Chapitre IVSir Thomas Browne PageMademoiselle PageChapitre VI

Deuxième Partie


CHAPITRE V

(juillet 1661 – novembre 1662)

Je fus fort aise de partir pour Forges, et de n'entendre plus parler de Lorraine ; car j'en étois fort étourdie. Je pris mes eaux fort tranquillement ; puis je vins ici,1 où je n'avois pas encore été depuis que je l'avois acheté. Comme les limites du comté,2 qui est d'une assez grande étendue, sont proches de Forges, je trouvai le comte de Lanoy, qui en est gouverneur, avec quantité de gentilshommes qui en relèvent. J'arrivai fort tard ; je fus descendre à l'église, qui est proprement la chapelle du château, tant elle en est proche ; aussi y allai-je toujours à la messe. A moins de quelque indisposition, je ne me sers guère de celle du château. L'église est fort belle. C'est une abbaye servie par des chanoines réguliers de Saint-Augustin, de la réforme de Sainte-Geneviève de Paris ; elle étoit possédée lors par le cardinal des Ursins, qui mourut l'année passée.3 Le roi la donna à l'abbé Calvo, Catalan, frère de celui qui commande dans Maëstricht. Ce fut dans la conjoncture que les ennemis en avoient levé le siége 4 ce que l'on attribuoit à la vigoureuse et prudente défense de Calvo. Son frère, s'il eût vaqué une meilleure abbaye dans ce temps-là, l'auroit eue ; c'est un effet de son malheur : car elle ne vaut à l'abbé que sept à huit mille livres de rente.

Je trouvai le château assez beau ; j'y avois passé il y avoit quelques années avec la cour. On peut juger, par les dessins que M. de Guise-le-Balafré avoit, si tout ce qu'il a fait n'avoit pas le [caractère] de grandeur, et c'est lui qui a bâti cette maison. Il n'y a que la moitié de faite ; on a laissé le vieux logement des anciens comtes d'Eu, qui étoient de la maison d'Artois. La situation est belle : on voit la mer quasi de tous les appartements ; il n'y avoit point de jardins. Comme j'aimois fort à monter à cheval en ce temps-là, je me promenois tous les jours ; mais je n'en fus pas un grand nombre en santé : la fièvre tierce me prit, dont j'eus quatorze accès. Madame la marquise de Gamaches5 me venoit voir souvent ; tout le bien de son marie est en Picardie, et Beauchamp, qui est la maison où elle demeure, n'est qu'à deux lieues d'ici ; ils ont même deux baronnies, qui relèvent du comté [d'Eu]. M. de Longueville, gouverneur de la province, m'y vint voir ; il étoit déjà venu à Forges. M. le duc de Navailles passa ici, qui venoit de Bapaume, dont il quittoit le gouvernement, pour aller prendre possession de celui du Havre. La longueur de ma maladie me rebuta des remèdes ; je ne voulois plus prendre de médecines ; je les jetois. L'on envoya querir M. Brayer, médecin en très-grande réputation. Il me porta bonheur ; car le jour qu'il arriva ma fièvre ne revint point, et comme il avoit laissé beaucoup de malades à Paris, après m'avoir vu prendre une médecine (qui étoit quelque chose de rare par le temps que j'y mettois et tout ce que je disois par la crainte et l'aversion que j'ai pour les remèdes), il partit, et moi huit jours après, ayant grande impatience de retourner à Paris. Ce n'est pas que je trouver l'air d'ici mauvais ; [mais] il en faut changer quand l'on a été malade. La fièvre me reprit : j'en eus encore six accès, tant à Paris que sur les chemins, et je restai longtemps après fort foible.

Il arriva une grande affaire à la cour ; le roi alla faire un voyage en Bretagne ; il me fit arrêter à Nantes M. Fouquet.6 Ç'a été une si grande [et] si longue affaire qui a eu tant de suites et où il y a eu tant de gens mêlés et qui sera si sue et si marquée dans les histoires et tous les mémoires contemporains, que je ne m'aviserai pas d'en dire davantage.

La reine accoucha, le premier de novembre 1661, de M. le Dauphin.7 On peut juger de la joie que ce fut. Je passai la mienne dans mon lit et ne pus aller en remercier Dieu, comme j'aurois fait : car, outre [la joie] générale, j'ai tant d'intérêt particulier à ressentir tout ce qui arrive au roi, que l'on ne peut en avoir plus que j'en eus. Ce fut le duc de Bournonville, chevalier d'honneur de la reine et gouverneur de Paris, qui me le vint dire le premier. Ma santé ne me permettant pas d'aller à Fontainebleau, j'y envoyai. [Elle] se fortifia peu à peu, et quand Leurs Majestés revinrent à Paris, six semaines après les couches de la reine (qui allèrent à Notre-Dame de Chartres avant que de revenir), je fus en état de leur aller rendre mes respects. M. le Dauphin arriva devant ; aussi ne le mena-t-on point à Chartres. Je fus ravie de le voir. Madame de Montausier étoit sa gouvernante.

