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Deuxième Partie


CHAPITRE III

(avril – juin 1660)

Je trouvai Préfontaine arrivé à Toulouse le même jour que nous. Je reçus là force compliments de toute la province sur la mort de Monsieur, qui fut fort regretté dans toute la province, et avec raison; on lui avoit beaucoup d'obligation; le général et le particulier n'en avoient jamais reçu que du bien et de l'honneur, et la considération qu'il avoit eue pour l'avantage de ce pays avoit fait qu'ils n'ont jamais voulu qu'il se déclarât pendant la guerre contre M. le cardinal, quoique la Guienne et le Languedoc1 l'eussent fait: car s'il l'avoit voulu, il en étoit le maître; mais en cela, il avoit préféré leurs intérêts aux siens. On y fut peu à ce retour: car la reine avoit beaucoup d'impatience d'aller à Saint-Jean-de-Luz. On passa à Dax,2 où il y a une fontaine d'eau chaude et une qui l'est moins; quand l'on jette un chien, il est mort en un instant; que l'on l'ôte et que l'on le jette dans l'autre, il ressuscite. Il y a aussi des boues; j'avois ouï dire qu'elles fortifoient les bras, et les jambes où on avoit eu quelque mal, en les y mettant et les lavant après de cette eau. J'en envoyai querir étant tombée de cheval et m'étant fait mal au bras et m'étant donné une entorse au pied, quoiqu'il y eût bien des années et que n'en sentisse aucune incommodité. Le lendemain je ne pouvois quasi marcher; les pieds me pelèrent et le bras; où j'en avois mis, j'étois comme si j'avois eu une érésipèle. On se moqua fort de moi, de m'être fait du mal quand je n'en avois pas, par la crainte d'en avoir. Ce pays-là me parut bien plus beau que la Provence; j'étois ravie de voir des chèvres et des vaches, et d'entendre ce que l'on disoit, le gascon ayant bien plus de rapport au françois que le provençal.

On fut huit jours à Bayonne,3 qui est à mon gré une fort jolie petite ville; on y voit force vaisseaux. Madame la princesse de Carignan et madame de Bade y arrivèrent, et beaucoup d'autres gens; car la plus grande partie de tous ceux de la cour avoient été de Toulouse à Paris, quand elle étoit allée en Provence, pour jouer à Paris, et revinrent pour le mariage. Saint-Jean-de-Luz4 est u;n village très-agréable. Les maisons y sont propres et jolies. Celle de la reine, dans un des bouts de la place, avoit vue sur la rivière qui y passe. On voyoit le point qui va à Sibour, qui est un autre village de l'autre côté, où logeoit M. le cardinal et beaucoup de gens de la cour. Il y a une île au milieu de la rivière, où est bâti un couvent de Récollets; il y a une place devant, qui donne sur le pont; c'est une promenade pour le peuple, assez jolie.

Le roi d'Espagne arriva à Saint-Sébastien5 en même temps que nous à [Saint-Jean-de-Luz]. Pimentel fit force allées et venues. Les rois s'envoyèrent faires des compliments. Mais comme toutes ces choses sont dans l'histoire, et que je me persuade même qu'il y en aura une particulière de ce qui s'est passé, jour par jour, pendant toute la conférence, je ne dirai que ce que j'ai vu et fait. Monsieur eut envie d'aller au lieu de la conférence. J'y allai avec lui; c'étoit à deux lieues de Saint-Jean-de-Luz; il me semble que l'on appelle cette île l'île du Faisan.6 On passoit un point qui étoit comme une galerie tapissée; au bout, c'étoit une espèce de salon qui avoit vis-à-vis une porte qui donnoit sur un pareil pont du côté d'Espagne; une grande fenêtre qui donnoit sur la rivière du côté de Fontarabie, qui étoit par où l'on venoit d'Espagne (car ils y venoient par eau); puis ils y avoit deux portes qui entroient dans des chambres: d'un côté c'étoit celle de France; de l'autre d'Espagne, très-magnifiquement tapissées. Il y en avoit plusieurs; tout auprès étoient de plus petits cabinets, et la salle de l'assemblée étoit au milieu, à l'autre bout de l'île; elle étoit fort grande; il n'y avoit des fenêtres qu'à un bout qui regardoit sur la rivière; mais il y avoit un petit terrain entre le logement et la rivière,7 où l'on mettoit deux sentinelles lorsque les rois y étoient, le corps-de-garde étant dehors de l'île. Les gardes étoient dans deux salles après ce vestibule, dont j'ai parlé. La salle de la conférence avoit deux portes vis-à-vis l'une de l'autre, une grande table au milieu, c'est-à-dire deux l'une auprès de l'autre, jointes, qui n'en faisoient qu'une mais [avec] des tapis différents. Les tapisseries étoient admirables: du côté d'Espagne, il y avoit par terre des tapis de Perse à fond d'or et d'argent, merveilleux; du côté de France, de velours cramoisi, chamarré de gros galons d'or et d'argent. Pour les chaises, je ne me souviens pas comme elles étoient. Une écritoire de chaque côté; je ne me souviens pas bien non plus de la manière; mais je crois que les cornes étoient d'or, et, si je ne me trompe, il y avoit deux horloges sur chaque table. Enfin jamais il n'y eut rien de si égal et de si bien mesuré que tout étoit.

En revenant, nous contâmes à la reine comme tout cela étoit. On trouvoit force Espagnols par les chemins, mais des gens communs. Beaucoup de François furent voir la cour d'Espagne à Saint-Sébastien. M. Le Tellier et M. le maréchal de Villeroy y furent. Don Louis de Haro leur donna à dîner; c'étoit un vendredi: ils furent fort scandalisés de voir de la viande mêlée avec le poisson [chez] les Espagnols, qui font tant les hypocrites. Ces messieurs lui témoignèrent leur étonnement, et ils [les Espagnols] eurent lieu d'être édifiés de la religion des François.

Quand Madame témoigna désirer que mes sœurs logeassent avec la reine, cela ne me plut pas, parce que si elles y eussent demeuré, elles auroient été [chez la reine] à toutes les heures du jour où je n'y étois pas, n'y logeant point; elles auroient toujours mangé avec elle, soir et matin; ce que je ne faisois pas en ce temps-là. J'avoue que je trouvai cette proposition habile à ma belle-mère de se vouloir faire donner des distinctions par nécessité, que je n'avois pas par mon opulence; car si je n'avois pas eu de quoi avoir une maison, [et] qu'il eut fallu que dès mon enfance j'eusse demeuré avec la reine, j'y aurois toujours mangé; car je lui ai ouï dire que madame la duchesse d'Elbœuf, bâtarde de Henri IV, que l'on appeloit mademoiselle de Vendôme, avoit demeuré avec elle quelques années après le mariage de la reine et avant le sien, et qu'elle mangeoit toujours avec elle.8 Ce n'est pas que dès ce temps je n'y allasse manger quand je voulois; mais comme je n'avois pas pris cette habitude, comme j'ai fait depuis, je n'y allois guère. J'ai toute ma vie eu de la jalousie de toutes les choses de grandeur et qui distinguent des autres, et avec cela je les ai négligées par un certain esprit de liberté, de hauteur de sentiment, [qui] me faisoit demeurer chez moi sans me soucier de rien, voyant que je n'avois besoin de personne. Et quand les autres s'en avisoient, comme les gens plus souples et plus songeant à leurs fins, manquant de beaucoup de choses, y songent, j'étois au désespoir. Dans ce que je dis de moi il y a bien de la grandeur de cœur; mais il y a aussi des défauts dans l'humeur. Ainsi je ne dois pas craindre de me trop louer, puisqu'au moment je dis les défauts de ce qui pourroit faire un tel endroit9 en moi.

