Boo the Cat. Hoorah!

Sir Thomas Browne PageMademoiselle PageChapitre II

MÉMOIRES

DE

MLLE DE MONTPENSIER.


PREMIÈRE PARTIE.


CHAPITRE PREMIER.

(1627-1637.)

J'ai autrefois eu grande peine à concevoir de quoi l'esprit d'une personne, accoutumée à la cour et née pour [y] être avec le rang que ma naissance m'y donne, se pouvoit entretenir, lorsqu'elle trouve réduite à demeurer à la campagne ; car il m'avoit toujours semblé que rien ne pouvoit divertir dans un éloignement forcé, et que d'être hors de la cour, c'étoit aux grands être en pleine solitude, malgré le nombre de leurs domestiques et la compagnie de ceux qui les visitent. Cependant, depuis que je suis retirée chez moi, j'éprouve avec douceur que le souvenir de tout ce qui s'est passé dans la vie occupe assez agréablement, pour ne pas compter le temps de la retraite pour un des moins agréables que l'on passe. Outre que c'est un état très-propre à se le représenter dans son ordre, l'on y trouve le loisir nécessaire pour le mettre par écrit, de sorte que la facilité que je sens à me ressouvenir de tout ce que j'ai vu et même de ce qui m'est arrivé, me fait prendre aujourd'hui, à la prière de quelques personnes que j'aime, une peine à laquelle je n'aurais jamais cru pouvoir me résoudre. Je rapporterai donc ici tout ce que j'ai pu remarquer depuis mon enfance jusqu'à cette heure, sans y observer pourtant d'autre ordre que celui des temps, le plus exactement qu'il me sera possible. J'espère de l'heureuse mémoire que Dieu m'a donnée, qu'il ne m'échappera guère de choses de celles que j'ai sues ; et ma curiosité naturelle m'en a fait découvrir d'assez particulières, pour me pouvoir promettre que la lecture n'en sera pas ennuyeuse.

Le commencement du malheur de ma maison arriva peu après ma naissance (29 mai 1627), puisqu'elle fut suivie de la mort de ma mère 1 : ce qui a bien diminué de la bonne fortune que le rang que je tiens me devoit faire attendre. Les grands biens que ma mère a laissés à sa mort, et dont je suis seule héritière, pouvoient bien, dans l'opinion de la plupart du monde, me consoler de l'avoir perdue. Pour moi, qui conçois aujourd'hui de quel avantage m'auroient été ses soins dans mon éducation, et son crédit, joint à sa tendresse, dans mon établissement, je ne saurois assez regretter sa perte.

Bientôt après qu'elle fut morte, on fit ma maison, et l'on me donna un équipage bien plus grand que n'en a jamais eu aucune fille de France, même pas une de mes tantes, les reines d'Espagne2 et d'Angleterre3 et la duchesse de Savoie4, avant que d'être mariées. La reine, ma grand'mère5, me donna pour gouvernant madame la marquise de Saint-Georges6, de qui le mari étoit de la maison de Clermont d'Amboise ; elle étoit fille de madame la marquise de Montglat, qui avoit été gouvernant du feu roi, de Monsieur, de feu mon oncle7 le duc d'Orléans, et de toutes mes tantes ; et c'étoit une personne de beaucoup de vertu, d'esprit et de mérite, qui connoissoit parfaitement bien la cour. Elle avoit depuis été dame d'honneur de la reine d'Angleterre et de la duchesse de Savoie, et s'en étoit fait aimer si chèrement, que sa seule considération fit presque tout le déplaisir qu'elles eurent, lorsque les affaires de ce pays-là les obligèrent d'en chasser les François qu'elles y avoient menés. Ma mère accoucha au Louvre ; je fus logée aux Tuileries, qui y tiennent par la grande galerie, qui étoit le passage ordinaire par où on me portoit chez Leurs Majestés, et par où elles se donnoient aussi la peine assez souvent de me venir voir.

La reine, ma grand'mère, Marie de Médicis, m'aimoit extrêmement, et témoignoit, à ce que j'ai ouï dire, beaucoup plus de tendresse pour moi qu'elle n'avoit jamais fait pour ses propres enfants ; et comme Monsieur en avoit toujours été le plus chéri, cette considération, jointe à l'estime et à l'affection qu'elle avoit eues pour ma mère, fait qu'on ne doit pas s'étonner de l'amitié qu'elle avoit pour moi. Néanmoins j'ai malheureusement été privée d'en recevoir les effets par la disgrâce qui la fit sortir de France, parce que j'étois encore si jeune alors, que je ne me souviens pas seulement de l'avoir vue. Ce fut une perte qui me fut pas moins importante que celle que je fis à ma naissance, puisque je devois ; selon toutes les apparences, rencontrer en cette grande reine ce que j'avais perdue par la mort de ma mère. Ce n'est pas que madame de Saint-Georges, ma gouvernante, ne possédât, pour se bien acquitter de cette charge, toutes les qualités qu'on sauroit souhaiter. Quoique la capacité, la bonne conduite et la naissance se trouvent souvent dans les personnes qu'on met à cette place, celles de ma condition craignent si rarement celles qui sont au-dessous d'elles, quelque jeunes qu'elles soient, qu'il est comme nécessaire qu'une autorité supérieure seconde les soins de ceux qui les gouvernent : ce qui me fait oser dire que, s'il paroît en mois quelques bonnes qualités, elles y sont naturelles, et que l'on n'en doit rien attribuer à l'éducation, quoique très-bonne ; car je n'ai jamais eu l'appréhension du moindre châtiment. Ajoutez à cela qu'il est très-ordinaire de voir les enfants que l'on respecte, et à qui l'on ne parle que de leur grande naissance et de leurs grands biens, prendre les sentiments d'une mauvaise gloire. J'avois si souvent à mes oreilles des gens qui ne me parlaient que de l'un et de l'autre, que je n'eus pas de peine à me le persuader, et je demeurai dans un esprit de vanité fort incommode, jusqu'à ce que la raison m'eût fait connoître qu'il est de la grandeur d'une princesse bien née de ne pas s'arrêter à celle dont dont l'on m'avoit si souvent et si longtemps flattée. La naïveté avec laquelle je veux parler de tout ce que je vais raconter, me fait remarquer ici un trait de mon enfance. Quand l'on me parloit de madame de Guise, ma grand'mère,8 je disois : « Elle est ma grand'maman de loin ; elle n'est pas reine. »

La disgrâce de la reine, ma grand'mère,9 fit naître beaucoup de divisions à la cour. Monsieur10 fut un des mécontents ; il se brouilla avec le roi, et sortit de France peu après elle. Son éloignement me toucha bien plus que celui de la reine, et j'eus en cette occasion-là une conduite qui ne répondoit point à mon âge ; je ne voulois me divertir à quoi que ce fût, et l'on ne pouvoit même me faire aller aux assemblées du Louvre ; ma tristesse augmentoit quand je savois que Monsieur étoit à l'armée, par la crainte que me donnait le péril que couroit sa personne. L'état où Monsieur étoit à la cour n'empêchoit pas que l'on n'eût tous les soins possibles de moi : le roi et la reine me traitoient avec des bontés non pareilles et me donnoient toutes sortes de témoignages d'amitié. Quand ils venoient à Paris, ils commendoient qu'on me menât souvent les voir ; et jamais cela n'arrivoit que je ne parlasse au roi de Monsieur. Son absence l'obligea d'établir des commissaires pour l'administration de mon bien : l'on choisit les sieurs Favier11 et d'Irval12, conseillers d'État, et un conseiller au parlement, nommé Grasteau, tous gens de mérite et de probité, qui eurent grand soin que rien ne me manquât de ce que je pouvois désirer ; et leur conduite fut si belle dans leur commission, qu'ils donnèrent à monsieur, à son retour de Flandre, une somme considérable qu'ils avoient ménagée.