Madame8 revint malade de Fontainebleau, d'un grand rhume, et comme elle étoit grosse, cela l'obligea de garder le lit ou la chambre, tout l'hiver. Elle étoit dans son lit ajustée, et tout le monde y étoit jusqu'à neuf heures. Elle étoit fort maigre, avoit bien mauvais visage ; ne dormoit que par des grains [d'opium]. Quand sa toux lui prenoit, il sembloit qu'elle alloit mourir. Le roi y alloit fort souvent. A Fontainebleau, on avoit été longtemps en doute s'il étoit amoureux d'elle. Le comte de Guiche faisoit semblant de l'être de La Vallière ; mais on fut éclairci : car on sut que le roi l'étoit de La Vallière et le comte de Guiche de Madame. Ce sont de ces choses que l'on dit tout bas et que tout le monde sait.9

La reine d'Angleterre partit comme l'on étoit à Fontainebleau, avant que j'allasse à Forges, pour aller voir le roi, son fils, et donner ordre à ses affaires. Je la fus conduire à Saint-Denis ; elle me dit, en me disant adieu : « Je ne vous pardonnerai jamais de n'avoir pas voulu de mon fils ; vous auriez été la plus heureuse personne du monde ; j'espère que vous vous en repentirez.10 »

Ma belle-mère licencia ses filles (cela se peut appeler ainsi) peu de temps après le retour de la cour. Il y en avoit une que je lui avois donnée, qui étoit de la maison de Prie, fille de grande qualité, qui portoit ce nom. Je l'avois connue quand j'étois à Saint-Fargeau. En ce temps-là je n'avois point de filles ; quoique l'on m'eût souvent priée d'en prendre, je n'en voulois point. Je la donnai à Madame, à Blois. Elle la renvoya sans m'en rien dire ; je la mis dans la couvent ; je la voulois donner à ma sœur, quand elle fut mariée ; ma belle-mère ne voulut pas. Le roi envoya M. le duc de Créquy à Rome, ambassadeur ; cette fille étoit parente de madame la duchesse de Créquy ; je la priai de la mener avec elle, à Rome. Une autre fille de ma belle-mère, appelée Montalais, me pria de parler à Monsieur pour être à Madame ; je le fis. Monsieur la prit ; ce qu'il m'a bien reproché depuis ; mais je ne la connoissois pas comme elle étoit : je ne [la] lui aurois pas donnée.

Il y eut tout cet hiver11 beaucoup de tracasseries : la reine mère étoit dans de grandes inquiétudes de l'amour du roi [pour La Vallière]. Monsieur et Madame avoient la demoiselle logée chez eux12 ; ils en étoient fort aises, quoiqu'il n'y eussent guère de part. Je ne sais quel chagrin il prit un jour à La Vallière : un beau matin, elle s'en alla ; on ne savoit où elle étoit ; c'étoit en carême. La reine [mère] étoit si inquiète avant que d'aller au sermon : on avoit peur que la reine s'aperçût de quelque chose. Le roi ne fut pas au sermon. La reine alla après à Chaillot ; et le roi alla tout seul, avec un manteau sur le nez, à Saint-Cloud, où l'on sut qu'elle [La Vallière] étoit dans un petit couvent. La tourière ne voulut pas parler à lui. Enfin on lui fit parler, et il la ramena. Cela fit de grandes affaires, dont je n'ai que faire de parler. Madame alla loger et Monsieur au Palais-Royal, et la reine d'Angleterre loua le logis de La Bazinière. Je ne me souviens plus si elle étoit aux couches de Madame. Comme tout cela n'a nul rapport à moi et qu'il s'est passé tant de choses qui m'occupent pour moi-même, j'ai fort oublié ce qui regarde les autres.13 Madame accoucha d'une fille. On redansa le ballet. Après Pâques, M. de Bouillon épousa Marianne, la dernière des nièces de M. le cardinal Mazarin.14 La reine soupa ce jour-là chez madame la comtesse de Soissons, où il y eut une comédie, et la fièvre m'y prit ; j'en eus deux accès.

A mon retour de Forges, je trouvai le prince Charles, qui faisoit l'amant de mademoiselle de Nemours, l'aînée,15 et M. de Lorraine qui vouloit son mariage. Il y avoit quelque difficulté du côté de la cour, qui y consentit enfin, parce que l'on ne soucioit guère ni de l'un ni de l'autre ; mais je pensai que par des raisons le roi ne voulut pas signer au contrat ; et ce fut ce qui fit retarder les choses. Après quoi l'on passa outre. Cette belle passion ne plut pas, à ce que l'on dit, à madame la princesse de Toscane.

M. de Lorraine étoit à Paris avec son badinage ordinaire avec Marianne.16 Un jour ou deux devant la mariage de madame de Bouillon, ma belle-mère, qui ne vouloit pas que son frère épousât Marianne (et elle avoit raison), m'envoya querir et me dit : « J'ai fait parler à Pajot, au mari et à la femme, pour leur témoigner que je trouvois fort mauvais qu'ils laissassent aller mon frère voir leur fille, et qu'ils ne devoient jamais croire que l'on lui laissât épouser. Ils ont répondu que depuis que vous n'avez pas voulu que leur fille fût chez vous, ils n'en répondoient point. Je vous prie de leur ordonner de la reprendre. » A l'instant je leur commandai, et le lendemain matin, comme je me levois, Marianne entra dans ma chambre ; c'étoit un samedi. J'allai dans la chambre de Madame, lui dire qu'elle étoit au logis ; et ensuite je fus à la messe à Notre-Dame, où je trouvai la reine, qui me dit qu'il devoit y avoir une revue. Je m'en allai dîner avec elle au Louvre. Comme je revins le soir, je demandai Marianne ; son père et sa mère me dirent qu'elle n'étoit plus chez eux, et qu'ils avoient de telles obligations à M. de Lorraine, qu'ils dépendoient absolument de lui, et qu'il n'avoit pas voulu qu'elle demeurât à Luxembourg. Je leur dis : « Puisque vous dépendez d'autres que de moi, sortez tout à l'heure de ma maison » ce qu'ils firent. J'allai le dire à Madame, qui m'en remercia. Entre bourgeois, le frère d'une belle-mère n'épouseroit pas la servante de sa belle-fille, avec le gré de la belle-fille ; cela seroit malhonnête. Je fis mon devoir.

