Boo the Cat

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CHAPITRE IX.

(1651)

J'avois fait dessein de me coucher de bonne heure, m'étant levée fort matin : ce que je ne fis pas. Car, comme je me déshabillois, l'on vint me dire qu'il y avoit grande rumeur dans la ville. La curiosité me prit d'aller sur une terrasse, qui est aux Tuileries, où je logeois : elle regarde de plusieurs côtés. Il faisoit lors beau clair de lune ; je vis au bout de la rue, à une barrière du côté de l'eau, des cavaliers qui gardoient la barrière pour favoriser la sortie de M. le cardinal par la porte de la Conférence,1 contre lesquels des bateliers s'étant mis à crier, force valets et mes violons, qui sont soldats, quoique ce ne soit pas leur métier, allèrent chasser les cavaliers de la barrière ; il y eut force coups tirés. Comme je vis du feu et que j'entendis des coups, j'envoyai pour faire retirer mes gens ; ce qui fut impossible, n'ayant pour lors pas un honnête homme2 dans le logis ; car ils s'étoient allés coucher croyant que j'étois retirée. Ce grand bruit alla jusqu'à mon écurie, de sorte qu'il vint du monde, mais trop tard ; car il étoit arrivé du désordre, dont j'eus beaucoup de déplaisir. Ils prirent un prisonnier à cette belle occasion ; il se trouva que c'étoit M. de Roncherolles, gouverneur de Bellegarde. Je marchandai si je le devois laisser aller. Après je songeai que Bellegarde n'étoit pas un lieu où M. le cardinal se pût retirer : j'envoyai un gentilhomme le querir, nommé La Guérinière, et je lui fis force excuses de ce qui étoit arrivé, et en sa présence j'envoyai [querir] mes gens ; et les voyant, il jugea bien qu'il n'étoient pas auteurs de ce désordre, et que je n'étois pas en pouvoir de l'empêcher. Je ne laissai pas de les fort gronder, et je le priai de témoigner le déplaisir que j'en avois.3 Je la fis accompagner pour sa sûreté par mes gens jusque hors la ville ; il dit à La Guérinière : « M. le cardinal devoit passer par ici ; mais ayant un homme avec moi, je l'ai envoyé avertir de prendre un autre chemin. »

L'on avoit pris en même temps d'Estrades,4 gouverneur de Dunkerque, en qui M. le cardinal avoit beaucoup de confiance : ce qui me le fit garder jusqu'à ce que j'eusse su de Monsieur ce que j'en ferois. J'y envoyai Préfontaine, mon secrétaire, et avertir aussi que M. le cardinal étoit sorti, et qu'un de mes valets de pied l'avoit vu passer en habit gris, et qu'il avoit pris le chemin de la porte de Richelieu.5 Mais cet avis n'étoit pas une nouvelle pour Monsieur ; car il savoit bien que M. le cardinal devoit s'en aller, et il avoit promis à la reine que l'on n'iroit point après lui. Il me manda de laisser aller M. d'Estrades, que j'avois fait mener dans le gros pavillon des Tuileries, afin que, si l'on venoit me le demander de la part du roi, je pusse dire : « Il n'est plus ici, » et mander en même temps à La Guérinière, à qui je l'avois donné en garde, de le mener par le Pont-Rouge6 à Luxembourg. Je trouvai que Monsieur avoit bien de la bonté de le laisser aller : car le retenant, il étoit maître de Dunkerque, le lieutenant de roi, nommé Saint-Quentin, étant son domestique, homme d'esprit, et qui eût bien servi Son Altesse royale. Mais j'obéis à ses commandements. Je ne voulu point voir d'Estrades ; car, l'ayant tenu plus longtemps que Roncherolles, il me sembla qu'il se devoit plaindre de moi, et que les personnes de ma naissance ne doivent point voir les captifs, que pour donner la liberté. J'envoyai Préfontaine pour la lui donner, et lui faire des compliments de ce que je ne l'avois pas vu ; mais que j'étois déshabillée.

L'on eut peur que le roi ne sortît de Paris : les bourgeois prirent les armes et firent garde aux portes, et, comme il y avoit quantité des officiers des troupes de M. le Prince et même de leurs cavaliers, ils mettoient des gardes de cavalerie aux avenues du Palais-Royal, et battoient l'estrade toute la nuit et arrêtoient les passants. Un soir, en revenant de Luxembourg, une vedette m'arrêta sur le quai ; je lui demandai qui il étoit, il me répondit : « Je suis des chevau-légers de M. le Prince, et j'ai ordre de M. de Guitaut de ne laisser passer personne. » Je lui dis : « Quoi ! vous ne me connoissez pas ? » Il me dit qu'il me connoissoit bien ; mais qu'il croyoit que ne trouverois pas mauvais qu'il obéit exactement à ce qui lui étoit commandé, et enfin me laissa passer. Tous les gens du roi et de la reine mouroient de peur de s'en aller, de sorte que l'on avoit cent avis tous les jours des desseins que Leurs Majestés avoient de se sauver, et des déguisements qu'ils destinoient pour cela ; jamais je n'ai rien vu de si plaisant. Monsieur envoyoit tous les soirs Des Ouches,7 qui étoit à lui, donner le bonsoir à la reine, et avoit ordre de voir le roi, afin de détromper les gens qui disoient qu'ils s'en vouloient aller. Jugez comme ce compliment étoit agréable à la reine ! L'on menoit Des Ouches chez le roi, qui le voyoit dans son lit ; quelquefois il revenoit deux fois, et même le réveilloit en tirant son rideau. La reine s'en est fort bien souvenue ; à dire le vrai, ce sont de ces choses qui ne s'oublient guère.

J'allois pendant ce temps-là tous les jours à Luxembourg. Le lendemain que M. le cardinal fut parti, je trouvai le carrosse de Monsieur dans la cour ; cela me surprit ; l'on me dit que c'étoit pour aller chez la reine. Il y avoit beaucoup de gens qui lui conseilloient de faire cette visite. Pour moi, je n'étois pas de leur avis ; [je] le priai de toute ma force de n'y pas aller, et [lui dis] que le péril étoit bien plus grand, M. le cardinal étant parti ; que quand l'on arrêteroit, on diroit : « Il ne s'en faut plus prendre à M. le cardinal ; car il n'y est plus, » et qu'il devoit attendre que M. le Prince fût revenu. Il écoutoit volontiers mon avis, parce qu'il donnoit dans son sens ; car il est fort soupçonneux aussi bien que moi. Il me semble que l'on ne sauroit blâmer ceux qui le sont sur une chose aussi chère que la liberté. L'on lui disoit que la reine auroit grand sujet de se plaindre, et qu'elle pourroit l'accuser d'avoir de grands desseins, ayant de telles craintes, puisqu'il avoit dit que, dès que le cardinal seroit sorti, il iroit au Palais-Royal, et que n'y allant point, il montreroit que ce n'étoit qu'un prétexte. Mais, comme il disoit qu'il n'y vouloit point aller que M. le Prince ne fût venu, les gens raisonnables trouvoient qu'il avoit grand raison ; car pour les préoccupés, ils ne trouvent jamais que l'on ait [raison], si l'on n'est aussi préoccupé qu'eux.8

La nouvelle de la sortie de M. le Prince9 du Havre réjouit tout le monde. Pour moi, elle me réjouit doublement : car je l'étois de la chose et de connoître par elle le pouvoir que j'avois sur moi, d'avoir été, dès que je l'avois voulu, de la haine à l'amitié. Avec cette nouvelle, celle de l'arrivée de M. le cardinal au Havre vint, qui donna assez de matière de songer aux spéculatifs, aussi bien qu'à ceux qui ne l'étoient pas. Je ne sais pas même si Monsieur n'en fut point inquiet ; mais quoiqu'il en fût, il ne laissa pas d'aller au Palais-Royal. La reine étoit sur son lit : il s'assit et lui parla de toutes choses ; je pense qu'il lui fit quelque compliment en entrant. J'arrivai un peu après lui, dont la visite fut assez courte, aussi bien que la mienne. Car l'on est assez embarrassé avec des gens, à qui l'on sait avoir mis le poignard dans le cœur ; et, connoissant la reine, comme je fais, je ne pouvois douter, après la manière dont elle m'avoit parlé de M. le cardinal, toutes les fois qu'elle avoit craint que Monsieur de le poussât, des sentiments qu'elle avoit à l'heure qu'il l'avoit fait.