Elles arrivèrent donc, mes sœurs. On leur avoit destiné un logis; ce qui me réjouissoit fort; car je n'avois osé témoigner ma crainte à personne. Elles étoient en fort bon équipage: deux carrosses de Madame, des officiers; tout ce qui leur étoit nécessaire, et même assez de dignité. Madame de Saujon étoit avec elles et Montalais, une des filles de ma belle-mère, qui a bien fait parler d'elle depuis. C'étoient mesdemoiselles d'Alençon et de Valois qui vinrent; car Madame ne voulut pas donner le dégoût à mademoiselle d'Orléans, après avoir tant espéré d'épouser le roi, d'assister à son mariage avec une autre. Pour elle, elle ne s'en seroit pas souciée; car elle n'aime qu'à se divertir, et n'a pas paru ni en ce temps-là ni depuis songer à de grandes choses. Elles amenèrent avec elles madame de Pontac, chez qui elles avoient logé en passant à Bordeaux: l'attachement qu'elle a pour moi lui avoit fait faire toutes les honnêtetés possibles à mes sœurs, à ma considération.

Tous les gens de la cour, qui revenoient de Saint-Sébastien, faisoient de grandes relations à la reine de la manière dont l'Infante étoit faite; ce lui étoit un plaisir nonpareil d'en entendre parler, et elle avoit des impatiences nonpareilles de la voir. Pendant ce temps-là le duc de Parme rechercha la princesse Marguerite de Savoie et l'épousa. Tout le monde fut fort étonné qu'après avoir pu épouser le roi, elle voulût d'un petit souverain d'Italie, malhonnête homme, qui n'avoit de passion qu'à ferrer des chevaux. Cela ne répondoit point à la manière dont elle avoit soutenu la rupture de son mariage, dont elle avoit été tant louée. Il falloit ou ne se marier jamais ou être religieuse. Aussi ne survécut-elle pas longtemps à cette honte; car elle mourut peu après son mariage.10

Il y avoit des comédiens espagnols à Saint-Jean-de-Luz; la reine y alloit tous les jours; j'y allois au commencement, mais à la fin je m'en lassai. Il dansoient entre les actes; ils dansoient dans les comédies; ils s'habilloient en ermites, en religieux; ils faisoient des enterrements, des mariages; ils profanoient assez les mystères de la religion, et beaucoup de personnes en furent scandalisées.Les Italiens en faisoient de même au commencement qu'ils vinrent en France; mais on les en désaccoutuma. M. le cardinal eut longtemps la goutte; on l'alloit voir tous les jours, au retour des vêpres, [des] complies ou du salut. La reine ne perdoit guère de jours qu'elle n'allât à l'une de ces prières, et souvent à toutes les trois. Un jour en regardant par la fenêtre de M. le cardinal, d'où l'on voyoit la rivière [et] les Pyrénées, madame de Motteville, étoit avec moi; nous nous mîmes à causer sur la solitude, le désert, et combien on y pouvoit mener une vie heureuse, l'embarras et la fatigue de celle de la cour, les injustices de la fortune; combien peu en sont contents et combien il y en a qui se plaignent de l'injustice de son partage. Toutes ces choses étoient un grand champ pour moraliser, pour peu que l'on y voulût mêler un peu de christianisme. La reine sortit et finit notre conversation. Je la menai à la comédie, et m'en allai me promener sur le bord de la mer. Ce qui me donnoit peu de goût pour la comédie, c'est que je n'entendois que très-peu l'espagnol. Le roi et Monsieur l'avoient appris avant que de partir de Paris, je l'avois voulu apprendre aussi, me paroissant m'être nécessaire à cause de la reine qui venoit; mais quelque soin que j'y pusse prendre, je n'y sus parvenir.11

En me promenant donc sur le bord de la mer, il me passa force choses dans l'esprit sur le plan d'une vie solitaire de gens qui se retireroient de la cour sans en être rebutés. Je m'en allai toujours courant chez moi; je pris une plume et de l'encre et j'écrivis une lettre de deux ou trois feuilles de papiers à madame de Motteville, que je fis copier et que je lui envoyai par un inconnu. Je ne voulois point que dans ce désert on y eût ni galanterie ni même que l'on s'y mariât. Elle devina que c'étoit moi qui lui avois écrit. Elle me fit réponse; je lui écrivis une seconde lettre, et ce commerce-là a duré un an ou deux à écrire de temps en temps. Il y eut de l'écriture de part et d'autre de quoi faire un petit volume. Comme elle est fort savante, ce qu'elle a écrit est admirable; car il y a de l'italien, de l'espagnol, des citations de la sainte Écriture, des Pères, des poëtes, des historiens. Enfin ce sont force choses ramassées;12 pour moi je n'écris que des bagatelles. On lui prit les deux premières lettres (car pour moi je sais bien que je ne les ai données à personne), que l'on a imprimées dans ces recueils que l'on appelle Œuvres galantes. Mais son nom est tout le mérite. On les a estropiées; on les a toutes gâtées. J'avoue que j'ai été fâchée de les voir ainsi.13

Après tous les envois de part et d'autre, le roi d'Espagne arriva à Fontarabie. Le jour du mariage fut arrêté. L'envie prit à Monsieur d'y aller inconnu, et moi aussi. Nous le proposâmes à M. le cardinal, qui le trouva bon; mais dit qu'il faudroit le faire savoir. On fut vingt-quatre heures dans cette joie, qui fut changée en pleurs: car le roi dit qu'il ne vouloit pas que Monsieur y allât; que le présomptif héritier d'Espagne ne viendroit point en France voir une cérémonie; qu'il n'y avoit pas eu même un grand [d'Espagne] ni de grands seigneurs de ceux qui étoient avec le roi d'Espagne qui fussent venus voir la cour de France, et que Monsieur n'iront pas, et que je ferois bien de n'y pas aller aussi. Nous fûmes fort fâchés, Monsieur et moi. Je dis à M. le cardinal: « Pour moi, je ne suis de nulle conséquence; je n'hérite point; je ne dois pas être malheureuse en tout. Puisque les filles ne sont bonnes à rien en France, au moins que l'on les laisse voir ce qu'elles ont envie. » Monsieur demanda en grâce particulière qu'on ne m'y laissât pas aller. On fut trois ou quatre heures enfermés dans le chambre de M. le cardinal, où l'on croyoit qu'il y avoit de grandes affaires: quasi tous les ministres y étoient mandés; l'on n'étoit occupé que du démêlé. de Monsieur et de moi. Enfin, à son grand regret, j'eus permission d'y aller. L'on envoya querir Lenet,14 qui étoit le ministre de M. le Prince en Espagne, aussi bien qu'il l'avoit été à Bordeaux. Comme c'étoit un homme d'esprit, fort entrant, de ces gens qui parlent, qui se donnent des airs, depuis le retour de M. le Prince, il n'avoit bougé de la cour, et entretenoit fort la reine. On le chargea de me suivre, et M. le cardinal prévint don Louis de Haro que j'irois, inconnue.

Ce soir-là le roi, la reine, Monsieur et moi nous soupâmes en particulier auprès du lit de M. le cardinal, parce qu'il avoit la goutte. Nous accommodâmes une cassette que M. de Créqui devoit porter à la jeune reine, de la part du roi. C'étoit un assez grand coffre de calambour, garni d'or, où il y avoit tout ce que l'on peut imaginer de bijoux d'or et de diamants, comme des montres, des heures, des gants,15 des miroirs, boîtes à mouches, à mettre des pastilles; petits flacons de toutes sortes; d'étuis à mettre des ciseaux, couteaux,cure-dents; de petits tableaux de miniature à mettre dans un lit; des croix; des chapelets garnis de lignes;16 des bagues; des bracelets; des crochets de toutes sortes de pierres, une de grand prix; un plus petit coffre, où étoient des perles, des pendants d'oreille de diamants, et une boîte pour les pierreries de la couronne; elles ne sortent point du royaume, et les reines ne les ont point en propre, comme tous ceux-là étoient à elle, des pendants d'oreille de toutes sortes de pierres et des assortiments de même. Enfin on croira aisément que jamais on n'avoit vu un présent si magnifique, ni si galant.

