M. L. Castillon (1765) Essai sur les Erreurs et les Superstitions Préface (pp. i-viii)

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ESSAI

SUR

LES ERREURS

ET LES

SUPERSTITIONS.


Par M. L. Castillon


A AMSTERDAM,

Chez Arckée & Merkus.

M. DCC. LXV.

Sic volvenda aetas commutat tempora rerum:
Quod fuit in pretio, fit nullo denique honore;
Porro aliud succedit, & ex contemptibus exit.
Inque dies magis appetitur, floretque repertum
Laudibus, & miro est mortalis inter honore.
Lucret. Lib. V. Vers. 1274.

PRÉFACE.

Si tous les hommes étoient persuadés que l'amour de la vérité vaut autant que la science ; s'il y avoit quelque mérite à lutter contre l'erreur, à s'élever conter des préjugés nuisibles, à combattre des superstitions proscrites par les mœurs, les loix, la religion, & cependant adoptées encore par le plus grand nombre ; je croirois avoir acquis des droits à l'indulgence du Public. Je croirois mériter le suffrage des ames honnêtes, si pour en être estimé il suffisoit toujours d'avoir prouvé combien on désire de l'être. C'est aux personnes éclairées à me juger ; mais avant, qu'elles daignent observer que je n'ai écrit que pour celles qui ne sont pas instruites. Ce n'est pas qu'on ne trouve peut-être bien des épines, bien de l'obscurité dans les deux premiers chapitres de cet Essai ; mais avant que d'indiquer & de combattre les erreurs & les superstitions, j'ai cru devoir remonter à leur source, et j'avoue de bonne foi, que je n'ai pas pu moi-même y arriver sans ennuies. Qu'on ne regarde donc ces deux chapitres que comme une route pénible, aride, fatigante ; mais la seule qui puisse conduire le Lecteur dans la vaste pays des erreurs ; théâtre dont la vue seroit aussi trop affligeant, s'il n'étoit pas quelquefois agréable à considérer, par la variété des sçènes qui s'y passent, & par leur singularité.

Quelques réfléxions que j'avois insérées dans un ouvrage périodique, m'ont fait naître l'idée de cet Essai. M. le Docteur Brown, Ecrivain très-ingénieux, Philosophe éclairé, a donné, il y a quelques années, un Traité des erreurs populaires. Mon ouvrage commence où le sien finit. M. Brown prouve, par detrés-bons raisonnemens, la folie de ces erreurs, j'en démontre l'absurdité par l'histoire des maux & des progrés qu'elles ont faits. Ces deux ouvrages, comme on voit, n'ont donc rien de commun. Je ne parle que d'un petit nombre d'erreurs, la plûpart méprisées dans les villes, mais malheureusement accréditées dans les campagnes, où réside, quoiqu'on dise l'orgueil, la classe de Citoyens la plus estimable, parcequ'elle est la plus utile, la plus nécessaire, la plus essentielle. La tranquillité de l'esprit & la saine raison sont aussi importantes au Laboureur, qu'au Sçavant & au Guerrier. Mais comment le Laboureur pourroit-il la connoitre cette douce tranquillité, cette saine raison ? quand mille préjugés tyrannisent son ame ; quand les erreurs & les superstitions viennent à tout instant porter le trouble dans son imagination, l'allarme & l'effroi dans son cœur. Je voudrois n'en avoir détruit qu'une de ces erreurs, fut-ce même la plus légère, la moins pernicieuse: je ne m'en flatte point. J'ai voulu seulement donner à des Ecrivains mieux instruits l'idée d'un ouvrage que je desespére de voir jamais paroitre. Quelle réconnoissance ne mériterois pas celui qui tenteroit de prémunir les hommes contre toute sorte d'erreurs, contre l'infinité de préjugés, de fables, de superstitions ?

Au-reste, si, contre mon attente, je trouvois des Censeurs qui voulussent me supposer de mauvaises intentions ; qui prissent pour des réfléxions satyriques & des allusions indécentes les faits que j'ai cru devoir rapporter ; je leur déclare par avance, que je déteste la satyre ; que j'ai assez de respect pour la religion, les établissemens & les personnes qui lui sont consacrés, pour regarder comme un crime tout ce qui pourroit tendre à affoiblir la confiance & la vénération qui leur sont dues. Je proteste donc que je n'ai entendu combattre que des erreurs & des superstitions condamnées par la réligion même, proscrites par les loix, réprouvées par la philosophie.

Si, malgré cet aveu, l'on s'obstine à trouver des allusions dans cet Essai ; si l'on veut absolument qu'il me soit échappé des traits mordans : que j'aie écrit dans la vue de désprouver, de blamer, ou d'offenser, il me reste encore une réponse à faire à mes Censeurs : je leur dirai, Lecteurs trop soupçonneux, ne lisés pas mon ouvrage, il n'est pas fait pour vous ; ne lisés aucun livre; toute lecture vous est pernicieuse. Ce n'est point la liqueur qui est corrompue, a dit l'illustre M. de Montesquieu, c'est le vase.


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