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Deuxième Partie


CHAPITRE VII

(juin 1664 – juin 1666)

Madame de Navailles eut ordre de se retirer,1 et M. de Navailles aussi et de se défaire de ses charges. La reine mère et la reine en furent fort fâchées. Je l'allai voir ; je la trouvai sur un petit lit de repos, lisant les psaumes de David. C'est une femme qui a de la vertu et du mérite ; mais elle est d'un si extraordinaire ménage, que cela lui nuisoit et à son mari. Comme ils sont fort dévots tous deux, le mari voulut raisonner avec le roi sur mes amours, qui ne le trouva pas bon, et à dire le vrai, il faut avoir un caractère autre que celui de M. de Navailles pour reprendre non pas le roi, mais les autres gens. Les scènes inconsidérées ne réussissent pas toujours. Comme c'est un homme de mérite, il fut plaint. Pour elle, elle n'étoit pas aimée ; car outre l'inclination que la reine avoit par l'habitude d'Espagne à être en son particulier, madame de Navailles y contribuoit encore. Cette disgrâce ne ruina pas leurs affaires ; car ils eurent de grosses sommes d'argent de la charge des chevau-légers et du gouvernement du Havre. Le duc de Chaulnes eut l'une, et le duc de Saint-Aignan l'autre ; madame de Montausier fut dame d'honneur de la reine, à quoi elle étoit bien plus propre qu'à gouverner M. le Dauphin. C'étoit une femme de grand esprit, de la dernière politesse, qui se connoissoit mieux en jolies choses qu'au lait des nourrices et au jargon qui endort les enfants. Mais elle fit bien connoître que les grands esprits sont propres à tout quand il leur plaît, s'étant fort bien acquittée de cet emploi tant qu'elle l'a eu.2 La maréchale de La Mothe lui succéda ; c'est une femme de bonne mine, une prestance de gouvernante ; propre à entretenir les nourrices, les femmes de chambres, à compter les bouillons qu'il faut pour donner la cuisson nécessaire à la bouillie ; sa grand'mère avoit nourri le roi. Elle tient bonne table et fait honneur à la cour ; tout le monde en fut bien aise.

Le temps que je fus à Fontainebleau, on me traita à merveille ; le roi me mena à un médianoche sur le canal avec Madame où étoit la musique ; c'étoit dans le temps de la faveur de La Vallière qui étoit fort belle pour lors. Je demandai fort à la reine mère ce que j'avois fait ; elle me dit qu'il ne falloit plus parler du passé. Je crois qu'ils avoient honte d'avoir tant fait de choses pour rien. Un soir après la comédie, le roi me mena sur une petite terrasse et me dit : « Il faut oublier le passé ; soyez persuadée que vous recevrez toutes sortes de bons traitements de moi à l'avenir, et que je vais songer à votre établissement ; M. de Savoie est un bien meilleur parti qu'il n'étoit : sa mère est morte. Il connoîtra la différence qu'il y a de votre sœur à vous. Ainsi vous serez fort heureuse et j'y travaillerai sérieusement. » Je lui répondis que le seul bonheur que je pouvois avoir étoit ses bonnes grâces ; que je ne songeois qu'à cela, que j'avois été au désespoir de les avoir perdues sans savoir pourquoi ; que si j'osois, je lui demanderois un éclaircissement sur le passé ; que j'avois sur le cœur que M. de Turenne lui avoit donné parole sur le fait de Portugal, et que voyant que j'y avois manqué, il m'avoit chassée ; que je ne lui avois jamais donnée. Il me dit encore : « Je suis content de vous ; ne parlons plus de rien. » Je lui voulus baiser les mains ; il m'embrassa, et en sortant il dit : « Nous venons de nous embrasser, ma cousine et moi. » La première fois que j'y dînai, il causa fort avec moi et me disoit: « Avouez que vous vous êtes fort ennuyée. » Je lui dis: « Je vous assure que non et que je pensois souvent, lorsque je m'occupois : on est bien attrapé à la cour, si l'on croît me mortifier ; car je ne m'ennuie pas un moment. » Il railloit fort avec moi et il a toujours témoigné ne s'y pas ennuyer.

M. le Prince me dit qu'il vouloit avoir une conversation avec moi : ce fut pour me parler du mariage de son fils, et pour me conter ce qu'avoit fait madame de Choisy. Je lui dis : « Elle a eu tort, car vous saviez mieux que personne du monde tout ce qu'elle vous disoit. J'avoue qu'après tout ce que je vous ai ouï dire de la princesse palatine, je ne comprends pas comme vous avez voulu prendre sa fille pour votre fils. J'aurois souhaité avec passion qu'il eût épousé ma sœur ; elle n'est pas jolie, mais votre belle-file ne l'est guère plus. Ma belle-mère est une femme extraordinaire ; mais elle est grande dame, d'une vertu sans reproche, femme de mon père ; sa fille est ma sœur ; mais c'est une affaire faite. Il falloit une fois que je vous disse cela ; vous auriez toujours cru que j'avois sur le cœur de vous le dire. J'oublie tout et j'approuve ce que vous avez fait ; je suis votre amie et la veux toujours être. » Voilà comme la conversation se passa.

M. de Turenne vint à ma chambre le matin comme j'allois prendre ma chemise, de sorte qu'il attendit une demi-heure dans l'antichambre sur les coffres. On crut que je l'avois fait exprès, et je n'y songeai pas.3 Quoiqu'il fît très-beau à Fontainebleau et que j'eusse sujet de m'y trouver bien, il ne faut s'engouer de rien. Je pris congé pour m'en revenir ici [à Eu]. Je ne couchai point encore à Paris par là même raison.4 Je m'en revins, san séjournai même à Saint-Denis.

Madame de Saujon ne pouvant profiter ni aux pauvres auprès de Madame, ni pour contribuer au bâtiment de l'église de Saint-Sulpice (Madame donnant tout aux Lorrains), ces messieurs [de Saint-Sulpice] lui inspirèrent de bâtir une maison proche de Saint-Sulpice, qu'on appelleroit les Filles de l'intérieur de la Vierge; qu'elles n'auroient point de clôture ; qu'elles iroient à la grand'messe à la paroisse et au reste du service ; que les jours ouvriers elles pourroient l'entendre dans leur chapelle ; qu'elles seroient toujours conduites tant pour le temporel que pour le spirituel par messieurs de leur séminaire ; que leur principale occupation seroit l'oraison. Pour le reste de leurs constitutions, je ne les sais point. Elles devoient avoir des appartements pour les personnes du monde qui y voudroient aller faire des retraites ; ces personnes-là apparemment auroient pris habitude avec messieurs de Saint-Sulpice. ainsi c'étoit une maison pour leur attirer beaucoup de directions ; ce qu'ils aiment fort, les cherchant de tous côtés.5 Elle fut longtemps à ajuster tout cela, à avoir les permissions. Quand tout fut fait, elle vendit sa charge de dame d'atour à madame de Poussé, belle-sœur du curé de Saint-Sulpice. C'étoit une bonne femme, qui n'avoit bougé de la campagne depuis qu'elle étoit mariée. Avant que de l'être, elle avoit demeuré avec madame Bouthillier, qui étoit amie de sa mère qui [la] lui avoit recommandée en mourant ; mais elle avoit fort l'air de campagne. Son mari étoit homme de qualité et elle aussi. Pendant que madame de Langeron fut en Savoie, elle suivoit ma sœur d'Alençon. Je ne sais si ce fut elle qui voulut quitter ou si Madame l'ôta ; mais elle ne fut plus à ma sœur, et on le mit dame d'honneur de madame la Duchesse. Je crois que l'on lui donna de plus gros appointements ; mais elle eut moins d'honneur : elle n'alla plus dans le carrosse de la reine, ne mangea plus avec elle ; ce qui la mortifia assez.6

J'avois avec moi à Fontainebleau mademoiselle de Vandy et mademoiselle de Prie. Madame de Créqui l'ayant menée à Rome, madame la grande-duchesse eut envie de l'avoir auprès d'elle ; madame de Créqui étant approchée des États de M. le grand-duc dans le temps de l'affaire de M. de Créqui,7 qui s'absenta pour quelque temps de Rome, [la] lui envoya. Elle se conduisit fort bien en cette cour ; mais comme tous les François que ma sœur y avoit menés, n'avoient pas fait de même, M. le grand-duc demanda permission au roi de les renvoyer, croyant que cela donneroit plus de repos à ma sœur et qu'ils vivroient mieux, son mari et elle ; car ils commençoient à n'être pas trop bien. Mademoiselle de Prie revint comme les autres. En arrivant à Paris, elle alla descendre chez madame de Créqui. Ses parents ne s'en voulant pas charger, c'est-à-dire la maréchale de La Mothe et madame de Bonnelles, qui étoient ses cousines-germains, lui conseillèrent de me venir trouver ; ce qu'elle fit. Ce fut quelques moi avant que j'eusse été à la cour, lorsque je pensois le moins à y retourner. Mademoiselle de Vandy étoit délicate et avoit peine à me suivre. Prie avoit une bonne santé ; elle avoit de l'esprit, et me contoit mille choses ; ainsi elle me divertissoit. J'eus de cette manière une fille, sans y songer.