Je partis le lendemain dans un carrosse que j 'empruntai. J'avois avec moi madame la duchesse de Navailles, qui venoit pour être dame d'honneur de la reine, madame de Pontac et mademoiselle de Vandy. Je tins mon voyage secret; car je ne voulois pas mener beaucoup de monde avec moi. Quand nous fûmes à Andaye, qui est le dernier village au bord de l'eau vis-à-vis Fontarabie, Lenet, qui étoit allé devant, me dit: « Les bateaux sont tout prêts. » Il y en avoit trois peints [et] dorés, les plus jolis du monde; l'un étoit avec des rideaux de damas bleu, avec des franges d'or et d'argent, et le dedans de même; les deux autres un bleu, l'autre gris. Nous arrivâmes au port, où nous ne trouvâmes pas de carrosses. Les bateliers dirent qu'il avoit passé des dames qui avoient trouvé des carrosses du roi; il y en avoit une qui avoit dit: « C'est pour moi qu'ils sont ici. » Nous jugeâmes que c'étoit ceux que l'on avoit envoyés pour moi et que madame de Lyonne étoit sûrement la dame qui les avoit pris. Lenet mit pied à terre et arrêta deux carrosses à six chevaux qui passoient, où nous nous mîmes. Il y avoit une garde à la porte de la ville, comme en toutes les places frontières. Je crois qu'elle étoit plus forte que quand le roi d'Espagne n'y est pas. Il y avoit des officiers qui se promenoient devant le corps de garde, qui nous saluèrent avec beaucoup d'honnêteté, comme tous les gens que nous trouvâmes dans les rues. J'avoue que j'eus la vanité d'attribuer cela à ma bonne mine; ce n'étoit pas à ma parure: car j'avois le deuil; j'étois habillée de drap noir, un mouchoir uni, une coiffe claire et mes cheveux tout défrisés; car il avoit plu le matin. Je trouvois que j'avois l'air étranger; car des cheveux blonds fort plats ne sont pas d'un grand ornement.

Nous arrivâmes à l'église, où il y avoit un grand perron; à la porte fort peu de gardes: car là tout est si bien réglé que personne ne se presse d'entrer. Madame de Navailles alloit la première, que mon écuyer menoit; j'étois la dernière avec Lenet. Nous trouvâmes à l'entrée de l'église un lieutenant des gardes-du-corps du roi (j'ai oublié son nom), qui dit: « L'on m'a ordonné de venir recevoir la parente de M. Lenet. » Puis Pimentel arriva, qui me prit par l'autre main et me dit: « Le roi m'a commandé de me mettre auprès de vous, parce qu'il veut vous connoître. » D'abord nous trouvâmes le patriarche des Indes, qui étoit grand aumônier du roi d'Espagne, frère du duc de Medina-Sidonia, qui me fit force compliments; qu'il avoit fort connu mon père en Flandre. On nous mena auprès de l'autel, à droite en entrant (cet endroit est élevé), à un des côtés de l'autel, où il avoit force François, que je pris la liberté de faire ranger, ordonnant comme j'aurois fait ailleurs, sans songer que j'étois inconnue. On m'apporta une chaise; à cela j'oubliai qui j'étois et je refusai la chaise. La place du roi étoit au bout du chœur, au moins où il est dans les églises de France: car il ne me parut ni chœur ni nef: rien n'étoit séparé. Il n'y avoit de jour dans l'église que par une grande fenêtre en rond sur la porte. L'autel [étoit] élevé de beaucoup de degrés. Il y avoit une courtine pour le roi, c'est-à-dire proprement un lit où il n'y a point de bois, qui est attaché au plancher; [il étoit] de brocard d'or. Force aumôniers avec des surplis et des bonnets, sans manteaux. Le drap de pied du roi d'Espagne étoit sous la courtine, et le rideau qui regardoit l'autel seulement étoit ouvert. En suite de la courtine, un siége pour don Louis de Haro; puis un banc pour les grands; vis-à-vis étoit celui des aumôniers; tous les François étoient des deux côtés, sur les degrés dont j'ai parlé. Ce lieutenant des gardes qui nous avoit reçues étoit celui de la garde bourguignonne, [dont les soldats] sont recrutés en Suisse; car il y en avoit quelques-uns avec lui. Ce fut le maître des cérémonies qui nous plaça.

Le roi vint; il marchoit devant lui quelques [gardes], mais qui demeurèrent au bas de l'église, n'étant point nécessaire de faire ranger personne. L'évêque de Pampelune marchoit devant le roi avec tout son clergé, vêtu pontificalement. Le roi avoit un habit gris avec de la broderie d'argent, un diamant en table qui troussoit son chapeau d'où pendoit une perle en poire; ce sont deux pièces de la couronne d'une grande beauté; on les nommoit: le diamant, le miroir du Portugal, et la perle la pélegrine. Il fit la révérence à l'autel; c'est l'homme du monde le plus grave. L'infante le suivoit seule, habillée de satin blanc, en broderie de petits nœuds de lames d'argent, et parée à la mode d'Espagne d'assez vilaines pierreries; il y avoit beaucoup d'or; [elle étoit] coiffée de faux cheveux. Sa camérière-major lui portoit la queue. La première chose qu'ils firent, le roi et elle, fut de me regarder, sans faire aucune mine toutefois de me connoître; je les regardai fort aussi. Le roi avoit bonne mine; il n'étoit pas beau, l'air vieux et cassé. L'infante me parut ressembler à la reine en jeune; elle me plut extrêmement. Le roi dit que l'on tirât le rideau du côté où j'étois, afin que l'on le vît mieux; même il fit signe à des aumôniers de se ranger, de peur qu'ils m'empêchassent de voir. Tous ces soins me parurent fort obligeants. La camérière étoit devant la courtine un peu à côté, avec deux autres veuves vêtues à l'espagnole et trois filles qui n'étoient pas belles et qui avoient furieusement de rouge.

A la moitié de la messe, le commandeur de Souvré s'avisa que M. l'évêque de Fréjus17 n'y étoit point; il le cria à Pimentel et à Lyonne qui étoient de notre côté, et qui ne l'entendoient pas. Je [le] leur dis. Lenet dit à son frère l'abbé de l'aller querir. M. de Fréjus vint tout seul, sans maître de cérémonie ni autre personne pour l'accompagner. En passant auprès de don Louis, il se plaignit du peu de soin que l'on avoit eu de l'avertir. Après l'Évangile, il vint six pages qui avoient de grands flambeaux blancs, qui firent la révérence à l'autel, puis au roi; quand le prêtre eut communié, ils s'en retournèrent avec les mêmes révérences.

