassé sur tout cela et disoit au roi, d'un ton qui paroissoit assez sincère, qu'il n'avoit jamais souhaité sa mort, et qu'il avoit trop d'amitié pour lui pour se résoudre à le perdre. Le roi lui répondoit: « Je le crois tout de bon. » Puis il lui disoit: « Lorsque vous serez à Paris, vous serez donc amoureux de Madame d'Olonne? Car le comte de Guiche [le] lui a promis; on l'a mandé. » Monsieur rougit, et la reine-mère lui dit d'un ton de colère: « C'est bien vous faire passer pour un sot que de promettre ainsi votre amitié. Si j'étois en votre place, je trouverois cela bien mauvais; mais pour vous, qui admirez le comte de Guiche en toute chose, vous en êtes ravi. » Puis elle ajouta: « Cela sera beau de vous voir tous les jours chez une femme qui peste sans cesse contre vous, qui n'a ni honneur ni conscience. Vous deviendrez là un joli garçon. » Monsieur dit qu'il ne la verroit point.

Nous trouvâmes M. le cardinal à Nevers, que nous n'avions point vu depuis Lyon, parce qu'il étoit venu par eau. La comtesse de Soissons et madame de Navailles étoient venues avec lui; ainsi ce fut une augmentation à la cour, qui avoit été assez petite par les chemins.

Je quittai la cour à Cosne. Elle continua sa route vers Paris, et moi je m'en allai à Saint-Fargeau, où je demeurai sept à huit jours. Le roi me demandoit pourquoi j'y allois; que je n'y avois aucune affaire; qu'il croyoit que je m'y ennuierois, et que je ne faisois ce voyage que parce que je l'avois dit et que je ne voulois pas me dédire. Le peu que j'y fus, je ne m'y ennuyai point: les personnes de mon humeur se divertissent partout. La reine m'ordonna de n'être que ce temps que j'ai dit. Elle m'avoit admirablement bien traîtée tout ce voyage, et lorsque je revins, j'appris de tout le monde qu'elle avoit parlé de moi fort souvent et fort obligeamment, témoignant de l'impatience de mon retour.

Je vins descendre au Louvre; et comme j'avois un justaucorps, je vins par une porte de derrière, et personne ne me vit. Monsieur me vint ouvrir celle du cabinet de la reine, où je fus quelque temps à causer avec lui. Il me conta qu'il avoit été en masque habillé en demoiselle; qu'il avoit trouvé un monsieur de Quevilli27 qui lui avoit dit des douceurs, dont il avoit été fort aise, et qu'il s'étoit fort bien diverti; qu'il alloit ce soir-là avec le roi chez la maréchale de l'Hôpital, et qu'il donneroit le lendemain un bal que le roi lui avoit demandé; mais qu'il avoit voulu m'attendre. La reine, qui étoit avec M. le cardinal, m'entendit parler; elle m'appela et me fit mille amitiés. M. le cardinal me dit qu'il avoit une petite chienne de Boulogne,28 la plus jolie du monde, qu'il me vouloit donner. Il l'envoya querir. Je fus fort aise; car j'aime les chiens; pourtant les lévriers me plaisent plus que les épagneuls; mais quand ç'auroit été une mâtine, j'en aurois été bien aise, et le lendemain je la montrai à tout le monde, étant ravie de dire cent fois par jour: « C'est M. le cardinal qui me l'a donnée. » Car en ce monde, quoique l'on connoisse bien ce qui est solide et ce qui n'est que du vent, il faut humeur du dernier29 à la cour, où cette marchandise est commune, pour parvenir aux autres; et quelquefois on est plus prudent en en usant ainsi que de le mépriser.