Puisque nous venons de parler de ma sœur, il faut que je dise une affliction qu'elle eut au commencement de son mariage. M. le cardinal, qui étoit l'homme qui savoit le moins les rangs, dit à M. de Beziers, lorsqu'elle partit, quand il lui demanda si elle passeroit devant sa belle-mère, sans songer ce qu'elle étoit et que sa belle-mère étoit fille d'un petit souverain d'Urbin : « Il faut que sa belle-mère aille devant elle, »et comme sa belle-mère faisoit passer madame de Parme, qui étoit sa belle-sœur, quand elle l'alloit voir, elle alla à Florence voir ma sœur ; de sorte que ma sœur vit passer toutes ces petites souveraines devant elle. J'en voulus parler à M. le cardinal qui se moqua de moi et qui me dit : « Vous voulez la rendre malheureuse pour des bagatelles. » Elle en eut un mortel chagrin et eut raison.

Je me reposai ici après être revenue de la cour ; puis je fus à Forges. Je revins ici. J'étois si désaccoutumée de la cour, et avois si bien goûté le repos de la campagne, que je ne fus pas en état d'y retourner sitôt. Le soin avec lequel j'allois à la paroisse me faisoit juger que plus j'irois en avant et plus j'y prendrois de plaisir et que Dieu me feroit la grâce de me donner du goût à le servir. Je n'en avois pris nul à aller à Saint-Sulpice depuis que j'étois logée au palais d'Orléans. Je les avois vus8 fort s'intriguer pour faire sortir madame de Saujon des Carmélites pour avoir sa dévotion et pour se rendre nécessaires auprès de Monsieur. Dans mon affaire de Champigny ils avoient sollicité contre moi publiquement et avoient fait des prières de même pour le gain du procès de madame d'Aiguillon ; même un secrétaire de M. Madelaine, dont j'ai parlé ailleurs,9 n'avoit pas gardé des écritures de trop bonne foi, qui alloit à confesse chez eux. Depuis le retour de ma belle-mère, ils s'étoient fort partialisés pour elle contre moi en toutes occasions, et au lieu de ne se mêler entre nous qu'avec un esprit de charité, que tout chrétien doit avoir et surtout des gens de ce caractère, je n'étois par persuadée qu'ils l'eussent fait. On me dit,10 m'entendant plaindre d'eux : « Il y a un procès qui est commencé il y a fort longtemps entre un procès qui est commencé il y a fort longtemps entre Saint-Sulpice et Saint-Côme.11 Ainsi tant qu'il durera vous pourrez aller à laquelle des deux paroisses qu'il vous plaira, et quand Monsieur est venu loger céans, M. l'archevêque de Tours12 lui a demandé de quelle paroisse il vouloit être et lui a dit cette raison. Son Altesse royale a dit : l'église de Saint-Côme est trop petite. Si j'y allois le jour de Pâques, personne n'y pourroit entrer. » Je demandai à M. de Tours si cela étoit vrai. Il me dit que oui sans autre chose.

Madame de Belloy accoucha ; j'envoyai à Saint-Côme pour que l'on vînt baptiser son enfant. Ils y vinrent sans difficulté. Le curé de Saint-Sulpice m'en vint faire des plaintes. Je lui dis en vertu de quoi je l'avois fait. Il n'eut rien à répondre, et fit faire quelque signification à Saint-Côme.Saint-Sulpice s'est fait faire un reposoir à la grande porte de Luxembourg depuis quelques années pour autoriser mieux ce droit ; car depuis que j'y loge, j'ai été avec la procession au petit Luxembourg au reposoir. La Fête-Dieu vint ; ils eurent peur que je ne fisse venir la procession de Saint-Côme ;ce qui n'eût pas été un droit : car au Palais-Royal, quand le roi y logeoit (il [le Palais-Royal] est de Saint-Eustache), les processions de Saint-Germain l'Auxerrois, des Quinze-Vingts, de Saint-Honoré, de Saint-Thomas, de Saint-Nicolas, tout cela y venoit, et Saint-Eustache n'y trouvoit point à redire. M. [le curé] de Saint-Sulpice vint à midi chez moi et me dit : « On m'a averti que vous vouliez demain faire venir la procession de Saint-Côme ici ; nous ne le souffrirons pas. » Je lui dis : « Je n'y songe point. » Il demeura tout le jour chez moi. Je crois que c'étoit pour voir à qui je parlerois et ce que je ferois. Le soir le maréchal d'Aumont vint chez moi, qui venoit de Saint-Germain, me dire que le roi me défendoit de faire venir la procession de Saint-Côme à Luxembourg. Je lui dis que je n'y avois pas songé. Il me dit que c'étoit Madame qui avoit envoyé M. de Sainte-Mesme, à la prière du curé de Saint-Sulpice, et qu'il avoit ajouté que j'avois fait semer parmi le peuple que je les soutiendrois et qu'ils ne se missent pas en peine. Cela étoit fort méchant, voulant dire que moi, qui sortois de la guerre civile, je savois émouvoir le peuple ; même qu'ils avoient prié le maréchal d'Aumont de commander dans le quartier au peuple de se contenir. On peut juger de la confiance que je pouvois avoir à de telles gens.

Je contai tout cela à M. l'archevêque de Rouen,13 qui me dit : « Vous ferez fort bien de n'aller plus à cette paroisse ; mais quand vous en demanderez permission à M. l'archevêque de Paris (ce qu'il peut faire aisément ; nous somme maîtres de ces choses-là : nous changeons tous les jours des particuliers de paroisse, quand ils ont sujet de se plaindre de leurs curés ; à plus forte raison une personne de votre qualité) ; mais que dans la permission qu'il vous donnera il ne mette pas à cause du procès de Saint-Côme ; car messieurs de Saint-Sulpice sont [sûrs que] tôt ou tard ils emporteront ce qu'ils voudront sur cette paroisse ; que votre permission soit fondée sur des raisons que vous avez et que M. de Paris connoît bonnes et légitimes ; car de mettre que vous avez méchante opinion d'eux et les raisons énoncées, cela ne seroit charitable ni à vous de les dire ni à lui de les répéter. » J'écrivis à M. de Paris14 et je lui mandois que voulant dorénavant aller à ma paroisse avec plus d'assiduité que je n'avois fait par le passé, je le priois de m'en donner une autre que Saint-Sulpice, et que je lui en mandois les raisons. Il m'envoya une permission non-seulement pour moi et mes domestiques d'aller aux sacrements et à tous les devoirs de paroisse à Saint-Severin, mais à tous ceux qui demeuroient de mon côté au palais d'Orléans et à tous mes domestiques demeurant en quelque endroit que ce fût du faubourg.