Quand la messe fut finie, le roi se mit dans sa chaise et l'infante s'assit sur son carreau. Puis l'évêque descendit et don Louis approcha, qui donna la procuration du roi, que M. de Fréjus lui avoit apportée, à un prêtre qui la lut; ensuite il lut les dispenses du pape; après on les maria.18 Le roi fut toujours entre l'infante et don Louis. Quand il fallut dire oui, l'infante fit la révérence au roi son père, qui apparemment lui permit. Il remua les lèvres si gravement que je ne le vis pas, quoique je fusse fort près et à l'endroit où j'eusse pu mieux voir. Tout ce qu'il y avoit de personnes de condition, François, qui étoient en assez grand nombre, se jeta tout le plus près qu'ils purent [et] firent beaucoup de presse. Je crois que, sans les François, il n'y auroit quasi eu personne, les Espagnols étant en petit nombre. L'infante ne donna point la main à don Louis et il ne lui donna point de bague, comme l'on fait partour. Après que le mariage fut fait, la reine se mit à genoux devant son père et lui baisa la main; il l'embrassa sans la baiser, et ôta son chapeau. En sortant de l'église elle marcha à côté de lui et lui donna la droite. Elle fit cérémonie pour la prendre après qu'ils furent sortis, je demeurai un moment pour laisser sortir le monde. Puis don Pedro d'Aragon, qui étoit capitaine de la garde bourguignonne, vint avec six gardes et dit à Lenet qu'il venoit chercher ses dames. Il marchoit devant nous; il y avoit le fils d'un grand, dont j'ai oublié le nom, qui y étoit aussi. Nous allâmes au château à pied, n'ayant qu'un pas. C'étoit une vieille maison que Vatteville, qui en étoit gouverneur de la province de Guipuscoa, avoit fait raccommoder pour y recevoir la cour d'Espagne.

On trouva là, comme ailleurs, beaucoup de pages et de laquais, la grande dépense des Espagnols consistant quasi tout à cela; il y en avoit grande quantité. On entra d'abord dans une antichambre où il y avoit beaucoup de presse que les François faisoient, puis dans une autre, ensuite dans le lieu où mangeoit le roi sur une petite table; un cadenas19 et point de nef.20 Un gentilhomme de la chambre, de semaine, le servoit et les valets de chambre portoient la viande. Son médecin étoit contre la muraille un peu éloigné; de l'autre côté étoit le duc de Medina de Las Torres, et contre la muraille d'autres grands et la patriarche des Indes. On me mit contre la muraille. Tous les François étoient au milieu de la chambre, fort éloignés. [Le roi] me regarda encore fort; il mangeoit de la grenade à cuillerée, et mangeoit fort lentement. Je me trouvai auprès du marquis d'Ayetone, qui parloit françois. Le marquis de Liche,21 fils aîné de don Louis, m'avoit fort regardée à la messe, et je l'avois rencontré à la porte de la chambre du roi d'Espagne; il avoit dit à Lenet, en passant, qu'il seroit bien aise de voir la dame qu'il menoit, quoiqu'il ne la connût point; il alla se mettre auprès du marquis d'Ayetone. Je lui demandai s'il parloit françois; [il me répondit] qu'il l'entendoit lorsque l'on le parloit doucement. Je lui répondis que j 'étois de même de l'espagnol. Il n'étoit pas beau; mais il avoit la physionomie d'être honnête homme et fort civil. Son frère, le comte de Monterey, me parut beaucoup mieux fait; il alloit et venoit, me faisoit des révérences; mais il ne me parla point. Pour don Louis, je ne le vis que de loin. Le duc de Medina de Las Torres donna à boire au roi; il versa de l'eau de cannelle, dont le roi buvoit, sur la soucoupe, et en fit l 'essai,22 puis lui donna; il se mit à genoux. S'il y a des grand couverts, ils se découvrent dans le temps que le roi boit; car quoiqu'il y en ait beaucoup, tous ceux qui sont officiers de la maison ne se couvrent jamais qu'aux cérémonies.

L'on me vint dire que la reine dînoit. Je sortis sans faire la révérence; car on m'avoit dit qu'il ne falloit pas faire semblant de croire que l'on me regardât. [Le roi] ne me quitta point de vue tant que je fus dans la chambre. J'allai chez la reine, où je trouvai beaucoup de monde à la voir dîner. J'en le sais si c'est parce qu'elle étoit notre reine; mais la presse y étoit bien plus grande, et même on étoit plus proche de la table que de celle du roi, son père. Je lui fis une grande révérence; je passai derrière sa chaise. Je m'allai mettre auprès de la duchesse d'Uzès et de madame de Motteville, qui étoit au bout de la table. Je fis cela d'un air un peu familier. Comme je fus auprès d'elle, je lui fis une seconde révérence, à laquelle elle répondit par un souris le plus agréablement et le plut honnêtement du monde. Elle me parut un air grand, aimable et civile. Je crus qu'elle plairoit à tout le monde quand elle seroit ici; pour moi, j'en fus enchantée. Madame de Motteville, qui parle espagnol, lui dit que je la trouvois fort à ma fantaisie.23 Elle lui répondit fort obligeamment qu'elle en étoit bien aise. Tout le temps qu'elle fut à dîner, elle regarda toujours de mon côté et parla assez. Il y avoit un certain bouffon qui étoit venu à Saint-Jean-de-Luz, qui lui dit comme j'entrois: « Voilà mademoiselle d'Orléans, la cousine du roi de France. » Elle le fit taire; c'étoit un assez mauvais bouffon.

En sortant de table, elle vint à moi et dit: « Il faut que l'embrasse cette inconnue. » Je voulus lui baiser la main; elle ne le voulut pas souffrir. Elle24 n'étoit pas si belle que celle de la reine mère. Elle s'en alla dans sa chambre. Sa première femme de chambre me vint voir; elle me dit que je ne m'en allasse pas, et peu après elle revint me dire que la reine me demandoit. Elle étoit assise sur des carreaux; on m'en apporta un. Elle me fit signe de m'y mettre. Je demandai quelqu'un qui sût parler françois; on fit entrer le baron de Vatteville. Elle me demanda des nouvelles de la reine et de M. le cardinal; que l'on lui avoit dit que mes sœurs étoient jolies; si madame de Carignan n'étoit pas à Saint-Jean-de-Luz. Puis elle me parla de l'impatience qu'elle avoit de voir la reine; qu'elle avoit fort envie de me connoître; qu'elle étoit bien aise de me voir. Il n'y eut pas de bontés et d'honnêtetés qu'elle ne me témoignât, auxquelles je répondis avec tout le respect que je devois et la reconnoissance. Je me levai pour m'en aller; je la suppliai de me donner sa main; elle ne le voulut pas et m'embrassa encore une fois. Je lui attrapai la main; elle se leva et me fit la révérence. Elle donna sa main à madame de Navailles et aux deux autres dames [que j'avois avec moi.] L'on m'offrit fort à boire et à manger; mais je n'en voulus ni l'un ni l'autre. Vatteville me pressa fort aussi pour me donner à dîner; il me vint conduire jusqu'au bateau, où un carrosse de la reine me mena. J'allai dîner en diligence à Andaye, ayant beaucoup d'impatience de retourner dire à la reine ce que j'avois vu. J'allai descendre chez M. le cardinal, où elle étoit; je lui fis une fidèle relation de ce qui s'étoit passé à mon voyage, dont elle fut aussi contente que moi. C'étoit beaucoup dire; car je l'étois extrêmement.

C'étoit le jour de la petite Fête-Dieu, 3 juin 1660. Après avoir suivi la reine au salut, j'allai avec la même diligence que j'étois venue, m'habiller pour aller au bal, où je n'aurois pas été dans mon grand deuil; mais le jour du mariage du roi étoit une chose qui portoit sa permission pour toute autre. J'étois parée de perles, et mes sœurs aussi; car cette parure est de deuil quand elle est seule. Le bal ne dura pas longtemps, ayant commencé tard, et Leurs Majestés vouloient aller souper avant minuit; il faut que les occasions soient bien pressantes à la cour, quand elles font perdre un repas.

Pendant le bal, la reine m'entretint quasi toujours, et le roi, me disant qu'il étoit plus aise de ce que je le leur disois de la [jeune] reine, que [de] tout ce que l'on leur en avoit encore dit; qu'ils étoient ravis qu'elle me plût; que j'avois le goût bon; que je me connoissois bien en toute chose; que c'étoit une marque de son esprit que toutes celles qu'elle m'avoit témoignées de ses bontés. Enfin il ne se peut rien de plus de plaisir à les écouter que je n'en aurois fait à danser, quoique je l'aimasse encore assez en ce temps-là; mais la considération en tout temps que l'on a fait de moi a toujours prévalu sur le plaisir.