M. le Prince arriva le lendemain. Monsieur alla au-devant de lui jusqu'à Saint-Denis ; et, de toute la cour, il ne resta au Palais-Royal que des femmes et des mazarins ; car l'on commença lors à appeler ses amis ainsi. Tout le chemin de Saint-Denis à Paris étoit bordé de carrosses ; jamais l'on n'a vu une joie si grande que celle que tout le peuple témoigna de voir M. le Prince. Je fus, toute l'après-dînée, chez la reine ; elle enrageoit de voir toute la presse qui étoit dans sa chambre pour le voir arriver, et elle se plaignoit sans cesse du chaud ; mais la cause lui étoit plus fâcheuse à supporter que le chaud même. elle affecta néanmoins de paroître gaie, quoique personne ne le crût et ne se laissât tromper à cette apparence. MM. les princes arrivèrent. M. le Prince lui fit un compliment assez court ; M. le prince de Conti et M. de Longueville, ensuite ; puis ils se mirent à railler avec la reine et tout ce qui étoit là de gens, comme si M. le Prince eût été encore au Havre et M. le cardinal à Paris. Les rieurs étoient bien de notre côté, mais non pas de celui de cette pauvre reine, qui témoigna en cette occasion beaucoup de force et de vertu à supporter cette affliction, et à voir devant ses yeux les plus grands ennemis de M. le cardinal triomphants de sa perte.

MM. les princes allèrent, en sortant de chez la reine, souper à Luxembourg, avec Son Altesse royale ; ils vinrent dans la chambre de Madame, où j'étois, où, après l'avoir saluée, ils vinrent à moi et me firent mille compliments ; et M. le Prince me témoigna en particulier avoir été bien aise, lorsque Guitaut l'avoit assuré du repentir que j'avois d'avoir eu tant d'aversion pour lui. Les compliments finis, nous nous avouâmes l'aversion que nous avions eue l'un pour l'autre : il me confessa avoir été ravi, lorsque j'avois eu la petite vérole, avoir souhaité avec passion que j'en fusse marquée, et qu'il m'en restât quelque difformité, et qu'enfin rien ne se pouvoit ajouter à la haine qu'il avoit pour moi. Je lui avouai n'avoir jamais eu joie pareille à celle de sa prison ; que j'avois fort souhaité que cela arrivât, et que je ne pouvois songer à lui que pour lui souhaiter du mal. Cet éclaircissement dura assez longtemps, réjouit fort la compagnie, et finit par beaucoup d'assurances d'amitié de part et d'autre. Je lui demandai pourquoi il n'avoit point envoyé savoir de mes nouvelles pendant que j'avois eu la petite vérole ; il me dit que je m'étois offerte à M. le cardinal contre lui, dans un démêlé qu'il avoit eu avec lui l'année de la guerre de Paris, au retour de Compiègne, quand il voulut que l'on tînt la parole que l'on avoit donnée à M. de Longueville de lui donner le Pont-de-l'Arche. Cela fit une grande rumeur à la cour ; l'on le lui donna à la fin, et M. le cardinal faisoit toujours ainsi : il promettoit légèrement, et quand il en falloit venir à l'exécution, il faisoit des querelles pour s'en débarrasser ; et après, quand il étoit bien pressé, il le donnoit, mais d'une manière qu'on ne lui étoit point obligé. J'avouai à M. le Prince que j'avois eu tort encore plus qu'il ne le croyoit, parce que j'avois prié Monsieur, quasi à genoux, de prendre la protection de M. le cardinal et de le pousser à bout. M. le prince de Conti s'approcha ensuite, et je l'assurai que pour lui je n'avois pas eu de joie de sa prison, et que j'en avois été fâchée ; dont il me remercia fort.

M. le Prince nous conta comme M. le cardinal étoit arrivé au Havre, et qu'en le saluant il s'étoit quasi mis à genoux devant lui ; qu'il avoit fait tout son possible pour le persuader qu'il n'avoit point de part à sa prison, et que ç'avoient été Monsieur et les frondeurs ; mais qu'à sa sortie ils n'avoient nulle part, et que leurs Majestés l'avoient accordée à ses très-humbles prières. Je ne sais s'il le crut : au moins ne le témoigna-t-il pas par son discours. Ils dînèrent ensemble ; M. le prince dit que M. le cardinal n'étoit pas si en humeur de rire que lui, et qu'il étoit fort embarrassé. Après dîner, ils se séparèrent ; car la liberté de sortir avoit eu plus de charmes pour M. le Prince que la compagnie de M. le cardinal. Il dit qu'il sentit une merveilleuse joie de se voir hors du Havre, l'épée au côté. Il peut aimer à la porter ; car il s'en sert assez bien. En sortant, il se tourna vers Son Éminence, et lui dit : « Adieu, Monsieur le cardinal Mazarin, » qui lui baisa la botte.10

Saujon revint d'Allemagne en ce temps-là, auquel je ne dis pas un seul mot de son voyage, comme je me repentois d'avoir consenti qu'il l'eût fait, et que je ne me souciois plus du sujet pour lequel il étoit allé, l'affaire étant absolument manquée. L'empereur étant accordé à la princesse de Mantoue,11 je ne songeai plus à cette affaire qu'avec beaucoup de regret, pour l'avoir trop affectionnée. C'est comme je l'ai déjà dit, le vilain endroit de ma vie ; et je puis dire sans vanité que Dieu, qui est juste, n'a pas voulu donner une femme, telle que moi, à un homme qui ne me méritoit pas.

Monsieur et M. le Prince vécurent toujours en très-grande union, et avec la reine bien en apparence. L'on parla peu de temps après du mariage de M. le prince de Conti avec mademoiselle de Chevreuse : c'étoit une affaire que l'on disoit avoir été résolue pendant la prison de M. le Prince, et le moyen par lequel on avoit réuni cette cabale12 aux intérêts de M. le Prince.13 Ce mariage fit grand bruit, et l'on envoya des courriers à Rome pour la dispense. M. le prince de Conti ne bougeoit de l'hôtel de Chevreuse ;14 M. le Prince y alloit souvent. L'on demanda en même temps à Rome la dispense pour que M. le duc d'Enghien pût tenir les bénéfices, que quittoit M. le prince de Conti, étant fort considérables.

Madame de Longueville revint de Stenay ;15 madame de Chevreuse alla au-devant d'elle, et faisoit l'honneur de son logis à ceux qui l'alloient voir. J'y fus dès le soir qu'elle arriva ; nous nous fîmes des amitiés non pareilles, et parlâmes fort du passé aussi bien que j'avois fait avec M. son frère, mais avec moins de vérité dans les protestations d'amitié, au moins de mon côté ; car je n'en avois pas beaucoup pour elle. Dès ce jour-là nous fîmes mille parties de nous divertir et de nous voir souvent, et toutes deux en dessein de n'en rien faire, n'étant pas trop de pareille humeur. Madame la Princesse revint de Montrond peu de temps après.16 Je l'allai voir ; elle me parut ce jour-là plus habile qu'à l'ordinaire ; mais, à dire le vrai, j'y fus peu, et elle étoit si transportée de joie de voir beaucoup de monde chez elle, et que l'on en faisoit cas, que, n'étant pas dans son naturel, elle se surmontoit elle-même.

Il se passa une grande affaire à la cour la semaine de la Passion.17 Monsieur et M. le Prince furent dix jours sans voir le roi ni la reine ; l'on ôta les sceaux à M. de Châteauneuf, et l'on les donna à M. Molé, premier président du parlement de Paris. L'on rappela le chancelier qui étoit exilé, et M. de Chavigny, qui avoit été arrêté au bois de Vincennes après les barricades, et qui, depuis en être dehors, avoit été exilé en ses maisons. Il y eut beaucoup de changements et d'intrigues, sur lesquelles je ne dirai rien, non pas faute de m'en souvenir, puisqu'il y a si peu de temps que cela est passé, que je me contrarierois (contredirois), si je m'excusois par là, ayant souvent cité ma bonne mémoire18 ; mais parce qu'il y avoit des gens, que j'aime, qui ne trouveroient pas leurs places si avantageusement en ce lieu qu'ils feront ailleurs ; et, les choses où je trouverai que mes amis auront manqué, j'aime mieux n'en dire rien que de les blâmer. Enfin, Monsieur fut la dupe de toute cette affaire.