Quand je retournai à Paris, huit ou dix jours après, mon chirurgien tomba malade. On lui apporta Notre-Seigneur un dimanche après la messe de paroisse. Cela leur fit un grand dépit, et encore plus quand l'on ouvrit son testament, où il donnoit sept ou huit mille francs à la paroisse où il mouroit. De temps à autre, ils ont fait des tentatives auprès de M. l'archevêque,15 quand quelqu'un a été malade, que l'on a porté les Sacrements ; mais il répond : « Je n'ôterai pas à Mademoiselle ce que mon prédécesseur lui a donné et que je lui donnerois, si elle ne l'avoit pas et qu'elle me la demandât. » Ils se contentent de se mêler, en tout ce qu'ils peuvent, où j'ai intérêt, contre moi ; je les trouve toujours en mon chemin. Dieu veuille que je souffre cela avec plus de patience que je n'ai fait. En ce monde ils ne me feroient point de mal ; mais que je ne dise rien d'eux qui me les fasse trouver en l'autre. Ils déchirent messieurs de Saint-Severin, où il y a de très-honnêtes gens, qui ne se mêlent que de leur ministère et qui ne sortent point de ses bornes de leur paroisse, où il y a assez à travailler et où il n'y en a pas tant qu'à Saint-Sulpice. Ils seroient bien fâchés que la trop grande quantité [d'affaires] les pût faire manquer à leur devoir par l'impuissance de donner du secours, et l'ambition ne leur fera point trouver leurs bornes trop petites.

Il me prit un grand rhume. La reine tomba malade et accoucha et à huit mois,16 ayant de grands accès de fièvre tierce. Ce rhume m'empêcha de partir ; car j'ai toujours fort aimé ma santé. Après sa couche, sa fièvre continua ; elle fut si mal qu'elle reçut Notre-Seigneur.17 Cette nouvelle alarma fort. dès que je fus en état de partir, je m'en allai à Paris ; j'y arrivai un peu avant Noël. Je me souviens que la reine ne voyoit encore personne ; que l'on parloit bas dans sa chambre ; que la reine mère revint, qui venoit des Théatins, de la neuvaine que l'on y fait devant Noël. On commençoit à parler tout bas de son cancer. On me l'avoit écrit, comme une chose fort secrète. Elle me fit milles amitiés, me témoigna avoir eu de l'impatience de mon retour ; me conta la maladie de la reine, la peur et la douleur qu'elle avoit eues ; comme la reine avoit pris de l'émétique. La reine disoit qu'elle étoit fort malade, mais elle se portoit bien ; elle n'avoit plus que de la foiblesse ; elle paroissoit avoir bien de la peur d'une comète qui paroissoit. La reine [mère] disoit : « C'est moi qui en dois avoir peur avec le mal que j'ai. N'en avez-vous point entendu parler, ma nièce ? » Je ne répondis rien ; elle me dit : « Je ne cèle plus. » Je répondis : « ce ne sera peut-être rien, Madame ; on craint quelquefois des maux qui se dissipent et puis ce n'est plus rien. » Elle me répondit avec beaucoup de résolution et de piété, et me fit quasi pleurer.

Monsieur me conta l'effroi que l'on avoit eu sur la maladie de la reine, le monde qui étoit au Louvre lorsque l'on lui apporta Notre-Seigneur, et comme M. l'abbé de Gordes, présentement évêque de Langres, son premier aumônier, s'étoit évanoui d'affliction ; que M. le Prince avoit ri, et tout le monde ensuite ; que la reine avoit fait une mine (je ne m'en étonnai pas ; quand l'on est dans cet état et que l'on voit rire, on n'est pas trop aise) ; que la fille, dont elle étoit accouché, ressembloit un petit maure, que M. de Beaufort avoit amené, qui étoit fort joli, qui étoit toujours avec la reine ; que quand l'on s'étoit souvenu que son enfant y pourroit ressembler, on l'avoit ôté, mais qu'il n'étoit plus temps ; que la petite fille étoit horrible ; qu'elle ne vivroit pas ; que je me gardasse bien de le dire à la reine ni qu'elle mourroit. Ces avis étoient assez inutiles : on ne dit guère de ces choses-là moins que de vouloir fâcher les gens, et on n'a pas cette intention pour la reine.

J'allois tous les jours au Louvre. Comme elle commença à se mieux porter, elle me conta qu'elle n'avoit point été à l'extrémité ; que c'étoit madame de Brégy, qui avoit entré dans sa chambre fort parfumée ; que cela lui avoit donné des vapeurs qui lui avoient fait perdre la parole, et que pour marque de cela elle faisoit signe que l'on la saignât au pied ; que l'on l'avoit fait, et que l'on lui avoit donné de l'émétique un peu brusquement ; mais qu'heureusement cela avoit réussi ; le chagrin où elle avoit été de quoi l'on avoit ri, lorsque l'on lui avoit donné le viatique ; qu'elle sentoit bien qu'elle n'étoit pas en cet état-là ; mais que la reine mère lui ayant proposé de le recevoir, elle n'avoit osé le refuser. Je ne sais si ce fut en ce temps-là ou depuis qu'elle m'a dit une chose qui lui déplut beaucoup, et avec raison : Madame18 étoit ajustée avec mille rubans jaunes, comme si elle eût été au bal, au lieu d'avoir une grosse coiffe et l'air affligé. Elle s'en souvient encore. A dire le vrai, dans ces temps-là, Madame avoit peu d'égards.

La reine mère fut coucher au Val-de-Grâce, les fêtes de Noël. Je vis la comète, sans la vouloir voir, dans le jardin, la nuit de Noël, en revenant de la messe des Carmes. Je fus faire ma cour à la reine, les fêtes. On la pansoit les soirs. Une parente de madame la comtesse de Fleix, nommé mademoiselle de Vieux-Pont, qui se donnoit des airs d'autorité, dit : « Que tout le monde sorte. » Je sortis comme les autres ; ainsi je ne vis point le mal de la reine. On disoit qu'il ne se fût pas ouvert sitôt, et qu'à ces maux-là il n'y faut rien mettre, et que d'en avancer l'ouverture c'est avancer la mort, et que c'étoit M. Vallot, premier médecin du roi qui avoit donné d'une eau qui l'avoit fait ouvrir,19 dont il étoit fort blâmé. La reine ne le croyoit pas ouvert, et lui maintenoit qu'il l'étoit. La reine se mit entre les mains d'un certain curé20 de Vauvre21 en Beauce, que l'on disoit un homme habile sur ces sortes de maux et qui avoit fait vivre fort longtemps des gens qui en avoient. On ne parloit d'autre chose.

J'avois toujours mes affaires avec ma belle-mère et les tuteurs de mes sœurs, qui ne finissoient point. Comme mon père avoit laissé fort peu de bien et beaucoup de dettes, et que j'en avois, Dieu merci, assez d'ailleurs pour ne chercher point d'embarras et que je n'eusse pas voulu me prévaloir de mon autorité pour ruiner de misérables créanciers, je renonçai à tout et me tins au douaire de ma mère. On avoit grand'peine à me le donner. On ne songeoit qu'à se rattraper. Pendant mon exil on m'avoit fait plusieurs propositions : quelquefois je prenois la peine d'y répondre ; d'autres je n'en étois pas en humeur. Le bien ne m'a jamais guère occupée ; mais quand l'on m'a voulu tromper, je me suis mise en colère : ainsi il se passa beaucoup de scènes sur tout cela assez ridicules et dont j'étois assez sotte pour me chagriner. Cela faisoit que j'étois des temps sans voir ma belle-mère, puis on nous raccommodoit. Souvent on se moquoit de nous et quasi toujours, et on avoit raison, et nous n'en avions guère de ne nous en pas apercevoir.

