MÉMOIRES ET SOUVENIRS

DE

CHARLES POUGENS.

LETTRES

sur diverses circonstances de ma vie.

Naissance de l'auteur. — Son éducation. — Madame Beaugé, sa gouvernante, fille d'un chevau-léger, sous le règne de Louis XIII. — Bras cassé. — Stanislas Leczinsky, roi de Pologne. — M. Conchy, son portrait. — Respect dû à la vieillesse. — Das Morgen-rœthe, petit poème composé en langue allemande par l'auteur à l'âge de huit ans. — Prieuré de la Tour-du-Lay. — Le Chancelier Maupeou. — La présidente de Lamoignon. — Catinat. — M. de Bonvilliers, ancien premier valet-de-chambre de Louis XIV. — Anecdote sur la jeune moresque, religieuse à l'abbaye royale de Moret. — Le prince de Conti. — Madame du Manoir. — M. Baujon. — Vieillard expirant d'inanition. — M. Bachelier, de l'académie royale de peinture. — Le Père Lacouture, anecdote. — J. J. Rousseau. — Départ pour l'Italie. — Dijon, le président de Bourbonne. — Lyon, Marseille, Nice, Antibes. — Felouque génoise. — Apparition de barques barbaresques. — Monaco. Auberge de la signora Antonia. — Le prince de Monaco, anecdote. — M. de Beauchamp, major de la place, sa mélomanie. — Jenny Millo, Baronne de Saluces. — Bologne, Gènes, Florence. — Rome, escalier de la Pietà del Monte. — Foule de mendians. — Saint Labre. —- La signora Manzotti. — Le cardinal de Bernis, la Marquise de Puymontbrun sa nièce.


LETTRE I.

Écrire ses confessions, cela est permis, mais l'est-il de publier en même temps celles des autres ? Je ne le crois pas. Quoi qu'il en soit, les miennes me coûtent peu. J'ai fait quelquefois des sottises, mais jamais sciemment du mal à qui que ce soit au monde, et quand j'ai pu faire du bien je n'en ai pas laissé échapper l'occasion, c'est même un des points les plus importans de ma religion, des dogmes particuliers que je professe.

Je m'abstiendrai aussi dans ces lettres de tous détails quelconques sur la révolution ; tant de gens ont traité ce sujet si difficile. Selon moi les révolutions sont centenaires, et ce n'est même qu'après un siècle bien révolu qu'il est permis à tout écrivain philosophe de tracer leur histoire.

Je suis né à Paris le quinze août de l'année dix-sept cent cinquante-cinq, jour de l'Assomption ; c'est peut-être pour cette raison qu'on m'a nommé Marie-Charles-Joseph. Je signe mes lettres et je place au frontispice de mes ouvrages le nom de Charles au lieu de celui de Marie, vu que ce dernier m'a paru un peu trop virginal : au reste laissons ces détails purement biographiques, j'aime mieux renvoyer mes lecteurs à la Biographie des Contemporains, tom. 17, article Pougens (Charles), et je passe à des faits selon moi plus intéressans.

On me mit en nourrice chez la femme de l'un des jardiniers du feu prince de Condé ; mais comme elle devint grosse, on me sevra de bonne heure. L'abbé Lamontagne, oncle du Poète Pierre Lamontagne de Langon, littérateur distingué et pour qui je conçus depuis le plus tendre amitié, vint me chercher et me confia aux soins d'une femme excellente nommée madame Beaugé, fille d'un chevau-léger de Louis XIII ; j'ai même connu dans mon enfance la veuve de ce brave homme ; ainsi j'ai été caressé par une femme dont le mari avait eu des rapports avec Louis-le-Juste, épithète que lui a confirmée l'histoire, mais que n'a point sanctionnée la philosophie. Je me souviens de cette vieille femme comme si je l'avais vue hier. Je reviens à sa fille madame Beaugé, ma première gouvernante, qui me prodigua des soins si touchans, si maternels.... Femme excellente ! laissez-moi payer ici à votre mémoire le juste tribut de la tendresse filiale que je vous avais vouée et que je conserverai pour vous tant que j'aurai un souffle de vie.

Sans être lettrée,, madame Beaugé n'était point dénuée d'instruction. Elle avait de l'esprit naturel ; notre célèbre président de Montesquieu paraissait même se plaire quelquefois à s'entretenir avec elle : elle avait l'imagination vive, l'on voyait aussi qu'elle avait été fort jolie dans sa jeunesse.

Ma première enfance fut assez orageuse. Sans être précisément maladif, ma santé exigeait les soins les plus assidus. Madame Beaugé me prodiguait jour et nuit tous les siens, elle ne me perdait pas de vue un seul instant, je couchais dans sa chambre où l'on avait placé un petit berceau assez élégamment orné.

Je me souviens qu'un soir, c'était la veille de Noël, j'étais allé à la cuisine, où je m'occupais fort attentivement à voir plumer un dindonneau, dont j'espérais bien manger ma part le lendemain. Ce maudit dindonneau avait la queue noire ; pour mieux considérer cet appétissant spectacle, j'étais monté sur une chaufferette, la chaufferette chavire, je tombe, je me casse le bras gauche. Madame Beaugé jette des cris perçans et s'évanouit. La bonne servante Manon, native de Bléré, village situé à vingt-quatre milles sud-est de Tours, lieu que j'ai mentionné à dessein dans un de mes contes,1 se précipite, me relève. On envoie chercher un chirurgien nommé Ayerle, il remet mon bras, pose des éclisses, des ligatures. Je ne criai point, je ne pleurai point dans la crainte de faire de la peine à maman Beaugé : c'est ainsi que je la nommais toujours ; mais je me souviens bien que le lendemain j'eus le cœur bien gros quand je vis de mon berceau qu'on mangeait le dindonneau rôti et que moi j'étais réduit à ne manger qu'un peu de soupe.2

Ce fut à peu près à cette époque que deux gentilshommes vinrent m'apporter de la part du vieux roi de Pologne, Stanislas Leczinski, une petite caisse renfermant un superbe pamplemousse, espèce d'orange de la grosseur à peu près de la tête d'un homme, et une belle toque d'or surmontée d'une plume de héron : c'était alors la mode pour les enfans de mon âge. Né timide, je me cachai de mon mieux derrière le grand fauteuil de maman Beaugé. Mais il est temps que je laisse de côté ces insignifians détails. Passons aux années 1762 et suivantes.


LETTRE II.

J'avais sept ans et cinq ou six maîtres, entre autres un répétiteur pour le latin nommé M. Conchy, haut de six pieds, des dents comme des défenses de sanglier, des doigts d'une longueur démesurée, un habit brun foncé, une veste dont les basques tombaient jusqu'au milieu des cuisses, des bas roulés ; il me faisait une peur horrible quoiqu'il fût au fond le meilleur homme du monde. Nous demeurions alors rue Montmartre vis à vis l'ancien hôtel d'Usez que j'ai vu rebâtir. Sitôt que j'apercevais de ma fenêtre venir de loin M. Conchy, je me mettais vite au travail ; aussi me louait-il beaucoup sur mon assiduité.