Pour revenir au jour des noces de madame de Bouillon, qui m'a ramené cette histoire, c'est que ce jour-là, le roi eut avis par mademoiselle de Guise, qui ne vouloit pas que son souverain17 épousât la fille d'un apothicaire, que le contrat étoit dressé et qu'il la devoit épouser le lendemain. Le roi l'envoya prendre par Romecourt, lieutenant de ses gardes, et on la mena à Ville-l'Évêque, pendant le ballet dont j'ai parlé. Le prince Charles en étoit. Une nuit, il s'en alla. On fut longtemps sans savoir où il étoit ; ceux qui prenoient intérêt à ma sœur craignoient qu'il n'allât à Florence. Il y fut ; mais il ne fit que passer et s'en alla à Vienne. Madame de Nemours vint trouver le roi, lui demanda qu'elle pût lui parler en particulier. Il n'y avoit dans la petite chambre de la reine que madame de Navailles et moi avec Leurs Majestés. Le roi me dit de ne pas sortir. Madame de Nemours entra et dit au roi : « J'avois supplié Votre Majesté qu'il n'y eût personne. » Le roi lui dit : « Il n'y a personne. » Aussi elle parla fort du prince Charles et dit au roi qu'il avoit épousé sa fille, en termes exprès, et qu'elle étoit mariée. Je ne me souviens plus ce qu'elle demandoit au roi ; mais je me souviens fort bien qu'elle n'en fut pas content.

On dansa plusieurs fois le ballet ; mais comme la fièvre m'avoit repris, je n'y pus aller. La reine me fit l'honneur de me venir voir un des jours que je l'avois ; je dis la reine mère ; car l'autre n'y osa venir : elle commençoit à être grosse. Elle me conta un grand fracas qu'il y avoit eu entre Monsieur et Madame, à cause du comte de Guiche18 ; elle étoit très-mal contente de Madame, et me disoit : « Quelle faute ai-je faite ? Si vous aviez été ma belle-fille, vous auriez bien mieux vécu avec moi, et mon fils auroit été trop heureux d'avoir une femme aussi sage que vous. » Elle fut deux heures au chevet de mon lit à me conter ses doléances. Pour moi j'avois la fièvre, et quand je ne l'aurois pas eue, j'aurois gardé le même silence. Tout cela ne me faisoit pas regretter de n'avoir pas épousé Monsieur. Il ne m'appartient pas de rien dire là-dessus : Monsieur est mon cousin germain ; Madame ma cousine germaine, et l'un et l'autre vivent bien avec moi. Ainsi je n'en dirai rien.

M. de Turenne, qui étoit mon parent proche du côté de ma mère, avoit toujours vécu honnêtement avec moi. Quand j'étois fort jeune, il ne lui convenoit guère d'avoir un commerce particulier avec moi. Comme je revins de mon exil, qu'il me parut que j'étois plus capable qu'auparavant, je voulus en faire mon ami particulier ; il me sembla que cela lui convenoit aussi bien qu'à moi. Il me parut qu'il y correspondoit : il me venoit voir assez souvent ; je causois avec lui chez la reine ; cela alloit fort bien. Un jour, j'eus envie de savoir si le roi alloit le lendemain à Versailles ; je lui écrivis un billet qui ne contenoit autre chose. Il me fit réponse qu'il ne se mêloit de rien, et qu'il me supplioit, quand je voudrois savoir de ces sortes de choses-là, de m'adresser à d'autres. Je fus assez rebutée de lui, et je vis par la suite que c'étoit son intention : car il m'évitoit autant qu'il pouvoit ; je ne m'empressai plus pour lui et le laissai là. C'étoit avant que j'eusse conté ce que j'ai dit ailleurs,19 devant la princesse palatine. Je dis tout ceci pour faire voir qu'il n'étoit pas de manière avec moi pour en user comme il fit. Il vint trois jours de suite me chercher. Comme cela me parut extraordinaire, je le trouvai chez la reine et lui demandai s'il avoit quelque chose à me dire. Il me dit que oui et qu'il viendroit le lendemain chez moi.