La disgrâce de M. de Châteauneuf, qui étoit fort ami de madame Chevreuse, fit craindre que le mariage ne se rompît, dans l'opinion commune que, quand le malheur tombe sur une cabale, tout suit, et bientôt après l'on vit l'effet de cette prévision ; car il fut rompu sur les articles.19 Jamais M. le prince de Conti ne témoigna être si gai.

Madame la Princesse fut grièvement malade d'un érésipèle à la tête qui lui rentra, et qui fit dire à beaucoup de gens que, si elle mouroit, je pourrois bien épouser M. le Prince. Cela vint jusqu'à moi, j'y rêvai : et le soir, en me promenant dans ma chambre avec Préfontaine, je raisonnai avec lui là-dessus. Je trouvois la chose faisable, par la grande union qui étoit entre Monsieur et lui, et par l'aversion que la reine avoit pour Monsieur, qui rendoit le mariage du roi impossible. Ainsi je trouvois que les grandes qualités de M. le Prince, le mérite qu'il s'étoit acquis par ses grandes actions, lui donnoient tout ce qui lui eût pu manquer ; car, pour la naissance, nous sommes de même sang. Je songeois aussi que la cour ne consentiroit point à l'union de nos deux maisons (je dis de nos deux branches, puisque nous sommes de même nom), parce que, [par] les grands établissements de Monsieur et ceux de M. le Prince, Monsieur, et ce qu'il étoit dans l'État, soutenu et poussé par M. le Prince, seroit bien redoutable. Les trois jours que son extrémité [de madame la Princesse] dura, ce fut le sujet de mon entretien avec Préfontaine ; je n'en eusse point parlé à d'autres. Nous agitions toutes ces questions, et ce qui m'en donnoit sujet, outre ce que j'en entendois dire, c'est que [M. le Prince] me venoit voir tous les jours ; mais sa guérison [de madame la Princesse] fit finir ce chapitre à l'instant, et l'on n'y pensa plus.

Je fis un voyage de deux ou trois jours à Limours20 avec Son Altesse royale,21 et j'y menai avec moi la plus agréable compagnie et la plus belle qui étoit quasi toujours avec moi. C'étoit madame de Frontenac et mesdemoiselles de La Loupe,22 toutes trois jolies et spirituelles ; nous ne faisions que danser et nous promener à pied et à cheval. Je fus plusieurs fois cette même année au Bois-le-Vicomte. Remecourt, fille d'honneur de Madame, y venoit : elle étoit bouffonne, et son esprit étoit tout à fait tourné à la raillerie ; elle aimoit le monde, et si [cependant] elle le quitta bientôt ; car peu de temps après elle s'alla rendre carmélite au grand couvent à Paris. Pour partir du même lieu que madame de Saujon, elle ne fit pas de même ; car elle y est demeurée la meilleure religieuse qui se puisse.

Le parlement s'assembloit et décrétoit contre Bartet23 et l'abbé Fouquet,24 ambassadeurs ordinaires de M. le cardinal vers la reine.25 Siron en étoit aussi. M. de Mercœur déclara un jour en plein parlement son mariage avec mademoiselle de Mancini, mais de la plus sotte manière du monde,26 et telle que je ne m'en suis pas souvenue, n'étant pas tournée d'un ridicule plaisant. Tout ce que l'on peut dire de son mariage, c'est qu'il n'étoit pas intéressé ; car il l'épousa dans le fort des malheurs de M. le cardinal.

M. le Prince fit arrêter auprès de Chantilly un valet de chambre de M. le cardinal, qui venoit d'auprès de lui, chargé de quantité de lettres pour la cour. Il le fit mettre entre les mains du parlement ; ensuite il fut mené à la Conciergerie. Ses lettres ne furent point lues : l'on porta ce respect aux personnes à qui elles s'adressoient, et ce même respect empêcha que l'on ne poussât cette affaire plus avant. Après que ce valet de chambre eut été quelque temps dans la Conciergerie, la reine le fit sortir. Ensuite M. le Prince ayant eu un grand soupçon d'une conférence qui s'étoit faite chez M. de Montrésor, où étoient le coadjuteur, M. Servien et de Lyonne, l'on lui donna avis que l'on le vouloit arrêter, de sorte qu'il s'en alla la nuit à Saint-Maur, qui n'est qu'à trois lieues de Paris.27

Cela surprit assez la cour : l'on négocia pour le faire revenir, et Monsieur, qui étoit toujours fort bien avec lui, s'en entremit. Il [le prince de Condé] envoya un gentilhomme au parlement, que M. le prince de Conti présenta à la compagnie,28 à laquelle il donna une lettre de M. le Prince, par où il donnoit avis au parlement qu'il s'étoit éloigné de la cour, ne s'y croyant pas en sûreté, tant que MM. Servien, Le Tellier et Lyonne seroient auprès de la reine, étant des créatures de M. le cardinal. Le parlement députa vers le roi, pour le supplier de vouloir rappeler M. le Prince auprès de lui, et pour cela ôter tous les empêchements à son retour. La reine fut assez long-temps sans s'y pouvoir résoudre ; elle jetoit feu et flamme, disant incessamment qu'elle n'éloigneroit point les trois personnes que l'on demandoit. Néanmoins elle le fit, et M. le Prince revint à Paris, où il fut quelque temps sans voir le roi ni la reine ; ce qui étonnoit fort tout le monde. Le roi s'alloit baigner tous les jours, et revenoit par le Cours, où il rencontra un jour M. le Prince.29 La reine trouva fort mauvais de ce qu'il se présentât en des lieux où étoit le roi, n'allant point chez lui. Enfin Monsieur l'y mena une fois.

Peu après Monsieur s'en alla à Limours pour quelque léger mécontentement30 ; mais il ne dura guère. M. le Prince s'employa pour le faire revenir. Je me souviens que la reine me commanda d'aller à Limours ; même elle me prêta son carrosse et ses petits chevaux isabelles pour me servir de relais, afin que je ne perdisse pas un jour d'aller au Cours ; et en revenant, je trouvai le président Molé31 dans un carrosse de M. le Prince, qui y alloit ; et Monsieur revint ensuite.

La princesse palatine abandonna M. le Prince sans aucun sujet ; elle en prit le prétexte sur ce qu'il avoit manqué d'aller au Palais un jour que l'on jugeoit un procès pour elle. Véritablement il y avoit huit jours qu'il y alloit tous les matins à cinq heures. Ce qui l'empêcha de se trouver au jugement, c'est qu'il avoit la fièvre et avoit été saigné deux fois. Elle prit cela pour une mauvaise excuse, et s'attacha tout à fait à la reine et à M. le cardinal. Bartet étoit résident du roi de Pologne, son beau-frère,32 et fort bien avec elle. Madame de Choisy avoit grand commerce avec eux, ayant toujours été servante de la reine de Pologne. La palatine alloit souvent à son logis, son humeur étant propre à toutes sortes de divertissements.