J'ai dit plus haut que ma bonne gouvernante avait de l'imagination, elle lisait aussi à merveille. De toutes mes études c'était le dessin qui était mon occupation favorite ; je recevais régulièrement des leçons d'une nièce de madame Beaugé et qui était élève de Greuze. Tout jeune que j'étais je marquais beaucoup de dispositions pour cet art, et elles ne firent que s'accroître avec les années. Je crois avoir déjà dit quelque part, que je fus reçu membre de l'académie de peinture de Rome et à vingt-deux ans. Comme j'avais un grand nombre d'autres maîtres, savoir : de langue allemande, de musique, de mathématiques, on me permettait de dessiner qu'aux heures de récréation, spécialement le soir, et tandis que je dessinais, maman Beaugé me faisait la lecture ; or nos lectures favorites étaient les romans de Scudéry, de la Calprenède ; Artamène ou le grand Cyrus, Amalhayde, Cassandre, Cléopâtre. J'écoutais avec ravissement tout en copiant les dessins de M. Greuze, et je ne puis me dissimuler que ces lectures ont influé sensiblement sur les divers événemens de ma vie, je dirai même sur quelques-uns de mes ouvrages.

J'étais si jeune et encore si faible, lorsque M. David Sharf de Berlin et ensuite M. Grivelot me donnèrent mes premières leçons de violon, j'étais, dis-je, si faible que je ne pouvais soutenir le manche de l'instrument dans la direction convenable ; aussi maman Beaugé avait-elle eu soin d'attacher à un volet de la fenêtre de sa chambre un ruban de soie verte terminé par un nœud. Je vois encore d'ici ce ruban vert que le soleil avait jauni, et il y a soixante-dix ans révolus.

De toutes les langues qu'on me fesait étudier, ce fut et je ne sais pourquoi, la langue allemande qui eut la préférence. On me fit lire la Mort d'Abel de Gesner, son Daphnis, ses idylles. Cette lecture me ravissait. J'avais à peine huit ans et je me mis à composer un petit poëme intitulé Das Morgen-rœthe (l'Aurore), et comme de raison j'y parlais d'amour. Allons, passons à d'autres souvenirs.

Rétrogradons ; j'avais à peine cinq ans, la bonne servante Manon de Bléré me menait souvent promener sur le boulevart. Un jour je m'arrête près d'un jeune homme qui disait des injures à une vieille femme, je croise mes petites mains sur ma poitrine : « Fi ! que c'est laid, m'écriai-je, d'insulter ainsi la vieillesse ! allez, allez, le bon Dieu ne vous bénira pas, » et je voulus m'élancer sur lui. Plusieurs personnes m'entourent, on m'enlève, on me caresse, je me perds dans la foule. Ma bonne Manon jette des cris, « Où est mon enfant, où est mon enfant ! » Elle me retrouve, me prend dans ses bras après m'avoir couvert de baisers et de larmes.

Deux ans plus tard, Manon me mena au couvent des sœurs grises. Je vois dans le jardin une fort jolie petite fille de mon âge nommée Adélaïde. Je la prends entre mes bras, je l'accable de baisers, elle me les rend avec usure. Le frère âgé de huit ans trouve mauvais que j'ose attenter ainsi à la vertu de sa sœur : il me provoque, nous tirons nos petites épées. On nous sépare, on nous gronde, et la promesse de nous donner le fouet termina cette sanglante querelle.

Temporairement madame Beaugé avait pris une jeune pensionnaire nommée Destenières ; elle avait onze ans, et comme de raison elle jouait avec moi ; or l'un de ses jeux favoris était de me faire poser mes doigts sur la base de la fenêtre d'un cabinet que nous avions en commun et de laisser retomber subitement le châssis ; je pleurais, je jetais des cris. « Ne sonne mot, me disait la méchante petite fille, car maman Beaugé me mettrait en pénitence ; » puis elle mettait le bout de mes doigts dans sa bouche, et moi je renfonçais mes larmes, je ne criais plus, afin que maman Beaugé ne mit point en pénitence ma jeune compagne.

Passons à une autre personne qui existe encore et qui fut l'objet des premières et des plus tendres affections de mon enfance. Excellente Lucie, c'est de vous que je vais maintenant entretenir mes lecteurs. J'avais atteint l'âge de huit à neuf ans ; l'abbé Lamontagne dont j'ai parlé plus haut, amena à madame Beaugé cette jeune pensionnaire âgée d'environ quatre ans, et je m'attachai à elle comme à la sœur la plus tendrement chérie. Fille d'une très grande dame de Vienne en Autriche, reconnue depuis par la famille, jouissant même au moment ou j'écris d'une pension que lui fait son excellence M. le comte de N.D. son neveu, durant mon long séjour en Italie elle se fit religieuse à l'abbaye d'Hières près Brumoy. Née le 20 septembre 1762, aujourd'hui en 1832, elle a près de soixante-dix ans et elle habite Saint-Germain-en-Laye avec sa digne compagne madame Pouget ; elles vivent, elles mourront ensemble.

O ma douce et sensible amie ! souffrez que mes pensées s'élèvent un instant vers vous et planent sur votre tête chérie. Jamais le plus léger nuage ne s'est interposé entre vous et moi pendant soixante-cinq années et plus que dure notre tendre amitié ; vos principes sont si purs, votre besoin du bonheur des objets de vos affections est si vrai, si exempt de tout alliage ! Ah ! c'est ainsi qu'i faut aimer, et malheureusement ce n'est pas ainsi qu'on aime. Pieuse par conviction, jamais fanatique, elle n'ignore point que je passe pour être ce qu'on appelle philosophe, elle ne me prêche jamais, elle prie Dieu pour moi. On a bien raison de dire que la religion est comme ces pierres transparentes qui prennent la couleur du fond sur lequel on les pose.


LETTRE III.

Qu'on me permette de vagues souvenirs. Ces voyages, disons mieux, ces excursions dans le passé, rafraîchiront, consoleront peut-être ma vieille ame fatiguée par les événemens, les sentimens qui sont aussi des événemens. Mes chers lecteurs, vous trouverez bien puérils les détails que je vais mettre sous vos yeux. Quoi qu'il en soit, hélas ! expérience faite, il vaut encore mieux se rappeler de fugitifs objets que certains individus. N'approfondissons pas cette idée, car il serait possible qu'elle devînt amère.

Sans me destiner précisément à l'état ecclésiastique, on m'avait ménagé la jouissance d'un prieuré nommé la Tour-du-Lay, situé entre Beaumont-sur-Oise et l'Ile-Adam, environ neuf lieues de Paris. Vue charmante, une jolie maison placée sur une hauteur, un petit parc, des allées sombres. Ce fut là que je fis mes premiers vers. On avait nommé ce prieuré la Tour-du-Lay à cause d'une tour élevée de cent seize pieds et que Louis XV signalait de Saint-Germain-en-Laye. Comme j'étais trop jeune, même pour être tonsuré, on avait mis temporairement sur la tête de l'abbé Lamontagne ce bénéfice qui avait appartenu originairement à M. le chevalier de Levemont et à M. le commandeur de Barrix de la Galissonnière. Je n'ignore point que ces possessions temporaires sont défendues par les saints canons de l'Eglise. Sauvons-nous dans la foule des coupables.

