Je considère comme un devoir sacré la douloureuse tâche que j'entreprends aujourd'hui. L'homme célèbre, le savant distingué, et ce qui vaut mieux encore, l'homme sensible, le père des infortunés, réclame de l'amitié en pleurs le soin de faire connaître ce qu'il fut, ce qu'il ne cessa d'être qu'à son dernier soupir, c'est-à-dire, le plus touchant modèle des plus sublimes vertus. Ah ! si jamais un être humain approcha de la perfection, ce fut Charles de Pougens. Chaque jour de sa noble vie a été consacré au bonheur de tout ce qui l'entourait, au soulagement des infortunés ; sa bienfaisance était plus que de la charité, sa philanthropie plus que de la bienveillance, et il a accompli plus qu'à la lettre ce touchant précepte de l'Évangile : « Aimez votre prochain comme vous-même ; » car il l'aima plus que lui-même. Les plus dures privations étaient pour lui des jouissances quand elles lui donnaient les moyens de secourir ses semblables. Je m'arrête ici ; le narré fidèle des événemens de sa vie le peindre mieux que tout ce que je pourrais dire.

Cédant aux vives instances de sa douce et vertueuse compagne, ainsi qu'à celles de ses amis, il avait composé un écrit intitulé : Lettres sur diverses circonstances de ma vie. La personne à qui ces lettres sont adressées n'est point nommée ; je les transcris fidèlement. Hélas ! la mort est venue arrêter tout à coup ces confidences naïves et touchantes ; mais la tendre amitié qui, depuis quarante-huit années, me liait à M. Charles de Pougens, m'inspirant sans cesse le besoin de l'interroger, j'ai recueilli assez de renseignemens pour pouvoir continuer le récit qu'il avait commencé. Une plume plus digne que la mienne se chargera sans doute d'offrir à l'Europe savante l'analyse de ses divers écrits ; moi je n'aspire qu'à fait connaître les circonstances de sa vie, et l'histoire de son cœur.

Louise B. de St.-LÉON.


Mémoires et Souvenirs de Charles de Pougens, Chevalier de Plusieurs Ordres, de l'Institut de France, des Académies de La Crusca, de Madrid, de Gottingue, de St-Pétersbourg, etc. ; commencés par lui et continués par Mme Louise B. de Saint-Léon. Paris: H. Fournier Jeune, 1834. Préface: pp. v-vii.

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