Le lendemain je fus au bal chez Monsieur, qui [fut] fort agréable, comme à l'ordinaire. Tout le monde étoit paré, hors moi: on m'en fit fort la guerre. Je m'excusai sur ce que je ne faisois que d'arriver; mais la vérité étoit que je crains fort de me parer, et que j'ai tant de confiance en ma bonne mine, que je crois qu'elle me pare plus que tous les diamants de mille créatures qui ne sont pas faites comme moi. Le carnaval fut court pour nous; car la cour n'arriva qu'au commencement de février, et moi le 6 [du même mois]. On se déguisa souvent; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde. Monsieur, mademoiselle de Villeroy, mademoiselle de Gourdon et moi, étions habillées de toile d'argent blanche fort chamarrée de dentelles d'argent, et des passepoils couleur de rose, et des tabliers et des pièces de velours noir avec de la dentelle d'or et d'argent; l'habit échancré à la bressane, et des collerettes et manchettes à leur mode, de toile jaune, un peu plus fines que leurs, avec du point de Venise; des chapeaux de velours noir tout couverts de plumes couleur de rose et blanc, et le corps lacé de perles rattachées de diamants; et partout des perles et des diamants; c'étoit ma parure. Monsieur et mademoiselle de Villeroy étoient tout de diamants,30 et Gourdon d'émeraudes. Nous étions coiffées à la paysanne de Bresse, avec des cheveux noirs, des houlettes de vernis couleur de feu, garnies d'argent. Les bergers étoient le duc de Roquelaure, le comte de Guiche, Péguilain31 et le marquis de Villeroy, qui étoient très-bien vêtus. Jamais mascarade n'a été si magnifique ni si agréable. La reine nous trouva fort à sa fantaisie; ce qui n'est pas peu: car elle est fort difficile à ces choses-là.

Nous allâmes à l'Arsenal: la maréchale de La Meilleraye donnoit une grande assemblée; mais il y avoit une si furieuse quantité de monde que l'on ne s'y pouvoit tourner, quoique la salle fût grande. Nous fûmes contraints d'aller dans une autre chambre et d'y faire venir des violons et quelques dames pour faire un second bal. Le roi y étoit aussi, habillés en vieillard et en vieilles toute leur troupe. Il vint quantité d'autres masques; mais comme ils ne se démasquent pas d'ordinaire, on ne les connut point. Nous nous habillâmes encore une fois de la même manière; la reine le voulut. Nous fûmes encore à l'Arsenal; mais c'étoit à l'appartement de madame d'Oradoux,32 femme d'un lieutenant de l'artillerie, cousin du maréchal de La Meilleraye, où étoit le bal; il y avoit grand ordre à celui-là et peu de presse et beaucoup de place. Aussi on nous regarda et loua fort; ce qui nous fit plaisir; car on avoit eu assez de peine à s'habiller pour en avoir un remerciment. Le roi y vint avec sa troupe ordinaire, avec des habits qu'il leur avoit donnés de brocard d'or [et] d'argent, avec de la broderie, enfin des habits magnifiques, mais sans invention; aussi nous pauvres petites bergères des bords du Lignon33 (car elles sont habillées, à ce que je crois, comme les Bressanes) parûmes plus, par nos agréments et notre propreté, que ces divinités avec tout leur or et leur pourpre.

Madame d'Olonne se masquoit tous les jours avec Marsillac, le marquis de Sillery, madame de Salins et Margot Cornuel.34 Le marquis de Sillery avoit été amoureux d'elle [de madame d'Olonne]. Ils alloient s'habiller chez Gourville; car ils n'osoient, à cause de d'Olonne, s'habiller chez elle. Le comte de Guiche continuoit toujours sa belle passion [pour elle]; et l'abbé Fouquet qui étoit enragé contre tous les deux, s'avisa de les brouiller et de s'en venger par là. Il obligea le comte de Guiche à demander à madame d'Olonne les lettres de Marsillac, lorsqu'il se verroit un moment mieux avec elle; ce qu'il fit. Elle les lui donna: le comte de Guiche les mit entre les mains de l'abbé Fouquet, qui d'abord les montra à madame de Guémené, afin qu'elle en parlât au Port-Royal, et que cela allât à M. de Liancourt, pour le dégoûter de lui donner sa petite-fille.35 Il les montra aussi au maréchal d'Albret, qui fut trouver M. de Liancourt comme son parent et son ami, pour l'avertir de l'amitié qui étoit entre madame d'Olonne et M. de Marsillac; et même il avoit, je crois, quelques-unes de ces lettres. M. de Liancourt lui dit: « Je m'étonne que vous, qui êtes galant, croyiez que l'on rompe un mariage sur cela. Pour moi qui l'ai été, j'en estime davantage Marsillac de l'être, et je suis bien aise de voir qu'il écrit aussi bien que cela. Je doutois qu'il eût autant d'esprit, et je vous assure que cette affaire avancera la sienne. »