Madame de Choisy me vint trouver un jour, et me dit qu'elle avoit une chose considérable à me dire. J'entrai dans mon cabinet, elle commença : « Je viens faire votre fortune. » Je lui dis : « Ce discours est assez bizarre à faire à une personne comme moi, mais non pas venant de madame de Choisy.33 » Je l'écoutai, mais je ris un peu à ce commencement de discours sérieux. Elle poursuivit : « C'est que Bartet, qui, vous savez, m'honore à cause de ma reine de Pologne, et qui, pour l'amour d'elle, me voit souvent, me dit hier : « Qu'est-ce que votre Mademoiselle ? En pourroit-on faire quelque chose ? » « Je lui répondis que vous étiez une fort honnête personne, et plus habile que l'on ne pensoit. » Il s'écria : « Je la veux faire reine de France. » Je lui répondis : « Si vous le faites, je [vous] promets le Bois-le-Vicomte. » Je l'écoutois avec beaucoup d'attention, et je n'avois garde de l'interrompre. Elle poursuivit : « Vous savez que ces sortes de gens sont les patrons de la cour ; qu'ils font tout faire au cardinal ; et lui est le maître de l'esprit de la reine : ainsi j'ai bonne opinion de l'affaire. »

A cinq ou six jours de là elle me revint voir, et me dit : « La princesse palatine, qui est incomparablement plus habile et plus puissante que Bartet, se veut mêler de votre affaire ; mais elle est gueuse : ainsi il faut que vous lui promettiez trois cent mille écus, si elle la fait réussir. » Je disois oui à tout. « Et moi, je veux que [mon] mari soit votre chancelier. Nous passerons si bien le temps ; car la palatine sera votre surintendante, avec vingt mille écus d'appointements. Elle vendra toutes les charges de votre maison ; ainsi jugez de l'infaillibilité de votre affaire par le grand intérêt qu'elle y aura. Nous aurons tous les jours la comédie au Louvre ; elle gouvernera le roi. » L'on peut juger quel charme c'étoit pour moi de me proposer une telle dépendance, comme le plus grand plaisir du monde. « Le roi, [dit-elle ensuite], sera majeur dans quinze jours ; huit après, vous serez mariés. » Quoique je ne sois point de trop facile créance, je ne savois qu'en croire. Elle ajoutoit : « a palatine allant proposer cette affaire à Monsieur, et le retour du cardinal en même temps, il accordera le dernier, par la joie qu'il aura de l'autre. » J'en doutois, connoissant l'engagement de Monsieur au contraire, et le peu de considération et d'amitié qu'il m'avoit toujours paru avoir pour moi, lorsqu'il s'étoit agi de quelque établissement. Quand je le lui dis, elle me répondit : « Il faudroit qu'il fût fou pour n'accorder pas le retour du cardinal à cette condition ; et, quand il ne l'accorderoit pas, la palatine, de qui tout l'intérêt est en votre affaire, persuadera au cardinal qu'elle lui est nécessaire ; et il le croira. » Je ne la croyois point. Bartet proposa à madame de Choisy de me venir voir un soir en cachette, et qu'il voyoit bien la reine de même façon ; je ne le voulus point absolument.

M. le Prince s'en alla à Chantilly quelques jours avant la majorité du roi,34 puis à Trie voir M. de Longueville, et de là à Saint-Maur. Madame la Princesse et madame de Longueville étoient, il y avoit quelques mois, à Montrond. M. le Prince ne vint point à la cérémonie de la majorité du roi.35 J'allai le voir passer à l'hôtel de Schomberg, et ensuite au palais, dans la lanterne ; je menai avec moi la reine d'Angleterre, qui étoit inconnue. La princesse palatine y vint aussi ; elle me parla de l'affaire de madame de Choisy, comme si elle eût dû être achevée dans deux jours. Avant la majorité, l'on fut se promener sept ou huit fois, et j'allois à cheval avec le roi ; madame de Frontenac m'y suivoit. Le roi paroissoit prendre grand plaisir à être avec nous, et tel que la reine crut qu'il étoit amoureux de madame de Frontenac, et là-dessus rompit les parties, qui étoient faits ; ce qui fâcha le roi au dernier point. Comme l'on ne lui en disoit pas la cause, il offrit à la reine cent pistoles pour les pauvres toutes les fois qu'elle iroit promener, croyant que ce motif de charité surmonteroit sa paresse ; ce qu'il croyoit qui la faisoit agir. Quand il vit qu'elle refusoit cette offre, il dit : « Quand je serai le maître, j'irai où je voudrai, et je le serait bientôt ; » et s'en alla. La reine pleura fort et lui aussi ; l'on les raccommoda. La reine lui défendit de parler à madame de Frontenac, lui disant qu'elle étoit parente de M. de Chavigny, qui étoit ami de M. le Prince. Je crois que la plus véritable raison de cette défense étoit dans la crainte que le roi ne s'accoutumât trop avec moi, et qu'avec le temps, soit par ce que lui diroit madame de Frontenac, ou par l'habitude, il ne vînt à m'aimer, et m'aimant, ne connût que j'étois le meilleur parti de tous ceux que l'on lui pouvoit donner, hors l'infante d'Espagne.

Madame de Choisy me vint conter tout ce qui s'étoit passé entre la reine et le roi, Bartet le lui ayant dit, afin que je ne parlasse plus de promenades, de crainte de déplaire à la reine. L'on ne laissa pas d'aller encore une fois se promener à cheval ; mais le roi n'approcha ni de madame de Frontenac ni de moi, et baissoit toujours les yeux en passant devant nous. Je vous avoue que je fus fort fâchée de cela ; car je faisois plus de fondement sur la manière avec laquelle le roi en useroit avec moi, et le plaisir qu'il prenoit à ma compagnie, qu'à la négociation de madame de Choisy ; et cette voie d'être reine m'auroit beaucoup plus plu que l'autre.

L'on ôta les sceaux pour la seconde fois à M. le chancelier,36 et l'on y remit de même M. le premier président ; l'on éloigna le chancelier.37 L'on mit aussi M. de La Vieuville surintendant. Monsieur le trouva mauvais et fut quelques jours sans voir la reine, et alloit tous les jours chez le roi. Enfin le roi l'y mena ; il ne vouloit plus aller au conseil. Pour moi, j'étois ravie, quand Monsieur se mutinoit avec la cour, dans l'espérance que cela le rendroit plus considérable ; mais ce ravissement duroit peu ; car il étoit aussitôt adouci.38 Je n'étois point fâchée de voir M. de La Vieuville surintendant, parce que c'étoit une marque de l'autorité de la palatine. Ce qui me faisoit croire qu'elle en pouvoit donner d'autres. M. de La Vieuville lui avoit donné beaucoup d'argent, et de plus, le chevalier son fils39 étoit son galant, de sorte que l'on peut dire que deux passions l'avoient fait surintendant.

Il ne se passa guère autre choses, les dix jours après la majorité que le roi demeura à Paris, d'où il alla droit à Bourges.40 La tour tint quelque temps, et, comme elle fut prête à se rendre, madame de Longueville, qui étoit restée à Montrond depuis le départ de madame la Princesse pour Bordeaux, se sauva avec M. le prince de Conti, M. de Nemours et beaucoup d'autres personnes considérables de leur parti. La cour ayant pris la tour de Bourges, la fit abattre, et s'en alla à Poitiers,41 pendant que l'armée, commandée par M. le comte d'Harcourt, composée des meilleures troupes du roi, étoit opposée à une poignée de nouvelle millices, à la tête desquelles étoit M. le Prince. Ils se battirent plusieurs fois sans pertes considérables ; ils prenoient et reprenoient des ponts sur la Charente, des villes, et tout autre que M. le Prince auroit été défait la première fois par le comte d'Harcourt, qui est le plus heureux et le plus brave homme du monde. Mais, à dire le vrai, M. le Prince est aussi heureux que lui et incomparablement plus grand capitaine.

M. de Gaucourt étoit demeuré auprès de Monsieur pour y ménager les intérêts de M. le Prince, où il souhaitoit fort d'engager Monsieur à se déclarer ouvertement. J'avois oublié de dire que le roi d'Angleterre passa par la France, en revenant des îles de Jersey, pour s'en aller en Écosse, et que la reine, sa mère, l'alla voir à Beauvais. A son retour, elle me dit : « le roi, mon fils, est incorrigible : il vous aime plus que jamais ; je l'ai fort grondé ; » et souvent elle me parloit de lui. Il avoit mis sur pied une armée considérable, qui étoit entrée en Angleterre ; il donna bataille. Elle [son armée] étoit plus forte deux fois que celle de ses ennemis ; mais, par je ne sais quel malheur qui l'accompagne en toutes choses jusqu'à cette heure, après avoir fait les plus belles actions qui se pussent faire, il fut défait à plate couture et contraint de se sauver.42 La nouvelle de ce désastre arriva à Paris à la reine, sa mère, que tout le monde alla consoler ; et, ce qui augmentoit davantage sa douleur, c'est qu'elle ne savoit s'il étoit mort ou prisonnier. Cette inquiétude ne lui dura pas longtemps : elle apprit qu'il étoit à Rouen43 et qu'il venoit à Paris ; elle alla au-devant de lui. Il y avoit quelque temps que je n'avois sorti, ayant une fluxion au visage. Je crus qu'en cette occasion je ne pouvois m'en dispenser ; c'est pourquoi j'allai le lendemain soir chez la reine d'Angleterre, sans être coiffée. Elle me dit : « Vous trouverez mon fils bien ridicule ; car, pour se sauver, il a coupé ses cheveux, et a un habit fort extraordinaire. » Dans ce moment il entra. Je le trouvai fort bien fait et de beaucoup meilleure mine qu'il n'étoit devant son départ, quoiqu'il eût les cheveux courts et beaucoup de barbe, deux choses qui changent les gens. Je trouvai qu'il parloit fort bien françois.