La cour fut à Saint-Germain à l'ordinaire ; on alloit souvent à Versailles. Madame s'y blessa elle accoucha d'une fille, qui étoit morte il y avoit déjà dix ou douze jours ; elle étoit toute pourrie. Ce fut une sage-femme de Saint-Cloud qui la servit ; on n'eut pas le temps d'aller à Paris. On éveilla le roi et la reine ; on fut querir le curé de Versailles ; on la porta à la chapelle pour voir si elle auroit vie pour la pouvoir baptiser ; mais le curé trouva que cela ne se pouvoit. Madame de Thianges, qui y étoit, dit au curé : « M. le curé, prenez garde à ce que vous faites ; on ne refuse jamais le baptême à un enfant de cette qualité. » Monsieur voulut pourtant que l'on l'enterrât à Saint-Denis, et M. de Valence,22 qui l'y mena, assura qu'elle avoit été baptisée. J'étois à Paris ; je fus à Versailles voir Madame. Monsieur alla le soir à Saint-Germain, où j'allai coucher. La reine étoit au désespoir de quoi elle avoit accouché d'un enfant, qui n'avoit pas eu baptême. Elle croyoit que c'étoit de se promener, de faire tout ce que les autres font, [que venoit l'accident] ; qu'elle ne se conservoit pas assez. Mais Madame disoit que ce qu'elle avoit [eu] avoit été un inquiétude du duc d'York ; que l'on lui étoit venu dire qu'il y avoit eu un combat, sans rien dire de lui, et que depuis ce moment elle n'avoit pas senti son enfant. Ce qui fut cause que l'on laissa Madame, dès le même jour qu'elle fut accouchée, et que l'on alla à Saint-Germain, c'est que la reine sa mère arrivoit d'Angleterre, et que l'on lui vouloit laisser Versailles. Le roi fut la voir à Pontoise à l'abbaye de Saint-Martin, qui étoit à M. de Montaigu ; puis elle vint dîner avec leurs Majestés et ensuite s'en alla à Versailles, où il y avoit beaucoup de fêtes ; mais je ne voulois pas aller à toutes : j'étois en méchante humeur des affaires de ma belle-mère. Le roi ne vouloit pas me prier d'y aller de peur que je refusasse, et ne vouloit pas, quand je n'y allois pas, me dire qu'il en étoit fâché. M. de Guitry, qui étoit fort de mes amis, fit forces allées et venues pour me faire aller à une ; mais ne voulus pas. J'ai toujours été une demoiselle qui n'aimoit pas à se contraindre.23

La reine d'Angleterre n'étoit pas charmée de la beauté de sa belle-fille, mais de sa bonté ; elle disoit qu'elle n'avoit jamais tant vu prier Dieu ; qu'elle avoit amené des moines avec elle, qui chantoient d'une manière tout extraordinaire.

Je ne fus pas bien longtemps à la cour ; c'étoit la saison de Forges ; j'y allai. Comme je prenois mes eaux un matin, on m'envoya un courrier pour me dire que la reine mère se mouroit.24 Je partis en relais, et j'arrivai à dix heures à Pontoise. L'assemblée du clergé tenoit. Je trouvai M. de Paris, qui étoit lors l'archevêque de Rouen, qui me dit que la reine mère se portoit mieux. Je couchai aux Carmélites, et m'en allai dîner à Saint-Germain, où on me témoigna savoir gré de mon empressement. Voyant la reine en bon état, je m'en retournai avec la même diligence que j'étois venue. La reine avoit pourtant reçu le viatique. J'avois vu son mal devant que de partir, qui m'avoit étonnée. Je ne vins ici qu'un tour de trois ou quatre jours. Je retournai à Paris, où on termina notre affaire, entre ma belle-mère et moi. Le roi s'en mêla : on me donna la moitié de Luxembourg et des rentes et quelques petits domaines : tout cela faisoit ensemble cinquante mille livres de rente pour mes quatre cent mille écus. Ils tournèrent cela de manière que le Luxembourg ne pouvoit jamais être vendu, afin qu'il retournât au roi. Il me fallut faire ce qu'il voulut. On m'apporta le contrat à signer après ma belle-mère ; elle avoit signé MARGUERITE DE LORRAINE ; ce qui ne se fait pas : car les femmes des fils de France, signent, comme leurs maris, rien que le nom de baptême. Comme je vis cela je signai au-dessus. M. Colbert, qui étoit présent, me dit : « Vous signez devant Madame ? » Je lui répondis : « Quand elle signera comme femme de mon père, je signerai après ; mais comme sœur de M. de Lorraine, puisqu'elle met son nom, j'irai toujours devant elle. » Elle croyoit que l'on lui passeroit cela ; je n'avois garde. On en parla le soir chez la reine ; le roi dit que j'avois raison. On refit un autre contrat, et Madame parut enrager. Je m'en allai à Saint-Fargeau, pendant que tout le monde délogeoit pour me laisser mon côté libre.25 Madame délogea Belloy, qui étoit capitaine des gardes de feu mon père, et refusa un logement à son premier maître d'hôtel, Saint-Remy. Ce sont d'honnêtes gens que j'aimois ; je leur en donnai. On commença à travailler à mon appartement du côté que j'avois. Je fus encore deux ans logée à celui de Madame, quoiqu'elle me fît solliciter souvent d'en sortir ; mais je craignois la senteur de la peinture, et je la voulus laisser passer, avant que d'y aller loger.26

Le roi avoit fait un petit voyage de cinq ou six jours à Villers-Cotterets, où l'on fut toujours en justaucorps, magnifiquement vêtus ; on alloit à la chasse l'après-dînée ; le soir on dansoit, l'on avoit la comédie. Ce n'étoit que plaisirs. La reine mère n'y vint point. On eut, deux jours après être revenu, la nouvelle de la mort du roi d'Espagne27 ; ce qui fâcha fort les reines et qui nous mit dans un grand deuil. Je fus à Saint-Fargeau trois semaines. Quand re revins je trouvai le mal de la reine bien empiré. Ce n'étoit plus le curé de Vauvre qui la traitoit ; c'étoit un médecin de Bar-le-Duc, nommé Alliot,28 qui prétendoit avoir un remède qui ne manquoit point de cancer ; il les mangeoit avec des poudres. Elle s'affoiblissoit tous les jours.

La reine étoit allée aux Gobelins voir tous les ouvrages que le roi y fait faire.29 En revenant nous trouvâmes le roi qui s'en alloit à la comédie avec Monsieur et Madame. Nous demeurâmes auprès de la reine [mère] qui avoit un peu de fièvre. Sur le soir elle lui redoubla ; il la fallut saigner. J'envoyai en avertir le roi, qui la trouva assez mal. Nous demeurâmes jusqu'à ce qu'elle endormit ; mais la fièvre ne la quitta plus. Un samedi comme la reine revenoit de Notre-Dame,30 on nous dit qu'elle étoit évanouie en allant d'un lit à l'autre, et que ses femmes n'ayant pas la force de la porter, on avoit appelé quelqu'un. M. de Créqui s'étoit trouvé là, qui l'avoit reportée dans son lit. Il nous dit qu'il avoit eu une sensible douleur de la voir en l'état où elle étoit, et qu'il avoit bien jugé, par le puanteur de son mal, qu'elle ne dureroit pas longtemps ; qu'il avoit pensé s'évanouir de cette senteur.

La reine alla l'après-dînée à l'abbaye de Saint-Antoine ; c'en étoit la fête. Elle [la reine mère] dormit ; mais au retour nous la trouvâmes fort malade ; elle communia cette nuit-là à quatre heures. Mais c'étoit pour le dimanche, à son ordinaire. On voyoit son mal empirer ; c'étoit une telle puanteur, que l'on ne pouvoit quasi souper, quand l'on s'en retournoit après l'avoir vu panser. Elle tenoit toujours un éventail de peau d'Espagne à son nez.