Je l'attendis jusqu'à quatre heures. Comme je vis qu'il ne venoit pas, l'impatience me prit ; je sortis. Comme j'étois sur le degré, je vis son carrosse qui entroit dans la cour ; je remontai ; nous entrâmes dans mon cabinet. Après être assis au coin du feu il commença : « Comme je vous ai toujours aimée comme ma fille (si je l'ose dire et quoiqu'il y ait une grande différence entre vous et moi), je me flatte que vous avez de l'amitié et de l'estime pour moi, et qu'ayant l'honneur de vous être aussi proche que je vous suis vous avez quelque croyance en moi, et que vous déférerez à mes avis dans les choses les plus importantes. » Je lui répondis à cela tout comme il pouvoit désirer ; et comme je suis brusque, je lui dis : « De quoi est-il question ? » Il me répondit : « Je vous veux marier. » Je l'interrompis et lui dis : « Cela n'est pas facile ; je suis contente de ma condition. — Je vous veux faire reine ; mais écoutez-moi ; laissez-moi tout dire, et puis vous parlerez. Je vous veux faire reine de Portugal. — Fi ! me récriai-je, je n'en veux point. » Il reprit : « Les filles de votre qualité n'ont point de volonté ; elle doit être celle du roi. » A cela je dis : « Est-ce de la part du roi que vous me venez parler ? — Non, c'est de moi. Voici le plan de l'affaire : « La reine de Portugal,20 qui est une très-habile femme et qui a beaucoup d'ambition (il a paru, puisque c'est elle qui a soulevé son pays et qui a fait son mari roi et qui a maintenu les choses en l'état qu'elles sont), voyant que son fils est en âge de se marier, qu'il pourroit avoir des favoris qui gâteroient en un moment tout ce qu'elle a fait, que les Espagnols ont un grand intérêt à les gagner, ainsi elle le veut marier pour prévenir ces accidents. Elle lui a proposé votre mariage, et à même temps qu'elle se vouloit retirer, voyant que le favori la chasseroit, et pour éprouver par là si le favori aimoit l'État ou ses intérêts. Le favori, soit qu'il aime mieux l'État ou qu'il soit malhabile homme, a témoigné qu'il ne souhaitoit rien tant que votre mariage ; que vous lui en auriez l'obligation ; qu'étant habile, comme l'on disoit que vous étiez, vous en useriez bien avec lui, et que l'alliance de France étoit la chose du monde que l'on devoit le plus ardemment désirer.21 Pour le roi, c'est un garçon qui n'a jamais eu de volonté que celle de sa mère, accoutumé à faire ce que l'on veut ; vous le formerez comme il vous plaira. Car on ne sait s'il a de l'esprit ou s'il n'en a point ; c'est comme il faut les maris pour être heureuse. Il est assez beau de visage, blond, point mal fait, hors qu'étant venu au monde paralytique, il a un côté qui est plus foible que l'autre et qui n'a pas pris tant de nourriture ; mais cela ne paroît pas quand il est habillé ; il traîne seulement un peu une jambe et s'aide malaisément du bras. Il commence à monter à cheval tout seul ; il n'a ni bonnes ni mauvaises inclinations.22 Vous serez donc sa maîtresse par tout ce que je vous dis, et voici par où vous la serez encore plus agréablement ; vous jouirez de tout votre bien ; vous mènerez qui il vous plaira, sans craindre que l'on les chasse. Le roi y entretiendra une grande et forte armée ; vous choisirez qui il vous plaira en France pour la commander, tous les officiers généraux de même, telles troupes de celles qui sont sur pied qu'il vous plaira. Enfin vous disposerez de tout, metterez et ôterez qui il vous plaira. Le roi le trouvera bon.23 »

Je l'interrompis après cela et lui dis : « Mon cousin, le roi n'en sait-il rien ? Disposez-vous ainsi de ses troupes ? Je vous trouve en grand crédit ; tout cela est beau ; mais être la liaison d'une guerre éternelle entre la France et l'Espagne pour maintenir un révolté, me paroît très-laid. Je crois que cela ne dureroit pas ; mais cela le seroit beaucoup de voir faire la paix, de voir les François revenir, d'avoir un mari sot et paralytique, que les Espagnols chasseroient, et de venir en France demander l'aumône, quand mon bien seroit mangé, et faire la reine dans quelque petite ville. Il fait bon être Mademoiselle en France avec cinq cent mille livres de rente, faisant honneur à la cour, ne lui rien demander, honorée par ma personne comme par ma qualité. Quand l'on est ainsi, on y demeure. Si l'on s'ennuie à la cour, l'on ira à la campagne, à ses maisons, où l'on a une cour. On y fait bâtir ; on s'y divertit. enfin quand l'on est maîtresse de ses volontés, l'on est heureuse : car l'on fait ce que l'on veut.23 »

Il repartit : « Mais quand l'on est Mademoiselle, avec tout ce que vous avez dit, on est sujette du roi. Il veut ce qu'il veut. Quand on ne le veut pas, il gronde ; il donne mille dégoûts à la cour ; il passe souvent plus loin : il chasse les gens. Quand ils plaisent à une maison, il les envoie à une autre. Il fait promener d'un bout du royaume à l'autre. Quelquefois il met en prison dans sa propre maison, envoie dans un couvent, et après tout cela il faut obéir, et l'on fait par force ce que l'on auroit fait de bonne grâce, après avoir beaucoup souffert. Qu'est-ce qu'il y a répondre à cela ? — Que les gens, comme vous, ne menacent point ceux comme moi ; que je sais ce que j'ai à faire ; que si le roi m'en disoit autant, je verrois ce que j'aurois à lui répondre. » Il se radoucit et me fit encore mille amitiés, à quoi je répondis : « Si vous en avez pour moi, ne me parlez jamais de cette affaire ; et si on vous en parloit, détournez-en les gens, parce que vous connoissez l'aversion que j'y ai. »

A cinq ou six jours de là, il m'en parla encore. M. et madame de Navailles, qui sont de mes amis (j'avois toujours eu grand commerce avec elle, étant fille de la reine mère, comme on aura pu voir dans les commencements de ces mémoires, et depuis qu'elle est à la reine) me parla23 de ce mariage et me dit : « Si vous voulez, ce sera M. de Navailles qui y commandera : ce seroit la plus belle chose du monde nbsp;» me reprit tous les beaux endroits que M. de Turenne m'avoit fait voir. Je vis bien qu'il les avoit sifflés pour me faire donner dans le panneau, et qu'ils y avoient donné eux-mêmes, trouvant leur intérêt à ce commandement et croyant tout gouverner là, quand j'y serois, parce qu'ils me gouverneroient. M. et madame de Navailles me dirent : « Ne croyez pas que ce soit une vision de M. de Turenne que cette affaire-ci. Le roi le sait ; mais comme il ne vous en veut pas encore parler, il laisse faire M. de Turenne. »