Il nous conta comme, après avoir perdu la bataille, il repassa avec quarante ou cinquante cavaliers au travers de l'armée ennemie et de la ville, au delà de laquelle s'étoit donné le combat, et qu'après cela il les avoit tous congédiés, et étoit demeuré seul avec le milord Wilmot ;44 qu'il avoit été longtemps sur un arbre, ensuite dans la maison d'un paysan, où il avoit coupé ses cheveux ; qu'un gentilhomme, l'ayant connu sur le chemin, l'avoit mené chez lui, où il avoit séjourné, et qu'il avoit été à Londres, avec la sœur de ce gentilhomme en croupe derrière lui ; qu'il y avoit couché une nuit, et avoit dormi dix heures avec la dernière tranquillité ; qu'il s'étoit mis dans un bateau à Londres pour aller jusqu'au port, où il s'embarqua, et que le capitaine du vaisseau l'avoit connu. Ainsi il arriva à Dieppe.

Il me vint conduire jusqu'à mon logis par cette galerie, dont j'ai parlé au commencement de ces Mémoires, qui va du Louvre aux Tuileries, et le long du chemin il ne me parla que de la misérable vie qu'il avoit menée en Écosse ; qu'il n'y avoit pas une femme ; que les gens y étoient si rustres, qu'ils croyoient que c'étoit un péché d'entendre des violons, et qu'il s'y étoit furieusement ennuyé ; que la perte de la bataille lui avoit été moins sensible dans l'espérance de venir en France, où il trouvait tant de charme en des personnes, pour qui il avoit beaucoup d'amitié. Il me demandai si l'on ne commenceroit pas bientôt à danser. Il me parut, par tout ce qu'il me disoit, être un amant timide et craintif, qui ne m'osoit dire tout ce qu'il pensoit pour moi, et qui aimoit mieux que je le crusse insensible à ses malheurs que de m'en ennuyer par le récit ; car, aux autres personnes, il ne parloit point de la joie qu'il avoit d'être en France, ni de son envie de danser. Il ne me déplut pas ; et vous le pouvez juger, par la favorable explication que j'ai donnée, à ce qu'il me dit en assez mauvais françois.

A la seconde visite qu'il me rendit, il me demanda en grâce de lui faire entendre une bande de violons, que j'avois, qui étoit fort bonne. Je les envoyai querir, et nous dansâmes ; et, comme cette fluxion dont j'ai parlé m'obligea à garder le lit quasi tout l'hiver, il venoit tous les deux jours me voir, et nous dansions. Tout ce qu'il y avoit de jeunes et jolies personnes à Paris y venoient ; car il n'y avoit de cour à faire qu'à moi, la reine n'étant pas à Paris, et Madame ayant une santé si incertaine que cela l'empêche d'aimer à voir le monde ni aucuns plaisirs. Nos assemblées (elles étoient assez jolies pour les nommer ainsi) commençoient à cinq ou six heures et finissoient à neuf. La reine d'Angleterre y venoit souvent. Un soir elle me surprit et vint souper avec moi, et y amena le roi, son fils, et M. le duc d'York. Quoique mon ordinaire soit aussi bon que le sien, car les maisons royales sont toutes faites les unes comme les autres, je fus fâchée de ne lui avoir pas fait meilleure chère. Après souper, nous jouâmes à de petits jeux : ce qui fut cause que l'on prit résolution de continuer, et de partager le temps entre la danse et le jeu.

Le roi d'Angleterre faisoit toutes les mines, que l'on dit que font les amoureux. Il avoit de grandes déférences pour moi,, me regardoit sans cesse, et m'entretenoit tant qu'il pouvoit. Il me disoit des douceurs, à ce que m'ont dit les gens qui nous écoutoient, et parloit si bien françois, en tenant ces propos-là, qu'il n'y a personne qui ne doive convenir que l'amour étoit plutôt françois que de toute autre nation. Car, quand le roi parloit sa langue [la langue de l'Amour], il oublioit la sienne, et n'en perdoit l'accent qu'avec moi ; car les autres ne l'entendoient pas si bien.

Comme la princesse palatine fut prête à partir pour Poitiers, elle désira de me voir, mais non pas chez moi.45 Je fus longtemps à songer comment cela se pourroit faire : je n'avois que les fêtes et dimanches. J'allois à la messe aux Feuillants par le jardin des Tuileries : [je n'imaginai] que, si je la rencontrois comme par hasard, je l'accosterois et que nous parlerions ensemble. Je la trouvai donc, ainsi qu'il avoit été résolu.46 Nous eûmes une longue conversation, dans laquelle elle me promit beaucoup de choses, dont elle me voulut persuader la vérité par la force de son raisonnement : à quoi j'avois assez de peine à ajouter foi. Elle me parla fort du roi d'Angleterre, de qui son mari est cousin germain, et qui, par cette raison, s'il avoit que, dans le temps qu'il travaille à une affaire si importante pour lui, elle travailloit contre, il lui en voudroit beaucoup de mal.47 Madame de Choisy arriva là-dessus, qui dit : « Il ne faut point absolument que Mademoiselle voie si souvent le roi d'Angleterre ; car cela fera un fort mauvais effet à la cour. » La princesse palatine dit que cela seroit ridicule, et que je devois vivre avec lui à mon ordinaire. En ce temps-là j'écrivois quelquefois à la reine, qui me faisoit réponse. J'écrivis aussi à M. le chevalier de Guise, mon oncle,, avec beaucoup de zèle pour la cour, croyant que l'on ouvroit les lettres à la poste, comme j'avois vu que l'on avoit fait au voyage de Bordeaux, et qu'ainsi on verroit les bonnes intentions que j'avois, et que l'on m'en sauroit gré.

Madame de Châtillon étoit à Paris, laquelle avoit eu toute sa vie peu de commerce avec moi, à cause de l'attachement qu'elle avoit à feu madame la Princesse, ayant l'honneur d'être sa parente. Elle désira d'en avoir ; et [le] dit à la marquise de Mouy, femme du premier écuyer de Monsieur, et qui me voyoit souvent, étant très-aimable par sa personne et par son esprit, et [la] pria de savoir de moi, si je trouverois bon qu'elle me fit sa cour avec assiduité. Comme c'est une femme de grande qualité et beauté, et de bonne compagnie, j'en fus fort aise ; je désirois cela, je crois, par le cas qu'elle faisoit de moi. Mais je pense qu'elle étoit bien aise aussi d'être de quelque chose, parce que l'on s'ennuie, bien quand l'on n'est de rien. M. de Nemours étoit, de ses adorateurs, le plus considérable ; et, comme il étoit à Bordeaux, elle n'en avoit point, de sorte que je crois que cela l'ennuyoit, et qu'elle croyoit que le roi d'Angleterre lui échapperoit mal aisément quand elle voudroit lui plaire, ne jugeant pas que les sentiments, qu'il avoit pour moi, l'en pussent empêcher, puisqu'en cela il n'avoit de but que de se marier à un parti avantageux. Elle venoit souvent à nos divertissements et me faisoit mille flatteries (car c'est la plus flatteuse personne du monde), et tâchoit fort à me persuader l'attachement qu'elle avoit pour moi.