Le lundi, 18 janvier 1666, elle étoit encore plus mal ; on marchanda si on lui diroit le péril où elle étoit. Enfin M. l'archevêque d'Auch lui dit : « Madame, votre mal empire ; on vous croit en danger. » Elle reçut cela fort chrétiennement. L'on fit descendre la châsse de Sainte-Geneviève le mardi matin. Le roi nous consultoit tout le soir dans le cabinet s'il le feroit ; je lui dis qu'il sembloit que l'on ne devoit point mettre les miracles à tous les jours ; que le mal de la reine étoit d'une nature à ne pouvoir guérir ; qu'il ne faudroit un pour cela, et que nous n'étions plus dans un temps qu'ils se faisoient ; que nous n'étions pas assez gens de bien pour nous attirer ces bénédictions. Il me dit : « C'est mon avis ; mais tout le monde le veut ; on dit que c'est l'usage. » Il ne décida rien ; pourtant le lendemain on me vint dire que l'on alloit descendre.31 J'y courus ; l'après-dînée je m'en allai à Sainte-Geneviève voir les processions, qui y venoient de toutes les paroisses et couvents de Paris ; c'est l'usage ; mais comme il étoit tard, j'en vis peu. Je fus à ma paroisse au salut, où le saint-sacrement étoit exposé pour la reine. Puis je m'en allai au Louvre ; en entrant, on me dit : « Elle est très-mal. » On la pansa ; quand on découvrit sa plaie, on la trouva sèche et quasi noire. Les chirurgiens et M. de Sens se regardèrent ; elle avoit une oppression, toussoit fort comme une personne dont la poitrine se remplissoit. On acheva de la panser. Je demandai à un chirurgien nommé Dalancé, qui avoit été à M. le Prince : « Comment trouvez-vous la reine ?32 » Il me dit : « C'est une femme morte. » Je voyois que personne ne le disoit au roi, je lui dis : « Sire, il me semble que cela va bien mal, et que Votre Majesté leur devroit commander de vous dire la vérité, afin que l'on songeât à lui faire recevoir ses sacrements. » Le roi les appela et leur dit : « Dites-moi la vérité ; peut-elle encore aller loin ? » ils dirent : « Sire, puisque vous nous le demandez, nous vous dirons qu'elle peut mourir dans un moment ; elle a la fièvre bien forte ; elle va entrer dans son redoublement ; peut-être n'en reviendra-t-elle pas. » Il appela M. d'Auch et M. de Montaigu, et leur dit : « Il faut donc dire à la reine ma mère qu'il faut songer à la mort. » M. de Montaigu dit : « Ah ! sire, vous la ferez mourir de lui dire [cela] dans son redoublement. » Le roi se récria : « Quoi ! on la flatteroit et on la laisseroit mourir sans sacrements, après une maladie de six mois ? Cela ne me sera pas reproché. Il n'est plus temps d'avoir de la complaisance. » Tout le monde trouva que le roi avoit raison. M. d'Auch lui dit qu'il n'y avoit plus de moments [à perdre]. Elle reçut cela à son ordinaire, avec des sentiments tout chrétiens, mais pleins d'une grande crainte ; la voix lui changea. Elle fit venir son confesseur et puis nous dit à tous : « Retirez-vous, je n'ai affaire qu'à mon confesseur. » Le roi, la reine, Madame et moi, nous fûmes dans son cabinet, en attendant que l'on nous vint avertir que l'on apportoit Notre-Seigneur.33 On résolut le deuil ; comme on feroit toutes chose ; où on logeroit à Saint-Germaine ; que le roi s'en iroit à Versailles dès le moment qu'elle [seroit] morte ; Monsieur à Saint-Cloud ; mois, que je demeurerois pour tout ce qui seroit nécessaire. Je suppliai le roi de me donner le moins d'emploi qu'il se pourroit auprès de son corps, à cause que j'étois fort peureuse, et comme je l'aimois fort que cela me toucheroit. Il me permit de le faire. On commanda les carrosses, toutes choses, afin que tout fût prêt.

Quand Notre-Seigneur vint, nous allâmes dans la cour au-devant ; ce fut M. d'Auch qui l'alla querir à la paroisse. Il y avoit un monde infini dans la chambre ; le roi et Monsieur tenoient la nappe pour communier. La reine, après avoir reçu Notre-Seigneur, appela le roi, la reine, et Monsieur et Madame, les uns après les autres, puis le roi et la reine ensemble, et Monsieur et Madame ; mais cela dura peu. Je fus étonnée qu'elle ne dit pas un mot à M. le Prince ni à moi, qui étions là, après tout ce qui s'étoit passé, et particulièrement à moi qui ai toujours été nourrie auprès d'elle. Le roi fut reconduire le saint-sacrement jusqu'à la paroisse ; nous ne fûmes que dans la cour. Quand M. d'Auch fut revenu, il ne bougea plus d'auprès d'elle ni M. de Montaigu. Je n'ai jamais entendu si bien parler que ce prélat et avec tant de capacité et de piété. M. de Montaigu avoit de bonnes intentions, mais comme il n'est pas François, il ne s'exprimoit pas si bien.34

On envoya querir l'extrême-onction, que l'on apporta dans son oratoire par une porte de derrière ; elle la demanda et dit que les pieds lui froidissoient. On lui dit que rien ne pressoit ; elle dit : « Je crois que l'on n'aura pas loin à l'aller querir ; car j'ai entendu ouvrir la porte de mon oratoire, et je crois que ce l'est. » Ainsi on la lui donna. De voir mettre ces beaux chandeliers de cristal avec des diamants, et cette croix de même, que la reine, ma grand'mère, avoit fait faire avec tant de soin et de plaisir, dont celle-ci avoit paré son oratoire, tout cela ne paroissoit pas être fait pour un apprêt de mort. J'avoue qu'il y avoit bien de quoi faire des réflexions et que j'en ai souvent fait depuis sur tout ce que j'avois vu ; car dans le temps on étoit si troublé que l'on ne savoit ce que l'on faisoit.35 Elle reçut ce sacrement avec beaucoup de dévotion. Comme l'on porte jusqu'à la mort ses habitudes, je vais dire une chose qui le prouvera assez : comme l'on lui mettoit les saintes huiles aux oreilles, elle dit à madame la comtesse de Fleix, qui étoit près d'elle : « Levez bien ma cornette, de peur que cette huile n'y touche ; car cela sentiroit mauvais.36 » Monsieur lui baisa les pieds ; pour moi, je n'eus pas cette force. Un quart d'heure après elle demanda quelque chose ; on appela un peu haut ; le roi crut que la reine se mouroit ; il tomba sur mademoiselle d'Elbœuf et sur moi, quasi évanoui. Nous l'ôtâmes de la ruelle ; M. le Prince et M. de Créqui l'emmenèrent dans le cabinet. Il étouffoit ; on lui jetoit de l'eau ; cela ne passoit pas ; je m'avisai de le déboutonner ; il n'étrangla plus. On fut depuis dix heures jusqu'à six heures et demie toujours là ; on alloit et venoit dans cette chambre. Monsieur ne bougea d'auprès d'elle. On empêcha le roi d'y entrer. Il y avoit un monde infini ; tout y entroit ; de toutes sortes de gens, qui l'alloient regarder au nez. Cela me faisoit la plus grande peine du monde.

Après minuit, on commença à dire des messes dans un oratoire ; à quatre heures, elle demanda que l'on en dit une de la Passion. Je l'entendis et je la regardois de temps en temps ; car son oratoire étoit dans la ruelle de son lit et elle entendoit la messe par la porte qui y donnoit. On lui donna à cinq heures un bouillon ; elle l'avaloit comme une personne qui avoit grand besoin de nourriture. M. Seguin, son médecin, lui dit : « Madame prenez-le plus doucement. » Elle lui répondoit : « Je le trouve bon ; il faut se soutenir tant que l'on peut. » Madame de Beauvais, sa première femme de chambre, lui vint dire le soir, comme on lui annonçoit qu'il n'y avoit plus de remède, qu'un astrologue avoit dit que pourvu qu'elle ne mourût point le mardi, elle échapperoit. Elle demandoit souvent quelle heure il étoit ; et il paroissoit que cela lui donnoit quelque espérance et qu'elle avoit impatience d'avoir passé minuit. Le roi entendit la messe à six [heures]. On sonna la grosse cloche de Notre-Dame, qui ne sonne qu'aux grandes occasions. Je lui dis : « On croit la reine morte. » Un moment après on entendit Monsieur qui fit un cri, et le médecin entra ; le roi dit : « Est-elle morte ? — Oui, sire. » Il pleura fort. Madame la comtesse de Fleix apporta au roi les clefs ; on alla atteindre37 son testament dans son cabinet ; et le roi dit : « Je pense qu'il le faut lire devant toute la parenté. » Monsieur s'en alla. Après la lecture que fit M. Le Tellier, le roi monta en carrosse, et moi je m'en allai chez moi me coucher.