Il se passa beaucoup de choses pendant ce temps-là : je n'étois qu'un enfant pour lors, je n'avois part à rien et ne pouvois rien remarquer. Tout ce dont je me souviens, c'est d'avoir vu la cérémonie des chevaliers13 de l'ordre qui furent faits à Fontainebleau, dans laquelle aussi on dégrada de l'ordre M. le duc d'Elbœuf et le marquis de la Vieuville. Je vis ôter et rompre les tableaux de leurs armes qui étoient au rang des autres ; j'en demandai la raison : l'on me dit que l'on leur faisoit cette injure parce qu'ils avoient suivi Monsieur. Je me mis aussitôt à pleurer, et je me sentis si touchée de ce traitement, que je voulus me retirer, et je dis que je ne pouvois voir cette action avec bienséance. Mon dépit ne me faisoit pourtant pas haïr la cour : j'étois ravie lorsqu'elle étoit à Fontainebleau et que Leurs Majestés m'envoyoient querir. Quand cela m'arrivoit, j'y étois trois ou quatre semaines dans la joie de mon cœur, par les divertissements continuels que j'y trouvois à mon goût. Il est vrai que le roi adoucissoit bien, par la tendresse qu'il me témoignoit, le déplaisir que me donnoit l'aversion qu'il avoit pour Monsieur. Les sentiments de la reine14 ne s'accordoient point aux siens en cela ; je pense que les amitiés qu'elle me faisoit n'étoient que des effets de celle qu'elle avoit pour Monsieur. Si les histoires de ce temps-là en font mention, celles d'aujourd'hui15 pourront bien dire le contraire. J'étois tellement accoutumée à leurs caresses, que j'appelois le roi mon petit papa, et la reine ma petite maman ; je croyois qu'elle l'étoit, parce que je n'avois jamais vu ma mère. Lorsque j'étois à Paris, tout ce qui'il y avoit de filles de qualité venoient me faire jouer ; et les plus assidues auprès de moi étoient mesdemoiselles de Longueville, d'Épernon, de Brissac,16 les filles de M. de Gramont17, mesdemoiselles de Lannoi18, du Lude19, Séguier20, fille du chancelier, de Rancé21, de la Ville-aux-Clercs, Jarnac22, et beaucoup d'autres ; et celles-là étoient mes particulières amies.

Je n'étois pas tellement occupée de mon jeu, que, lorsque l'on parloit de l'accommodement de Monsieur, je ne fusse bien attentive. Le cardinal de Richelieu23, qui étoit le premier ministre et le maître des affaires, le vouloit être absolument de celle-là ; et c'étoit avec des propositions si honteuses pour Monsieur, que je ne les pouvois seulement entendre sans être au désespoir. Il faisoit dire que, pour faire la paix de Monsieur avec le roi, il falloit rompre son mariage avec la princesse Marguerite de Lorraine, et lui faire épouser mademoiselle de Combalet, nièce du cardinal, qui est aujourd'hui madame d'Aiguillon.24 Je ne pouvois m'empêcher de pleurer dès qu'on m'en parloit, et dans ma colère je chantois, pour me venger, toutes les chansons que je savois contre le cardinal et sa nièce ; cela doubloit même l'amitié que j'avois pour la princesse Marguerite, et m'en faisoit parler incessamment.

Monsieur ne laissa pas de s'accommoder et de revenir25 en France sans cette ridicule condition. Je ne dirai rien de la manière dont cela se fit, pour n'en avoir eu aucune connoissance.

Aussitôt que je sus le retour de Monsieur en France, j'allai jusqu'à Limours à sa rencontre. Je n'avois que quatre ou cinq ans lorsqu'il s'en alla ; il voulut éprouver si après une si longue absence je le reconnoîtrois, et, pour n'avoir rien qui le distinguât de ceux de sa cour, il se fit ôter son cordon bleu, et puis on me dit « Voyez qui de tous ceux-là est Monsieur. » En quoi la force de la nature m'instruisit si bien que, sans hésiter un moment, j'allai lui sauter au cou, dont il parut touché d'une merveilleuse joie. Pendant que je fus auprès de lui, il mit tout son plaisir à tout ce qui m'en donnoit, et sur ce qu'il apprit que j'en prendrois beaucoup à danser un ballet, il voulut que j'en dansasse un, à cause que je n'avois pu être de celui que le roi et la reine avoient fait dans ce temps-là, parce que j'étois trop petite : si bien que, pour ce ballet, que l'on pouvoit appeler une danse de pygmées, l'on composa une bande de petites filles, princesses et autres de qualité, et de tous les seigneurs qui étoient de même taille que nous. La magnifique parure et l'ajustement de chacun des danseurs et des danseuses fit trouver le ballet fort agréable, où il n'y avoit d'ailleurs rien de trop recherché pour les pas et pour les entrées. Il y en avoit une, entre autres, où on apportoit dans des cages des oiseaux que l'on laissoit voler dans la salle : digne machine d'un tel ballet. Il arriva qu'un de ces oiseaux s'embarrassa dans un des godrons26 de la fraise de mademoiselle de Brézé27, nièce du cardinal de Richelieu, et qui étoit de notre troupe ; elle se mit à crier et pleurer avec tant de véhémence, qu'elle fit redoubler le rire que cet accident imprévu avoit causé à toute l'assemblée. Jugez par là de l'âge des dames de ce ballet. Celui du roi ne donna pas tant de divertissement.

Le cardinal de Richelieu, pour témoigner une entière réconciliation avec Monsieur, avoit fait épouser mademoiselle de Pontchâteau, sa nièce, à présent madame la comtesse d'Harcourt, à M. de Puylaurens28, favori de Monsieur, et que l'on avoit fait duc en cette considération. M. de Puylaurens ne fut de ce ballet que pour couvrir l'intention que le cardinal avoit de le faire arrêter ; ce qui s'exécuta peu après son mariage. Il le fit prendre au Louvre pendant une répétition du ballet.29 Il fut conduit au bois de Vincennes, où il mourut prisonnier assez subitement. L'on a voulu imputer, et avec assez d'apparence, sa mort à la vengeance et à la mauvaise foi de M. le cardinal de Richelieu. Cette nouvelle me donna tous les déplaisirs dont j'étois capable, et l'événement a depuis vérifié que j'avois assez de raison. C'est le seul favori de Monsieur qui m'ait jamais donné sujet de lui vouloir du bien ; il me venoit voir souvent, et, quoiqu'il gagnât mon amitié plutôt par ses confitures que par ses soins et ses complaisances, il avoit néanmoins autant de considération pour moi que si j'eusse été en âge de le pouvoir remarquer. Je laisse à des gens mieux instruits et plus éclairés que moi dans les affaires à parler de ce qui se passa à la cour, et de ce que Monsieur fit ensuite de la prison de Puylaurens. Tout ce que je puis dire est qu'il ne faisoit point de voyage à Paris qu'il ne me vînt voir souvent. Il se divertissoit à me faire chanter des chansons du temps, et m'entretenoit sans témoigner aucun ennui de tout ce que l'on peut dire à une petite fille.

Si je n'eusse point eu l'esprit d'un enfant, je n'aurois point vu alors les soins assidus de M. le comte de Soissons30 pour moi sans y faire réflexion. Il étoit en ce temps-là parfaitement bien avec Monsieur, et lui rendoit de grands devoirs, dont je n'ai su le but que longtemps après qu'ils furent cessés, et peu avant sa mort. Son dessein étoit de m'épouser. Monsieur lui avoit promis d'y consentir quand il étoit à Sedan, et cette intention lui faisoit observer tout ce qui pouvoit servir à se conserver dans ma mémoire. Il avoit chargé un gentilhomme, nommé Campion31, qu'il faisoit demeurer à Paris, de venir souvent s'enquérir de mes nouvelles et me faire compliment de sa part : pour mieux réussir dans ses commissions, il m'apportoit quelquefois de la nompareille et des dragées de Sedan, que son maître m'envoyoit.