La reine [mère] alla le lendemain à la conférence voir le roi son frère. Elle ne mena avec elle que M. le cardinal [et] ses dames d'honneur et d'atour. Le roi y étoit inconnu. La reine nous conta à son retour la joie qu'elle avoit eue de voir le roi, son frère, et celle que, lui, avoit témoignée de son côté, et qu'ils s'étoient dit des choses si tendre et si obligeantes sur ce mariage et sur la paix, qu'il n'y avoit rien d'égal; qu'il lui avoit parlé de moi; qu'il étoit fâché que j'eusse voulu être inconnue, et que cela avoit empêché que l'on me rendît tout l'honneur qu'il auroit voulu. J'eus la curiosité de savoir si le roi d'Espagne n'avoit pas baisé la reine [mère]. Je lui demandai; elle me dit que non; qu'ils s'étoient embrassés à la mode de son pays. Don Louis passa dans la salle de la conférence, comme la reine y étoit, du côté de France, et le roi s'approcha de la porte et regarda la reine par-dessus son épaule. La reine mère sourit au roi, son frère, qui le regarda; la [jeune] reine le regarda aussi, qui nous a dit qu'elle le trouva fort bien fait; mais elle baissa les yeux. Le roi nous parut fort content de la reine; il demeura sur le bord de la rivière, la vit embarquer; elle regarda volontiers de ce côté-là.

L'on songea à la cérémonie et l'on s'avisa qu'il falloit porter une offrande à la reine; qu'ainsi je ne pouvois pas porter la queue et que ce seroient mes sœurs [qui la porteroient] avec madame de Carignan. Madame de Saujon voulut en faire difficulté. Je lui dis qu'elle avoit tort; car à la quarantaine de la reine mère à Notre-Dame, ma belle-mère portoit l'offrande, et moi la queue avec feu madame la Princesse et madame la Comtesse. J'avoue que je ne fus pas fâchée que cela arrivât, pour faire à la noce ce que ma belle-mère avoit fait au deuil. M. le duc de Roquelaure s'étoit offert, dès que l'on avoit parlé de porter les queues, à porter la mienne; je l'avois accepté. On chercha des ducs pour porter celles de mes sœurs; pas un ne le voulut. Madame de Saujon cria fort que Madame seroit au désespoir de cette distinction; qu'elle ne le souffriroit pas; que mes sœurs n'iroient plutôt point. Le cardinal dit: « Je ferai ce que je pourrai; mais personne ne le veut; » de sorte que, pour ne faire pas plus d'embarras à la cérémonie, je dis à M. de Roquelaure que je le remerciois, et que j'étois bien fâchée de quoi je ne pouvois accepter l'offre obligeante qu'il me faisoit; et que j'étois bien touchée que le peu de cas que l'on faisoit de ma belle-mère, faisoit que l'on ne vouloit pas rendre autant d'honneur à mes sœurs qu'à moi. Je dis à M. le cardinal: « Vous voyez que quand il est question de faire de l'embarras au roi ou à vous, j'abandonne tout; donnez-moi qui il vous plaira, tout me sera bon. » Il me dit: « Je vous donnerai mon neveu. » Ce choix me plut fort et me parut plus avantageux que tous les ducs du royaume. C'étoit le comte de Sainte-Mesme qui portoit celle de ma sœur d'Alençon, qui étoit premier écuyer de ma belle-mère et l'avoit été de mon père. Ma sœur de Valois eut le marquis Du Châtelet, qui étoit mestre-de-camp du régiment de cavalerie de mon père. Le comte de La Fueillade [porta] celle de madame de Carignan. Voilà comme tout fut résolu.

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Le dimanche [6 juin], dont la reine avoit été le vendredi voir le roi, son frère, nous partîmes après dîner de très bonne heure pour aller à la conférence. Il y avoit dans le carrosse le roi et la reine, Monsieur, mes sœurs, M. le prince de Conti, madame de Noailles et moi. Madame la comtesse de Fleix25 n'y vint pas, parce qu'elle n'alloit pas où alloient les duchesses, ne l'étant point à cause des prétentions de la maison de Foix, dont étoit son mari. La reine mère avoit son voile de veuve, deux demi-tours et une croix de perles et des pendants d'oreille; le roi et Monsieur, des cordons de chapeau de diamants. On peut juger de leur ajustement et de la beauté de leurs habits. Le roi en étoit moins paré que de sa bonne mine naturelle. Mes sœurs et moi avions nos mantes de deuil, qui est l'habit de respect, quand l'on est en deuil, la première fois que l'on voit les gens à qui l'on en doit. Dans l'autre carrosse de la reine étoient madame la princesse de Carignan et madame la princesse de Bade, sa fille, madame la princesse palatine, mesdames les duchesses d'Uzès, de Gramont et de Navailles.26 Comme nous étions en carrosse, le fils du duc de Medina de Las Torres vint faire un compliment au roi de la part du roi d'Espagne, et à la reine aussi.

Le chemin nous parut bien long, faisant une excessive chaleur. Le roi d'Espagne étoit arrivé avant nous. A la droite de leur côté étoit leur infanterie et leur cavalerie; de notre côté, étoient aussi nos troupes composées de la garde ordinaire des régiments françois et suisses, qui avoient tous des houppelandes bleues avec un galon d'or et d'argent et les chiffres du roi au milieu. Je ne les vis pas, parce qu'ils étoient postés de manière à être vus du côté des Espagnols. Les mousquetaires et les gardes du corps avoient des casaques neuves, et les gendarmes et chevau-légers étoient aussi vêtus de neuf. Nous vîmes ceux du roi d'Espagne, qui avoient tous, tant cavalerie qu'infanterie, des houppelandes ou casaques de livrée: elles étoient jaunes, des passements veloutés à petits carreaux rouges et blancs. Il n'y eut que vingt gardes du roi qui mirent pied à terre.

Nous entrâmes par la galerie, dont j'ai déjà parlé, et nous allâmes ensuite dans tous les appartements, qui étoient ainsi que je le l'ai déjà dit. On trouva dans une des chambre des Espagnols qui apportoient un présent pour Sa Majesté, qui étoit des coffre en forme de bahuts très-grands, garnis de bandes d'or; ils étoient fort jolis et fort magnifiques. On n'a guère accoutumé d'en voir de cette manière. Je ne sais ce qui étoit dedans; je pense avoir ouï dire que c'étoient des parfums. Il y en avoit quatre pour le roi, autant pour la reine, et deux pour Monsieur. J'étois fort fâchée qu'il n'y a en eût pas pour moi. Ce fut de la part de la [jeune] reine que l'on leur donna. Après avoir passé toutes les chambres et une petite galerie que j'avois oublié de marque, qui étoit le long de la chambre de la conférence, M. le cardinal nous dit d'entrer dans un cabinet, en attendant que l'on nous fît entrer dans la chambre étoient le roi d'Espagne et la [jeune] reine. Il n'entra avec Leurs Majestés que Monsieur, M. le cardinal et madame de Navailles.

Nous y fûmes assez longtemps; puis l'on nous vint querir; la reine me fit dire d'ôter mon gant et de faire la révérence; car le roi d'Espagne ne baise point, et le roi n'avoit baisé la [jeune] reine ni Monsieur. Le roi d'Espagne ne branla pas de sa place; à peine fit-il un mouvement du pied, qui peut signifier qu'il vouloit faire la révérence; mais il en fit plus pour moi que pour mes sœurs. La reine [mère] les présenta et toutes les princesses et duchesses et les dames et filles qui étoient à sa suite et aux nôtres. La [jeune] reine avoit une robe de satin blanc en broderie de jais, dont les lisières étoient des fleurs de lis; elle étoit coiffée de ses cheveux; ce qui lui seyoit fort bien; car ils sont d'un beau blond; elle s'étoit parée d'un bouquet d'émeraudes en poires, avec des diamants qui étoient dans le présent que M. le duc de Créqui lui avoit porté. Il fit sa commission, comme il fait toute chose avec grande magnificence:il avoit soixante personnes de livrée et grand nombre de ses amis qui l'accompagnèrent.