Je crois que le maréchal d'Albret fut étonné; car les médisants disoient qu'il avoit fait cela autant pour plaire à l'abbé que pour donner un bon avis à M. de Liancourt. Véritablement si l'abbé Fouquet eût pu réussir à rendre ce mauvais office à Marsillac de rompre son mariage, il ne lui en pouvoit pas faire un plus cruel. Car c'étoit sa fortune: c'étoit une fille qui aura cinquante mille écus de rente, une maison admirable et renommée par tout le monde pour ses belles eaux, qui s'appelle Liancourt, une à Paris fort belle aussi, la fille bien faite.36 Enfin rien n'égaloit ce parti; et une chose fort agréable, c'est qu'il n'en a point obligation qu'à M. de Liancourt, qui l'a choisi par amitié, étant son petit-neveu; et voyant que la maison de La Rochefoucauld n'étoit pas aisée, il l'a rétablie par là: car les avis du maréchal d'Albret haltèrent l'affaire; elle si fit cinq ou six mois après. On la tira du Port-Royal, où elle avoit été nourrie.

Comme [l'abbé Fouquet] vit que cela ne lui avoit pas réussi, il alla trouver M. le cardinal et lui porta toutes les lettres de Marsillac à madame d'Olonne prétendant qu'il y avoit quelque chose dedans où il manquoit de respect à Leurs Majestés, et où il ne disoit pas de choses de Son Éminence qui lui pussent plaire. Marsillac en eut connoissance, et ayant pris avis de ses amis de ce qu'il avoit à faire, on lui conseilla de tirer de madame d'Olonne les lettres du comte de Guiche; ce qu'il fit, aidé du marquis de Sillery; car lui reprochant ce qu'elle avoit fait avec le comte de Guiche, pour se raccommoder avec lui, elle lui donna les lettres [du comte de Guiche], et le marquis de Sillery les porta à M. le cardinal. Il y en avoit une où il lui disoit en parlant de Monsieur et de la reine: « J'ai fait tout ce que j'ai pu pour résoudre l'enfant à être votre galant; il en avoit assez d'envie; mais il craint la bonne femme. » Ces termes parurent assez familiers; et comme toutes choses se savent, celle-là fut bientôt publique.

Un des premiers beaux jours du carême, Monsieur me pria d'aller dîner à Saint-Cloud. Madame la maréchale de Villeroy, ses filles, madame de Courcelles,37 y vinrent avec moi. Après dîner, nous étions dans un cabinet. Je croyois que Monsieur sût tout cela et qu'il eût pris l'affaire à son ordinaire; car il trouvoit bon tout ce que le comte de Guiche disoit et faisoit. Je l'appelai et je lui dis: « Venez çà, l'enfant; craignez-vous bien la bonne femme? » Il se mit à rire et me demanda ce que cela vouloit dire. Je lui dis: « Vous êtes bon de faire le fin ici, où il n'y a que de vos amis. » Il demanda encore [ce que je voulois dire]. Comme on vit cela personne ne dit mot; tout le monde garda un grand silence. Enfin il pressa tant que moi, comme la plus imprudente, je commençai l'histoire; puis les autres dirent chacun leur mot. Ainsi Monsieur sut tout, qui témoigna n'être pas satisfait. Nous allâmes ensuite à la foire, où j'allois souvent et où je fus assez heureuse; je gagnois quasi tous les jours.