Le lendemain et les deux jours suivants je fus fort visitée. Toutes les dames qui alloient à Saint-Germain voir Leurs Majestés avec leurs mantes, vinrent voir avec cet habit de cérémonie funèbre ma belle-mère et moi. Puis il fallut porter le cœur au Val-de-Grâce. Je l'allai querir au Louvre ; mesdames les princesses du sang étoient avec moi, savoir madame la Princesse, madame de Longueville, la princesse de Carignan. Madame la Duchesse étoit grosse. M. d'Auch, qui portoit le cœur, se mit avec nous dans le carrosse du corps de la reine. Comme il étoit à la bonne place, on me voulut faire mettre auprès de lui ; mais je ne voulus pas. J'y fis mettre madame de Longueville, comme la plus dévote. Il fallut passer par la chambre où étoit le corps. J'avoue que de voir le Louvre en deuil, le corps de cette pauvre reine et tous ces prêtres et ces officiers (car ils ont ce droit-là de demeurer auprès des corps de la maison royale), cela m'affligea fort.38

Le lendemain je fus dîner à Saint-Germain et recevoir les ordres du roi pour la conduite du corps. Comme il fut au conseil, l'on me vint querir pour aller savoir ce que j'avois à faire ; il n'y avoit que les ministres avec le roi ; je menai madame de Montausier avec moi. Après que le roi eut donc ordonné comme tout seroit, je lui dis : « Mais s'il arrive des disputes entre les carrosses des princesses (étrangères, cela s'entend, personne ne disputant à celles du sang) et des duchesses, comme ferai-je ? » Le roi dit : « Comme l'on a accoutumé. » Madame de Montausier dit : « Sire, cela n'a jamais été réglé ; il seroit mieux qu'elle n'en menassent ni les uns ni les autres. » La chose fut réglée ainsi. Ce qui ne plut pas aux princesses, qui prétendoient l'emporter de hauteur. Ma sœur, mesdames les princesses du sang étoient dans les carrosses du corps du roi et des reines. J'étois dans celui de la reine mère ; j'avois avec moi ses deux dames d'honneur et d'atour, mademoiselle de Guise, madame la princesse de Bade, mesdames les duchesses d'Épernon, de Sully et de Chaulnes ; les autres [princesses du sang] avoient choisi d'autres duchesses.

On partit à sept heures du Louvre ; on chant un Libera devant que de partir, et comme il y a un passage un peu étroit en sortant de la chambre, il fallut traîner le bière avec des cordes ; après l'on la porta dans le chariot. Pour la marche cela est en mille endroits.39 Il faisoit un froid horrible. On n'arriva qu'à onze heures. On fut une heure dans l'église avant que le corps y arrivât, parce que les religieux de l'abbaye étoient allés en procession hors la ville. Jamais je n'ai eu un tel froid. Je crus avoir la fièvre ; car, sans me chauffer, de l'excès du froid j'eus une grande chaleur à la porte ; on y fut encore longtemps, parce que M. d'Auch fit une harangue et le prieur lui répondit. J'étois si lasse et si accablée que j'appuyai ma tête contre la bière et que je l'y eus longtemps, sans m'en apercevoir. On ne sortit de Saint-Denis qu'à deux heures. On fit ensuite des services à Saint-Denis, à Notre-Dame avec les cérémonies ordinaires : messieurs de Matignon et de Gamaches, chevaliers du Saint-Esprit, portoient ma queue. Si je m'embarquois dans cette cérémonie, j'en dirois trop.

Cela passé, chacun se rendit à la cour : Monsieur et Madame y retournèrent. La crainte de la reine mère avoit fait tenir l'affaire de mademoiselle de La Vallière un peu plus cachée ; lors le roi ne se contraignit plus, et cela parut fort. J'avois oublié de dire que Madame a eu un fils, qui avoit deux ans quand la reine mère mourut, qui étoit parfaitement beau et joli.40 On fit en carême un voyage à Mouchy,41 où on fut trois jours pour une revue. Le roi y fit venir quantité de troupes. Il y vint beaucoup de dames. On étoit en justaucorps de deuil. On se divertit fort bien ; le roi étoit d'une grande gaieté ; il fit des chansons pendant le chemin en revenant, pour envoyer à Monsieur et à Madame, qui étoient allés à Villers-Cotterets. On fit un petit voyage de cinq ou six jours à Versailles, où il y avoit très-peu de monde, qui fut fort agréable. On étoit depuis le matin jusqu'au soir avec le roi. Il se promenoit avec la reine ; on y jouoit. Pour moi j'étois fort aise, ne m'ennuyant point où il est. Jamais il n'y eut rien de si honnête. Comme il sait que je n'aime point ni à jouer ni à voir jouer, il avoit peur que je m'ennuyasse les soirs. Il envoyoit chercher Dangeau ou Tréville pour se promener avec moi et causer dans le salon, sachant que c'étoit deux hommes avec qui j'avois accoutumé de parler et qui étoient de bonne compagnie.

Monsieur fit réponse aux chansons, en envoya qui n'étoient pas si jolies que celles que l'on lui avoit envoyées. Madame de Meckelbourg,42 autrefois madame de Châtillon, qui avoit épousé un souverain allemand, étoit à Villers-Cotterets ; [elle] en fit une d'un langage bizarre d'un Allemand qui parleroit mal françois. Elle croyoit avoir fait quelque chose qui feroit rire agréablement. On en rit à la vérité ; mais ce fut en tournant le tout en ridicule. Madame de Montespan sait faire cela le mieux du monde. Elle étoit toujours à la cour ; c'est mademoiselle de Mortemart qui avoit épousé le neveu de M. de Bellegarde, qui est dame du palais. Je trouvai à mon retour cette nouvelle.43 La reine avoit six dames, dont madame de Montespan étoit ; depuis le nombre en a beaucoup augmenté. On alloit souvent à Versailles, mais comme il y avoit peu de logement il n'y alloit que les personnes que l'on nommoit. Ainsi cela faisoit de grandes intrigues pour y aller ; ma sœur étoit de ce nombre ; elle n'y parvenoit pas souvent.

Madame de Poussé, dont j'ai parlé, fit sortir une fille qu'elle avoit, de religion, et la prit avec elle. Madame de Choisy eut envie d'en faire quelque chose ; elle l'ajustoit, prônoit sa beauté. On ne parloit d'autre chose ; elle étoit fort jolie, une grande jeunesse, mais une vilaine taille et la grâce d'une demoiselle de campagne. Je dis un jour en dînant à Saint-Germain ; « On aura demain une demoiselle qui est fort jolie, qui viendra avec ma sœur. » Le roi dit (il falloit qu'il en eût entendu parler) : « Je vous remercie, ma cousine, de m'en avoir averti ; je me mettrai contre la muraille ; car on dit qu'elle est si belle que l'on évanouira de l'étonnement de sa beauté ; au moins je ne tomberai pas. » On vit bien par là que l'on lui en avoit parlé chez La Vallière, où madame de Montespan commençoit à aller. C'est une femme de beaucoup d'esprit ; d'un esprit agréable ; d'une conversation attachante. La Vallière en a peu ; ainsi on commença à avoir besoin de ce secours pour amuser le roi. Si elle avoit été plus prudente, elle auroit cherché quelque dame, dont la beauté et les charmes de sa personne n'auroient pas répondu à celles de son esprit.44

Ma sœur fut le lendemain à Saint-Germain, où mademoiselle de Poussé n'eut pas toute l'approbation possible. Je l'appris par une lettre de madame de Choisy, que je trouvai sur la table de ma sœur comme je l'alla voir ; elle l'appeloit mon ange, et jamais rien n'y a moins ressemblé, selon que l'on les dépeint : « Mon ange tout est perdu ; il n'y a eu que les dames qui aient trouvé la petite fille belle. Les messieurs n'en font pas de cas ; j'en suis au désespoir.45 » Après l'avoir lue (il y avoit beaucoup d'autres choses), je la remis et ne dis mot. Ma sœur rougit ; apparemment madame de Choisy lui faisoit espérer quelque grand établissement par la réussite de ce dessein.