Je m'avisai d'écrire une lettre au roi, par laquelle je lui mandois que [dans] la crainte qu'il n'eût méchante opinion de moi, s'il croyoit que je ne songeasse qu'à me divertir comme une petite fille, et que je n'eusse nulle vue pour mon établissement, j'étois bien aise, par la confiance que j'avois en sa bonté, de le supplier de s'en souvenir ; mais aussi de songer qu'à mon âge tout ne m'étoit pas bon, et de mettre en des lieux où je pourrois être utile à son service, et où je le pusse faire agréablement ; qu'en attendant, pour marquer qu'il me considéroit, s'il me faisoit l'honneur de me donner une pension, il me feroit un grand plaisir. La lettre étoit assez longue ; mais en voilà le sens. Je croyois que cela l'obligeroit à parler. Je la donnai à M. le duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre en année, et lui contai, en lui donnant la lettre, tout ce que M. de Turenne m'avoit dit ; que c'étoit ce qui m'obligeoit d'écrire au roi, pour voir s'il avoit ouï parler de cela. M. de Saint-Aignan me dit que j'avois fort bien fait ; qu'il croyoit que M. de Turenne avoit dit cela de lui-même ; que le roi n'étoit pas homme à me contraindre. A quelques jours de là il me dit qu'il avoit donné la lettre au roi, et qu'il n'avoit rien dit. Je voulus l'obliger à demander une réponse ; il me dit qu'il falloit laisse le roi, sans lui rien dire ; qu'il feroit ce qu'il me plairoit ; mais que, si je croyois son conseil, j'en userois ainsi ; je le suivis.

Le roi se promenoit souvent pendant l'hiver avec la reine : il avoit été deux ou trois voyages à Saint-Germain, et l'on disoit qu'il avoit regardé La Mothe-Houdancourt, une des filles de la reine.24 Cela alarma les amis de La Vallière, et comme on disoit que c'étoit la comtesse de Soissons qui menoit cette affaire,25 ils ne l'aimoient pas. Cet amour n'empêchoit pas que le roi ne fit à son ordinaire ; même ce bruit passa. L'été, comme l'on fut à Saint-Germain que l'on logeoit au château neuf, madame de Navailles voulut faire mettre des grilles à la chambres des filles de la reine, parce qu'elles logeoient en haut et que les gouttières sont larges. On disoit que le roi alloit tous les soirs parler à elle [à mademoiselle de La Mothe-Houdancourt] par là. On disoit qu'un jour que le roi lui avoit porté des pendants d'oreilles de diamants, elle [les] lui avoit jetés au nez et lui avoit dit : « Je n'ai que faire ni de vous ni de vos pendants d'oreilles, puisque vous ne voulez pas quitter La Vallière. » Ces grilles étoient donc prêtes à être posées. On les avoit portées dans un passage le soir auprès de la chambre des filles, pour les poser le lendemain. Il est vrai que l'on les trouva le lendemain matin dans la cour. Il avoit fallu quarante ou cinquante Suisses pour les porter en haut. Le roi en rit avec madame de Navailles pendant le dîner et disoit : « Ce sont les esprits ; car la porte étoit fermée et mes gardes n'ont vu entrer personne. » Ce fut une plaisanterie qui dura tout le jour. La reine savoit cet amour-là et ne savoit point celui de La Vallière,26 de sorte que La Mothe, que le roi n'a aimée qu'en passant, a eu le malheur d'être toujours l'objet de la jalousie de la reine. Cela faisoit pitié de voir tout ce que la reine s'imaginoit sur son sujet ; on en rioit avec le roi.27

M. de Turenne ne me parloit plus de Portugal ; M. et madame de Navailles ne faisoient autre chose. Cela me donnoit beaucoup de chagrin, et je voyois que le roi avoit un air tout autre avec moi qu'il n'avoit accoutumé. La reine mère haïssoit fort les Portugais ; un jour je lui voulus conter ce que m'avoit dit M. de Turenne, étant persuadée qu'elle y trouveroit bien à redire ; elle me répondit : « Si le roi le veut, c'est une terrible pitié ; il est le maître ; pour moi, je n'ai rien à dire là-dessus. » J'avois une hâte épouvantable que le temps de Forges fût venu, afin de m'en aller.

Il y eut de grandes intrigues entre force femmes, comme il y en a toujours à la cour, où M. de Péguilin fut mêlé. Le roi l'envoya à la Bastille, où il fut six mois. C'étoit le plus joli garçon de la cour, le plus beau, le mieux fait, et du meilleur air ; toutes les femmes lui en vouloient, et il n'étoit pas cruel. Ainsi cela lui faisoit beaucoup d'affaires ; mais ce n'étoit rien jusqu'à ce que cela alla à déplaire au roi ; il fut blâmé de beaucoup et plaint de peu, comme l'on l'est toujours à la cour, où l'on envie les gens d'un aussi extraordinaire mérite que le sien. J'entendis dire à tout le monde en ce temps-là qu'il en avoit beaucoup ; même ses ennemis n'ont jamais su trouver à en dire du mal publiquement : car tout celui que l'on lui a jamais fait est venu de son malheur ; mais je ne chercherai point à le justifier sur le chapitre des dames. Ce n'est pas son endroit le plus louable à ma fantaisie.28