Je me souviens comme d'hier de cette embrâsure de fenêtre où j'avais placé ma table à dessiner : là j'ai passé des heures si délicieuses ! Puis cette chambre écartée où j'allais tous les jours et durant plusieurs heures étudier le violon et d'autres instrumens. De cette manière je n'affligeais point les oreilles de mes auditeurs involontaires. Hélas ! ce jolie prieuré bâti par le célèbre Gondouin à son retour de Rome, a été vendu depuis la révolution à la bande noire : je l'ai regretté vivement, je le regrette encore ; j'avais une connaissance si exacte, des réminiscences si vives des localités, que, m'y retrouvant à mon retour d'Italie et entièrement privé de la lumière du jour, je franchissais seul le salon situé au rez-de-chaussée, le vestibule, je montais les escaliers jusqu'aux mansardes, j'allais m'emparer d'un camion piqué sur les bandes d'un grand billard et je rapportais ce camion dans le salon où était la compagnie. Passons à d'autres détails moins minimes et dont j'aime également à me rappeler le souvenir.

J'habitais la Tour-du-Lay durant une partie de l'été, ma douce Lucie y était alors ; chère, chère créature, vous ne pensiez point encore à vous faire religieuse. Là elle était sous l'inspection de sa marraine, amie intime de sa noble mère. Cette dame était madame de Guimont, femme d'un M. de Guimont à qui sa cousine madame Lenormand d'Etioles (madame de Pompadour) avait fait obtenir le titre d'envoyé plénipotentiaire à Gènes. Madame de Guimont, née Arnaud d'Andilly, avait beaucoup d'esprit. M. de Saint-Lambert cite un mot d'elle très heureux dans ses notes sur le poème des Saisons. Elle aimait Lucie comme sa propre fille, et daignait soigner aussi mon éducation. Avec quel charme, avec quelle douce émotion je me rappelle ici son nom, j'oserai presque dire si solennel pour moi ! Ce souvenir ne s'affaiblira jamais.

Indépendamment de mon amour pour les arts, je m'occupais avec ardeur de littérature ancienne et moderne. Parvenu à l'âge d'environ quatorze ans, on me présenta au vieux chancelier de Maupeou qui habitait alors Bruyère près Beaumont. M. de Maupeou était père du chancelier devenu depuis si célèbre. Ensuite on me mena chez M. et madame de Persan, propriétaires du beau château de ce nom, situé entre la petite ville de Chamblay et Beaumont-sur-Oise. M. de Persan, maître des requêtes, était un homme excellent et fort riche ; ce fut lui qui fit bâtir la presque totalité de la rue des Petits-Augustins. Madame de Persan, fille de M. Aymeret de Gazeau, conseiller au parlement, était une femme d'un esprit supérieur, très instruite, et ce qui vaut encore mieux, douée d'un grand et noble caractère ; si elle eût vécu de nos jours, elle eût été une franche républicaine. Quoique je fusse encore très jeune, madame de Persan aimait à s'entretenir avec moi ; j'avais des connaissances en histoire naturelle et en littérature qui rendaient ma conversation moins insipide que celle de la plupart des jeunes gens de mon âge. Elle avait un fils et une fille, adorait son fils, le jeune marquis de Saint-Germain Beaupré, officier au régiment du roi. Elle désirait qu'il apprît l'allemand, elle fit semblant d'avoir envie de l'apprendre afin de l'encourager. Je leur donnais des leçons à l'un et à l'autre. Hélas ! elle n'est plus, je l'ai perdue quelques années après la révolution. Une larme, une larme sur sa tombe.

Parlons maintenant de madame la présidante de Lamoignon de Montrevault née Catinat. Quelques brochures que j'avais publiées, entre autres un Essai sur les enfans naturels dont M. de La Harpe, dans le Mercure de France, avait comparé le style à celui de M. de Buffon, m'ayant un peu enflé le cœur, j'avais à peine dix-sept ans, l'académie française venait de proposer pour sujet de prix l'éloge de Catinat ; je voulus concourir et je priai madame de Montrevault de permettre que je fouillasse dans les archives de la famille. Comme on ne pouvait les déplacer, elle m'invita à venir la voir souvent. Elle réunissait beaucoup de monde dans sa société ; ce ut là que je vis M. le comte de Voisenon, frère de l'abbé si connu par ses contents, son Acajour et Zirphée, etc. Le bon et brave gentilhomme était un gastronome du premier ordre. Il se plaisait à m'endoctriner, et quoique je le fusse très peu moi-même, je l'écoutais avec une complaisance qui le charmait.

Enfin après avoir fureté durant plusieurs semaines les archives de madame la présidente de Montrevault, qui renfermaient une grande quantité de lettres de la main de madame de Maintenon, de M. de Barbezieu, de Louis XIV, dans lesquelles il écrivait toujours ogmentoit et non augmentoit, j'achevai mon éloge académique. Je me souviens que dans l'exorde j'avais mis cette phrase : « Malheureux est le peuple dont l'histoire se trouve dans celle de ses rois. »

Il fallait alors pour être admis au concours que le manuscrit fût revêtu de la signature d'un docteur de Sorbonne. J'allai trouver M. Riballier au collège Mazarin, il lut mon manuscrit et me refusa net son approbation, à moins que je ne fisse un grand nombre de coupures et des changemens considérables qu'il m'indiqua ; il me gronda beaucoup, me dit que je serais un jour un vrai suppôt de Bayle, digne de l'école de Rousseau, de Voltaire, bref un homme abominable. Je m'inclinai, je refusai de me soumettre. Depuis, et très heureusement, j'ai brûlé le manuscrit : j'ai bien fait, car au fond, sauf quelques phrases un peu brillantes, mon œuvre académique ne valait rien.


LETTRE IV.

Je me hâte d'arriver à l'époque de mon départ pour l'Italie ; mais préalablement soldons encore quelques souvenirs. Je m'étais réduit à quatre heures de sommeil. Pour me tenir éveillé je prenais jusqu'à dix tasses de café et je jetais une forte pincée de sel dans la dernière afin de lui donner plus d'activité. Dix-neuf heures de travail, sauf les jours où j'étais obligé d'aller souper chez M. le prince de Conti, alors comte de la Marche.

Madame Beaugé s'opposait, comme de raison, à ces veilles forcées ; mais je volais des bouts de chandelle que je cachais dans un gros étui, puis moyennant un petit briquet j'allumais mon modeste luminaire. Bref, je devins assez fort dans les divers genres de littérature ancienne, moderne, nationale et étrangère.

Rétrogradons de quelques années. Madame Beaugé avait trois sœurs. Madame de Kyau, qu'on nommait Angélique, et qui me plaisait beaucoup quoique je n'eusse alors guère que douze à treize ans. J'allais la voir en cachette. Un matin qu'il fesait très froid, je la trouvai qui s'habillait, je lui offris galamment de chauffer sa chemise. Le désordre de sa toilette m'avait étrangement troublé. Je brûlai une des manches, elle se mit à rire comme une folle.

L'autre sœur de madame Beaugé, femme d'un Allemand, se nommait madame Muller ; elle avait une fille charmante, un peu haute en couleur comme mademoiselle Cunégonde, mais d'une fraîcheur admirable. Ah ! si j'eusse chauffé sa chemise, je crois, Dieu me pardonne, qu'au lieu de brûler une des manches, je les eusse brûlées toutes deux.