Monsieur, qui demeura à Blois depuis que M. le Comte32 se fut retiré à Sedan, me commanda de l'y aller trouver. Avant que de partir, j'en envoyai demander la permission au roi, qui étoit à Chantilly ; il y consentit, et dit seulement à celui que je lui avois dépêché, qu'il désiroit que j'allasse prendre congé de lui ; à quoi je n'aurois eu garde de manquer, quand je n'aurois pas eu ses ordres. J'avois toujours eu grand soin de répondre par mes respects aux témoignages de bienveillance que j'ai reçus de Sa Majesté. La résolution prise pour partir, madame de Saint-Georges, qui connoissoit la joie que j'avois de me promener, me fit faire un assez grand tour pour aller à Chantilly. J'avois été priée par madame l'abbesse de Saint-Pierre de Reims, fille de madame de Guise, qui étoit religieuse à Jouarre avec sa tante, d'assister à sa procession, qui se rencontroit dans ce temps-là, de sorte que je pris ce chemin pour aller trouver le roi. Le premier gîte que je fis hors de Paris fut à une maison qui appartenoit à mon trésorier, qui étoit alors un nommé Marchand, homme de bonne compagnie, qui dansa un ballet le soir même que j'arrivai. De là j'allai à Montglat, où je trouvai une réjouissance qui ne valoit pas moins qu'un ballet pour une demoiselle de dix ans : c'étoit la noce d'un jardinier de la maison, qui sembla s'être justement rencontrée pour mon divertissement. Madame de Saint-Georges, qui m'avoit menée là exprès, parce que ce lieu lui appartenoit, m'y fit demeurer trois jours, durant lesquels elle eut tout le soin imaginable de me faire réjouir. Ensuite j'alla à Jouarre, où je fis le même séjour, à cause de la cérémonie de la procession de madame l'abbesse de Reims. Il y avoit dans ce couvent-là trois filles de madame de Chevreuse33, à peu près de mon âge, avec qui je me divertissois : il n'y eut rien sur quoi j'aie pu faire quelque remarque. De Jouarre pour aller à Chantilly, je fus coucher à Villemareuil, qui appartenoit à un surintendant des finances de Monsieur, qui m'y reçut fort bien et m'y fit bonne chère. Pendant le séjour que j'y fis, j'allai à la messe à Saint-Fiacre, qui est une grande dévotion en ce pays-là ; et madame de Saint-Georges, qui avoit beaucoup de piété, prenoit grand soin de me la faire goûter : chose assez mal aisée à faire à dix ans.

Arrivée à Chantilly, je mis toute la cour en belle humeur. Le roi étoit alors en grand chagrin des soupçons qu'on lui avoit donnés de la reine, et il n'y avoit pas longtemps que l'on avoit découvert cette cassette qui donna sujet à ce qui se passa au Val-de-Grâce, dont on n'a que trop ouï parler. Je trouvai la reine au lit, malade ; l'on pouvoit l'être à moins de l'affront qu'elle avoit reçu. Le chancelier l'étoit venue interroger le jour d'auparavant34 : elle étoit encore dans les premiers sentiments de sa douleur, que la présence de madame de Saint-Georges eut le pouvoir d'adoucir. C'étoit elle qui entretenoit le commerce qu'elle avoit avec Monsieur : elle fut bien aise de voir une personne de confiance à qui elle pût ouvrir son cœur ; et pour empêcher qu'on ne pût soupçonner aucune chose, elles m'appeloient en tiers, dans la croyance que personne ne se pouvoit défier qu'en la présence d'un enfant elles voulussent hasarder de parler d'affaires si importantes. La nécessité les obligeoit de se fier à moi ; et si j'avois eu autant d'application à ce qu'elles disoient que j'ai eu de douleur de n'en avoir pas eu, je pourrois ici rapporter des choses particulières que sans doute personne ne sait. Outre cela, elles ne laissoient pas de m'engager par tout ce qui leur étoit possible à taire leurs entretiens. Une de leurs adresses étoit de me faire sans cesse l'éloge du secret, et je me mis dans l'esprit que le véritable et la plus sûr moyen de le garder étoit d'oublier ce que j'avois ouï dire ; à quoi je parvins si bien qu'il ne m'en est jamais souvenu. La reine vouloit que je séjournasse longtemps à Chantilly ; madame de Saint-Georges lui représenta que cela n'étoit pas à propos ; que si le roi s'avisoit de la soupçonner, elle ne pourroit plus lui rendre les services accoutumés : si bien que je ne fus pas longtemps avec Leurs Majestés. J'en fus toujours parfaitement bien traitée, et avant que d'en partir je suppliai la reine de me donner une de ses filles, nommée Saint-Louis, parente de madame de Saint-Georges, et qui étoit souvent avec moi. Elle me l'accorda, et je l'emmenai à Paris, où je demeurai fort peu. Je partis pour Blois, où j'emmenai avec mademoiselle de Saint-Louis mademoiselle de Beaumont35, qui étoit des amies particulières de madame de Saint-Georges, qui l'avoit connue en Angleterre lorsqu'elle étoit fille de la reine, ma tante.

Au sortir de Paris, j'allai coucher à Soisy, près Corbeil, belle maison appartenant au président de Bailleul36, le lendemain à Fontainebleau, puis à Pluviers37, première ville de l'apanage de Monsieur, où je trouvai des officiers de sa maison, parce que la mienne, quoique assez grande, n'étoit pas encore en état de marcher, par le bon ménage de ses gens qui jouissoient de mon bien. J'y fus en récompense parfaitement bien reçue et traitée, et les mêmes officiers continuèrent à me servir pendant tout le voyage. Je ne vis de maisons agréables sur mon chemin que Chenailles, qui appartenoit au trésorier de France qui portoit ce nom, et deux maisons appelées la Ferté-Saint-Aubin et la Ferté-aux-Oignons : la première est à M. de Senneterre38, et l'autre au comte de Saint-Aignan. Monsieur vint au-devant de moi jusqu'à Chambord, qui est à trois lieues de Blois ; c'est un château qui lui appartient, bâti par François Ier d'une manière fort extraordinaire, au milieu d'un parc de huit ou neuf lieues de tour, sans autre cour qu'un espace qui règne autour d'une partie du logis, qui fait une figure ronde. Une des plus curieuses et des plus remarquables choses de la maison est le degré, fait d'une manière qu'une personne peut monter et une autre descendre sans qu'elles se rencontrent, bien qu'elles se voient ; à quoi Monsieur prit plaisir de se jouer d'abord avec moi. Il étoit au haut de l'escalier lorsque j'arrivai ; il descendit quand je montai, et rioit bien fort de me voir courir, dans la pensée que j'avois de l'attraper. J'étois bien aise du plaisir qu'il prenoit, et je le fus encore davantage quand je l'eus joint. Nous montâmes aussitôt après en carrosse ensemble, et nous allâmes à Blois, où les corps de ville me vinrent saluer et me faire compliment, comme tous ceux des autres villes de mon passage, ainsi que c'est l'ordre. Monsieur se donnoit lui-même la peine de penser à mon divertissement, et venoit incessamment dans ma chambre, quoique je fusse dans un corps de logis séparé du sien par la cour, et qu'il y eût un escalier à monter. Je répondois à son intention ; je m'occupois à tout ce qui pouvoit me réjouir, qui étoit le plus ordinairement à jouer au volant ou à quelque autre jeu d'action, comme la chose du monde que j'aime le mieux. Monsieur avoit cette complaisance d'en vouloir être, et de jouer avec moi des discrétions que je gagnois le plus souvent, dont j'étois payée on montres et en toutes sortes de bijoux qui se trouvoient dans la ville.

Durant le séjour que je fis auprès de Monsieur, M. de Vendôme39 et messieurs ses enfans y vinrent souvent, et toutes les personnes de qualité du pays. Mademoiselle de Vendôme m'y vint voir une fois sans sa mère ; ce qui étoit assez extraordinaire, et quoiqu'elle l'eût donnée à son père pour l'amener. Entre toutes ces visites, j'en avois de fréquentes de madame la comtesse de Béthune40, que j'allai voir à Selles, qui est une très-belle et très-agréable maison située sur la rivière du Cher ; les appartemens y sont beaux, commodes et bien meublés. Elle et son mari m'y reçurent parfaitement bien, et même le bonhomme feu M. de Béthune41 fit tout ce qu'il put pour me témoigner sa joie. La présence de cet illustre personnage donnoit encore à la maison un ornement particulier ; son mérite et la réputation qu'il avoit acquise dans les emplois importants qu'il avoit eus, et principalement en deux ambassades où il avoit été à Rome, le rendoient vénérable à tout le monde ; il l'étoit encore bien davantage par l'estime que le roi, mon grand-père, en avoit faite, en le donnant pour gouverneur à feu M. le duc d'Orléans, mon oncle. L'habileté et les héroïques vertus qui ont acquis au roi Henri IV le surnom de Grand, et qui le rendent inimitable à ceux qui le suivront, font que son seul choix étoit capable de faire juger avantageusement d'un homme. Le comte de Béthune d'aujourd'hui42 n'est pas moins digne successeur des vertus, de la fidélité et de l'affection de son père pour la maison royale, qu'il l'est de son nom. Le bonhomme, qui conservoit encore dans son cœur l'ancienne passion qu'il avoit eue pour le service du roi son maître, témoigna sentir une consolation non pareille d'en voir renouveler la mémoire par la présence de sa petite-fille, et me fit bien connoître, par les sentiments que je lui vis, ceux qu'il avoit eus pour lui.