Pendant que toutes ces choses se passoient, la reine d'Angleterre me parla un jour du mariage de son fils avec moi, et me dit que la manière dont son fils et elle avoient toujours vécu avec moi ne leur permettoit pas d'en parler à Monsieur, sans savoir si je l'avois agréable ; qu'en un temps où il auroit été plus heureux, il eût fait la proposition à Monsieur, sans me le demander, se persuadant qu'il n'y avoit rien en sa personne qui me déplût ; mais que maintenant qu'il y avoit tant à dire à sa fortune, si je voulois de lui, il vouloit tenir cela de ma pure générosité, et point de Monsieur. Je lui répondis que l'état, où j'étois, étoit si heureux, que je ne songeois point du tout à me marier ; que j'étois contente du rang que j'avois et du bien que je possédois ; que, n'ayant rien à désirer, j'aurois peine à me marier ; que je recevois avec tout le respect que je devois cette proposition ; mais que je lui demandois du temps à y songer. Elle me dit qu'elle me donnoit huit jours ; qu'elle me prioit de considérer que, me mariant, je serois toujours maîtresse de mon bien ; que le roi, son fils, vivroit, lui et son train, des deux cent mille écus, qu'il tiroit encore tant d'Angleterre que de la pension que le roi lui donnoit ; que je serois reine plus que je n'étois, et que je serois la plus heureuse personne du monde par la tendresse et l'amitié, que le roi, son fils, auroit pour moi ; qu'il y avoit plusieurs princes en Allemagne, qui lui promettoient de grands secours ; qu'il avoit une grande faction en Angleterre, et que, lorsqu'on verroit qu'il auroit pris une aussi considérable alliance, cela lui serviroit beaucoup ; que cela étant et ayant tous les secours qu'il espéroit, il seroit promptement rétabli en ses États. Notre conversation finit ainsi.

Le roi d'Angleterre me disoit souvent : « La reine a grande impatience de vous voir. » Et moi je ne me hâtois pas de lui faire réponse ; car je ne savois que lui répondre. Elle me vint voir un jour, et me dit : « Ma nièce, j'ai su qu'il y avoit eu quelque [espérance] pour vous d'épouser le roi, et qu'il y a une négociation en campagne pour cela. Je vous assure que mon fils et moi ne prétendons point la traverser, et que nous vous faisons justice, en jugeant que vous devez mieux aimer être reine de France que d'Angleterre. C'est pourquoi nous ne vous presserons point ; mais promettez-nous que, si la chose manquoit, notre affaire se fera. » Je lui dis que je ne savois ce qu'elle vouloit dire ; que je n'en avois jamais ouï parler ; que, pour marque de cela, je consentois qu'elle parlât à Monsieur. Je ne croyois pas trop m'engager : car je savois que Monsieur n'en avoit point d'envie ; je ne sais si c'étoit parce que l'état, où étoit le roi d'Angleterre, ne devoit pas l'y faire consentir, ou l'aversion qu'il a toujours eue à me voir établie.

Le milord Germin, qui est ministre de la reine d'Angleterre et du roi, son fils, me venoit voir souvent, et raisonnoit fort avec moi sur cette affaire. Elle l'envoya peu de jours après me dire qu'elle s'en alloit à Luxembourg, pour parler à Son Altesse Royale : à quoi je consentis, comme j'avois déjà fait ; et cela me parut fort civil de n'y avoir pas voulu aller, sans me le demander. J'y allai aussi. La reine d'Angleterre parla à Son Altesse royale, qui me dit ce qu'elle lui avoit dit, et ce qu'il lui avoit répondu, qui étoit : que je n'étois pas à lui ; que j'étois à l'État et au roi ; et qu'ainsi, il falloit le consentement de Sa Majesté. Et qu'ensuite il lui avoit fait mille civilités sur l'honneur que le roi, son fils, et elle, me faisoient. Je lui témoignai être bien aise d'une réponse qui ne concluoit rien, parce qu'en l'état où étoit l'Angleterre, je n'aurois pas été heureuse d'en être la reine.

Comme je fus de retour à mon logis, le roi d'Angleterre y vint, et, comme il croyoit que du côté de la cour il n'y auroit aucun obstacle, il croyoit la chose faite. Il me témoigna la joie qu'il avoit de la favorable réponse que Monsieur avoit faite à la reine, sa mère : ce qui lui donnoit lieu de m'oser parler de son dessein ; que jusqu'à cette heure il s'étoit contenté d'en laisser parler à la reine, sa mère. Et sur cela, il me dit force belles choses, et, entre autres, qu'il auroit plus de désir que jamais de rentrer dans ses États, puisqu'il partageroit sa bonne fortune avec moi ; ce qui [la] lui rendroit plus agréable. Je lui répondis que, s'il n'y alloit, il seroit assez difficile qu'il parvînt à les ravoir sitôt. Il me répliqua : « Quoi ! dès que je vous aurai épousée, voulez-vous que je m'en aille ? » Je lui dis : « Oui, car si cela est, je serai plus obligée que je ne suis de prendre vos intérêts ; et ici je vous verrois avec douleur, dansant le tricotet48 et vous divertir, lorsque vous devriez être en lieu, ou de vous faire casser la tête, ou de vous remettre la couronne dessus, qui seroit indigne d'y être, si vous n'alliez querir à la point de votre épée et au péril de votre vie.49 » Madame d'Épernon, qui souhaitoit cette affaire avec passion, avoit beaucoup de joie ; car elle nous voyoit nous entretenir.

Je fus un peu malade : il me venoit voir et envoyoit savoir de mes nouvelles avec les derniers soins. Quoique je n'eusse point de hâte de la conclusion de l'affaire, je recommençai néanmoins les bals à l'ordinaire, après que je fus guérie. madame la comtesse de Fiesque la mère témoignoit grande amitié pour le roi d'Angleterre, et disoit qu'il falloit le faire catholique, et me prioit sans cesse de lui en parler. Je le fis une fois. Il me répondit qu'il feroit toutes choses pour moi ; mais que, pour me sacrifier sa conscience et son salut, il falloit aussi que je m'engageasse à l'affaire, dont il m'avoit tant parlé, et qu'à moins de cela il ne feroit rien. Madame la duchesse d'Aiguillon, nièce de feu M. le cardinal de Richelieu, fort dévote, mais pourtant fort de la cour, me pressoit horriblement de lui promettre de l'épouser, s'il se faisoit catholique ; que je le devois, et que je serois responsable devant Dieu du salut de son âme. Le milord Montaigu vint voir Madame la comtesse de Fiesque, pour chercher avec elle le biais pour m'engager en cette affaire d'une manière que je ne m'en pusse défendre ; et, comme je vis cela, je connus que de la l'on la souhaitoit, afin de ruiner Monsieur en toutes façons, lui donnant une alliance qui ne pouvoit être utile dans la conjoncture présente.

J'en parlai à Goulas à Luxembourg ; il me dit qu'il m'en viendroit entretenir à loisir un matin. Il y avoit eu une comédie chez moi ; le roi d'Angleterre y étoit venu ce jour-là, sans que je lui en eusse parlé, de sorte qu'il s'en plaignit. Je ne m'en souciai point : et cela fit qu'il fut quelques jours sans venir chez moi, pendant lesquels Germin me demanda audience. Je [la] lui donnai pour le lendemain au matin. Il arriva comme Goulas étoit dans mon cabinet ; il ne voulut point entrer et attendit. Goulas m'allégua le misérable état où je serois, si j'épousois le roi d'Angleterre ; et, quoique j'eusse de grands biens, je n'en avouez pas néanmoins assez pour subvenir une guerre telle qu'il falloit qu'il la fît, et, quand il auroit vendu tout mon bien, et qu'il n'auroit point reconquis son royaume, je mourrois de faim ; qu'il pouvoit mourir, et que, cela arrivant, je serois la plus misérable reine du monde ; que je serois à charge à Monsieur, au lieu de le pouvoir servir ; que je devois voir l'amitié, que l'on avoit pour moi à la cour, par cette proposition, et en faire ce qu'il me plairoit ; que les fréquentes visites du roi d'Angleterre, les respects et les déférences qu'il me rendoit étoient des galanteries à un roi, et que cette déclaration ouverte qu'il en faisoit pourroit faire un mauvais effet pour moi dans les pays étrangers, et empêcher tous les autres princes de songer à moi ; qu'ainsi je ne pouvois trop tôt rompre ce commerce.