On refit un autre voyage à Versailles. Ma sœur, voyant que, par le crédit de madame de Choisy, elle n'avoit su réussir à y aller, me pria d'en parler au roi. Je l'en suppliai ; il me refusa. Enfin je priai tant qu'il me l'accorda, à condition que je ne l'en prierois plus. Elle y vint, et comme elle étoit instruite par madame de Choisy, elle alla redire au roi quelque chose que la reine avoit dit dans la calèche, où il n'y avoit que la reine, madame de Montausier et moi, sur ce que l'on avoit lu une comédie où la reine avoit voulu aller et le roi ne l'avoit pas voulu, à la prière de Madame, à ce que la reine croyoit ; et pour voir tout ce qui se passoit il y avoit une terrasse qui régnoit autour du château, la reine s'y alla promener et les vit tous en passant, qui lisoient cette comédie. Elle se fâcha, pleura. Madame de Montausier et moi nous fîmes tout ce que nous pûmes pour l'empêcher d'en rien témoigner. En entrant à la ménagerie où on alloit faire collation, il y avoit un petit cabinet, où étoit le couvert et personne n'entroit à la ménagerie ; on alloit querir tout là pour le mettre sur la table. Mademoiselle d'Alençon bien finement conta cela au roi. Moi qui allois là, comme les autres, pour querir la collation, j'entendis sa relation qui ne fut pas juste, et elle dit : « Ma sœur a animé la reine contre Madame ; elle est cause par cette complaisance de son chagrin. » Je lui pris le bras, et lui dis : « Je vous prends sur le fait, mademoiselle ; voilà des instructions de madame de Choisy. Sire, madame de Montausier est témoin de tout et dira à Votre Majesté comme les choses se sont passées, et il n'en faut pas parler davantage. » La demoiselle fut fort penaude. Le roi éclaircit l'affaire et trouva que ma sœur avoit grand tort. Il me dit : « Eh bien, vous avez voulu qu'elle vînt ; voyez à quoi cela est bon. » La reine vouloit que l'on la renvoyât. Je la priai fort que non. Elle demeura penaude, honteuse, me demanda mille pardons et à la reine, et l'on disoit : « Quoi ! cela qui n'est bon à rien n'a d'esprit que pour tracasser. » Madame de Choisy fut au désespoir. Quand la reine alloit promener les soirs après souper, on l'envoyoit coucher. Les voyages de Versailles ne finirent que par un de Fontainebleau, où je n'allai pas à même temps que la cour.

Je ne me souviens plus pourquoi madame de Vendôme amena à Versailles, avant que de partir, mademoiselle de Nemours dire adieu à Leurs Majestés, qu'elle menoit en Savoie pour se marier. Ce mariage ne soutenoit pas la grandeur de la maison de Savoie, qui n'avoit eu que des filles de rois depuis tant d'années. M. l'évêque de Laon, cousin germain de madame de Vendôme, de la maison d'Estrées, maintenant cardinal de ce nom, avoit fait ce mariage. Il avoit fait celui du prince Charles, et comme il [le prince Charles] disoit en Allemagne qu'il n'étoit pas marié ; que son père l'avoit épousée pour lui, et qu'il ne le tiendroit pas, M. de Laon avoit montré à plusieurs personnes des consultations de Sorbonne pour montrer que l'on ne pouvoit rompre ce mariage. Quand il voulut faire celui de Savoie,46 il consulta [pour établir] qu'il ne valoit rien. Je crois que ce fut à de différents docteurs. Enfin il fit si bien qu'au lieu d'un mari elle en avoit deux. Il maria peu après mademoiselle la cadette au roi de Portugal47 ; c'est elle qui l'a fait cardinal.

Mademoiselle d'Aumont prit congé de tout le monde, transportée de joie d'aller être reine et écrivant de là à toutes ses amies des biens du roi son mari comme du plus honnête homme du monde, que rien ne manquoit à son bonheur que d'avoir un enfant ; qu'elle espéroit d'en avoir bientôt. J'ai vu une lettre qu'elle écrivoit à madame la comtesse de Béthune, qu'elle montra à la reine, où cela étoit. Un an ou deux ans après on dit qu'elle n'étoit pas mariée ; que sa vie n'étoit point en sûreté, son mari étant un ivrogne,un brutal, qui tuoit les gens à sang-froid, et qu'elle auroit souffert toutes ses imperfections, si elle n'eût point craint pour sa vie. On le mit en prison ; on l'envoya dans une île. Le pays, à ce qu'elle disoit, et ses amis la prièrent d'épouser le frère. Elle fit difficulté ; elle envoya consulter : M. le cardinal d'Estrées trouva qu'il n'y avoit point eu de mariage, et elle épousa le frère,48 que l'on appelle le Prince et elle la reine. Elle a eu une fille. On dit qu'il est fort débauché ; mais comme il n'y a pas un troisième frère et qu'elle a des enfants, il y a apparence qu'elle en demeurera à ce mari. C'est une chose si extraordinaire dans ce siècle que, quoique cela n'eût nul rapport à moi, je ne me suis su empêcher de le mettre ici.

Je quittai la cour à Fontainebleau, ayant fait toujours plus de cas de ma santé que de mon plaisir au moins depuis bien des années.

 

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NOTES

1. Ce fut le 25 juin 1664 que le maréchal de Navailles et sa femme furent disgraciés. — Voy. l'Appendice sur les causes de cette disgrâce.

2. Phrase omise dans les anciennes éditions depuis mais elle fit bien connaître jusqu'à tant qu'elle l'a eu.

3. On a ajouté dans les anciennes éditions la phrase suivante dont il n'y a pas de trace dans le manuscrit : « Notre conversation fut très-honnête et peu cordiale ; je n'étois pas satisfaite de lui, et lui avoit à se reprocher que j'avois raison de ne la pas devoir être. »

4. On a vu t. III, p. 584, que Mademoiselle n'avait pas séjourné à Paris par crainte de la petite vérole.

5. Passage omis dans les anciennes éditions depuis ces personnes-là jusqu'à de tous côtés.

6. Ce passage depuis c'étoit une bonne femme jusqu'à la mortifia assez a été omis dans les anciennes éditions.

7. C'est-à-dire de l'insulte faite par les gardes corses du pape au duc de Créqui, ambassadeur de Louis XIV ; le roi en exigea une éclatante réparation.

8. Mademoiselle veut parler des prêtres de Saint-Sulpice.

9. Voy. t. III, p. 175 et suiv.

10. On a mis dans les anciennes éditions M. l'archevêque de Rouen me dit. Il n'est pas question de ce prélat dans ce passage, mais seulement plus loin.

11. L'église Saint-Côme était située à l'angle formé par la rue de l'École de Médecine et la rue de la Harpe. Elle a été détruite en 1838.

12. Il a été question (t. III, p. 426) de Victor Bouthillier de Rancé, archevêque de Tours et premier aumônier de Gaston d'Orléans.

13. François de Harlay de Chanvalon, qui devint dans la suite archevêque de Paris.

14. L'archevêque de Paris était alors Hardouin de Peréfixe.

15. François de Harlay de Chanvalon était archevêque de Paris à l'époque où Mademoiselle écrivait cette partie de ses Mémoires (1677).

16. 16 novembre 1664. La fille dont la reine accoucha fut nommé Marie-Anne de France. Elle vécut peu de temps.

17. Ce fut le 18 novembre 1664 que la reine reçut les sacrements en viatique. « Je fus hier chez M. le chancelier, écrit Olivier d'Ormesson le 19 novembre 1664 ; il nous dit que M. Colbert lui avoit mandé que le roi désiroit que la chambre [de justice] ne travaillât point, tandis que partout on étoit en prières pour la reine, qui avoit hier reçu le Saint-Sacrement à huit heures du soir, Monsieur et M. le Prince étant allés le querir à Saint-Germain ; que le roi l'avoit reçu dans l'entrée du bâtiment neuf accompagné de toute la cour, avec grand nombre de flambeaux blancs. »

18. Henriette d'Angleterre.

19. Voy. par la maladie de la reine mère les Mémoires de madame de Motteville aux années 1664 et 1665, et les lettres de Gui Patin.