Après que l'on se fut regardé quelque temps, on fit entrer du monde de tous les côtés: M. le prince de Conti étoit entré en même temps que moi; le comte de Soissons entra avec tous les ducs, maréchaux et officiers de la couronne et de la maison du roi, de la reine et de Monsieur. Il y entra deux ou trois personnes de la cour; mais à ces choses-là, il n'est pas honorable d'y entrer lorsque l'on nomme les gens;27 et lorsque l'on n'est pas nommé, on ne se doit pas offenser de ne l'être point, quand ce sont les charges qui règlent cela et que ce n'est pas une préférence. Je ne me souviens plus des Espagnols qui entrèrent, quoique je me les eusse fait tous nommer par le marquis d'Ayetone; car je passai de leur côté pour lui parler. Les deux rois parurent chacun devant leur table; on leur apporta un carreau; au roi, ce fut M. l'abbé de Coislin; au roi d'Espagne, le marquis de Malepique, grand maître des cérémonies. M. le cardinal apporta l'Évangile et une croix que l'on mit dessus; au roi d'Espagne, le patriarche des Indes. M. le cardinal avoit son rochet, et l'autre le sien. Les deux rois se mirent à genoux. M. le comte de Brienne, secrétaire d'État, prit la traité de paix, et don Fernand Ruy de Contraro, qui étoit secrétaire d'État d'Espagne; chacun [le] lui tout haut, à même temps, en sa langue. Après, les deux rois mirent la main sur l'Évangile et dirent qu'ils juroient de tenir tout ce qui étoit contenu dans le traité de paix; le roi d'Espagne parla parla le premier: l'on disoit que c'étoit une déférence qu'il nous avoit rendue. Après, ils se levèrent et s'embrassèrent; le roi lui dit qu'il lui juroit amitié aussi bien que la paix; ils se dirent des discours très-tendres et s'embrassèrent. Ensuite ils allèrent chacun au bout de leur table. Don Louis présenta les Espagnols au roi, et M. le cardinal, les François au roi d'Espagne; après quoi ils s'en allèrent chacun dans leur cabinet signer la paix et revinrent à même temps, et un moment après, le roi d'Espagne dit à la reine qu'il étoit tard, et qu'il reviendroit le lendemain à trois heures. On se sépara.

La reine nous conta en revenant qu'elle avoit dit au roi, son frère, qu'elle avoit eu bien peur que sa santé l'empêchât de pouvoir venir lui-même amener sa fille; qu'il lui avoit répondu qu'il seroit plutôt venu à pied pour voir un tel fils que le roi. En regardant M. de Turenne, il dit à la reine: « Cet homme m'a donné de méchantes heures. » L'on peut juger si M. de Turenne s'en sentit désobligé. Ils retournèrent dès midi, le lendemain, à la conférence; il n'y alla personne avec la reine; elle nous ordonna de nous trouver à son logis pour y recevoir la reine, qui y devoit venir loger deux jours. Ils revinrent tous dans le carrosse de la nouvelle reine. Nous étions à la porte de l'antichambre; elle avoit la mine fort gaie, quoiqu'elle eût beaucoup pleuré en quittant le roi son père, lequel pleura aussi, et même le roi, la reine [mère] et Monsieur. Après avoir été là, un moment, elles donnèrent le bonsoir; la reine monta dans la chambre de la reine [mère]. Quand tout le monde fut sorti, elle ôta son guard-infante,28 où le roi la mena; elle soupa; puis le roi la ramena à sa chambre; il lui baisa la main et lui dit qu'il falloit la laisser coucher; qu'il étoit tard; si elle n'avoit point envie de dormir; elle lui répondit que non et qu'elle n'en avoit jamais eu moins d'envie.

J'avois été tout le jour fort en chagrin sur ce que l'on m'avoit dit que la reine ne me baiseroit point; que le roi ne le vouloit pas. J'avois parlé sur cela à M. le cardinal et je lui avois représenté que la reine, sa belle-mère, l'avoit toujours fait et que même elle baisoit les princesses du sang et qu'elle n'avoit discontinué que pour mortifier madame de Longueville à son retour de Stenay. Je l'avois dit aussi à la reine mère, qui me dit: « Ce sont de ces fantaisies du roi, qui veut que sa femme le prenne d'un air que reine n'a jamais fait. Vous pouvez croire que puisque je le fais, je serois fort aise que ma belle-fille le fit; » de sorte que j'étois dans l'incertitude de ce qui en arriveroit. Comme la reine vint, je m'avançai pour la saluer dans un passage, où heureusement on ne voyoit guère clair: les flambeaux s'étoient éloignés par la presse. Elle ne me baisa pas, et je dis à mes oseurs que, si on leur demandoit, elles disent que la reine n'étoit pas encore accoutumée à la mode de France; que n'ayant pas baisé son père qu'elle ne verroit jamais, il n'étoit pas juste qu'elle nous eût baisées le jour même. Et j'espérois toujours que cela changeroit; car Monsieur s'y intéressoit, plus foiblement pourtant qu'il ne faisoit d'ordinaire, parce que madame la princesse palatine le gouvernoit, de laquelle il étoit entêté de nouveau, par le mariage de la princesse d'Angleterre, à quoi il pensoit et à quoi il ne trouvoit nul obstacle, quoique la princesse palatine lui fit valoir que le roi d'Angleterre, étant rentré dans ses États, seroit recherché de la maison d'Autriche; et que l'empereur, dépité de n'avoir pas eu la reine [Marie-Thérèse], se marieroit fort brusquement. De cette politique, il n'y avoit que Monsieur qui en pût tâter. Le rétablissement du roi d'Angleterre29 étoit encore si nouveau et si mal établi, que peu de princes en eussent recherché l'alliance dans ces commencements, et la maison d'Autriche ne va pas si vite.

La princesse palatine s'étoit mis dans la tête que je ne la devois plus appeler ma cousine, quoique elle eût tenu cela à grand honneur toute sa vie. Son mari étoit mon parent fort proche du côté de ma mère, une fille de Bourbon, de la branche de Montpensier, ayant épousé le prince d'Orange-Nassau, dont une fille avoit épousé un électeur palatin;30 de son côté, d'elle, de la maison de Gonzague, dont sont les ducs de Mantoue, une Médicis, sœur de la reine, ma grand'mère, en avoit épousé un. Je crois que c'étoit sa grand'mère. Elle ne savoit comme découvrir cette intention. Mes sœurs l'allèrent voir et l'appelèrent ma cousine. En sortant, elle appela madame de Saujon, et lui dit: « Je ne sais de quoi Mesdemoiselles s'avisent de m'appeler leur cousine; je n'ai pas l'honneur de l'être. » Madame de Saujon m'en rendit compte; je le dis à M. le cardinal; il me répondit: « Je n'entends pas cela. » Je le dis à la reine; elle me dit: « La palatine est belle-fille d'un roi. » Je lui répondis: « D'un roi que Votre Majesté ne doit pas reconnoître, puisque ç'a été une usurpation sur votre maison;31 et comme elle a toujours été plus puissante que celle de Bavière, dont sont les comtes palatins, et que la vôtre possède l'Empire depuis beaucoup d'années, on l'en a chassé et même du Palatinat, et peu de princes l'on reconnu en cette qualité [de roi]; il est mort en Hollande, où les États lui avoient donné de quoi vivre. Ainsi cette qualité n'a donné nul rang à ses enfants, et Votre Majesté sait bien qu'elle ne les a pas traités ainsi; et pour être cadets d'électeur, c'est comme des autres maisons souveraines. J'ai toujours appelé madame la duchesse de Lorraine ma cousine, qui étoit une grande souveraine qui le tenoit à honneur. Puisque madame la palatine n'en fait pas cas, je ne lui en ferai plus;32 car je ne m'en fais point à l'en traiter. » Comme la reine mère voyoit que j'avois raison, elle ne dit plus rien, mais ne m'en parut pas moins en colère, et je crois que cela contribua un peu à la négligence qu'elle eut de presser le roi de me faire baiser par la reine.