Quelques jours auparavant la princesse palatine étoit partie pour aller à Poitiers, sur ce qu'on disoit que M. le cardinal y devoit bientôt arriver. Elle me voulut voir chez madame de Choisy, où j'allai ; elle me fit les mêmes discours qu'elle avoit accoutumé, et me dit que je devois faire mon possible, afin que le coadjuteur me rendit de bons offices auprès de Monsieur. Comme c'étoit un homme avec lequel je n'avois eu nul commerce depuis quelques années, quoiqu'il eût été de mes amis autrefois, mais, comme au voyage de Bordeaux j'avois un peu pesté contre lui avec la reine, il ne m'avoit pas vue depuis. Un conseiller de ses amis, nommé M. de Caumartin,50 m'avoit dit qu'il avoit beaucoup de zèle pour moi et de désir d'y être bien ; mais, comme ce n'étoit qu'un compliment, et qu'il rendoit de grands devoirs à Madame, avec qui je n'étois pas trop bien, je trouvois que d'établir beaucoup de commerce avec lui, cela me seroit difficile.

Monsieur me dit un jour : « Vous avez connu M. le coadjuteur autrefois : pourquoi ne vous voit-il plus ? » Je lui dis que je n'en savoir rien ; il me répliqua qu'il falloit nous raccommoder. Je lui dis que, s'il faisoit des avances pour cela, j'en serois bien aise ; mais qu'il ne me sembloit pas en devoir faire. Je le trouvai chez Madame : il vint à moi, et me dit : « Je vous supplie que j'aie l'honneur de vous parler. » Nous allâmes à une fenêtre, où nous eûmes un grand éclaircissement, duquel nous sortîmes bons amis. La palatine eut grande joie de savoir cela avant que de partir ; car, quoiqu'elle m'êut dit adieu, elle demeura encore quinze jours à Paris, pendant lesquels madame de Choisy vint me trouver pour me dire : « La palatine a affaire d'argent ; elle veut avoir deux cent mille écus. » Je lui dis que j'ordonnerois à mes gens de les trouver. Sur quoi elle répliqua : « La palatine ne veut pas que vos gens le sachent ; mais elle vous en fera trouver, et les sûretés de ceux qui vous les prêteront, parce que vous n'êtes pas en âge,51 afin qu'il n'y ait nulle difficulté. » Je n'en voulus rien faire, voyant bien qu'elle me vouloit prendre pour dupe ; et, comme ceci s'est passé avant la conversation du Goulas, je l'ai interrompue pour le mettre ici, comme une circonstance à n'être pas oubliée.

Après que Goulas fut sorti, Germin entra qui me dit : « Je n'ai garde de croire que nos affaires ne soient faites ; car M. Goulas est un fort bon solliciteur. » Je lui dis que le roi d'Angleterre m'avoit fait beaucoup d'honneur de me vouloir ; mais que les choses n'étant pas en état de se faire, je le suppliois de ne me pas venir voir si souvent, parce que tout le monde y trouvoit à redire, et que cela me faisoit tort. Il fut surpris de ce que je lui disois, et me dit toutes les choses possibles pour modérer cet arrêt ; mais j'en demeurai-là, et le roi d'Angleterre fut ensuite trois semaines sans me venir voir. Je crois que cela le fâcha et lui donna de l'ennui ; il n'avoit nul divertissement. L'on vit bien que le mien ne consistoit pas en l'honneur de sa conversation et de sa vue, mes assemblées continuant aussi fréquentes et plus belles que quand il y étoit, parce que force gens qui n'avoient pas l'honneur d'être connus de lui n'y osoient venir.

Madame d'Épernon bouda un peu de ce que j'avois fait un tel discours à Germin, sans lui en parler, et, comme elle ne savoit pas ce qui m'y avoit obligée, elle crut que j'avois tort. elle vint moins souvent me voir ; et les jours que l'on dansoit chez moi, le roi d'Angleterre alloit chez elle, où ils jouoient des bijoux et vouloient qu'on crût qu'ils se divertissoient fort bien sans moi : ce que ne croyois point, et surtout madame d'Épernon, m'apercevant fort de ne la pas voir si souvent ; car j'ai toujours eu tant de tendresse pour elle, que ses moindres froideurs m'inquiétoient. Aussi nous fûmes bientôt raccommodées, et je lui dis que j'avois su que, M. de Fienne disant dans le monde que j'aimois passionnément le roi d'Angleterre, et que le l'épouserois par amour, cela me déplut au dernier point. Je sus encore que milord Germin, tous les soirs chez madame Beringhen,52 en présence de beaucoup de monde, disoit quasi les mêmes choses, et y ajoutoit : « Nous retrancherons son train ; nous vendrons ses terres. » Cette manière d'empire que l'on prétendoit prendre sur moi ne me plut non plus que l'amour ; de sorte que sur cela je pris ma résolution. A la vérité, elle fut un peu brusque, mais c'est mon humeur.

L'on parla dans le même temps de marier mademoiselle de Longueville au duc d'York. Il l'alloit souvent visiter, et la chose étant quasi comme faite, je témoignai au roi [et] à la reine d'Angleterre, que je ne croyois pas que ce fût leur avantage, cinquante mille écus de rente n'étant pas un somme assez considérable pour faire subsister M. le duc d'York avec une femme et des enfants, quand ils en auroient. Ils jugeoient, je crois, que je n'en avois pas envie ; je ne sais si ce fut cette raison ou bien celle de leurs intérêts, qui y étoit assez grande, qui rompit l'affaire.

La première fois que je vis la reine d'Angleterre après la conversation de Germin, elle me fit mille reproches ; et, comme son fils entra (il avoit toujours accoutumé de se mettre sur un siége devant moi), l'on lui apporta une grande chaise, où il se mit. Je crois qu'il crut me faire grand dépit, cela ne m'en fit nul.

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NOTES

1. Cette porte était située au bout de la terrasse des Tuileries, qui règne le long de la Seine ; elle fut abattue en 1739.

2. On a déjà indiqué plus haut le sens qu'on attachait à cette locution au XVIIe siècle. Un honnête homme était un homme de bonne naissance et bien élevé.

3. Phrase omise dans les anciennes éditions.

4. Godefroi, comte d'Estrades, gouverneur de Dunkerque, devint plus tard maréchal de France. Il a laissé des Mémoires.

5. La porte de Richelieu se trouvait à l'endroit où la rue Saint-Marc coupe la rue de Richelieu.

6. Le Pont-Rouge établissait communication entre le palais des tuileries et la rive gauche de la Seine. Il avait été construit en 1632 ; il fut détruit en 1684 et remplacé par le pont des Tuileries. On donnait aussi le nom de Pont-Rouge à un pont, qui conduisait de l'île Saint-Louis au cloître Notre-Dame. C'est évidemment du premier Pont-Rouge qu'il est question dans ce passage des Mémoires de Mademoiselle.

7. Des Ouches avait été premier écuyer de la princesse Marie de Gonzague, et fut plus tard capitaine de la garde suisse de Gascon d'Orléans. Il est question de M. Des Ouches dans les Lettres de Voiture (t. 1, p. 222, édit. Charpentier [1855]). On a eu tort, dans les anciennes éditions des Mémoires de Mademoiselle, d'en faire M. de Souches.

8. Membre de phrase omis depuis car pour les préoccupés.

9. Ce fut Mazarin lui-même qui mit les princes en liberté le 13 février 1651.

10. Voy. Délivrance des princes par Mazarin.

11. Éléonore, fille de Charles II, duc de Mantoue. Cette princesse mourut le 5 décembre 1686.

12. Il s'agit de la cabale des Frondeurs. Voy. les Mémoires du cardinal de Retz, à l'année 1651.

13. Membre de phrase omis dans les anciennes éditions.

14. L'hôtel de Chevreuse était situé rue Saint-Thomas du Louvre, comme l'hôtel de Rambouillet.

15. Le 14 mars 1651, d'après le Journal de Dubuisson d'Aubenay.

16. Le 18 mars. Ibid.

17. Ce fut, pendant la Semaine sainte, le mardi 4 avril 1651, que les sceaux furent enlevés à Châteauneuf et donnés à Mathieu Molé (Journal de Dubuisson-Aubenay). Voy. Changements survenus à la cour en avril 1651.

18. Membre de phrase omis depuis je me contrarierois.

19. Le mariage avait été rompu dès le 4 avril. Voy. les Mémoires du cardinal de Retz, à cette date.

20. Le manuscrit porte Limours et non Nemours, comme on l'a imprimé dans les anciennes éditions.

21. 3 mai 1651, départ du duc d'Orléans pour Limours. Journal de Dubuisson-Aubenay.