Je fus deux jours à Selles, d'où j'emportai force curiosités qu'il avoit eues à Rome, dont il me fit présent ; et puis je m'en retournai à Blois, que Monsieur quitta pour aller à Tours, où l'inclination qu'il avoit pour Louison Roger le menoit. Il me commanda de l'aller trouver deux jours après. Je n'y pus aller qu'après huit, à cause d'un peu de fièvre qui me survint. Ce retardement m'empêcha d'y voir madame de Chevreuse, qui en partit dans ce temps-là pour s'en aller en Espagne.

Je me rendis à Tours aussitôt que ma santé me le permit. Je me mis sur la rivière dans une petite galère qui étoit à Monsieur, qui l'avoit fait faire pour se promener, sur la Loire, et à laquelle rien ne manquoit de tout ce qui compose celles qui sont à la mer. Je me fis arrêter à trois lieues de la ville, et achevai le reste du chemin en carrosse. Je trouvai Monsieur dans une maison auprès de la ville, appelée la Bourdaisière, qui étoit préparée pour moi. Toutes les dames s'y étoient rendues, et Monsieur se donna la peine de me les présenter lui-même, surtout Louison, qui étoit brune, bien faite, de moyenne taille, fort agréable de visage, et de beaucoup d'esprit pour une fille de cette qualité, qui n'avoit pas été à la cour. Monsieur ne s'épargna point sur ses louanges, et me prépara à la bien traiter, et m'avertit qu'elle viendroit souvent me faire jouer, et qu'elle étoit d'âge à cela : elle avoit environ seize ans. Madame de Saint-Georges, qui étoit informée de la passion de Monsieur, lui demanda si cette fille étoit sage, parce qu'autrement, quoiqu'elle eût l'honneur de ses bonnes grâces, elle seroit bien aise qu'elle ne vint point chez moi. Monsieur lui en donna toute l'assurance, et lui dit qu'il ne le voudroit pas lui-même sans cette condition-là. J'avois dès ce temps-là tant d'horreur pour le vice, que je dis à madame de Saint-Georges : « Maman (je l'appelois ainsi), si Louison n'est pas sage, quoique mon papa l'aime, je ne la veux point voir ; ou s'il veut que je la voie, je ne lui ferai pas bon accueil. » Elle me répondit qu'elle l'étoit tout à fait, dont je fus très-aise. Elle me plaisoit fort, c'étoit une personne d'aussi agréable humeur qu'elle étoit aimable : ainsi je la vis souvent. Madame la marquise de Fourilles, qui étoit à Tours pendant le séjour que j'y fis, me vit aussi fort souvent : c'étoit une très-honnête femme, en la compagnie de qui je me plaisois infiniment. Quoique je dusse trouver plus de satisfaction avec des enfants de mon âge, quand je rencontrois des personne raisonnables qui étoient à mon gré, je quittois mes jeux et mes amusements pour les aller entretenir. Enfin là et à Blois je passois parfaitement bien mon temps ; c'étoit en automne : j'y avois le plaisir de la promenade. Monsieur y fit venir des comédiens, et nous avions la comédie presque tous les jours.

Monsieur eut affaire à Paris ; pendant son absence j'allai me promener à Richelieu. Le jour que je partis, j'allai dîner chez madame de Fourilles, à Fourchaut, maison fort agréable, où elle me donna un grand repas. Je passai ensuite dans un bourg appelé Champigny, qui m'avoit appartenu, et qui venoit de messieurs de Montpensier : c'étoit de leur vivant leur demeure de plaisir ; et ce qui me fit perdre cette terre, fut qu'elle étoit jointe à une autre dont Richelieu relevoit en partie. Le cardinal voulut l'avoir ; Monsieur n'osa le refuser, de sorte que, comme mon tuteur, il en fit en échange avec Bois-le-Vicomte, et contentit même à la démolition de ma maison, que le cardinal voulut être faite avant que d'exécuter l'échange. Monsieur donna les mains à tout par deux raisons : la première, parce que le cardinal étoit alors tout-puissant, et qu'il ne lui pouvoit résister ; et la seconde, parce que j'étois mineure, et que me relèverois, quand je serois en âge, de ce qu'il auroit fait ; qu'ainsi la destruction de ma maison ne me pouvoit pas être plus dommageable que l'échange, puisque, lorsque je me serois rétablie, j'obtiendrois sans doute le dédommagement de cette ruine. Pour preuve de l'abus que le cardinal fit en cela de son autorité, c'est que les ordres, aussi bien que le contrat que Monsieur signa pour cet échange, furent signés à Blois peu de jours après la mort de Puylaurens. L'on peut juger, après la violence exercée en la personne de son favori, avec quelle liberté le maître pouvoit agir ; et quand je n'aurois pas été mineure, cette seule circonstance, en bonne justice, pouvoit rendre nuls tous les actes faits dans un temps où la tyrannie régnoit si hautement, même sur les personne royales.

Arrivée à Champigny, j'allai d'abord à la Sainte-Chapelle, comme dans un lieu où la mémoire de mes prédécesseurs, qui l'avoient bâtie et fondée, sembloit m'obliger à ce devoir, afin d'y prier Dieu pour le repos de leurs âmes. Le cardinal de Richelieu avoit encore voulu faire abattre cette chapelle ; et, pour en avoir permission du pape, il exposa qu'elle étoit ruinée, et qu'on n'y pouvoit dire la messe. Urbain VIII, qui régnoit alors, et à qui la requête s'adressoit, se souvint que, pendant qu'il étoit nonce en France, il y avoit célébré la messe, et qu'elle étoit fondée par des personnages trop illustres, qui avoient laissé des héritiers qui l'étoient trop aussi, pour n'avoir pas eu le soin de conserver en édifice qui sert de monument à des princes dont la mémoire leur devoit être trop chère pour l'avoir ainsi négligée. Urbain rejeta la requête du cardinal, dont il fut fort fâché. Je crois que ma piété en ce lieu-là ne plut pas à madame d'Aiguillon, qui étoit venue jusque-là pour me recevoir. Ce qui lui fit plus de peine, fut que les habitants, encore mal consolés d'avoir changé de maître, sentirent renaître à ma vue la tendresse que la mémoire des bienfaits et des bontés de M. de Montpensier43 avoit imprimée dans leurs cœurs, et témoignèrent, par leurs larmes et par toutes les démonstrations possibles d'affection, la douleur de leur perte.

J'arrivai ce soir-là à Richelieu. Il y avoit à toutes les fenêtres de la ville et du château des lanternes de papier de toutes couleurs, dont toutes les lumières faisoient le plus agréable effet du monde. Je passai dans une fort belle rue, dont toutes les maisons sont des mieux bâties et pareilles les unes aux autres, et faites depuis peu ; ce qui ne doit pas étonner. MM. de Richelieu, quoique gentilshommes de bon lieu, n'avoient jamais fait bâtir de ville ; ils s'étoient contentés de leur village et d'une médiocre maison. C'est aujourd'hui le plus beau et le plus magnifique château que l'on puisse voir : la cour est d'une extraordinaire grandeur, où l'on voit en face un grand corps de logis, au milieu duquel est un dôme ; aux deux bouts, deux pavillons d'où sortent deux autres corps de logis qui règnent le long de la cour à droite et à gauche, et qui aboutissent à deux autres pavillons, qui ont communication l'un à l'autre par le moyen d'une terrasse qui est sur la porte par où l'on entre : le tout de la plus superbe manière qu'on puisse s'imaginer ; et ce qui donne une très-grande beauté à la cour de cette maison, ce sont des figures de bronze et toutes sortes de pièces de représentation les plus curieuses et les plus enrichies de l'Europe, qui sont autour dans des niches faites exprès dans les murailles.