Le lendemain que la reine fut à Saint-Jean-de-Luz, elle demeura encore chez la reine mère, habillé à l'espagnole. Je l'allai voir; elle me fit toujours force amitiés. Elle écrivoit au roi son père, dîna avec la reine [mère], et alla à la comédie espagnole. Le lendemain on fit la cérémonie du mariage.33 On y fut de bonne heure. Le matin en arrivant, je montai chez la reine mère, où madame d'Uzès, me vint dire: « La princesse palatine aura une queue; ne voulez-vous pas l'empêcher? » Monsieur arriva là-dessus, qui l'alla dire à la reine [mère], qui répondit qu'aux noces de la reine d'Angleterre cela s'étoit fait ainsi, et que l'on n'en parlât pas davantage. Elle descendit chez la reine, sa belle-fille, qui s'habilloit, et conta la chose au roi, qui dit qu'il le falloit demander à Rhodes, grand maître de cérémonies. On l'alla querir, et Rhodes dit que la cérémonie des noces du mariage de la reine d'Angleterre n'avoit point été écrite, parce que le feu roi l'avoit défendu; et qu'aux noces de Charles IX il n'y avoit eu que les princesses du sang qui avoient eu des queues. Sur cela, M. le prince de Conti et madame de Carignan me dirent que, si je n'étois pas là, ils sauroient bien ce qu'ils auroient à faire; mais que, comme j'étois leur aînée, c'étoit à moi à leur ordonner, et qu'ils feroient ce que j'ordonnerois, et que cela ne se devoit pas souffrir.

Dans ce temps-là M. le cardinal entra; nous allâmes à lui; je lui contai la chose comme elle étoit, et dis sur cela tout ce qu'il y avoit à dire. Le roi survint, qui nous donna une favorable audience; je lui dis que nous priions M. le cardinal de lui représenter comme la chose le regardoit plus que nous, parce que nous n'étions rien que par ce que nous avions l'honneur de lui être et par ce qu'il vouloit que nous fussions; que les autres croyoient tirer leur grandeur d'eux mêmes, et indépendamment de Sa Majesté. La cause étoit si bonne de soi, qu'il ne fut pas difficile de la bien soutenir; elle ne fut pas déduite bassement, et comme j'étois animée, je crois que je fus fort éloquente; au moins M. le cardinal le dit-il. Le roi est fort jaloux de sa grandeur, quoiqu'il n'en parle pas comme Monsieur; et d'ailleurs il n'aimoit pas la princesse palatine; il est fort juste.Tout cela contribua à lui faire entendre nos raisons, et à l'en persuader aisément. Le roi dit à M. le cardinal: « Allons parler à la reine. » Ils y allèrent et le roi lui dit qu'il n'étoit pas dans l'ordre que madame la palatine eût une queue; qu'il la falloit ôter; car elle étoit dans la chambre, et avoit fait la chose bien finement, croyant que la reine mère la soutiendroit, et que le peu de temps que l'on auroit à examiner la chose la feroit passer. La reine répondit au roi qu'elle ne voudroit rien faire contre la maison royale, et elle alla [le] dire à la princesse palatine, qui fut fort en colère, et la reine aussi. Elle s'en alla et ne fut point à la cérémonie, quoiqu'elle fût fort parée. La reine dit l'après-dînée tout haut: « Je dois être plus fâchée que madame la princesse palatine de ce qui est arrivé ce matin; car elle m 'avoit demandé si elle le feroit et je croyois que cela étoit dans l'ordre. Ainsi c'est moi qui lui ai fait faire cette faute. » Elle bouda fort contre madame de Carignan et contre moi. Tout le monde étoit bien aise de la mortification de la palatine; car elle n'étoit pas aimée, et tous les gens de condition honorent fort la maison royale, et sont fort contre l'élévation des princes étrangers.

On partit pour aller à la messe. Il y avoit un pont dans la rue, tout tapissé par en bas, du logis de la reine à l'église. La reine avoit un manteau royal de velours violet semé de fleurs de lis, un habit blanc dessous de brocard, force pierreries, [et] une couronne sur la tête. J'ai déjà dit qui lui portoit la queue; je marchois après. Pour le roi, j'avoue que je ne me souviens précisément comme il étoit habillé; je crois qu'il étoit fort brodé d'or et Monsieur aussi; qu'ils avoient des cordons de chapeau de diamants. Je crois que Monsieur menoit la reine; je ne sais si le roi la menoit ou marchoit devant: pour cela, l'on le verra dans ce qui en est écrit sur les registres de M. de Rhodes. Les régiments des gardes suisses et françoises étoient en haie dans la rue des deux côtés du point, qui n'étoit élevé que de deux ou trois pieds; j'y vis une certaine garde qui ne sert jamais qu'aux cérémonies, que l'on m'a dit avoir été en son temps fort à la mode et dans une grande considération, les becs-de-corbin.34 Il y en a deux compagnies, la première est commandée par le comte de Péguilin, cadet de la maison de Lauzun, où cette charge a toujours été, et l'autre par le marquis d'Humières, de la maison de Crevant. Je ne sais [par] quelle raison ce dernier voulut disputer à l'autre; cela fit un embarras. Le premier l'emporta d'une grande hauteur. En quelque état qu'il ait été, il en a toujours eu en toutes choses, et il n'est pas destiné, comme il a paru, pour de petites.

L'évêque de Bayonne fit la cérémonie [et] dit la messe; on ne doit pas douter si l'église étoit bien parée, la musique bonne, et si le monde n'y étoit pas en foule. Je portai mon offrande [et] fis mes révérences aussi bien qu'une autre auroit fait: je suis propre aux cérémonies: ma personne tient aussi bien sa place en ces occasions que mon nom dans le cérémonial. On retourna au même ordre.

La reine, qui étoit fort lasse, se mit au lit et dîna en son particulier; chacun alla dîner chez soi. Sur le soir, l'on alla chez la reine; elle étoit habillée à la françoise et coiffée fort bien.La reine mère y étoit, le roi, Monsieur et tout le monde. On jeta par les fenêtres de certaines pièces d'or et d'argent, que l'on appelle des pièces de largesse, où il y avoit des devises; on dit que c'est l'usage. Sur les huit heures la reine donna le bonsoir. On s'en alla, et la reine mère mena la reine au logis du roi, où ils soupèrent; il n'y avoit que le roi, les reines et Monsieur. Je crois que la reine mère donna à son chagrin et à celui de la palatine de ne nous y avoir pas fait aller: car cela étoit assez dans l'ordre, et l'on s'en étonna.

Le lendemain on fut prendre la reine pour aller à la messe. On y retourna l'après-dînée; elle fut promener avec la reine mère et le roi, qui étoit de la plus grande gaieté du monde: on rioit; on sautoit; il alloit chez lui entretenir la reine; c'étoit la plus belle amitié du monde. La comtesse de Pleigo, sa camérière, s'en retourna [avec] ses filles et quelques-unes de ses femmes; il en demeura cinq, un chirurgien, un médecin, un confesseur et le mari d'une de ses femmes, qui étoit nièce de la Molina, sa première femme de chambre, et qui avoit été à la reine, sa mère.