22. Les filles du baron de La Loupe étaient célèbres par leur beauté, et elles le devinrent plus tard par leurs galanteries. L'aînée fut la trop fameuse madame d'Olonne. Elle se maria en 1652. Loret écrivait, le 3 mars 1652 :

D'Olonne aspire à l'hyménée
De la belle Loupe l'aînée,
Et l'on croit que dans peu de jours
Ils jouiront de leurs amours.

La seconde demoiselle de La Loupe devint la maréchale de La Ferté. Saint-Simon donne des détails piquants sur la vieillesse et la mort des deux sœurs : « Elles étoient d'Angennes, d'une branche cadette éteinte en elles. Leur beauté et le débordement de leur vie fit grand bruit. Aucune femme, même des plus décriées pour la galanterie, n'osoit les voir ni paroître nulle part avec elles. On en étoit là alors ; la mode a bien changé depuis. Quand elles furent vieilles et que personne n'en voulut plus, elles tâchèrent de devenir dévotes. Elles logeoient ensemble, et un mercredi des Cendres elles s'en allèrent au sermon : ce sermon, qui fut sur le jeûne et sur la nécessité de faire pénitence, les effraya. « Ma sœur, se dirent-elles au retour ; mais c'est tout de bon ; il n'y a point de raillerie ; il faut faire pénitence, ou nous sommes perdues. Mais ma sœur, que ferons-nous ? » Après avoir bien pensé : « Ma sœur, dit madame d'Olonne, voici ce qu'il faut faire : faisons jeûner nos gens. » Elle étoit fort avare ; et, avec tout son esprit, car elle en avoit beaucoup, elle crut avoir très-bien rencontré. A la fin pourtant elle se mit tout de bon dans la piété et la pénitence, et mourut trois mois après sa sœur la maréchale de la Ferté. » Les deux sœurs moururent en 1714.

23. Voy. sur Bartet les Mémoires de Conrart, article intitulé Bartet, secrétaire du cabinet.

24. Basile Fouquet, frère de Nicolas Fouquet, qui devint surintendant des finances.

25. La séance du 21 juin 1651 fut une des plus orageuses.

26. Ce fut à la séance du 7 août que le duc de Mercœur avoua son mariage avec Laura Mancini.

27. « Jeudi 6 juillet 1651, à 2 heures du matin, les princes de Condé et de Conti, les princesses de Condé et duchesse de Longueville, s'en vont hors de Paris à Saint-Maur-des-Fossés. » Journal ms. de Dubuisson-Aubenay.

28. A la séance du 7 juillet 1651. Mademoiselle assista à plusieurs de ces séances au parlement. On lit dans le Journal ms. de Dubuisson-Aubenay, à la date du 11 juillet : « Mademoiselle d'Orléans y fut voir dans une lanterne (tribune du parlement), ayant la duchesse de Chevreuse avec elle, qui la mena même comme inconnue en son carrosse. »

29. Le 31 juillet 1651.

30. Le duc d'Orléans partit pour Limours le 27 août ; il en revint le 4 septembre.

31. Mathieu Molé, premier président du parlement de Paris.

32. Le roi de Pologne, qui était alors Jean Caspair, avait épousé Marie de Gonzague, sœur de la princesse palatine.

33. Le dernier membre de cette phrase est assez obscur ; il veut dire sans doute qu'un pareil discours ne pouvait être sérieux que parce qu'il venait de madame de Choisy.

34. Le prince de Condé partit le 6 septembre pour Chantilly.

35. La majorité du roi fut déclaré au parlement le 7 septembre 1651.

36. 8 septembre 1651.

37. D'après Dubuisson-Aubenay, qui était attachée au secrétaire d'État Duplessis-Guénégaud, et qui transmit au chancelier les ordres du roi, Séguier ne fut pas exilé : « Le sieur Duplessis a dit au dit sieur chancelier qu'il pourroit demeurer en cette ville, s'il vouloit, ou bien s'absenter pour deux ou trois jours, et puis revenir. »

38. Dubuisson-Aubenay parlant du mécontentement du duc d'Orléans, à la date du 9 septembre 1651, ajoute un détail qui peint le caractère de Mademoiselle, mais qui ne s'accorde pas entièrement avec le récit de cette princesse : « Mademoiselle, sa fille, est toujours fort affectionnée à la cour, à cause du mariage d'elle avec le roi, dont la reine et toute la cour lui donnent force espérance. » 

39. André de La Vieuville mourut l'année suivante, à l'âge de vingt-cinq ans, des blessures qu'il avait reçues au siége d'Étampes.

40. Le départ de Paris eut lieu le 27 septembre 1651. Le roi entra dans Bourges le 8 octobre.
 Les anciens éditions ont ajouté ici le passage suivant qui n'est pas dans le manuscrit autographe de Mademoiselle : « Quoique j'eusse accoutumé de suivre la reine à tous les voyages qu'elle faisoit, dans l'état où Monsieur étoit avec elle, ni l'un ni l'autre ne me disant rien, je ne me disposai à partir. Le soir, la reine me témoigna être fâchée que les affaires ne fussent pas de manière que je la pusse suivre. Ainsi je pris congé d'elle avec regret en ce moment-là, par la grande habitude que j'avois à la suivre. Un quart-d'heure après je n'y songeai plus ; j'étois étourdie de toutes les nouveautés qui plaisent aux François, et surtout aux jeunes personnes, qui ne font jamais de solides réflexions et qui ne conçoivent des espérances que sur des chimères. Voilà la véritable situation où j'étois. »

41. La cour quitta Bourges le 31 octobre et arriva à Poitiers dans les premiers jours de novembre.

42. Charles II et les Écossais furent vaincus, le 3 septembre 1651, à la bataille de Worcester.

43. Il aborda sur les côtes de Normandie le 17 octobre.

44. Henry Wilmot, comte de Rochester, mort en 1660. Son fils, John Wilmot, comte de Rochester, né en 1648, fut un des principaux courtisans de Charles II. Il est surtout connu par ses poésies satiriques. [Good gracious me ! "Satiriques" ? Perhaps he means "satyriques"...]

45. On voit par des lettres adressés à Mazarin, alors en exil, que l'on regardait Mademoiselle comme exerçant une grande influence dans la cour de Gaston. Un des agents du cardinal lui écrivait le 18 novembre 1651 : « Saujon a dit confidemment [au procureur du roi] ce qui se passe au cabinet de Son Altesse royale touchant V. Ém., qu'il croit néanmoins être une chose plus secrète qu'elle n'est : comme Madame désirant passionnément l'accommodement de son frère (le duc de Lorraine), désire le retour de V. Ém. et voudroit faire consentir M. le Prince à cette condition, et même qu'elle emploie madame de Saujon, sa sœur, pour résoudre à cela l'esprit de S.A.R. ; mais que Mademoiselle, qui veut la condition de son côté, ne porte pas madame de Saujon à avancer l'affaire, lui conseillant de demeurer dans la complaisance aux sentiments de S.A.R., qui témoigne d'en être éloigné après toutes les instances de Madame. » Par ces mots la condition de son côté, il faut entendre le mariage du roi avec Mademoiselle. Archives des affaires étrangères (France, t. CXXXV, pièce 117.)

46. Phrase omise dans les anciennes éditions.

47. Membre de phrase omis depuis s'il savoit jusqu'à beaucoup de mal.

48. C'est le mot que donne le manuscrit, et non le triolet, comme portent les anciennes éditions. Le tricotet était une danse d'un caractère vif et gai.

49. Les anciens éditeurs ont altéré ce passage, et mis en style indirect les dernières paroles que Mademoiselle adresse à Charles II.

50. Jacques Lefèvre de Caumartin, conseiller d'État, mort en 1667. C'est pour madame de Caumartin que le cardinal de Retz a écrit ses spirituels et peu véridiques mémoires.

51. C'est à ire vous n'êtes pas majeure.

52. Anne du Blé, fille de Jacques du Blé, marquis d'Uxelles, avait épousé, en 1646, Henri de Beringhen, premier écuyer du roi.

 

 


Mémoires de Mlle de Montpensier, Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe. Avec notes biographiques et historiques. Par A. Chéruel. Paris : Charpentier, 1858. T. I, Chap. IX : p. 296-333.


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