Tout ce que l'on peut donner d'ornement à une maison se voit à Richelieu44 : ce qui ne sera pas difficile à croire, si on se représente que c'est l'ouvrage du plus ambitieux et du plus glorieux homme du monde, d'ailleurs premier ministre d'État, qui a longtemps possédé une autorité absolue dans les affaires. Il y a au haut du degré un balcon qui donne sur la cour, où sont deux esclaves en figure de bronze pris à Écouen, qui étoit à M. de Montmorency, que l'on tient les deux plus rare pièces de cette nature qu'on ait vues de notre siècle.45 L'escalier est encore fort beau ; pour le reste, c'est une chose inconcevable que les appartements répondent si mal pour leur grandeur à la beauté du dehors. J'appris que cela venoit de ce que le cardinal avoit voulu que l'on conservât la chambre où il étoit né. Pour ajuster la maison d'un gentilhomme au grand dessein d'un favori le plus puissant qui eût jamais été en France, vous trouverez que l'architecte devoit être empêché : aussi n'a-t-il su faire autrement que de très-petits logements, auxquels en récompense, soit pour la dorure, soit pour la peinture, il ne manque rien pour l'embellissement du dedans. Le cardinal y a fait travailler les plus célèbres peintres qui fussent alors à Rome et dans toute l'Italie.46 Les meubles y sont beaux et riches au delà de tout ce que l'on peut dire. Rien n'est égal à l'immense profusion de toutes les belles choses qui sont dans cette maison. Parmi tout ce que l'invention moderne a employé pour l'embellir, l'on voit sur la cheminée d'une salle les armes du cardinal de Richelieu telles qu'elles y ont été mises du vivant de son père, et que le cardinal a voulu qu'on y laissât, à cause qu'il y a un collier du Saint-Esprit, afin de prouver, à ceux qui sont accoutumés à médire de la naissance des favoris, qu'il étoit né gentilhomme de bonne maison. En cet article il n'a imposé à personne. J'ai ouï dire à de vieux domestiques de mon grand-père, qu'il faisoit cas de M. de Richelieu comme d'un homme de qualité : et pour lors les princes du sang ne vivoient pas si familièrement qu'ils font aujourd'hui ; c'est pourquoi l'on pouvoit juger de la qualité des gens par le traitement qu'ils en recevoient.

Revenons à mon sujet. Madame d'Aiguillon me reçut et me traita fort bien ; madame du Vigean47 et mademoiselle de Rambouillet48 lui aidèrent à fair l'honneur du logis. M. du Vigean49 que j'avois trouvé à Blois, où comme pensionnaire de Monsieur il étoit venu faire sa cour, m'avoit accompagnée pour la venir faire aussi à Richelieu : cela ne lui réussit pas ; je fus tout étonnée de voir sa femme embarrassée de sa présence, et que cela troublât la joie de ma visite. Madame d'Aiguillon me demanda pourquoi je l'avois amené ; je lui répondis qu'il ne m'avoit pas demandé permission de venir ; qu'il avoit accompagné Goulas, secrétaire des commandements de Monsieur, qui m'avoit suivie dans son carrosse avec un gentilhomme de Son Altesse Royale, nommé Chabot50, qui est à présent M. de Rohan, et qui étoit alors si mal dans ses affaires, qu'il étoit bien heureux d'avoir son ordinaire à la table de Goulas. Toutes les façons qui furent faites sur le sujet de M. du Vigean nous réjouirent fort, quand nous fûmes seules, Beaumont, Saint-Louis et moi, et même madame de Saint-Georges, que son âge n'empêchoit pas d'être de très-belle humeur.

Après avoir passé deux jours à Richelieu, dont les promenoirs ne sont pas si beaux que les bâtiments, parce que la nature a refusé a à ce lieu autant de grâce que l'art lui en a donné, nous partîmes pour Fontevrault, où madame d'Aiguillon voulut me suivre ; au moins en fit-elle le semblant, selon ce que nous jugeâmes depuis. Nous passâmes à Chavigny ; on nous y donna la collation ; nous étions à table, elle changea de couleur ; madame du Vigean lui tâta le pouls, et lui dit ces mots : « Ma chère, vous vous trouvez mal ; vous avez la fièvre. » Et elles s'entretinrent une demi-heure de discours patelins qui nous donnèrent autant de sujet de rire par les chemins jusqu'à Fontevrault, qu'avoit fait les jours précédents la venue de M. du Vigean. Il fut aisé de reconnoître que ce mal supposé n'étoit que pour avoir un prétexte de s'en retourner ; je la pressai fort de la faire, et elle prit congé de moi à Chavigny. Si elle se trouva heureuse d'être débarrassée de nous, je me trouvai bien soulagée de l'être de sa compagnie et de celle de madame du Vigean ; j'étois ennuyée au dernier point de toutes leurs façons de faire. L'embarras de madame d'Aiguillon venoit principalement de ce qu'elle étoit la nièce du favori, et de tous ses parents la plus considérée auprès de lui ; elle s'étoit tellement accoutumée aux respects de tout le monde, qu'elle avoit peine de se voir avec une personne à qui elle en devoit, et souffroit en son âme de n'oser donner la loi où j'étois.

Toute cette comédie nous fit gagner gaiement Fontevrault, où je fus accablée de caresses de l'abbesse,51 qui étoit fille naturelle du feu roi, mon grand-père, et de feu madame la maréchale de l'Hôpital, qui étoit lors madame des Essarts. La raison de la parenté fit croire à toutes les religieuses qu'elles étoient obligées de me témoigner plus de soins, et de s'empresser plus auprès de mois qu'auprès d'une autre de ma qualité ; elles croyoient même faire grand honneur de m'appeler la nièce de Madame (c'est ainsi qu'elles appellent l'abbesse) ; et cependant j'étois fatiguée de toutes leurs amitiés, et j'en aurois été malade, si la naïveté de la plupart de ces bonnes filles ne m'eût souvent bien divertie. Il fallut premièrement assister au Te Deum, essuyer diverses cérémonies qui durèrent bien longtemps, pendant lesquelles je n'eus d'autre occupation que de souhaiter rencontrer une folle dont j'avois ouï parler ; de quoi j'eus bientôt satisfaction par une assez plaisante aventure.

J'étois arrivée tard, de sorte que les cérémonies furent si longues que le temps étoit devenu obscur. Quand j'entrai dans l'église, Beaumont et Saint-Louis, au lieu de me suivre, allèrent se promener dans les cours de la maison, où elles entendirent des cris horribles. Beaumont eut peur et voulut s'enfuir, Saint-Louis la rassura et lui dit qu'il falloit voir ce que c'étoit. Elles s'avancèrent vers le lieu où elles avoient entendu ce bruit ; elles trouvèrent une folle enfermée dans un cachot, où il y avoit une fenêtre d'où l'on ne lui pouvoit voir que la tête. Cette pauvre créature étoit toute nue, et après qu'elles eurent eu quelque temps le plaisir de son extravagance, pour me divertir elles vinrent m'avertir ; je laissai l'entretien de madame l'abbesse ; je pris ma course vers ce cachot, et n'en sortis que pour souper. Je fis méchante chère ; et, crainte de souffrir le même traitement le lendemain, je priai ma tante de permettre que mes officiers m'apprêtassent à manger au dehors ; elle les envoya chercher pour s'en servir, de sorte que ce jour-là, et les autres qui suivirent, on dîna mieux.

Madame de Fontevrault me régala ce jour-là d'une seconde folle. Comme il n'y en avoit plus pour un autre jour, l'ennui me prit ; je m'en allai, malgré les instances de ma tante. Tous les hommes qui étoient à ma suite entrèrent dans l'abbaye durant les deux jours que j'y fus, à cause du privilége qu'ont toutes les princesses du sang de faire entrer qui bon leur semble dans les abbayes de fondation royale. Celle-là est d'une dignité bien extraordinaire : l'abbesse est chef d'ordre, avec pareil pouvoir et juridiction sur les couvents d'hommes de l'ordre de Fontevrault que sur ceux des filles, et ne reconnoît aucune puissance ecclésiastique que le pape. La grandeur de la maison répond bien à une si célèbre abbaye. Ce sont trois couvents dans une même clôture, qui ont chacun une église où on officie séparément, comme si c'étoient trois maison séparées et éloignées les unes des autres. Il y a bien des villes en France où l'enceinte n'est pas si grande que l'enclos de cette abbaye, où il ne paroît pas tant de bâtiments qu'il y en a ; aussi remarque-t-on qu'elle a presque toujours été possédée par des princesses, la plupart du sang, ou bâtardes de la maison royale.