Madame Matné, troisième sœur de ma bonne gouvernante, avait deux filles, l'une connue depuis sous le nom de madame de Morville, ensuite sous celui de madame de Rome, a publié plusieurs ouvrages : Mes Délassemens, recueil de contes assez jolis ; puis une traduction d'un roman anglais intitulé : Louise Mildemay. Cette pauvre madame de Rome est morte dans un grand état de détresse, et précisément à l'époque de la révolution, où moi-même j'étais obligé de travailler pour vivre ; je lui donnai quelques louis, mais en pressant tant soit peu l'éponge j'aurais pu faire mieux, et je me suis reproché bien des fois cette mesquinerie.

Jetons encore quelques regards en arrière. J'aime à me rappeler les noms de diverses personnes que j'ai connues dans les premières années de ma vie. La bonne famille Guillemin, honnêtes artisans, qui occupait la boutique située au bas de cette maison de la rue Montmartre où nous logions, dont je crois vous avoir parlé plus haut. Le pauvre Guillemin père, mourut d'une fièvre scarlatine, on l'ensevelit, j'étais là, jamais je n'oublierai un si triste spectacle. Cette image me frappa tellement qu'elle est encore présente à ma pensée.

Bon Clavier, sa femme, ses trois garçons, sa jolie fille qui avait à peu près mon âge. Ils habitaient deux petites chambres situées dans les mansardes. Je me plaisais à jouer le soir sur mon violon et près de leur porte les airs qu'elle aimait, je montais l'escalier, elle descendait quelques marches, nous nous embrassions, puis voilà tout.

Excellent et savant abbé Bellet, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, laissez-moi vous nommer ici et me rappeler la bonté que vous aviez de causer avec moi, malgré mon extrême jeunesse. Ses mains tremblantes prenaient avec tant d'affection les miennes pour me faire asseoir à ses côtés. Feu M. l'abbé Bellet était garde des médailles de M. le duc d'Orléans.

J'ai oublié de vous dire que, par esprit de système, l'abbé Lamontagne m'avait élevé fort durement. Je n'avais qu'un seul matelas étendu sur un simple lit de camp ; ce matelas n'avait jamais été rebattu, un oreiller de paille d'avoine, point de feu dans ma chambre quelque rigoureux que fût l'hiver, et pour m'ôter le moyen d'en faire, on avait changé en armoire à coulisse la cheminée de ma chambre à coucher ; là je mettais mes peignes, ma poudre, car je n'avais point de perruquier. Je me souviens que l'année de mon départ pour l'Italie, j'avais si froid que l'eau qui jaillissait de l'éponge dont j'étais obligé de servir pour mouiller mon papier afin de le coller par les bords sur la planchette, lorsque je voulais faire des plans d'architecture, tombait de mes doigts en petits glaçons.

On m'avait accoutumé également à supporter la faim et la soif. C'est bien ; mais ce qui, selon moi, était une sévérité exagérée, c'est que je n'ai jamais eu un camarade de mon âge, je n'ai jamais connu les jeux de l'enfance ni ceux de la première jeunesse, je n'ai jamais joué au petit palet, ni aux barres ; j'avais plus de cinquante ans lorsque j'eus connaissance d'un jeu qu'on nomme la marelle. Cette austérité de moeurs m'a laissé des impressions, j'oserai presque dire, de tristesse que je ne puis vaincre ; aussi n'ai-je de gaieté que dans l'esprit, mon caractère est naturellement mélancolique. Quelques philosophes et même d'assez bons littérateurs prétendent que sous le rapport du talent il n'y a pas de mal à cela.

Je ne puis quitter le sol de la France sans nommer la jolie petite ville de Chambly située à une lieue de mon cher prieuré de la Tour-du-Lay. Comme exercice, comme but de promenade, j'y allais de temps en temps pour diverses emplettes, faire couper mes cheveux, etc. Le perruquier se nommait Armand, c'était un vrai Partridge, le double de celui dont il est question dans Tom Jones. Il s'était pris de belle passion pour moi, et sachant que je devais voyager, il voulait s'attacher à mon service, abandonner sa femme, ses enfans, ses pratiques, n'importe. Comme de raison, je n'acceptai point ses offres et je ne cédai point à ses instances.

Ce brave homme avait fille alors en bas âge, mademoiselle Armand, qui depuis obtint des succès mérités au théâtre de l'Opéra. Elle avait appris la musique sous un de ses oncles qui était attaché, je crois, à l'orchestre de la Comédie Italienne. J'ajouterai que cette jeune actrice fut non moins recommandable par la régularité de ses mœurs que par son talent. Le bon et honnête Armand, son père, avait inventé un instrument qu'il nomma armandine ; c'était une harpe renversée assez semblable à un tympanon, mais sur laquelle on jouait avec les doigts, non avec des battes, de sorte qu'on pouvait en tirer des sons harmoniques fort agréables à l'oreille.

Maintenant je cède au besoin de diriger mes souvenirs vers un vertueux et spirituel vieillard qui possédait une charmante maison entourée d'une petite rivière et qui était située à deux pas de Chamblay, M. de bonvilliers, ancien premier valet de chambre de madame la duchesse de Bourgogne et qui passa depuis au service de Louis XIV. Il était entièrement privé de la vue, il avait quatre-vingt-douze ans et moi j'en avais à peine quatorze. J'avais étudié avec soin les Mémoires du temps, aussi étais-je fort au courant des anecdotes des dernières années du XVIIe siècle et des premières années du XVIIIe. Nous causions familièrement mon vieux ami et moi ; souvent même nous disputions ; « mais, me disait-il un jour, parlez à moi mon ami Fagon3 et vous verrez ce qu'il vous dira. » L'illusion était complète, le bon vieillard croyait causer avec un de ses contemporains. Tout-à-coup le prestige disparaît, il se penche vers mois. « Ah ! mon ami, s'écrie-t-il en fondant en larmes, vous m'avez rajeuni de plus de soixante ans ! » J'étais moi-même fort ému. J'allais ensuite, pour me distraire, contempler un tableau de sa galerie, dans lequel feu madame la duchesse de Bourgogne était représentée sous le costume d'une nymphe, d'une hamadryade ; elle était charmante, je ne pus m'empêcher de fléchir un genou en voyant cette figure véritablement aérienne.

Dans une de nos fréquentes conversations, M. de Bonvilliers me raconta qu'il avait été chargé de porter à la jeune moresque, religieuse à l'abbaye royale de Moret, la pension mensuelle que lui avait accordée le roi. Mon vénérable ami était alors beau, bien fait, fort aimable, persuasif. Quelle fut sa surprise lorsqu'il prit cette figure haute de quatre pieds de lever son voile ! elle avait le teint basané, celui d'une mulâtre, de petits yeux ronds assez vifs, la peau de son visage était parsemée de houppes d'un poil jaune tirant sur le rouge. Elle sourit, salua et rentra dans l'intérieur du couvent.

Non, je ne saurais me rappeler sans un charme secret ces émotions de ma première jeunesse : tous ces souvenirs s'interposent, se pressent entre cette époque déjà si reculée et le moment où j'écris ceci. Vous le voyez, j'ai bien de la peine à lever l'ancre ; cependant il serait temps que je partisse pour l'Italie, Italiam, Italiam ! Grace, grace, mes chers lecteurs, c'est surtout à mes lectrices que je m'adresse, permettez encore quelques-uns de ces souvenirs à mon vieux jeune cœur.