On parla d'envoyer M. de Béziers, ambassadeur à Venise. Il étoit revenue de Toscane, il y avoit très-longtemps ; il n'avoit demeuré que très-peu en ce pays-là, après y avoir mené ma sœr. Il me conta toutes les magnificences que l'on avoit faites à son entrée, les ballets, les comédies en musique. Comme rien n'est plus riche que le grand-duc, on n'est pas surpris de la reception qu'il avoit faite à ma sœur. Il me conta que d'abord qu'elle avoit vu son mari, elle ne l'avoit point trouvé mal fait ; que ses filles et ses femmes s'étoient voulu moquer de son habillement ; qu'elle s'en étoit fâchée, et qu'elle lui avoit dit : « Je suis bien contente et du prince et de tout ce que je vois ici ; » que le grand-duc s'en retourna à Florence (car ils étoient venus au-devant d'elle à une maison à une lieue, toutes les choses nécessaires pour l'entrée n'étant pas prêtes), et la grande-duchesse [s'en retourna aussi]29 ; qu'ils avoient remmené leur fils avec eux, et qu'au lieu de le laisser là, ou de le renvoyer dès le lendemain, il avoit été trois jours sans la voir. Ce peu d'empressement la cabra, et depuis elle ne l'a jamais aimé. Belloy et sa femme me contère la même chose.

Comme nous parlions souvent ensemble, M. de Béziers et moi, et que nous avions fait une grande connoissance, je connoissois son mérite. En prenant congé du roi pour aller à Forges, je lui dis : « Sire, si Votre Majesté vouloit songer à mon établissement, voilà M. de Béziers qui s'en va à Venise, qui passera à Turin, il pourroit négocier mon mariage avec M. de Savoie. » Il me répondit : « Qui vous a dit qu'il va à Venise et qu'il passera à Turin pour son voyage ? — ; Sire, tout le monde le dit, et il me semble que Turin est le chemin. — ; Vous vous trompez ; on n'y passe pas. Je songerai à vous quand cela me conviendra et je vous marierai où il sera utile pour mon service ; » d'un ton sec, qui m'effraya fort.

Sur cela il me salua fort froidement, et je m'en allai ; je pris mes eaux. Je reçus, à Forges, une lettre de M. de Saint-Aignan, qui me mandoit : « Le roi m'a commandé de vous envoyer une lettre, que l'on a trouvée dans les hardes d'un frère de M. de Belloy, qui est mort en Espagne, que vous aviez écrite au comte de Charny. » Je le remerciai par la réponse, et lui disois que je ne m'en serois pas souciée, quand cette lettre auroit été prise en Portugal, n'ayant rien à ménager en ce pays-là. La lettre n'étoit que des plaisanteries que je faisois au comte de Charny, et entre autres je lui disois que je souhaitois qu'il gagnât une bataille contre lui, quand le roi de Portugal devroit être pendu ; quoiqu'il fût le beau-frère de mon cousin-germain, je ne m'en souciois guère. Le roi d'Angleterre avoit épousé sa sœur,30 il y avoit quelque temps. J'avois oublié à le dire, étant une chose qui ne me rapportoit à rien,31 et que je ne me serois pas avisée de mettre ici si cette lettre ne me l'avoit ramenée. Elle parut, en arrivant en Angleterre, bien différente de ce que l'on avoit cru ici. Lorsque Cominges y alla ambassadeur,il mena un peintre avec lui, qui en fit un portrait le plus agréable du monde, et tous ceux qui l'ont vue disent qu'elle est d'une extraordinaire petitesse ; noire ; deux dents qui lui avancent, qui lui rendent la bouche très-mal agréable ; voilà le rapport qu'en faisoient dès lors ceux qui venoient d'Angleterre. Au surplus, une princesse d'une grande vertu et piété singulière ; le roi, son mari, lui donne occasion de l'exercer. Je ne sais si la réponse que je fis à M. de Saint-Aignan plut ; mais il ne m'importoit pas.

Après mes eaux, je m'en vins ici [à Eu], où je demeurai quelque temps. Trois jours avant celui que j'avois destiné pour partir, il arriva un gentilhomme, qui a été mon page, le matin, comme je m'en allois à la messe qui me dit : « M. le marquis de Gesvres (qui étoit un capitaine des gardes du corps ; je ne sais si je n'en ai point parlé déjà) est parti pour vous venir trouver de la parte du roi ; on ne sait ce que c'est. » Cela ne me plut pas ; mais aux choses où il n'y a point de remède, il faut prendre son parti. A l'instant je dis à ce qu'il y avoit de gens ici, en qui j'avois confiance : « Voici l'affaire de Portugal et l'effet de la menace de M. de Turenne. »