Monsieur dit ce qu'il avoit appris à la reine-mère, qui en parla à M. le cardinal, qui lui conta la chose. Monsieur fronda le comte de Guiche. Ce lui fut une affaire à la cour, dont le maréchal de Gramont fut fâché. On lui dit que c'étoit moi [qui en avois fait le récit à Monsieur]; il en parla avec beaucoup de respect, mais se plaignoit disant qu'il ne m'avoit jamais obligée à cela. Quand j'appris que j'étois cause de ce désordre, j'en eus bien du déplaisir, étant des amies du maréchal. Ce fut Bartet qui me le vint dire; je le chargeai d'en faire des compliments de ma part au maréchal, ce qu'il fit. Je lui en parlai38 chez la reine; il fut fort satisfait de moi. Pour le comte de Guiche, il me fit dire qu'il n'osoit venir chez moi après ce que je lui avois fait, croyant que ce seroit me manquer de respect.

Bartet, qui me fit ce compliment, me dit: « C'est un homme qui sera bien aise de n'avoir point de sujet de se plaindre de vous,et la moindre civilité que vous me chargerez de lui faire, il viendra ici. Vous témoignez considérer son père: ainsi je pense que vous ne ferez pas difficulté de m'en charger. » Je lui dis que je le voulois bien. Le comte de Guiche vint chez moi. Je lui dis que je n'avois point dit cela à Monsieur pour lui faire une affaire; que je croyois que ce fût une plaisanterie et que j'étois trop des amies du maréchal pour en avoir usé autrement; qu'il étoit vrai que, sans son père, je l'aurois peut-être dit pour lui faire dépit, parce que je croyois avoir eu quelque sujet de trouver à redire à sa conduite envers moi. Je lui fis des compliments aussi et nous demeurâmes bons amis. Je rendis compte à la reine de ce procédé.

Un soir que je n'avois point été au Louvre, Monsieur me manda que la reine alloit le lendemain dîner au Val-de-Grâce, et que l'après-dînée, don Juan d'Autriche39 y devoit venir; qu'il passoit inconnu, venant de Flandre et s'en alloit en Espagne; qu'il avoit couché au Bourget,40 et s'en alloit coucher au Bourg-la-Reine. J'allai dîner au Val-de-Grâce; je m'ajustai: car pour voir des étrangers, il faut être mieux qu'à son ordinaire, et particulièrement moi qui suis toujours négligée, et surtout les jours que la reine va dans les couvents. Il arriva comme nous étions à vêpres. On le vint dire à la reine, qui s'en alla aussitôt à sa chambre, où il vint. C'est un fort petit homme, assez bien fait, mais un peu gros. Il étoit habillé de gris, avec un justaucorps de velours noir à la françoise. Les justaucorps couvrent les défauts de la taille; ainsi on n'en peut rien dire; une assez belle tête; les cheveux noirs; quelque chose d'assez noble et d'assez agréable dans le visage. Il mit un genou en terre; la reine lui donna sa main à la mode d'Espagne; elle lui parla toujours en espagnol. Elle l'appela mon neveu. Après avoir causé quelque temps, elle se tourna vers Monsieur et moi, qui étions derrière elle, et lui dit: « Voilà mon fils. » Il tira un peu le pied; car ce qu'il fit ne peut pas être appelé révérence. Lorsque nous vîmes cette fierté, nous fûmes fort fâchés, Monsieur et moi, de lui en avoir fait d'effectives. Il y avoit deux ou trois Espagnols avec lui, qu'il présenta à la reine, qui étoient des gens de qualité, entre autres le gouverneur d'Anvers, et un Porto-Carrero du même nom de celui qui prit Amiens41 avec des noix.

Au lieu d'aller coucher au Bourg-la-Reine, comme l'on avoit dit, il fut au logis de M. le cardinal. Le lendemain il vint au Louvre. Il fut longtemps enfermé avec la reine et le cardinal; puis le roi y entra, et avec lui tout le monde.42 Je le trouvai un peu plus gracieux. Il me fit une plus grande révérence. On dit qu'il iroit à la foire; nous y allâmes, Monsieur et moi; il [Monsieur] envoya de ses gardes et de ses Suisses à la porte de la foire, pour lui faire faire place. Il [Don Juan d'Autriche] passa devant la boutique où nous étions, fort fièrement, sans dire un seul mot; ce qui nous surprit: car il devoit bien remercier Monsieur de l'honneur qu'il lui faisoit de lui envoyer ses gardes. Quant à moi, il pouvoit bien aussi me faire quelque civilité. Les Espagnols sont d'ordinaire [fort civils] aux dames; en cela il n'étoit pas de leur humeur.