LETTRE V.

J'allai un matin chez madame de Guimont, née Arnaud d'Andilly, dont je vous ai parlé précédemment. Je trouve une voiture assez élégante à la porte du petit pavillon que lui avait fait donner madame de Pompadour et qui était situé entre la cour royale et celle des princes. Je monte et je vois une belle dame qui ne me parut nullement surannée, quoiqu'elle eût environ vingt-sept ans, et que je n'en eusse guère que treize. Elle était en petit deuil, jolie robe rayée de noir et à large plis, c'était la mode alors, les robes rondes à la polonaise n'étaient point encore inventées. Cette dame avait les yeux noirs, pleins de charme et de douceur, de beaux cheveux couleur d'ébène disposés en tuyaux d'orgue, couronnés d'un léger bonnet de dentelle superfine, chignon lisse ; on n'avait point imaginé alors les chignons flottans, je fus ravi en extase. Ces deux dames se mirent à sourire, on me fit asseoir, la jeune dame m'invita à souper, je ne sais si j'eus assez de présence d'esprit pour dire oui et pour remercier.

Ma belle inconnue demeurait porte Saint-Honoré, son nom était madame Dumanoir, elle était maîtresse et amie intime de M. le prince de Conti alors comte de la Marche. J'allais souvent chez elle conduit par madame de Guimont et elle conçut pour moi une véritable amitié, autant que le permettait la différence de son âge au mien. Je faisais pour elle de dessins à la mine de plomb sur vélin ; le cœur me battit quand je les lui portait et qu'elle daignait les accueillir avec un sourire aimable ou qu'elle pressait le bout de mes doigts. Pas la moindre faveur de plus, j'en atteste ici l'honneur.

J'eus occasion de voir chez elle le prince et à diverses reprises. Il aimait mes manières simples, mon peu de prétentions, aussi se plaisait-il q ame donner quelquefois des ordres. Un jour il m'envoya, pour je ne sais quelle affaire, chez le riche M. Baujon ; je me fais annoncer de la part du prince, on ouvre les deux battans. J'aperçois le moderne Crésus couché dans une conque dorée posée sur une estrade ; deux ou trois dames causaient autour de lui. Je m'acquittai de ma mission et je me retirai.

En sortant de l'hôtel je vois un pauvre vieillard assis sur le banc de pierre de la porte ; ses yeux étaient fermés, il était pâle et privé de sentiment. Je m'approche, je saisis son pouls, inanition absolue. Je vole au cabaret voisin, je prends un bouillon, un verre de vin, je ranime cet infortuné. Comme de raison, je lui donne un peu d'argent et je le fais ramener chez lui. Mais le contraste de ce vieillard avec le riche financier, ce salon somptueux que je venais de quitter, me frappa tellement que j'en conserve encore le souvenir quoiqu'il y ait plus de soixante ans de cela.

A mon retour de Rome je soupais chez madame Dumanoir deux ou trois fois avec le prince, M. le marquis de Sailly premier gentilhomme de sa chambre, M. le président d'Aligre, M. le marquis d'Espies ; on disait des nouvelles. Je me souviens que plus tard nous soupâmes avec M. Lucas de B. le soir de cette première insurrection qui eut lieu chez le papetier Réveillon.

Parlons maintenant d'un artiste distingué et en même temps homme d'esprit, M. Bachelier, de l'Académie royale de peinture et fondateur de l'école gratuite de dessin. M. Bachelier débuta dans la carrière des arts par être peintre de genre, spécialement les fleurs, le Vanhuysum de nos jours. Depuis il devint peintre d'histoire et renouvela la peinture à l'encaustique : son Milon de Crotone, sa Charité Romaine, se voient encore au Louvre dans les salles de l'académie. C'est chez lui que je pris mes premières leçons de peinture, j'étais si fier d'avoir une palette à la main appuyée sur mon bras gauche et ma main droite armée d'un pinceau ! Nous avions pris pour modèle une jeune fille nommée mademoiselle Masticot. Nue devant nous durant deux heures, elle se r'habille et je me souviens qu'elle se détourna pour remettre sa jarretière, exemple assez gai de l'empire de l'habitude.

J'oubliais de parler du père Lacouture à la barbe longue et touffue. Ce fut lui qui servit de modèle à notre célèbre peintre David pour sa mort de Socrate. Il avait l'habitude de déménager sans payer et c'était en général les jeunes gens de l'atelier qui l'aidaient dans cette circonstance ; moyennant une corde il descendait de son cinquième étage son mauvais châlit, son matelas, son oreiller, l'espèce de coffre qui lui servait d'armoire, etc. Malgré mes habitudes mélancoliques je me prêtais à cette plaisanterie, bien résolu d'envoyer ensuite au propriétaire le montant du quartier. Comme cet homme se doutait de quelque chose, il nous épia armé d'un gros bâton ; il court après nous, mais il était vieux et boiteux, nous détalâmes et nous n'eûmes pas de peine à lui échapper.

Je désirais apprendre la perspective ; l'abbé Lamontagne, je ne sais pour quelle raison, refusa de payer un maître. Je ne balançai pas un seul instant : or je logeais rue Saint-Honoré vis-à-vis la rue Saint-Florentin, j'allais dès la pointe du jour durant six semaines, et nous étions au cœur de l'hiver, à l'école gratuite de dessin située rue Saint-André-des-Arts. En moins d'un mois et grace à l'estimable M. Malhortie, j'appris tout ce que j'avais besoin de savoir dans cette partie si agréable et j'oserai dire si magique des arts du dessin.

M. Bachelier était riche. Las de vivre seul, il désirait unir son sort à celui d'une femme aimable, car, ainsi qu'on l'a dit depuis, il ne suffit pas d'être heureux, il faut avoir près de soi quelqu'un à qui on puisse le dire. Je rédigeai une notice pour les petites affiches : comme de raison, il se présenta plusieurs partis. Il finit par unir son sort à celui d'une jeune personne de la figure la plus intéressante et qui appartenait à une excellente famille. Elle le rendit fort heureux durant plusieurs années.

Avant de partir pour l'Italie, j'envoyai chez Jean-Jacques Rousseau un des élèves de M. Bachelier, nommé Guersant ; je lui fis dire qu'un particulier jeune encore et qui se disposait à partir sous peu de jours pour Rome, lui demandait la permission de le voir, ne fût-ce qu'un instant, mettant une sorte d'orgueil national à pouvoir dire qu'il avait touché le bout des doigts ou la basque de l'habit de l'immortel auteur d'Émile. Dites à votre jeune voyageur, répondit Jean-Jaques, que je lui souhaite un bon voyage, mais que je ne puis le voir. Je fus peiné, même un peu blessé de ce refus. J'ai pensé depuis qu'il eût été de meilleur goût et plus convenable d'y aller moi-même, bref de ne point me faire annoncer à l'avance.


LETTRE VI.