Il arriva fort tard ; j'étois dans mon cabinet avec beaucoup de monde, que je fis sortir, dès qu'il fut entré ; il me dit : « Le roi m'a commandé de vous venir dire qu'il vous ordonné d'aller à Saint-Fargeau jusqu'à nouvel ordre. Vous croyez bien, Mademoiselle, que j'ai eu beaucoup de déplaisir d'être chargé d'une commission qui ne vous est pas agréable. » Je lui dis : « J'obéirai ; quand faut-il partir ? — ; Quand il vous plaira. — ; Avez-vous ordre de me mener ? — ; Non. — ; Par quel chemin le roi veut-il que j'aille ? — ; Par où il vous plaira. — ; Vous direz au roi que je partirai un tel jour, que je lui marquai ; que j'irai par le chemin le plus éloigné de Paris ; qu'étant proche de la Toussaint, il trouvera bon que je séjourne à Jouarre pour y passer les fêtes ; que je ne sois pas dans un village. » Il me dit : « Je ne doute pas que le roi ne le trouve très-bon. » Puis je lui fis mes compliments et je lui dis : « Sachant bien que je n'ai rien fait qui me puisse attirer ce traitement, je pourrois être en doute ce que c'est ; mais je n'y suis point : car M. de Turenne m'en a menacée cet hiver. Je vous prie de le dire au roi. » Il me répondit : « Je supplie très-humblement Votre Altesse de ne me charger de rien. » Nous causâmes de force choses indifférentes. Il me vit souper ; puis s'en alla coucher à l'hôtellerie ; il ne voulut jamais loger ni souper ici. Je donnai ordre à mes affaires et je partis. Je ne jugeai pas à propos ni d'écrire ni d'envoyer au roi que je n'eusse obéi ; mais j'envoyai un courrier à quelqu'un (je ne sais point si ne fut pas à madame de Brienne) pour parler à la reine mère, pour tâcher à faire changer l'ordre, s'il approuvoit que je ne bougeasse d'ici ; j'espérois toujours que cela leur seroit indifférent, et pour en attendre le retour je ne fis que dix lieues en deux jours. Je fus coucher à Foucarmont, puis à Aumale, où j'eus la réponse que l'on étoit si aigre contre moi que la reine mère n'osoit rien dire. Je continuai mon chemin, me promenant à toutes les belles maisons qui étoient sur mon chemin. Je passai à Liancourt. Sur ma route je reçus force courriers et des lettres de tout le monde. M. de Turenne m'envoya un gentilhomme et m'écrivit. Je lui fis réponse : qu'il étoit homme de parole, et que je me fierois à lui ; qu'il m'avoit tenu ce qu'il avoit promis, et je le dis encore à son gentilhomme en lui donnant la lettre.

Je ne voulus pas taire la cause de mon exil : j'écrivis à tout ce que je connoissois de gens que c'étoit parce que je ne voulois pas épouser le roi de Portugal ; que je n'en pouvois douter, puisque M. de Turenne me l'ayant proposé, et moi l'ayant refusé, il m'avoit menacée de me faire exiler. Cela n'étoit peut-être pas plus prudent à moi de le dire, qu'à lui de me l'avoir dit ; mais dans les premiers moments d'une chose qui fâche, on ne fait guère de réflexions.

Je passais mes fêtes à Jouarre,32 comme je l'avois mandé au roi, et je m'en allais à Saint-Fargeau. Dès que j'y fus, je renvoyai un gentilhomme à la cour ; j'écrivis au roi et à la reine-mère, à Monsieur et à tous ceux de la cour, qui pouvoient montrer mes lettres. Elles étoient sans emportement : j'avois eu le temps de faire réflexion. Je ne reçus point de réponse ; mais la reine mère dit : « Je n'ai jamais vu le roi si aigri qu'il est contre ma nièce. » Tout cela ne m'effrayoit point : car je savois bien que directement ou indirectement je n'avois rien fait qui pût déplaire au roi, pour lequel j'ai toujours eu un respect et une amitié, que pour rien au monde je ne voudrois lui avoir déplu en la moindre bagatelle. Cela me donnoit assez de repos. Je demeurai dans ma solitude assez tranquillement, ayant la conscience nette de tout ce que l'on me pouvoit reprocher.

 


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NOTES

1. A Eu, où l'on a vu que Mademoiselle a écrit la seconde partie de ses Mémoires.

2. Du comté d'Eu.

3. 1676.

4. Ce fut le 27 août 1676 que les Hollandais levèrent le siége de Maëstricht.

5. Marie-Antoinette de Loménie, mariée le 4 juin 1642 à Nicolas-Joachim Rouaut, marquis de Gamaches. Voy. sur madame de Gamaches les Mémoires de Saint-Simon (t. IV, p. 382, édit. Hachette, in-8). Saint-Simon en parle à l'occasion de sa mort, arrivée en 1701 (8 décembre).

6. Nicolas Fouquet fut arrêté à Nantes le 5 septembre 1661. On trouvera des détails étendus sur cet événement dans les Mémoires de Henri-Louis Loménie de Brienne. J'ai publié un récit officiel de l'arrestation de Fouquet rédigé par Foucault, à la suite du tome II de mon Histoire de l'administration monarchique en France.

7. Louis de France, désigné ordinairement sous le nom de MONSEIGNEUR, naquit à Fontainebleau le 1er novembre 1661 et mourut au château de Meudon le 14 avril 1711. Voy. sur ce prince, et particulièrement sur sa mort, les Mémoires de Saint-Simon.

8. Henriette d'Angleterre.

9. Voy. sur ces intrigues les Mémoires de madame de Motteville et l'Histoire de Henriette d'Angleterre, par madame de La Fayette.

10. Ce passage, depuis mais on fut éclairci jusqu'à vous vous en repentirez, a été transposé dans le manuscrit et se trouve à la p. 41 du t. II.

11. L'hiver de 1661 à 1662.

12. On a déjà vu que mademoiselle de La Vallière était fille d'honneur d'Henriette d'Angleterre, qui à cette époque logeait encore aux Tuileries. Les anciennes éditions, en modifiant le texte de Mademoiselle, lui ont fait dire que mademoiselle de La Vallière logeait au Palais-Royal  ; ce qu'elle ne dit pas et ne devait pas dire.