J'allai de Fontevrault à Saumur entendre la messe à Notre-Dame des Ardillières, lieu fort renommé par la quantité de miracles qui s'y sont faits et qui s'y font encore souvent. Je dînai là, et après je continuai mon chemin jusqu'à Bourgueil, abbaye qui appartenoit alors à M. l'archevêque de Reims52, de la maison de Valençay. Le logement y est assez beau : ce qu'il y a de plus agréable est que c'est le lieu du monde dans la plus belle situation qui se puisse rencontrer. Il me plut tant, que j'y demeurai cinq à six jours, durant lesquels M. de Vendôme et messieurs ses enfants me vinrent visiter ; ils y amenèrent bien des chiens courants pour me donner le plaisir de la chasse, et l'on ne pouvoit pas mieux réussir dans leur dessein. Après avoir vu passer plusieurs fois le cerf dans les forêts de Bourgueil, je le vis encore longtemps se défendre des chiens dans un étang, et se sauver. Cela fit perdre l'espérance de le revoir ; on crut la chasse bien loin ; je m'en revins à Bourgueil, où je n'eus pas plutôt monté l'escalier, que le cerf et les chiens entrèrent dans la cour, où la chasse finit à mes yeux, et j'eus même fort commodément le plaisir de voir la curée, qui se fit sur-le-champ.

Je retournai ensuite à Tours dans le temps que je crus que Monsieur y devoit revenir ; je ne l'y trouvai pas, et après l'avoir attendu deux jours entiers, j'appris qu'il viendroit droit à Blois, et je m'y en allai. Je passai par Chenonceaux, ancienne maison de la plus extraordinaire figure que l'on puisse voir. C'est une grande et grosse masse de bâtiment sur le bord de la rivière du Cher, auquel tient un grand corps de logis de deux étages, bâti sur un pont de pierre qui traverse la rivière. Tout ce corps de logis ne compose que deux galeries, qui sont par ce moyen dans un aspect fort agréable. Il ne manque à cette maison qu'un maître qui voulût y faire la dépense de la peinture et de la dorure que mériteroient ces deux pièces ; les appartements de la maison, quoique d'un antique dessin, sont néanmoins assez beaux. Pour les jardinages, il n'y manque que ce que l'on n'y veut pas faire ; les eaux, les bois et toute la disposition naturelle qu'on peut souhaiter s'y trouvent le plus heureusement qu'il est possible. Ce lieu appartient à M. de Vendôme, et lui est venu de la maison de Lorraine par la reine Louise,53 sœur de M. de Mercœur54, qui depuis la mort de Henri III y avoit toujours fait sa demeure ; l'on y voit encore sa chambre et son cabinet, qu'elle avoit fait peindre de noir semé de larmes, d'os de morts et de tombeaux, avec quantité de devises lugubres. L'ameublement est de même ; il n'y a pour tout ornement dans cet appartement qu'un portrait en petit de Henri III sur la cheminée du cabinet.

De là je fus à Blois, où, lorsque Monsieur fut de retour de Paris, nous eûmes les comédiens et les autres divertissements que nous avions eus à Tours. Nous y passâmes la Toussaint, et après Monsieur alla célébrer la Saint-Hubert à Amboise, où il me mena. Je logeai hors de la ville, dans une maison appelée le Clos, qui appartenoit à un M. d'Amboise,55 qui a été maréchal de camp et gouverneur de Trin56 pour le roi. Les dames de Tours vinrent voir cette fête ; la chasse ne fut pas si divertissante que celle de Bourgueil. Quand la fête fut passée, Monsieur alla coucher à Chenonceaux où je le suivis, et où M. de Beaufort nous donna un souper de huit services de douze bassins57 chacun, et si bien servi, que quand ç'auroit été à Paris, l'on n'auroit pu rien faire de mieux ni de plus magnifique. Le lendemain nous retournâmes à Blois, où je ne fis pas grand séjour, à cause de la saison qui commençoit à se sentir de l'hiver ; et quand je pris congé de Son Altesse Royale, ce ne fut pas sans verser beaucoup de larmes, et sans recevoir beaucoup de déplaisir, que Monsieur ressentit aussi de son côté.

J'ai oublié de remarquer que, pendant que j'étois à Tours, une de mes femmes de chambre eut la petite vérole ; ce qui m'obligea d'aller loger à l'archevêché où étoit Monsieur, que par ce moyen je voyois plus souvent que lorsque j'étois à la Bourdaisière, quoiqu'il se donnât la peine d'y venir tous les jours. La commodité d'être dans une même maison donnoit plus d'occasions de se voir, et principalement les soirs, bien que je fusse retirée dès sept heures, ainsi qu'il arrive à tous les enfants de dix ans. Monsieur ne revenoit jamais de ses visites qu'il ne passât à ma chambre ; il me faisoit éveiller, et se doutoit bien que j'aurois plus de plaisir à le voir qu'à dormir ; et après avoir appelé madame de Saint-Georges, Beaumont et Saint-Louis, il nous entretenoit de toutes ses aventures passées, et cela fort agréablement, comme l'homme du monde qui a le plus de grâce et de facilité naturelle à bien parler. Je le mettois le plus souvent qu'il m'étoit possible sur le chapitre de ma belle-mère, pour qui je me sentois beaucoup d'amitié : même nous nous écrivions, et je puis dire avec vérité, qu'après avoir parlé d'elle en plusieurs occasions à Son Altesse Royale, personne ne la servit auprès de lui plus utilement que moi. Nous lui fîmes conter un jour comme il en étoit devenu amoureux, et Puylaurens de madame de Phalsbourg58. Beaumont, qui parle franchement et avec liberté, lui dit : « Avouez que ce fut l'amour de votre favori qui vous maria et non pas le vôtre. » Il n'y répondit rien, sinon qu'il m'a dit depuis plusieurs fois que, depuis la mort de ma mère, il n'avoit jamais goûté aucune des propositions de mariage qu'on lui avoit faites, que celle de madame la princesse Marguerite de Lorraine59. Il se trouva ensuite en Lorraine : la beauté de cette princesse, qui n'avoit alors que quatorze ans, fit tant d'effet sur son inclination, qu'il résolut de l'épouser et d'en parler à M. de Vaudemont, son père, qui y consentit aussitôt, et l'avertit seulement qu'il falloit cacher ce dessein à M. le duc de Lorraine, son frère, parce qu'il n'y consentiroit pas ; de sorte que, sans éventer l'affaire, d'accord avec la princesse Marguerite, il alla l'épouser dans un couvent de religieux de l'ordre de Saint-Benoît, que madame de Remiremont, sœur de M. de Vaudemont,60 avoit fait bâtir à Nancy. Cela fut exécuté à sept heures du soir ; il n'y avoit avec eux deux que M. de Vaudemont, madame de Remiremont, M. de Moret, frère naturel de Son Altesse Royale, Puylaurens, la gouvernante de la princesse Marguerite, qui s'appeloit, si je ne me trompe, madame de La Neuvillette, et le père bénédictin qui les maria. M. de Lorraine ne le sut pas plus tôt qu'il en fut au désespoir ; ce qui est assez digne d'étonnement, vu la qualité du parti. J'ai su depuis, par lui-même, que ce qui l'y avoit rendu contraire étoit qu'il étoit alors amoureux de la reine, et en grande intelligence avec elle ; il lui avoit promis d'empêcher ce mariage, comme contraire au dessein qu'elle avoit d'épouser Monsieur. Elle fondoit cette pensée sur ce qu'elle n'avoit pas d'enfants ; et, voyant la santé du roi presque toujours altérée, elle croyoit être bientôt en état de se remarier, et que l'amitié qui étoit entre elle et Monsieur lui devoit faire espérer qu'il l'épouseroit. Toutefois j'ai ouï dire à Son Altesse Royale, que, quand son frère seroit mort lors de son veuvage, il ne l'auroit pas épousée, si cela ne fût arrivé durant un certain temps, qui fut environ l'espace de deux ou trois mois au plus qu'il avoit été amoureux d'elle.