Allons, il faut lever l'ancre, l'Italie, l'Italie. Madame Dumanoir était désolée de ce que je partais un vendredi, aussi se récria-t-elle lorsqu'elle apprit que j'avais perdu la vue à Rome. A l'instar de plusieurs personnes de son sexe, cette excellente dame avait la philosophie du vendredi. L'abbé Lamontagne se moqua d'elle ainsi que moi. Bref, je m'arrache des bras de maman Beaugé qui jetait des cris perçans et qui fondait en larmes. L'honnête Francomtoise, Nanette Stègre, car ma bonne Manon était retournée à Bléré, m'accompagna jusqu'au petit pavillon qui appartenait à madame de Guimont et où logeait aussi l'abbé Lamontagne ; la voiture était à la porte, les chevaux étaient attelés, nous partons, nous sommes partis.

Je traverse Auxerre, nous voilà à Dijon : j'avais des lettres pour M. le présidente de Bourbonne âgé de trente à trente-cinq ans. La nature l'avait doué d'une superbe figure, son regard était vif et pénétrant ; au demeurant, il était paralytique de la moitié du corps, ses cuisses, ses jambes semblaient être de marbre ; il fallait le rouler sur un fauteuil lorsqu'il se mettait à table, ensuite pour le rentrer dans le salon ou dans sa bibliothèque ; il en avait une très belle. Comme j'étais assez fort en bibliographie, il aimait à causer avec moi. Entre autre ouvrages curieux je vis parmi ses livres le Télémaque, Amsterdam Westein 1734 in-folio figures de Bernard Picart. Je me jetai sur la dernière page et je lus avec avidité les vers si connus de l'immortel Fénélon.

Jeune j'étais trop sage Et voulais tout savoir, Je touche au dernier âge      Sans rien prévoir.

Je quitte Dijon ; dans la soirée du lendemain nous arrivons à Lyon. Nous étions recommandés à un M. Boucher directeur de la salle d'armes tant anciennes que modernes, place assez considérable ; et selon l'usage des gens de province, il se crut obligé de nous donner u dîner d'apparat. Je me souviens qu'il y avait de fort jolies dames ; en général les Lyonnaises ont une physionomie assez piquante.

J'avais connu à Paris le fils de M. Boucher, jeune architecte de beaucoup de talent ; il avait de l'esprit, il aimait des lettres, j'eus occasion de le voir souvent chez une nièce de madame Beaugé, madame Matné de Morville, depuis madame de Rome et dont je crois vous avoir parlé précédemment. Il me fesait venir chez lui le matin et il me donnait des leçons de mandoline. Comme le doigté de ce mince petit instrument est le même que celui du violon, j'eus bientôt fait de rapides progrès. Je me perfectionnai depuis à Rome où j'allais faire de la musique au clair de lune, assis sur une des large pierres du Colysée.

M. Boucher avait un album qu'il me permettrait de parcourir quelquefois : j'y lus bien des fragmens dont il eût été mieux, vu mon âge, que je n'eusse pas pris connaissance ; brisons là-dessus.... Voici deux vers, ou pour mieux dire, un distique en prose rimée et dont je me souviens encore avec plaisir :

Le monde est plein de fous ; et qui n'en veut point voir, Doit se tenir tout seul, et casser son miroir.

Certes je suis, comme personne ne l'ignore, un formidable explorateur, puisque j'ai réuni plus de cinq cent mille citations ou exemples tirés des principaux écrivains français et qui sont destinés à étendre les diverses acceptions des mots de notre langue, voyez mon dictionnaire grammatical raisonné de la langue française ; toutefois il m'a été impossible de découvrir l'auteur de ces deux vers.

Marseille, la magnifique rue de Rome, la loge, le port où l'on voit une foule d'individus des quatre parties du monde ; les charmantes bastides qui environnent cette grande et belle ville. La plus agréable est sans contredit celle de l'évêque. Depuis j'ai retrouvé chez l'empereur ce prélat, S.E.M. le cardinal de Belloy qui vécut près de cent ans. Avignon : ah ! j'aurai occasion de parler de cette dernière ville dans la suite de ces lettres, de mes mémoires si l'on veut. Enfin Nice, Antibes.

Je m'embarque. Nous fîmes une faute, l'abbé Lamontagne et moi, nous prîmes une felouque génoise ; or nous voyions de loin de petites barques barbaresques ayant une voile angulaire nommée vulgairement épaule de mouton. Faire le coup de fusil avec ces drôles, était au moins une chose superflue ; mais ce qui est très fâcheux, c'est qu'on est obligé de faire quarantaine si l'on en est approché à une certaine distance.

Le patron de la petite felouque et ses deux matelots dont les bras, les mains étaient maculés de croix faites avec de la poudre, juraient qu'ils ne se battraient pas et qu'il se rendraient sans coup férir aux Algériens. Je pris un de ces misérables par la peau du cou, je le plongeai dans la mer, ensuite je le replaçai dans sa frêle nacelle ; deux ou trois pauvres femmes que j'avais prises par charité poussèrent des cris lorsqu'elles virent de loin les petites barques des Levantins ; bref nous en fûmes quittes pour la peur. Nous voici sous Monaco, nous abordons.


LETTRE VII.

On sait que la petite ville de Monaco, distante d'environ 130 milles de Gênes, est située sur un rocher qui s'avance dans la mer. Notre felouque passa sous ce rocher comme sous une voûte ; nous abordâmes ; on nous héla ; j'étais assez incommodé de la mer ; aussi mon premier soin fut de me jeter sur un lit placé dans une chambre assez propre de la mesquine auberge que tenait alors la signora Antonia.

Je monte à la citadelle, ensuite on me mène voir l'espèce de monument, disons le mot propre, le gibet où le prince de Monaco avait fait pendre en effigie un de ses valets de chambre qui avait favorisé les amours de la princesse avec M. le prince de Condé, le tout enrichi d'une inscription ou plutôt d'une notice historique.

De là je me rends chez M. de Beauchamp, major de la place, vrai mélomane dans toute la force du terme, fesant de la musique dès le point du jour et ne finissant que très avant dans la soirée. M. de Beauchamp avait un fils alors à peine sorti de l'enfance et à qui nous devons plusieurs écrits sur la guerre de la Vendée ; il vient de mourir : puis trois filles ; l'aînée excellente musicienne, j'eus occasion de la voir depuis aux concerts de M. le maréchal de Noailles à St-Germain-en-Laye. Elle épousa M. le comte de Neuilly, maréchal des camps et armées du roi, âgé de soixante ans passés, mais riche de soixante mille livres de rente. La seconde se nommait Philippine, elle eût été très jolie si la petite vérole ne l'eût pas défigurée. La troisième, Adélaïde, de la figure la plus intéressante et qui avait des yeux charmans. J'accompagnais avec mon violon ses concertos, ses sonates ; j'oubliais près d'elle les jours, les heures, et pour retarder mon départ j'engageai à force d'argent le patron et les matelots de la petite felouque de dire à l'abbé Lamontagne qu'au loin la mer était très houleuse, quoique en apparence elle parût très calme.

Malheureusement M. Rey, capitaine du port, à qui mon gouverneur adressait ses lamentations sur ces lointains orages, nous dit à l'un et à l'autre : « Ces coquins-la volent votre argent, la mer est comme de l'huile. » Il fallut partir. La signora Antonia nous présenta un mémoire qui nous parut exorbitant ; l'abbé Lamontagne se récria. « Vous avez raison, nous dit-elle, mais il vient si peu d'étrangers ici qu'il faut bien que vous payiez pour les absens. » Cette raison nous parut sans réplique.