Force dames allèrent le voir souper, entre autres la comtesse de Fiesque. Elle se fit nommer, croyant qu'il lui diroit quelque chose, son mari étant en Espagne. Il la regarda et dit: « C'est donc la maîtresse à Guitaut!43 Elle n'est guère belle pour faire tant de bruit. » Cela réjouit fort la compagnie. Dans la conversation qu'il eut avec la reine, elle voulut assez l'obliger à parler contre M. le Prince; mais il ne le voulut pas faire; il en parla comme s'ils eussent été les meilleurs amis du monde, et il en fut loué.

On lui demanda des nouvelles de sa folle: il dit qu'il l'avoit laissée avec son équipage. Elle vint quelques jours après. Elle étoit habillée en homme, les cheveux coupés de même, un chapeau, une épée. Elle est laide; a des yeux de travers; a de l'esprit infiniment. C'est une fort jolie folle;44 elle ne bougeoit du Louvre. Le roi l'aimoit fort, et la reine, et Monsieur s'en divertissoit, et moi aussi: c'étoit à qui l'auroit. Elle parloit sans cesse de l'Infante. Je ne sais si cela déplut à mademoiselle de Mancini, qui la prit en aversion: elle l'appeloit folle, la méprisoit. La Pitore45 (car on l'appeloit ainsi) en fit quelque raillerie pour se venger. La demoiselle le sut, qui en fut fort en colère; de sorte que l'amitié que le roi avoit pour elle se tourna en haine. Il ne la pouvoit plus souffrir; on fut contraint de la renvoyer. Tout le monde lui fit des présents: la reine, Monsieur et moi, lui donnâmes nos portraits en émail avec des diamants. Madame La Bazinière la régala fort; elle alloit souvent dîner chez elle. Elle lui donna de la vaisselle d'argent et des caisses pleines de rubans, d'éventails, de gants, en intention qu'elle les donneroit à l'Infante et qu'elle lui rendroit de bons offices auprès d'elle. Le roi s'en moqua fort, et on en fit beaucoup de railleries à la cour.

La reine, qui n'étoit pas bien aise de l'amitié que le roi avoit pour mademoiselle de Mancini, croyoit qu'elle dégoûtoit le roi et d'elle et de l'Infante, et qu'elle lui vouloit rendre odieux tout ce qui lui appartenoit. Le roi, qui n'avoit point accoutumé de danser ses ballets en carême, dit, sur la fin du carnaval, qu'il vouloit danser le sien jusqu'à la mi-carême. La reine lui dit qu'elle s'en iroit au Val-de-Grâce pendant ce temps-là, et qu'elle n'y vouloit pas être. Il lui dit qu'elle le pouvoit. Mais M. le cardinal raccommoda cela, et le ballet ne fut point dansé.

L'abbé Fouquet, enragé du peu d'effet des mauvais offices qu'il avoit voulu rendre à Marsillac, et outré de ce qu'il avoit dit tout haut, et M. de La Rochefoucauld aussi, que, sans la considération de M. le procureur général,46 ils lui auroient fait donner des coups de bâton, tâcha à lui susciter une querelle. Biscara ne salua point au cours Marsillac; et le mercredi saint, Marsillac parlant à M. de Bouillon dans la chambre de la reine, Biscara passa sans les saluer. Marsillac lui alla demander pourquoi il en usoit ainsi; l'autre lui dit qu'il faisoit ce qu'il lui plaisoit. Sur cela, Marsillac lui dit que, s'il eût été dans un autre lieu, il lui eût appris à lui parler de cet manière, et force menaces. On s'en aperçut; de sorte que l'affaire ne passa pas plus avant, et le roi les fit mettre à la Bastille. On donna un exempt de la connétablerie47 à Marsillac et un garde à Biscara, pour montrer la différence. Ils furent quelques jours à la Bastille: Marsillac en sortit le premier; et quand ce fut à les accommoder devant les maréchaux de France, on y mit une grande différence, comme l'on avoit fait en toute cette affaire.