Je reviens à mon voyage, dont je me suis écartée pour dire ce qui auroit sûrement moins ennuyé que le récit des gîtes du grand chemin d'Orléans à Paris. Je ne parlerai pas de ce que fis à La Motte, en Sologne, qui appartient à M. l'archevêque de Bourges61 de la maison de Ventadour, qui en étoit alors abbé. Il m'avoit priée d'aller en sa maison de La Motte, et me prépara tellement y être bien traitée, qu'il me dit que je n'aurois pas besoin d'y faire aller mes officiers. Sur sa parole, j'envoyai droit à Orléans ceux que Monsieur m'avoit fait donner. J'ai déjà dit que je n'en ai pas eu d'autres dans tout le voyage que les gardes et un exempt, qui ne m'avoient point quittée non plus que le reste. Ce logement ne devoit pas moins surprendre que la mauvaise chère : ce prétendu château, dont les fossés n'étoient presque que tracés, ne consistoit qu'en un petit pavillon où il n'y avoit qu'une salle et une chambre à côté, où toute ma compagnie et mes femmes couchèrent. Je crois que nous étions plus de vingt qui passâmes la nuit dans ces deux lieux-là, et qu'il n'y en avoit guère moins dans une chambre où l'on avoit mis mes gens. Après avoir remercié M. l'abbé de la charité qu'il avoit eue pour les officiers et les gardes de Son Altesse Royale, de leur avoir fait épargner ce gîte, je lui demander où étoient ces appartements dont il m'avoit parlé ; il envoya sans me répondre chercher un plan qui étoit peint sur une toile, où il fit voir une fort belle représentation de maison ; et cependant je n'y trouvai pas tant de commodités en peinture que j'avois reçu d'incommodités en effet. Elles furent accompagnées d'un si mauvais souper, que nous ne fûmes guère plus rassasiés que s'il nous l'eût aussi donné en peinture. Si ce régal ne chargea pas l'estomac, il épanouit bien la rate, et la franchise de M. l'abbé valoit mieux que tout le reste.

Je suivis de là le grand chemin jusqu'à Paris, où je me reposai peu de jours. Je ne manquai pas d'aller incontinent après à Saint-Germain saluer Leurs Majestés, qui me firent de grandes caresses, et qui reçurent avec joie chacun une montre de Blois que leur présentai : celle du roi étoit très-petite, émaillée de bleu ; celle de la reine étoit aussi émaillée, et c'étoient des figures selon l'usage de ce temps.

Je passai l'hiver à Paris de la même sorte que j'avois fait les autres. J'allois aux assemblées que madame la comtesse de Soissons62 faisoit faire à l'hôtel de Brissac deux fois la semaine : leurs divertissements ordinaires étoient les comédies ; j'aimois fort à danser : l'on y dansa souvent pour l'amour de moi, et celle qui y prenoit le plus de part étoit mademoiselle de Longueville. Nous avions, elle et mois, l'habitude de nous moquer de tout le monde, quoiqu'il eût été fort aisé de nous le rendre ; nous étions habillées aussi ridiculement qu'on le pouvoit être, il n'y a grimace au monde que nous ne fissions, encore que sa gouvernante et la mienne nous en fissent toutes les réprimandes imaginables. Le seul moyen de nous en empêcher fut de nous défendre de nous voir : Il étoit notoire que cette privation nous seroit rude, à cause de la grande amitié que nous avions l'une pour l'autre. Madame la Princesse63 et madame de Longueville64, pour lors mademoiselle de Bourbon, qui étoient à Paris, ne venoient point à nos bals ; dont j'avois une extrême joie, parce que j'avois en ce temps-là la dernière aversion pour l'une et pour l'autre.

Vers la fin de l'hiver (décembre 1637), la reine devint grosse ; elle désira que j'allasse demeurer à Saint-Germain. Durant sa grossesse, dont l'on fit beaucoup de mystère, le cardinal de Richelieu, qui n'aimoit point Monsieur, n'étoit pas bien aise que personne qui lui appartînt fût auprès de Leurs Majestés ; et quoiqu'il m'eût tenue sur les fonts de baptême avec la reine, quoiqu'il me dît, toutes les fois qu'il me voyoit, que cette alliance spirituelle l'obligeoit à prendre soin de moi, et qu'il me marieroit (discours qu'il me tenoit ainsi qu'aux enfants, à qui on redit incessamment la même chose), quoiqu'il témoignât avoir beaucoup d'amitié pour moi, l'on eut néanmoins bien de la peine à lever tous les scrupules que sa méfiance lui faisoit avoir. Quand il eut consenti à mon voyage, j'allai à Saint-Germain avec une joie infinie. J'étois si innocente, que j'en avois de voir la reine dans cet état, et que je ne faisois pas la moindre réflexion sur le préjudice que cela faisoit à Monsieur, qui avoit une amitié si cordiale pour elle et pour le roi, qu'il ne laissa pas d'en être aise et de le témoigner. L'assiduité que j'avois auprès de la reine m'en faisoit recevoir beaucoup de marques de bonté, et elle me disoit toujours : « Vous serez ma belle-fille ; » mais je n'écoutois de tout ce que l'on me disoit que ce qui étoit à la portée de mon âge.

 

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NOTES

1. La mère de Mademoiselle était Marie de Bourbon, héritière de la maison de Montpensier.

2. La reine d'Espagne, dont parle Mademoiselle, est Élisabeth, fille de Henri IV et de Marie de Médicis ; elle était née le 2 novembre 1602 ; elle épousa Philippe IV, roi d'Espagne, le 18 octobre 1615, et mourut le 6 octobre 1644.

3. Henriette de France, fille de Henri IV et de Marie de Médicis ; elle était née le 25 octobre 1609, et avait épousé Charles Ier, roi d'Angleterre, le 11 mai 1625 ; elle mourut le 10 septembre 1669.

4. Christine de France, fille de Henri IV et de Marie de Médicis ; elle était née le 10 février 1604 ; elle avait épousé Victor-Amédée, duc de Savoie, le 10 février 1619, et mourut le 27 décembre 1663.

5. Marie de Médicis.

6. Jeanne de Harlay, marquise de Saint-Georges. Son fils, Paul de Clermont, marquis de Montglat, a laissé des Mémoires fort intéressants sur les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. Il dit en parlant de madame de Montglat, mère de la marquise de Saint-Georges : « Tous ces princes (les fils et filles de Henri IV) furent élevés par madame de Montglat, femme de grand mérite et vertu. »

7. Nicolas, duc d'Orléans, second fils de Henri IV, né en 1607, mourut en 1611.

8. Henriette-Catherine, duchesse de Joyeuse, mariée en premières noces à Henri de Bourbon, duc de Montpensier, et en secondes noces à Charles de Lorraine, duc de Guise.

9. Marie de Médicis fut disgraciée en 1630, après la journée des dupes.

10. Jean-Baptiste-Gaston, duc d'Orléans, fils de Henri IV et de Marie de Médicis, né en 1608, mort en 1660. Il est ordinairement désigné sous le nom de Monsieur.

11. Jacques Favier, baron de Méry-sur-Seine. On a changé son nom, dans les anciennes éditions, en celui de Savier.

12. Jean-Antoine de Mesmes, seigneur d'Irval ; il était maître des requêtes en 1630 ; il ne devint conseiller d'État qu'en 1642, à la mort de son père, Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy.

13. Cette cérémonie eut lieu le 15 mai 1633. Voy. l'Appendice.

14. Anne d'Autriche, fille du roi d'Espagne Philippe III, mariée à Louis XIII en 1615, morte le 20 janvier 1666.

15. Les Mémoires de Mademoiselle furent écrits après la Fronde, lorsque Gaston d'Orléans était exilé à Blois.

16. Je n'ai pas l'intention de relever les erreurs de texte que j'ai cherché à rectifier. Je dois cependant prévenir que c'est avec intention que j'ai changé mesdames, que portent les éditions les plus répandues en mesdemoiselles; il s'agit en effet ici de jeunes personnes qui étaient à peu près de l'âge de Mademoiselle, telles que Marie d'Orléans (mademoiselle de Longueville, née en 1625) ; Anne-Louise-Christine de Foix de la Valette d'Épernon, qui se fit religieuse aux Carmélites de la rue Saint-Jacques, sous le nom de sœur Anne-Marie de Jésus; Marie de Brissac, et ses sœurs Anne-Ursule, Élisabeth et Marguerite-Guyonne.

17. Les filles de M. de Gramont étaient Suzanne-Charlotte, qui devint plus tard marquise de Saint-Chaumont ; Anne-Louise, dans la suite marquise de Feuquières ; Françoise-Marguerite, et Charlotte-Catherine. Mademoiselle de La Ville-aux-Clercs était Marie-Antoinette de Loménie de Brienne, fille du comte de Brienne, seigneur de la Ville-aux-Clercs.

18. Il s'agit probablement de Madeleine-Thérèse de Lannoi ou Lannoy, fille de Claude de Lannoi, comte de la Moterie, mort en 1643.