La charmante Adélaïde épousa quelques mois après M. Millo, maréchal de camp, commandant pour le roi la place de Monaco ; elle en eut un fils et deux filles. Devenue veuve elle vint à Paris où je la retrouvai à mon retour de Rome.

Laissons le jeune Millo, parlons de sa seconde sœur. Chère, chère Jenny ... à la plus séduisante figure elle joignait un esprit charmant, délicat, un goût exquis. A peine avait-elle quatorze ans lorsque je la vis pour la première fois. Je soignai son éducation en ami sensible, en père tendre ; elle devint mon élève favorite. Je lui fis cultiver la musique, la littérature ; nous lui devons plusieurs ouvrages très agréables, entre autres Foscarini ou le patricien de Venise. Paris, Ridan, 1826, 4 vol. in-12. Je ne connais point d'écrit historique où les mœurs des Vénitiens soient peintes avec plus de vérité.

Par malheur, ma chère Jenny avait une autre sœur, madame Benoit, connue depuis sous le nom de madame la comtesse de C... et qui a publié des mémoires, Paris, 1827, 2 vol. in-8º, dans lesquels, toutefois sans me nommer, mais en me désignant d'une manière claire et précise, elle débite sur moi de basses et ridicules injures. La pauvre dame oublie que j'ai douze à quinze lettres, toutes écrites de sa main, où elle m'appelle son bienfaiteur, son sauveur, son dieu tutélaire. En effet, comme elle était dans la plus affreuse misère, je l'ai nourrie, je l'ai fait guérir d'une maladie qu'il est inutile de nommer ici ; et ce qui est assez gai, c'est que je ne lui ai jamais parlé. Maintenant elle est devenue riche, graces à certains calculs financiers et surtout à l'intérêt de plusieurs protecteurs en crédit. Dieu fasse paix à cette pauvre dame contre laquelle je suis loin de conserver le moindre ressentiment. Revenons à ma chère Jenny.

Puissamment secondé par M. le comte et madame la comtesse d'Arjuzon, je la plaçai en qualité de dame d'annonce et ensuite de dame du palais, près de madame la princesse Borghèse. L'empereur la distingua, et à la sollicitation de sa sœur, à laquelle se joignit l'impératrice Joséphine, qui me tint sur son compte les propos les plus aimables, il lui donna une dot assez considérable et la maria à M. le baron de Saluces. Hélas ! elle n'est plus, la mort me l'a enlevée il y a quelques années ; je la regretterai toute ma vie. Sensible, spirituelle, elle était tout à la fois aimable et bonne à aimer, réunion rare et à laquelle nous autres philosophes nous attachons un grand prix. Mon émotion en écrivant ceci est si vive que j'aime mieux cesser d'écrire. Rétrogradons et revenons à mon départ de Monaco, nonobstant cette mer si houleuse et ces gros temps de commande.

Nous côtoyons la rivière de Gènes : quelle foule de sites à la fois poétiques et pittoresques ! Je m'arrête à Savone, je descends à terre, j'entre dans un superbe jardin ; un paysan s'avance et voyant un beau monsieur élégamment vêtu accompagné de son gouverneur, il me présenta un bouquet de roses que je respire avec volupté. Je me rembarque, nous voici à Gênes.

Les habitans de cette ville, dite la Superbe, après avoir secoué le joug de plusieurs princes auxquels ils s'étaient soumis volontairement, voulurent se donner à Louis XI, qui répondit qu'ils pouvaient se donner au diable. Personne n'ignore qu'en 1528, André Doria rendit à Gênes sa liberté, et établit dans cette ville la forme du gouvernement aristocratique qui a subsisté jusqu'en 1796.

La ville de Gênes est bâtie en amphithéâtre sur le penchant de la colline d'Albaro, si élégante, si pittoresque, et renferme de magnifiques palais. Lorsqu'on y arrive par mer, Gênes la Superbe semble sortir des eaux.

J'avais plusieurs lettres de recommandation pour divers particuliers, cependant je ne restai guère à Gênes que quinze jours ou trois semaines. J'y visitai avec soin les principaux monumens qu'on y trouve. Alors le palais Brignole Rosso subsistait encore, et Strada Balbi n'était pas jointe à Strada Nuova. A l'exception de ces deux grandes rues, toutes les autres sont très-étroites ; les palais de Strada Balbi sont, dit-on, bâtis en marbre ; au reste, je pris avec soin note des chefs-d'œuvre de peinture et de sculpture qu'ils renferment.

J'aime à me rappeler ici le souvenir du père Bartolomeo Boasi, jeune jésuite italien plein d'esprit, et qui fesait de fort jolis vers dans sa langue. Lorsque je traversai Lyon pour aller en Italie, M. l'abbé Corréard, dont je plaçai plus tard la protégée, jeune Provençale assez vive, mademoiselle de la Rochette, en qualité d'institutrice des enfans de madame la comtesse de Bruce, que j'avais vue chez Mgr. le cardinal de Bernis, l'abbé Corréard, dis-je, m'avait donné une lettre pour son frère, autre jésuite, bon, sensé, très instruit. Cet homme excellent me mena chez le signor Selesia, l'un des hommes de la république le plus éclairés dans la diplomatie ; sa femme était anglaise ; ils avaient une fille charmante âgée alors de huit à neuf ans et que j'ai retrouvée depuis dans plusieurs sociétés de Paris. Elle avait épousé un Français d'une famille très-distinguée, et par son amabilité, sa grace exquise, elle me rappela vivement feu madame sa mère.

Enfin nous quittons Gènes, l'abbé Lamontagne et moi ; nous partons pour Florence et par la Lombardie, route délicieuse ; durant plusieurs centaines de milles les arbres plantés de chaque côté sont joints avec des pampres, ce qui produit l'effet le plus pittoresque.


LETTRE VIII.

On lit dans tous les dictionnaires géographiques l'origine du nom de Florence, cité superbe embellie par les Médicis et qui doit tant à la nature. Le nom de Florence est formé comme on sait, du mot Italien qui signifie fleur, vu l'élégance des campagnes environnantes.

O Lorenzo ! quels souvenirs votre nom, j'ose dire sacré, rappelle au commerce, à la philosophie, aux lettres, aux arts, et comme je suis ému en le traçant ici !

Je m'abstiendrai de rapporter la longue note des trésors que Florence renferme dans son sein. Ces détails se trouvent dans tous les voyages d'Italie, celui de Lalande, de Cochin, sans parler de celui du vieux Misson ; mais plaçons au premier rang les élégantes lettres sur l'Italie par M. Dupaty. On a peine à quitter la description qu'il nous donne de la magnifique galerie de cette superbe capitale du pays des Lucumon.