13. Passage omis dans les anciennes éditions depuis je ne me souviens plus jusqu'à ce qui regarde les autres.

14. Le mariage du duc de Bouillon et de Marie-Anne Mancini eut lieu le 29 avril 1662.

15. Marie-Jeanne-Baptiste, née le 11 avril 1644 de Charles-Amédée de Savoie, duc de Nemours, et d'Élisabeth de Vendôme.

16. Marianne Pajot, dont il a été question plus haut (II. Chap. IV).

17. On se rappelle que la famille de Guise était issue d'une branche cadette de la maison de Lorraine.

18. Madame de La Fayette, dans le petit roman qu'elle a intitulé Histoire de Henriette d'Angleterre, a présenté sous le jour le plus favorable les relations de cette princesse et du comte de Guiche (Armand de Gramont)  : « Le comte de Guiche, dit-elle, ne trouvoit rien de plus beau que de tout hasarder, et Madame et lui, sans avoir de véritable passion l'un pour l'autre, s'exposèrent au plus grand danger où l'on se soit jamais exposé. Madame étoit malade et environnée de toutes ses femmes… ;. Elle faisoit entrer le comte de Guiche quelquefois en plein jour, déguisé en femme qui dit la bonne aventure, et il la disoit même aux femmes du Madame, qui le voyoient tous les jours et qui ne le reconnoissoient pas  ; d'autres fois par d'autres inventions, mais toujours avec beaucoup de hasard, et ces entrevues si périlleuses se passoient à se moquer de Monsieur. »

19. Relativement à la bataille de Rhetel, où Turenne avait été vaincu. Voy. plus haut, p. 378-379.

20. Louise de Guzman, femme de Jean IV, roi de Portugal.

21. Les Mémoires de Louis XIV (t. I, p. 65-66, des OEuvres de Louis XIV, Paris, Treuttel et Vürtz, 1806) prouvent que ce prince attachait une grande importance à l'alliance du Portugal. Parlant des Espagnols, il dit  : « Je ne pouvois pas douter qu'ils n'eussent violé les premiers et en mille sortes le traité des Pyrénées, et j'aurois cru manquer à ce que je dois à mes États, si en l'observant plus scrupuleusement qu'eux, je leur laissois librement ruiner le Portugal, pour retomber ensuite sur moi avec toutes leurs forces, et me redemander, en troublant la paix de l'Europe, tout ce qu'ils m'avoient cédé par ce même traité. Les clauses par où ils me défendoient d'assister cette couronne encore mal affermie, plus elles étoient extraordinaires, réitérées et accompagnées de précautions, plus elles marquoient qu'on n'avoit pas cru que je m'en dusse abstenir  ; et tout ce que je croyois leur déférer, étoit de ne le secourir que dans la nécessité, avec modération et retenue. » Il serait inutile d'insister sur cette étrange manière d'expliquer et d'observer les traités  ; mais le passage prouve (et c'est la seule chose qui nous occupe) que Louis XIV tenait à maintenir l'indépendance du Portugal et à le soutenir contre l'Espagne.

22. Ce portrait du roi de Portugal Alphonse VI ne se rapporte guère au caractère que lui prêtent les documents officiels. Voy. principalement une lettre de l'ambassadeur de France en Portugal dans le t. II, p. 565 et suiv. des Négociations relatives à la succession d'Espagne, par M. Mignet.

23. La phrase est irrégulière, mais comme elle est intelligible, j'ai conservé scupuleusement le texte.

24. Comparez sur ces intrigues de cour les Mémoires de madame de Motteville à l'année 1662.

25. On trouvera la preuve de cette assertion à l'appendice no I [Mlle de Fouilloux (plus tard Mme d'Alluye)], où il est question de mademoiselle de Fouilloux et de ses relations avec la comtesse de Soissons.

26. Cette prétendue ignorance de la reine relativement à mademoiselle de La Vallière, est démentie par un passage des Mémoires de madame de Motteville, à l'année 1662 : « Un jour, dit-elle, elle me fit signe de l'œil, et m'ayant montré mademoiselle de La Vallière qui passoit par sa chambre pour aller souper chez la comte de Soissons, avec qui elle avoit repris quelque liaison, feinte ou véritable, elle me dit en espagnol : Esta donzella con las arracadas de diamante, es esta que el rei quiere (cette fille qui a des pendants d'oreille de diamants est celle que le roi aime). Je fus fort surprise de ce discours ; car ce secrète étoit alors la grande affaire de la cour. »

27. Ce passage sur l'amour du roi pour mademoiselle de La Mothe-Houdancourt et sur les grilles de madame de Navailles a été modifié et en partie supprimé dans les anciennes éditions.

28. Tout le passage sur Lauzun a été paraphrasé et entièrement changé dans les anciennes éditions.

29. Pour compléter cette phrase, on a ajouté dans les anciennes éditions que, pendant ce temps, la princesse séjourna à une lieue de Florence, jusqu'à ce que l'entrée fut prête.

30. Charles II avait épousé, le 31 mai 1662, Catherine, infante de Portugal.

31. C'est-à-dire, qui n'avoit aucun rapport à moi.

32. Les fêtes de la Toussaint de l'année 1662. Mademoiselle assista au sermon qui fut prêché par Bossuet, comme nous l'apprend le Journal de l'abbé Le Dieu. (Voy. Études sur la vie de Bossuet, par M. Floquet, t. II, p. 247.)


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