20. Il se nommait Gendron d'après madame de Motteville.

21. Ce mot est très-douteux. On pourrait lire dans le manuscrit Roue ou Rove. J'ai adopté Vauvre, parce que Gui Patin écrit le 3 mars 1665 : « On n'est point content à la cour du curé de Vauvre (à quatre lieues de Chartres), nommé Gendron, quine soulage point la reine mère, etc. »

22. Daniel de Cosnac, dont les mémoires ont été publiés par la Société de l'histoire de France. Il ne parle pas de ce fait.

23. Ce passage depuis puis elle vint dîner jusqu'à à se contraindre ne se trouve pas dans les anciennes éditions.

24. Ce fut le dimanche 2 août 1665 qu'eut lieu cette crise. « J'appris que le dimanche, les médecins ayant trouvé le pouls foible et intermittent crurent qu'elle (la reine mère) alloit mourir ; qu'elle avoit reçu le saint-sacrement comme viatique et ensuite l'extrême-onction et qu'elle avoit donné sa bénédiction au roi et à Monsieur avec une fermeté de courage extraordinaire. » Journal d'Olivier d'Ormesson, à la date de lundi 3 août 1665.

25. Le côté de Luxembourg qui avait été attributé à Mademoiselle.

26. Passage omis depuis on commença jusqu'à d'y aller loger.

27. Philippe IV mourut le 17 septembre 1665 ; la cour reçut la nouvelle de sa mort le 26 septembre. « Je sus que le samedi 26 septembre, au retour de Villers-Cotterets, le roi avoit reçu la nouvelle de la mort d'Espagne. » Journal d'Olivier d'Ormesson.

28. Gui Patin écrivait le 11 septembre 1665 : « Enfin ces messieurs les archiatres ont chassé le prêtre Gendron d'auprès de la reine mère et y ont fait entrer M. Alliot, médecin de Bar-le-Duc. »

29. Ce doit être en novembre 1665 que se place cette visite de la reine aux Gobelins, d'après le passage suivant de la Muze historique de Loret (Lettre du 22 novembre 1665) :

Le Roy, qu'un chagrin accompagne
Pour les langueurs de sa compagne,
Luy voyant quelque amendement,
Alla, par divertissement,
Voir les superbes broderies,
Peintures et tapisseries,
Que l'on fait pour Sa Majesté
En certain logis écarté,
Clair, plaisant et point du tout sombre,
Où des ouvriers en grand nombre,
Travaillent l'hiver et l'été
Avec grande assiduité
. . . . . . . . . . . .
Et dont ce rare personnage,
Monsieur Lebrun, est directeur
Et le suprême ordonnateur,
Étant pour de pareils ouvrages
Un de nos plus grands personnages,
Et qui, de l'esprit et des mains,
Fait de plus transcendants desseins.

Olivier d'Ormesson parle aussi des Gobelins, dans son Journal à la date du 30 novembre 1665 : « Je fus dîner avec M. Lebrun aux Gobelins, où étoient ma femme et mon fils ; il nous fit bonne chère et de bonne grâce. Nous vîmes les grands bassins et les vases d'argent que le roi fait faire, tous d'ornements différents ; il y en aura vingt-quatre. Nous vîmes les tableaux admirables de l'histoire d'Alexandre et des principales actions du roi, dont le roi fait faire de belles tapisseries, enfin tous les ouvrages qui sont sous la conduite de M. Lebrun. »

30. Ce passage depuis la reine étoit allée jusqu'à Notre-Dame a été omis dans les anciennes éditions des Mémoires de Mademoiselle.

31. Ce fut le mardi 19 janvier 1666 que l'on descendit la châsse de Sainte-Geneviève. La reine mère mourut le mercredi 20 janvier.

32. Passage omis dans les anciennes éditions depuis quand on découvrit la plaie jusqu'à comment trouvez-vous la reine ?

33. Les anciennes éditions ont changé ainsi la phrase pendant que l'on apporta Notre-Seigneur; ce qui est contraire non-seulement au texte du manuscrit, mais encore aux usages du temps. La famille devait assister aux cérémonies religieuses de la communion et de l'extrême-onction. Mademoiselle d'ailleurs le dit formellement dans la suite de son récit.

34. On a supprimé cette phrase dans les anciennes éditions.

35. Les anciennes éditions ont remplacé ce passage depuis tout cela ne paroissoit pas jusqu'à ce que l'on faisoit, par la phrase suivante : « Je dis encore une fois que je fis des réflexions qu'il me seroit utile que j'eusse toujours présentes dans mon esprit, pour connoître l'abus de cette vie, et pour penser plus sérieusement que je ne fais à une autre qui ne finira jamais. »

36. Les anciennes éditions ajoutent ici une phrase qui n'est pas dans le manuscrit autographe. La voici : « Ainsi elle porta l'aversion du malpropre jusqu'à la fin de sa vie, parce qu'elle étoit naturellement extrêmement propre. »

37. Ce mot est presque illisible dans le manuscrit ; on l'a remplacé dans les anciennes éditions par chercher, qui n'est certainement pas le mot écrit par Mademoiselle.

38. Ce passage depuis il faut passer jusqu'à cela m'affligea fort a été omis dans les anciennes éditions.

39. Voy. la Gazette de Renaudot et les extraits du Journal d'Oliv. d'Ormesson à l'Appendice.

40. Philippe-Charles d'Orléans, duc de Valois, né le 16 juillet 1664, mort le 8 décembre 1666.

41. Mouchy-le-Châtel (département de l'Oise, arrondissement de Beauvais). Olivier d'Ormesson parle dans son journal de ces revues qui eurent lieu au commencement d'avril 1666 : « Le roi fut avec toute la cour voir la revue des troupes près de Mouchy. Elle dura trois jours : le premier à les mettre en bataille, et les deux autres à les faire défiler. Il y avoit quinze mille hommes. L'on convient qu'il ne se peut voir des troupes plus belles et plus magnifiques, les officiers ayant fait des dépenses extrêmes. La compagnie de M. de La Trousse fut trouvée l'une des plus belles. Le roi lui a donné cinq cents écus. »

42. Madame de Mecklenbourg. Voy. l'Appendice du chap. XXI (première partie) des Mémoires de Mademoiselle.

43. Ce passage depuis j'avois oublié de dire jusqu'à cette nouvelle ne se trouve pas dans les anciennes éditions des Mémoires de Mademoiselle.

44. Les anciennes éditions ont remplacé cette phrase par les suivantes, dont il n'y a pas trace dans le manuscrit autographe : « Dans ce temps-là elle auroit regardé comme un malheur le projet que madame de Montespan avoit dans la tête, de travailler à se bien établir dans l'esprit du roi, afin de la détruire. Il est à croire que dans celui où elle se trouve elle doit bénir Dieu de l'avoir tirée d'un état qu'elle concevoit autant heureux qu'elle le doit considérer à présent comme pernicieux. »

45. Cette citation de la lettre de madame de Choisy a été omise dans les anciennes éditions.

46. Marie-Jeanne-Baptise de Nemours fut mariée au duc de Savoie, Charles-Emmanuel II, le 11 mai 1665.

47. Marie-Françoise-Élisabeth de Nemours épousa le roi de Portugal, Alphonse VI, le 28 juin 1666. Elle avait quitté Paris dès le 29 mai. Olivier d'Ormesson écrit dans son Journal à cette date : « Ce jour partit mademoiselle de Nemours la cadette pour être reine de Portugal. M. l'évêque de Laon va avec elle ; elle doit être mariée à La Rochelle avant que de s'embarquer. »

48. La reine de Portugal épousa le 28 mars 1668 Pierre, frère d'Alphonse VI et régent de Portugal.

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1859. T. IV, Chap. VII : p. 1-37.


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