« La première des statues qui m'ait frappé, dit-il, est un superbe cheval qui semble s'élancer du marbre et qui du pied, des narines, de la crinière et de l'œil demande la terre et dévore l'étendu. » — « Un Apollon, ajoute-t-il, est admirable. Quelles belles formes ! Cette ligne qui le dessine en entier, comme elle coule, comme elle fuit, comme elle revient, comme elle lie invisiblement tous les membres les uns aux autres ! le souffle le plus doux et le plus pur de la vie enfle, soutient et anime tous ces beaux membres. Cette tête est bien inspirée ! il y a de l'avenir dans ce regard ! »

Hâtons-nous de quitter cette magnifique, cette splendide galerie, centre de chefs-d'œuvre et d'imposantes merveilles : l'admirable tableau du Titien, l'enivrante, la divine statue connue sous le nom de Vénus de Médicis. Cette grace, j'ose dire céleste, qui vivifie les membres de son beau corps, les bras arrondis, leur pose si voluptueuse. Point assez de derrière de tête, critique trop répétée peut-être par nos artiste modernes.

Nous voici, l'abbé Lamontagne et moi, sur la route de Bologne, patrie de diverses personnes d'un mérite distingué. La belle sposa Lepri que j'eus occasion de voir ensuite à Rome chez la marchesa Lepri, fille de la comtesse Garufina. On sait qu'elle servit de modèle au célèbre Mengs pour représenter une des muses du magnifique plafond de la Villa Albani.

Charmante personne, souffrez un fugitif souvenir. Agée de quatorze ans, jolie comme un ange, elle adorait Consolini, soprano déjà célèbre quoiqu'il eût à peine dix-huit ans ... mais comment faire entendre ...? les portes du sanctuaire étaient fermées et Consolini était demeuré soprano dans toute la rigueur de ce mot si affligeant pour l'amour. Tous les deux serrés l'un contre l'autre ils pleuraient, s'embrassaient et s'accablaient d'expressions passionnées.

Mon ami Ferdinando Mazzanti me mena chez la marquise Lepri ; la douce et sage nature avait fait son devoir et en avait souri à diverses reprises. M. Falkener, négociant anglais, depuis ambassadeur à Constantinople et à qui M. de Voltaire a dédié sa Zaïre, messieurs *** etc., etc.

Nous voici à Sienne, j'admirai les savans et superbes dessins gravés sur les pavés de la cathédrale qu'on a recouverts de planches afin que ces beaux dessins ne fussent point effacés par les pieds de la foule des curieux.

On prétend avec raison que Sienne est une des villes d'Italie où l'on parle le mieux la belle langue de Boccace, de Pétrarque. « La route de Sienne ? » demandait un voyageur à une jeune villageoise : elle se retourne, l'indique du doigt. « Passato il fiume, vaccato [sic] il monte, ecco Sienna. » Rome, Rome ! ce nom peuplé de si imposans souvenirs ne saurait être prononcé qu'avec enthousiasme, une sorte de délire. Je restai près de trois ans dans cette capitale de l'Europe, la patrie des Césars, celle des maîtres du monde, devenue depuis la ville des sept Montagnes, obéissant à un prêtre.


Lettre IX.

Nous entrons par la porte du peuple. Deux petites fabriques assez mesquines s'offrent à nos regards. Nous laissons à droite Ripa grande, à gauche Strada Fratine, San Sebastiano, la magnifique place d'Espagne, l'escalier de la Pietà del Monte, sur les marches duquel je découvris un grand nombre de mendians. Parmi eux je crois bien avoir vu saint Labre dont je connus depuis le frère chez une princesse russe à laquelle il était attaché en qualité de secrétaire ; comme lui il avait une mine dévote et béate ; au reste ne vous apitoyez point sur le sort de ces mendians. Ceux qui ont de bonnes jambes pourraient manger jusqu'à vingt-deux soupes, car c'est le nombre qu'on distribue chaque jour à la porte des couvens ou communautés religieuses de la capitale du monde chrétien.

Je logeai d'abord à la place d'Espagne, ensuite je louai un petit casin qui appartenait à un pharmacien nommé Manzotti, homme excellent et pour lequel je conserverai toute ma vie le plus tendre souvenir.

Anticipons sur ce qui me reste à dire : le bon, l'honnête Manzotti avait une femme assez belle, sauf son teint légèrement flagellé ; dévote à l'apogée. J'étais mourant de la petite vérole. tout à coup la signora Manzotti entre dans ma chambre avec l'air et l'accent de l'inspiration. « Faites-vous prêtre, s'écria-t-elle, promettez de vous dévouer au culte des autels, et je viens au nom du Christ vous promettre la vie et la santé. » Je baissai la tête : « Non, lui dis-je d'une voix très émue, ce sacrifice est au-dessus de mes forces. » Elle se retira lentement et fondant en larmes.

Lorsque je serai parvenu à cette époque, je vous parlerai du bon frère Carlo qui me servait en qualité de garde-malade ; car à Rome ce sont des frères capucins et non des femmes qui sont chargés de ce soin ; mais revenons au point où je me suis arrêté.

Destiné aux emplois du corps diplomatique, le roi avait chargé M. le prince du Conti, alors comte de la Marche, de me recommander à S.E. Mgr. le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome ; je fus traité par lui avec une bonté vraiment paternelle.

Les grands jours, c'est-à-dire deux fois par semaine, nous étions quarante à table, cardinaux, prélats, étrangers de distinction. Les petits jours, à peine avait-on fini de dîner, que son Eminence, sa nièce, madame la marquise de Puymonbruns, femme charmante et dont j'aurai occasion de parler plus bas, sa fille alors âgée de sept ans, et moi, nous entrions dans les appartemens intérieurs. La chère enfant joignait ses jolies petites mais pour que je lui contasse des histoires, et il m'était expressément enjoint de faire pleurer l'enfant, de faire rire la marquise et d'endormir le cardinal ; cela n'était pas difficile.

Ce fut durant un de ces comités que son Eminence me parla de sa fortune. « J'avais, dit-il, huit cents livres de rente comme chanoine de Saint-Claude, car je n'étais pas encore comte de Lyon. Parvenu à l'âge de quarante-quatre ans j'avais quarante-quatre mille francs de dettes. En moins d'un an, je fus ministre de par madame de Pompadour, et disgracié grace à elle ; enfin ambassadeur à Rome et protecteur des églises de France avec un revenu de soixante mille livres de rente. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Notes

1. Azoline, ou Entretien d'un misanthrope avec une danseuse de l'opéra. Voyez Contes du vieil ermite de la vallée de Vauxbuin, t. 1er, p. 176.

2. On pourrait croire d'après cela que je deviendrais un gourmet d'élite ; le fait est que je déjeune tous les matins avec deux œufs frais et une tasse de thé, habitude de plus de cinquante ans. A dîner un extrêmement petit morceau de viande bouillie ou rôtie ; ni volaille, ni gibier, deux plats de légumes, ni vin pur, ni liqueurs. Souper, jamais.

3. « Fagon (Gui Crescent) né à Paris en 1664 [sic]. Il fut le premier qui soutint dans un thèse la circulation du sang. Nommé depuis médecin de Louis XIV, il mourut en 1718, âgé de près de quatre-vingt ans. »


Mémoires et Souvenirs de Charles de Pougens, Chevalier de Plusieurs Ordres, de l'Institut de France, des Académies de La Crusca, de Madrid, de Gottingue, de St-Pétersbourg, etc. ; commencés par lui et continués par Mme Louise B. de Saint-Léon. Paris: H. Fournier Jeune, 1834. Lettres: pp. 1-46.

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