On blâma fort l'abbé Fouquet de cette équipée, et Biscara ne s'attira pas une bonne affaire en s'érigeant en son brave. M. le cardinal, de qui il étoit officier des gendarmes, ne l'eut pas trop agréable. On rechercha fort sa généalogie; même il y en eut qui dirent qu'il n'étoit pas gentilhomme; enfin tout ce qu'il avoit de plus illustre lui venoit de M. de la Châtaigneraye, grand-père de Marsillac, lequel étant capitaine des gardes de la reine, ma grand'mère, avoit mis dans sa compagnie les trois frères Biscara, Cusac et Rotondis. Depuis, la reine, ma grand'mère, les avoit avancés, à la considération de M. de Marsillac, dont ils étoient parents.

Ce vacarme ne fut pas trop avantageux à madame d'Olonne, qui en étoit la cause, et on la dauba assez à la cour, où elle n'étoit pas déjà trop bien, comme j'ai dit. Il lui étoit arrivé une aventure, il y avoit quelques années, qui n'avoit pas plu à la reine-mère. Étant allée un jour au Louvre, elle vit un soufflet qui étoit attaché auprès de la cheminée, le plus joli du monde; car il étoit de peau d'Espagne et d'ébène, garni d'argent. Elle en eut envie et le témoigna à Moret, qui étoit fort ami de M. de Candale et d'elle, et qui étoit souvent chez la reine, ne quittant point M. le cardinal. [Moret] le prit un jour sous son manteau et le porta à madame d'Olonne. Comme on trouva le soufflet perdu, cela fit grande rumeur; on le fit chercher partout. Comme la reine en parloit, il vint quelqu'un qui dit: « J'en ai vu un chez madame d'Olonne, le plus joli du monde, fait de telle et telle manière. » La reine le reconnut et y envoya lui dire qu'elle avoit appris qu'elle avoit un soufflet qui lui avoit été dérobé et qu'elle [le] lui renvoyât. Madame d'Olonne n'y manqua pas, et manda qu'on le lui avoit apporté à vendre; mais on découvrit par où elle l'avoit eu.

On commença à parler de la paix assez hautement; et toutes les fois que M. le cardinal alloit à son logis, on disoit que c'étoit pour y voir Pimentel, qui ne se montroit pourtant point publiquement. Mon père vint à Paris,48 où il fut dix ou douze jours. Tous les soirs, en revenant de la ville, il venoit dans ma chambre et me disoit: « Je suis dans un ennui terrible de me voir ici; j'ai le dernière impatience de m'en retourner: le monde m'ennuie; je n'y suis plus propre. Si je demeurois ici longtemps, je serois malade de la fatigue que j'y ai. » Je lui disois que j'avois bien du déplaisir de le voir dans cette humeur et que je souhaiterois qu'il ne bougeât de Paris; que s'il y demeuroit plus longtemps il n'auroit pas la fatigue des visites, et qu'il savoit bien que de quelque qualité que l'on fût, dès que l'on avoit renoncé à tout, comme il avoit fait, on ne se pressoit plus [de vous chercher].

 


FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.


 


NOTES

1. François-Michel Le Tellier, célèbre plus tard sous le nom de marquis de Louvois. Il n'avait alors que dix-huit ans, étant né le 18 janvier 1641.

2. Ce nom est très-difficile à lire dans le manuscrit; il y a plutôt Eneuve qu'Enève. Cependant je n'ai pas voulu, dans le doute, changer le texte des anciennes éditions.

3. A l'archevêque de Lyon.

4. On donnait ce nom dans plusieurs villes aux magistrats municipaux. Les anciennes éditions portent les conseillers; mais il y a bien les consuls dans le manuscrit autographe.