Tous les Espagnols me regardèrent fort à la conférence; ils trouvoient que je ressemblois à la feue reine d'Espagne,35 ma tante, pour qui ils avoient une grande vénération; aussi le méritoit-elle bien; c'étoit une des plus vertueuses femmes du monde; elle l'avoit fait paroître en souffrant avec autant de patience qu'elle avoit fait les débauches du roi, son mari; [ce] qui lui avoit acquis une telle estime pour elle, qu'il lui donnoit dans les derniers temps beaucoup de part aux affaires; ce qui avoit fait connoître son mérite et son esprit, que l'on n'avoit pas connu jusque-là, n'en ayant pas eu d'occasion. Pendant un voyage que le roi d'Espagne fit en Catalogne peu de temps avant sa mort, il donna au public des marques de la confiance qu'il avoit en elle, en lui laissant le gouvernement de l'État, dont elle s'acquitta avec grande capacité et l'applaudissement de tout le monde.

 


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NOTES

1. Il y a ici erreur et contradiction de la part de Mademoiselle, qui vient de dire que Toulouse, capitale du Languedoc, ne se déclara pas. Les anciens éditeurs ont cherché à tout concilier en mettant la Guienne, qui est une bonne partie du Languedoc. Le sens de la phrase est que le Languedoc, à l'exception de Toulouse, s'était déclaré contre le cardinal Mazarin.

2. La cour arriva à Dax le 30 avril.

3. La cour resta à Bayonne du 1er mai au 8. La Gazette de Renaudot est d'accord sur ce point avec les Mémoires de Mademoiselle. Madame de Motteville dit que la cour arriva à Bayonne le 5 mai.

4. Le roi arriva le 8 mai à Saint-Jean-de-Luz et alla le lendemain à l'île des Faisans, où avaient lieu les conférences. Cette île trouve au milieu de la Bidassoa.

5. Philippe IV arriva à Saint-Sébastien le 11 mai.

6. Tout le monde se rappelle l'apostrophe de Bossuet à l'île des Faisans: « Ile pacifique, où se doivent terminer les différends de deux grands empires, à qui tu sers de limites; île éternellement mémorable par les conférences des deux grands ministres, etc. » (Oration funèbre de Marie-Thérèse.)

7. Phrase omise dans les anciennes éditions.

8. Phrase omise dans les anciennes éditions depuis avoit demeuré avec elle jusqu'à toujours avec elle.

9. C'est-à-dire un endroit digne d'éloges.

10. Marguerite-Yolande de Savoie, femme de Ranuce II, duc de Parme, mourut en 1663.

11. Ce passage, depuis ce qui me donnoit peu de goût jusqu'à je n'y sus parvenir, a été omis dans les anciennes éditions.

12. Il n'y a dans la pensée et dans l'expression de Mademoiselle qu'un sentiment d'éloge pour madame de Motteville, tandis que les anciennes éditions lui font dire qu'il y avoit dans les lettres de cette dame quantité d'autres ramassis assez particuliers.

13. Le recueil dont parle Mademoiselle parut à Cologne en 1667 sous le titre de Recueil de pièces nouvelles et galantes. Les lettres de madame de Motteville se trouvent dans la 2e partie, p. 21 à 46. Voy. aussi les manuscrits de Conrart à la bibliothèque de l'Arsenal, in-fo, t. XI, fo 63 et suiv.

14. Pierre Lenet, qui a laissé des Mémoires qui ont été publiés dans toutes les collections de Mémoires relatifs à l'histoire de France.

15. Ce mot est assez difficile à lire; j'ai suivi les anciennes éditions. On pourrait lire des agendas, mot que l'on trouve dans les Dictionnaires du dix-septième siècle. Furetière l'explique ainsi: « Tablettes où l'on écrit ce qu'on a à faire durant le jour. »

16. J'ai reproduit exactement le texte; mais je ne comprends pas le sens de ces mots garnis de lignes.

17. Cet évêque était, comme on l'a déjà dit (Chap. XXXII), Zongo Ondedei, parent du cardinal Mazarin.

18. Cette cérémonie eut lieu le 3 juin 1660.

19. Espèce de coffre d'or ou de vermeil doré où l'on mettait le couteau, la cuiller, la fourchette, etc., dont on faisait usage sur la table des rois ou des princes.

20. Vase de vermeil qui contenait les serviettes qui devaient servir au roi ou aux princes.

21. Gaspard de Haro de Guzman, marquis de Carplo et de Liche, comte-duc d'Olivarez.

22. Cet usage, qui remontait à une époque fort reculée, avoit pour but de s'assurer que la boisson n'était pas empoisonnée. Au moyen âge, en touchait les mets avec une corne de licorne, à laquelle on attribuait la propriété de préserver des maléfices. (Voy. Paré, Discours de la Licorne, et Des Venins.

23. Voy. les Mémoires de madame de Motteville, à l'année 1660;elle parle aussi de cette circonstance: « Mademoiselle, dans ce temps-là, étoit allée voir dîner le roi d'Espagne. Elle revint alors, et, s'étant appuyée sur moi, je fus leur truchement. Notre nouvelle reine, sachant que c'étoit elle, quine vouloit pas être connue, lui fit quelques souris et répondit toujours agréablement à tout ce qui se disoit de notre côté. Cette princesse étant sortie de table, elle s'approcha à Mademoiselle et lui dit, en faisant mine de l'embrasser: Un abrazito le quiero dar á escondida (Je veux donner un baiser à cette inconnue). Elle la fit entrer dans sa chambre, où il y avoit deux carreaux; elle lui en fit donner un et la traita de vos, comme étant reine, faisant toujours néanmoins semblant qu'elle ne la connoissoit pas. »

24. La main de la jeune reine.

25. Marie-Claire de Beaufremont, mariée à Jean-Baptiste Gaston de Foix, comte de Fleix.

26. Les anciennes éditions ont mis ici madame de Noailles parmi les duchesses. Le manuscrit porte madame de Navailles. Et en effet madame de Noailles n'eut le titre de duchesse qu'à partir de 1661 (15 décembre).

27. C'est-à-dire de ne pas entrer de droit, mais par faveur.

28. Madame de Motteville (Mémoires, à l'année 1660) décrit le guard-infante: « C'étoit une machine à demi-ronde et monstrueuse; car il sembloit que c'étoient plusieurs cercles de tonneau cousus en dedans de leurs jupes, hormis que les cercles sont ronds et que leur guard-infante étoit aplati un peu par devant et par derrière, et s'élargissoit par les côtés. Quand elles marchoient, cette machine se haussoit et se baissoit et faisoit enfin une fort laide figure. »

29. Charles II fut proclamé roi le 11 mai, au moment où les rois de France et d'Espagne arrivaient, l'un à Saint-Jean-de-Luz et l'autre à Saint-Sébastien.

30. On a vu antérieurement qu'Anne de Gonzague avait épousé un de fils de l'électeur palatin,Frédéric V.

31. Frédéric V, comme on l'a vu, avait été proclamé roi, au commencement de la guerre de Trente ans, par les Bohémiens, qui s'étaient révoltés contre la maison d'Autriche.

32. C'est-à-dire je ne lui ferai plus l'honneur de la traiter de cousine.

33. Le mariage fut célébré le 9 juin.

34. Les becs-de-corbin, ou gentilshommes à bec-de-corbin, formaient deux compagnies de la maison militaire du roi. Ils tiraient leur nom de leur hallebarde en formes de bec de corbin. La première de ces compagnies, forte de cent gentilshommes, avait été instituée par Louis XI en 1478. Charles VIII établit la seconde en 1497. Les becs-de-corbin ne furent supprimés qu'en 1776, sous le ministère du comte de Saint-Germain.

35. Isabelle, ou Élisabeth de France, fille de Henri IV, morte le 6 octobre 1644.


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