19. Le comte du Lude (Timoléon de Daillon) avait deux filles : Françoise, qui épousa Louis de Bretagne, comte d'Avaugour et de Vertus ; et Charlotte-Marie, qui devint duchesse de Roquelaure en 1653, et mourut l'année suivante.

20. Charlotte Séguier, qui épousa, en 1639, Maximilien de Béthune, duc de Sully, et en secondes noces Henri de Bourbon, duc de Verneuil. La fille aînée du chancelier, Marie Séguier, était déjà mariée à l'époque dont parle Mademoiselle.

21. Charlotte de Rancé, fille aînée de Denis de Rancé et de Charlotte Joly de Fleury, épousa dans la suite René de Faudoas, comte de Belin, et après sa mort Gilbert-Antoine, comte d'Albon ; une de ses sœurs, Marie de Rancé, épousa François de Rochemontais. Elles avaient pour frère le célèbre abbé de la Trappe, Armand-Jean de Rancé.

22. Guy Chabot, baron de Jarnac, eut de son second mariage avec Marie de la Rochefoucauld, trois filles, Claire, Charlotte et Marie, qui se firent religieuses.

23. Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, principal ministre de 1624 à 1642.

24. Marie-Madeleine Wignerod, née en 1604 ; mariée en 1620 à Antoine du Roure de Combalet, morte en 1675.

25. Gaston d'Orléans rentra en France le 8 octobre 1634.

26. Plis des fraises et collerettes.

27. Claire-Clémence de Maillé-Brézé, qui épousa dans la suite Louis de Bourbon, prince de Condé.

28. Antoine de Laage, sieur de Puylaurens, fut récompensé d'avoir ramené en France Gaston d'Orléans pour son mariage avec mademoiselle de Pontchâteau, qui était cousine du cardinal de Richelieu et non sa nièce, comme le dit Mademoiselle. Ce mariage eut lieu le 28 novembre 1634.

29. Puylaurens fut arrêté le 4 février 1635, d'après les mémoires d'André d'Ormesson ; voy. l'Appendice II. Il mourut à Vincennes le 1er juillet suivant.

30. Louis de Bourbon, comte de Soissons, qui fut tué en 1641 au combat de la Marfée.

31. Deux gentilshommes de ce nom, Alexandre et Henri Campion, ont joué un rôle important pendant la minorité de Louis XIV. Il s'agit ici d'Alexandre Campion, qui fut successivement attaché à Louis de Bourbon, comte de Soissons, au duc de Vendôme et au duc de Longueville. Il a laissé des lettres qui ont quelque intérêt pour l'histoire de cette époque.

32. On désignait ordinairement par ce titre le comte de Soissons.

33. Marie de Rohan, née en 1600, mariée en 1617 au duc de Luynes, morte en 1679. Voy. l'ouvrage de M. Cousin intitulé Madame de Chevreuse.

34. La reine Anne d'Autriche fut interrogée par le chancelier, Pierre Séguier, le 24 août 1637. Richelieu voulait s'assurer des relations que cette princesse entretenait avec les ennemis de la France. On trouvera les pièces relatives à ces interrogatoires dans l'ouvrage de M. Cousin.

35. Mademoiselle de Saint-Louis et mademoiselle de Beaumont se signalèrent dans la suite par leur opposition à Mazarin. «  Mademoiselle de Beaumont, dit madame de Motteville, étoit une fille hardie, dont l'esprit étoit grand, rude, sans règle. Elle blâmoit le gouvernement avec si peu de précaution, que souvent elle trouvoit des espions où elle croyoit avoir le plus de sûreté, et, quoique ses qualités fussent mêlées avec de beaux sentiments, comme ce vaisseau étoit sans pilote, il étoit facile qu'il fît naufrage. »

36. Nicolas le Bailleul ou de Bailleul, président au parlement de Paris, surintendant des finances pendant les premières années du ministère de Mazarin, mourut en 1651.

37. Ancien nom de Pithiviers.

38. Henri de la Ferté-Senneterre ou Saint-Nectaire, maréchal de France en 1651, mort en 1681.

39. César, duc de Vendôme, fils naturel de Henri IV. Son fils aîné était Louis de Vendôme, duc de Mercœur ; son second fils, François, duc de Beaufort, qui joua un rôle important dans la Fronde.

40. Marie d'Aligre, que Philippe de Béthune avait épousé en secondes noces.

41. Philippe de Béthune, comte de Selles et de Charost, frère puiné du duc de Sully ; il mourut en 1649 à l'âge de 88 ans.

42. Hippolyte de Béthune, né à Rome en 1603, mort en 1665. Il avait formé une précieuse collection de manuscrits, qui se trouve maintenant à la Bibliothèque impériale [nationale].

43. Henri de Bourbon, duc de Montpensier, né le 12 mai 1563, mort le 27 février 1608. Sa fille unique, Marie de Bourbon, épousa, le 6 août 1626, Gaston d'Orléans et donna naissance à Mademoiselle le 29 mai 1627.

44. Voy. une minutieuse description du château de Richelieu en prose et en vers intitulée : Le château de Richelieu, ou l'histoire des dieux et des héros de l'antiquité, par Vignier (Saumur, chez Desbordes, 1676, in-8).

45. Ces statues données à François Ier par Robert Strozzi, puis par le roi au connétable de Montmorency, sont maintenant conservées au musée du Louvre.

46. La Fontaine a longuement décrit des merveilles du château de Richelieu. Voy. Nouvelles œuvres diverses de J. la Fontaine (Paris, 1820, Nepveu), p. 48 et suiv.

47. Anne de Neufbourg, femme de François Poussard du Vigean. Il est très-souvent question dans les Œuvres de Voiture de la baronne du Vigean, de son mari et de ses filles, et surtout de la cadette, Marthe du Vigean. Entre autres passages, on peut citer les strophes suivantes :

Vigean est un soleil naissant,
Un bouton s'épanouissant,
Ou Vénus, qui sortant de l'onde,
Brûle le monde.
 
Sans savoir ce que c'est qu'amour,
Ses beaux yeux le mettent au jour
Et partout elle fait naître,

Sans le connaître.

Voy. les Œuvres de Voiture publiées par M. Ubicini (Paris, Charpentier), t. II, p. 356.

48. Julie-Lucine d'Angennes, née en 1607, mariée à M. de Montausier en 1647, morte le 15 novembre 1671. Voiture, ibid.,

Rambouillet, avec sa fierté,
A certain air dans sa beauté, etc.

49. François Poussard de Fors du Vigean. Voiture joue sur le nom de Fors en parlant d'Anne du Vigean, fille aînée du baron du Vigean (ibid., p. 355).

50. Henri Chabot, seigneur de Sainte-Aulaye, épousa, en 1645, Marguerite de Rohan et prit le nom de Rohan-Chabot.

51. Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille de Henri IV et de Charlotte des Essarts, dame de Romorantin.

52. Léonor d'Estampes ou d'Étampes, d'abord évêque de Chartres, puis archevêque-duc de Reims, abbé de Bourgueil et de Saint-Martin de Pontoise, mort à Paris le 8 avril 1651.

53. Louise de Lorraine, née le 30 avril 1553, mariée le 15 février 1575 à Henri III, morte sans postérité le 29 janvier 1601.

54. Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, était fils, comme la reine Louise, de Nicolas de Lorraine.

55. On trouve à cette époque un François d'Amboise, comte d'Aubijoux, qui mourut en 1665.

56. Trin ou Trino, ville du Piémont (autrefois comté de Montferrat), près du Pô. Elle fut prise sur les Espagnols le 27 septembre 1643.

57. Vases de diverses formes où l'on plaçait toute espèce de mets.

58. Henriette de Lorraine, mariée en 1621 à Louis, prince de Phalsbourg et de Lixen.

59. Marguerite de Lorraine, née en 1613, mariée le 31 janvier 1632 à Gaston d'Orléans, morte le 3 avril 1672.

60. François de Lorraine, comte de Vaudemont, mort le 15 octobre 1632.

61. Anne de Levi ou Levy, archevêque de Bourges, mort le 12 mars 1662.

62. Anne de Montafié, femme de Charles de Bourbon, comte de Soissons, et mère de Louis de Bourbon, qui fut aussi comte de Soissons.

63. Henriette-Charlotte de Montmorency, célèbre par sa beauté et par la passion qu'elle avait inspirée à Henri IV.

64. Anne-Geneviève de Bourbon, née en 1619, morte en 1679.

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1858. T. I, Chap. I : p. 1-38.


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