5. Cette phrase, depuis au moins en usoient-ils ainsi jusqu'à leurs bonnes coutumes, a été omise dans les anciennes éditions.

6. On voit par ce passage que cette partie des Mémoires a été écrite postérieurement au 2 février 1660, époque de la mort de Gaston d'Orléans. Mademoiselle appelle plus loin Anne d'Autriche la reine mère; ce qui prouve qu'elle écrivait après le mariage de Louis XIV (juin 1660).

7. Mademoiselle entend ici par relation la description de l'île dont il vient d'être question. Elle a été imprimée à la suite de ses œuvres complètes sous le titre de la Relation de l'Isle invisible.

8. Il s'agit toujours de la description de l'île dont Mademoiselle a parlé plus haut.

9. Allusion à la mauvaise écriture de Mademoiselle. Elle on a déjà parlé antérieurement, et son manuscrit n'en témoigne que trop.

10. Moines franciscains ou cordeliers de la stricte Observance, dont l'ordre avait été établi à Lyon par Charles VIII en 1495.

11. Les anciennes éditions ont changé cette phrase complétement. Voici leur texte: Comme je me lavois les mains pour dîner au lieu de en me levant.

12. Cette phrase est une de celles que les anciennes éditions ont le plus altérées. La voici telle qu'elles l'ont donnée: « Je donnai des grâces à ceux qui avoient commis des crimes rémissibles. Je les refusai aux autres qui s'étoient venus mettre en prison dans l'espérance de les obtenir. On en use ainsi, etc. » Le sens est complétement changé.

13. Mademoiselle fait évangile du féminin; je n'ai pas cru devoir pousser le scrupule jusqu'à respecter cette faute.

14. Mademoiselle écrit, suivant l'usage du temps, Couaslin ou Coaslin. Cet aumônier du roi devint dans la suite évêque d'Orléans et cardinal, comme nous l'apprennent les Mémoires de Saint-Simon, (édit. Hachette, in-8, t. I, 291-292; t. II, 41 et 429; t. V, 114-117).

15. Ce fut 9 décembre 1600 que Henri IV vint à Lyon pour y épouser Marie de Médicis.

16. 1659.

17. Ce nom, qui a été omis dans les anciennes éditions, est très-lisible dans le manuscrit.

18. La duchesse de Sully était fille du chancelier Séguier, comme on l'a déjà dit (Chap. III, Chap. XVII, etc.).

19. Sorte de vêtement emprunté aux Allemands. Furetière le définit ainsi: « haut de chausse fort ample attaché aux bas avec plusieurs rubans. »

20. Jean-Baptiste Lulli, célèbre musicien, né en 1633, mort en 1687. On lit dans toutes les biographies de Lulli qu'il était excellent pantomime. On ajoute que, lorsque Molière, habituellement soucieux, voulait dissiper sa mélancolie ou amuser ses convives, il disait à Lulli: « Baptiste, fais-nous rire. »

21. Les anciennes éditions ont substitué les plus beaux vers aux plus beaux airs. Cela tient peut-être à l'orthographe de Mademoiselle qui écrit ers pour airs.

22. La marquise de La Baume ne s'est rendue que trop célèbre par ses désordres, qui forcèrent son mari de la faire enfermer dans un couvent. On l'accuse d'avoir donné de la publicité à l'Histoire amoureuse des Gaules, dont elle avait obtenu communication sous promesse du secret.

23. La cour quitta Lyon le 13 janvier 1659.

24. Phrase omise dans les anciennes éditions.

25. Henri de Montmorency, maréchal de France et gouverneur du Languedoc, avait été décapité à Toulouse en 1632. Sa femme était Marie-Félice des Ursins, fille de Virginio des Ursins, duc de Bracciano et de Fulvia Perretti.

26. C'est-à-dire, que c'étoit elle qui avoit été cause de sa mort.

27. Ce nom est fort mal écrit, et on l'a omis dans les anciennes éditions. Je n'ai pu lire que Quevilli ou Quecilli.

28. Bologne.

29. Les anciennes éditions ont remplacé cette expression énergique (humeur du vent) par une autre fort insignifiante (se satisfaire de bagatelles).

30. Étaient tout parés de diamants.

31. Antonin Nompar de Caumont, marquis de Puy-Guilhem, qu'on écrivait alors Péguillain ou Péguillin; il devint dans la suite duc de Lauzun. Ce personnage, qui joue un rôle si important dans la dernière partie des Mémoires de Mademoiselle, était né en 1633.

32. Il y a une terre d'Oradoux à peu de distance de Clermont-Ferrand. Fléchier en parle dans ses Mémoires sur les Grands Jours d'Auvergne, p. 106 (édit. Hachette).

33. Le Lignon est une petite rivière du Forez, sur les bords de laquelle d'Urfé a placé une partie des scènes de son roman pastoral d'Astrée. De là la célébrité des bergères du Lignon.

34. Margot ou Marguerite Cornuel était sœur,comme on l'a vu plus haut (Chap. XXXI), de madame Cornuel, si célèbre par ses bons mots. Vineuil a tracé, en 1659, un portrait de mademoiselle de Cornuel, où il vante « l'air gai et enjoué répandu dans ses discours et ses actions, sa taille d'une juste proportion, ni trop grande ni trop petite, un embonpoint honnête, le visage d'une forme agréable, des yeux brillants animés par l'esprit. »

35. C'est-a-dire de donner sa petite-fille à Marsillac.

36. Jeanne-Charlotte du Plessis-Liancourt; elle fut mariée à François de La Rochefoucault, prince de Marsillac, le 13 novembre 1659.

37. Marie-Sidonie de Lénancourt, mariée au marquis de Courcelles, neveu du maréchal de Villeroy. Elle n'est que trop connue par ses aventures. On a publié des Mémoires de la marquise de Courcelles.

38. Au maréchal de Gramont.

39. Fils naturel de Philippe IV, roi d'Espagne, et de Marie Calderona, comédienne. Ce fut le 9 mars 1659 que don Juan d'Autriche vint à Paris.

40. Les anciennes éditions ont omis une partie de cette phrase, depuis en Espagne jusqu'à au Bourget.

41. Il y a dans le manuscrit Anvers, mais il faut lire Amiens. Ce fut le 11 mars 1597 que les Espagnols, déguisés en paysans, s'emparèrent d'une des portes d'Amiens, pendant que les bourgeois de garde pillaient des sacs de noix que les ennemis avaient laissé tomber à dessein.

42. Les anciennes éditions portent: Puis tout le monde y entra et ensuite le roi, et avec lui tout le monde. Il suffit de citer une pareille phrase pour montrer avec quelle négligence le manuscrit a été copié.

43. Les anciennes éditions portent Gintos. Mademoiselle a écrit Guitos, suivant son usage d'écrire les noms comme on les prononçait. Il s'agit ici du petit Guitaut (Guillaume de Puypeyroux), dont il a déjà été question dans les Mémoires de Mademoiselle. La chronique scandaleuse du temps disait en effet que la comtesse de Fiesque « n'avoit jamais eu le cœur touché que du mérite de Guitaut, favori du prince de Condé. » (Histoire amoureuse des Gaules.)

44. Mademoiselle vient de dire qu'elle était laide. Ce membre de phrase c'est une fort jolie folle est évidemment ironique.

45. Cette folle est appelée Capitor dans les anciennes éditions des Mémoires de Mademoiselle, mais il y a dans le manuscrit La Pitore ou Pitora; mot espagnol qui signifie la bécasse.

46. On a déjà vu (Chap.XXXIII) que le procureur général du parlement de Paris était Nicolas Fouquet, frère de l'abbé Fouquet.

47. La connétablerie, ou plutôt connétablie, était le tribunal des maréchaux de France. Il prononçait, entre autres affaires, sur toutes les questions qui intéressaient le point d'honneur.

48. Le duc d'Orléans arriva à Paris le 15 mai 1659.


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